1ère Chambre
ARRÊT N°198/2023
N° RG 20/06027 - N° Portalis DBVL-V-B7E-REUQ
S.A.S. CIDRES BIGOUD
C/
UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE CIDRICOLE (UNICID)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JUILLET 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 février 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré annoncé au 10 mai 2023 à l'issue des débats
****
APPELANTE :
La S.A.S. CIDRES BIGOUD, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Quimper sous le n°405.205.642, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Frédéric COULON de la SCP BIGNON LEBRAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
L'UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE CIDRICOLE (UNICID), association loi de 1901, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mikaëlle LE GRAND de la SELARL CABINET GOURVES, D'ABOVILLE ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
Représentée par Me Valérie LEDOUX de la SELARL RACINE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
FAITS ET PROCÉDURE
L'association union nationale interprofessionnelle cidricole (l'UNICID) est une organisation interprofessionnelle agricole au sens des articles L632-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, reconnue comme telle par arrêté interministériel du 24 août 1998.
Elle regroupe les organisations professionnelles les plus représentatives du marché des produits cidricoles, comprenant :
-les producteurs de fruits à cidre, par le biais de la fédération nationale des producteurs de fruits à cidre (FNPFC),
-les transformateurs de fruits à cidre, par le biais du syndicat national des transformateurs cidricoles (SNTC).
Elle est composée de deux collèges, production et transformation, comptant chacun 12 délégués, chaque délégué étant désigné par son organisation syndicale.
Des accords interprofessionnels ont été conclus au sein de l'UNICID, dont les effets ont été étendus par arrêtés interministériels.
Des accords interprofessionnels ont notamment prévu le paiement par les professionnels de la filière de deux cotisations :
-l'une destinée au fonctionnement de l'UNICID, au financement de ses actions et au fonctionnement de l'institut technique des productions cidricoles (IFPC), assise sur les tonnages de fruits à cidres produits ou achetés ou sur les volumes de produits cidricoles vendus (cotisation de base paritaire),
-l'autre destinée à la promotion des cidres de consommation, assise sur le volume de cidres vendus en France (cotisation volontaire obligatoire).
Ces accords prévoient que le montant des cotisations est calculé à partir des déclarations, par les professionnels concernés, des éléments constitutifs de l'assiette de la cotisation. Des bordereaux de déclaration doivent être adressés par les professionnels, chaque année, à l'UNICID.
Par arrêt du 26 mars 2008, sur un recours de l'EURL Les cidres de la ville d'Ys, à la suite d'un jugement de sursis à statuer rendu le 30 novembre 2006 par le tribunal d'instance de Quimper, le Conseil d'Etat a déclaré illégal l'accord interprofessionnel du 18 décembre 2003 et l'arrêté interministériel d'extension du 16 février 2004.
Le 24 juin 2016 des producteurs indépendants de cidre, dont la société cidres Bigoud, ont fondé un nouveau syndicat professionnel, le syndicat des cidriers indépendants français (le CIF).
Le 23 mai 2017 le CIF a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande de nullité, pour abus de majorité, des décisions prises par l'UNICID au titre des cotisations dues pour les campagnes 2015 à 2017.
Par jugement du 5 janvier 2021 le tribunal judiciaire a débouté le CIF de l'intégralité de ses demandes. Une procédure d'appel est actuellement pendante devant la cour d'appel de Paris.
La société cidres Bigoud n'avait pas payé à l'UNICID ses cotisations dues pour les campagnes 2003/2004, 2004/2005, 2005/2006, 2006/2007 et 2007/2008, en application des accords interprofessionnels étendus des 16 septembre 2003, 29 juin 2004, 6 juillet 2005, 30 juin 2006 et 27 juin 2007.
Le 6 avril 2006 l'UNICID a engagé une action en paiement à son encontre devant le tribunal de grande instance de Quimper.
Le 15 avril 2009 la société cidres Bigoud a signé avec l'UNICID un protocole d'accord transactionnel, tenant compte de la décision du Conseil d'Etat du 26 mars 2008.
Ce protocole dispose, notamment':
«'Article 1er': L'EURL CIDRES BIGOUD s'engage, à compter de la campagne 2008/2009, et pour les campagnes suivantes, à :
-régler à bonne date les cotisations interprofessionnelles votées au sein de l'UNICID et étendues par voie d'arrêté,
-retourner à l'UNICID les bordereaux de déclaration que cette dernière lui fournit ainsi que le double des déclarations de sortie des cidres de consommation transmises au service des douanes et droits indirects.
Article 2': Sous réserve de la parfaite exécution du présent protocole, l'UNICID accepte de renoncer au bénéfice des cotisations dues par l'EURL CIDRES BIGOUD au titre des accords interprofessionnels étendus des 16 septembre 2003, 29 juin 2004, 6 juillet 2005, 30 juin 2006 et 27 juin 2007 (campagnes 2003/2004 à 2007/2008 incluses), et des intérêts échus et à échoir sur lesdites cotisations, et de se désister de l'instance en cours devant le tribunal de grande instance de Quimper.
Eu égard aux demandes reconventionnelles formées par l'EURL CIDRES BIGOUD, celle-ci s'engage à se désister de ladite instance.
En cas de non déclaration et/ou de non-paiement à bonne date des cotisations dues par l'EURL CIDRES BIGOUD conformément à l'article 1er de la présente, et après une mise en demeure restée infructueuse dans le mois de sa réception, le présent protocole sera caduc et l'UNICID reprendra son entière liberté d'action, y compris pour sa créance de cotisations au titre des accords visés au précédent paragraphe.'»
Le 19 février 2014 un accord interprofessionnel a été conclu, fixant le montant des cotisations dues pour les campagnes 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017.
Cet accord a été étendu par un arrêté interministériel du 26 septembre 2014, pour partie (à l'exception des alinéas 2 et 3 de l'article 5': «'Toute somme due et non réglée porte de plein droit intérêts au taux légal majoré de deux points à compter de sa date d'exigibilité. A défaut de déclaration de l'assujetti et après mise en demeure restée infructueuse au terme d'un délai d'un mois, l'UNICID, ... notamment le chiffre d'affaires et les déclarations antérieures'»).
A compter du mois de février 2016, la société cidres Bigoud n'a pas adressé à l'UNICID les bordereaux de déclaration sur ses ventes de cidre de la campagne 2015/2016 ( 2ème et 3ème trimestres) et les bordereaux sur les fruits pour la campagne 2015/2016 et n'a pas payé les cotisations afférentes.
Le 13 septembre 2016 l'UNICID lui a adressé un courrier recommandé de mise en demeure de retourner les bordereaux de déclaration complétés, ainsi que de payer les cotisations afférentes.
Le 10 novembre 2016, l'UNICID a assigné la société cidres Bigoud devant le tribunal judiciaire de Quimper en paiement des cotisations sur les ventes de cidre de la campagne 2015/2016 (2ème et 3ème trimestres) et les fruits pour la campagne 2015/2016.
Par ordonnance du 15 septembre 2017, le juge de la mise en état a prononcé un sursis à statuer dans l'attente du jugement à intervenir dans le cadre de la procédure engagée le 23 mai 2017 devant le tribunal de grande instance de Paris par le CIF à l'encontre de l'UNICID.
La procédure engagée le 10 novembre 2016 est toujours en cours devant le tribunal judiciaire de Quimper.
Se prévalant du manquement à ses obligations résultant du protocole transactionnel du 15 avril 2009, l'UNICID a, le 18 juillet 2018 assigné la société cidres Bigoud devant le tribunal de grande instance de Quimper en paiement des cotisations visées dans le protocole transactionnel.
Saisi par la société cidres Bigoud d'une demande de sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Paris statue dans le litige opposant le CIF à l'UNICID, le juge de la mise en état, par ordonnance du 5 avril 2019, a rejeté la demande.
Par arrêt du 4 février 2020 la cour d'appel de Rennes a confirmé cette décision.
Saisi par la société cidres Bigoud d'une demande de saisine du Conseil d'Etat de plusieurs questions préjudicielles relatives à la légalité de certains arrêtés interministériels d'extension et de sursis à statuer dans l'attente de la réponse du Conseil d'Etat, le juge de la mise en état, par ordonnance du 30 août 2019, a rejeté la demande.
Par jugement du 20 octobre 2020 le tribunal judiciaire de Quimper a':
-déclaré irrecevable la demande visant à voir dire et juger que l'arrêté interministériels du 26 septembre 2014 d'extension des accords interprofessionnels est illégal,
-constaté la caducité du protocole d'accord transactionnel du 15 avril 2009,
-déclaré recevable comme non prescrite l'action en recouvrement des cotisations interprofessionnelles dues pour les campagnes 2004/2005 à 2007/2008 incluses,
-rejeté les demandes reconventionnelles de la société cidres Bigoud,
-condamné la société cidres Bigoud à payer à l'UNICID la somme de 62 333,88 euros au titre des cotisations interprofessionnelles dues pour les campagnes 2004/2005 à 2007/2008 incluses,
-l'a condamnée aux dépens et à payer à l'UNICID la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire.
Le 9 décembre 2020 la société cidres Bigoud a fait appel de l'ensemble des chefs du jugement.
Elle expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 7 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de':
-infirmer le jugement,
-juger que le protocole transactionnel du 15 avril 2009 est atteint d'un vice de perpétuité,
-juger qu'il est nul,
-débouter l'UNICID de toutes ses demandes.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de':
-juger que le protocole transactionnel du 15 avril 2009 n'est pas caduc,
-juger qu'il n'a pas produit d'effet interruptif de prescription en raison de sa caducité,
-juger que l'action de l'UNICID en paiement des cotisations pour les campagnes 2003/2004 à 2007/2008 est prescrite depuis 2013,
-débouter l'UNICID de toutes ses demandes relatives au versement des cotisations interprofessionnelles pour les campagnes 2003/2004 à 2007/2008.
A titre très subsidiaire, elle demande à la cour de':
-juger que l'arrêté du 26 septembre 2017 est illégal,
-débouter l'UNICID de toutes ses demandes.
A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de':
-juger que l'UNICID n'établit pas le montant de sa créance,
-débouter l'UNICID de toutes ses demandes.
En tout état de cause, elle demande à la cour de'condamner l'UNICID aux entiers dépens et à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'UNICID expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 22 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de':
-confirmer le jugement,
-condamner la société cidres Bigoud à lui payer la somme de 44 889,88 euros au titre des cotisations interprofessionnelles pour les campagnes 2003/2004 à 2007/2008 incluses.
-débouter la société cidres Bigoud de toutes ses demandes,
-la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cours de délibéré, par une note du 12 juin 2023 la cour a sollicité les observations des parties sur la nécessité de transmettre ou non une question préjudicielle portant sur la légalité de l'arrêté interministériel du 26 septembre 2014.
La société cidres Bigoud a répondu, le 22 juin 2023, que la contestation sur la légalité des arrêtés interministériels présente un caractère sérieux et qu'une question préjudicielle à ce sujet doit être transmise au Conseil d'Etat.
L'UNICID a répondu, le 22 juin 2023, que les arguments développés à l'appui de l'allégation d'illégalité des arrêts ministériels ne présentent pas de caractère sérieux et qu'il n'y a pas lieu à question préjudicielle.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1) Sur la demande de nullité du protocole transactionnel du 15 avril 2009
La société cidres Bigoud soutient que le protocole transactionnel est nul au motif qu'il est entaché d'un vice de perpétuité.
Il ressort de la jurisprudence que nul ne peut être engagé sans limite de durée par un contrat ou pour une durée anormalement longue.
La société cidres Bigoud s'est engagée dans le protocole transactionnel à régler à bonne date les cotisations interprofessionnelles votées au sein de l'UNICID et étendues par voie d'arrêté, retourner à l'UNICID les bordereaux de déclaration que cette dernière lui fournit ainsi que le double des déclarations de sortie des cidres de consommation transmises au service des douanes et droits indirects.
Elle s'est engagée à compter de la campagne 2008/2009 et pour les campagnes suivantes. De fait, la durée de ses obligations n'est pas prévue dans le protocole transactionnel.
Mais les obligations qu'elle s'est engagée à respecter sont en réalité ses obligations légales, qui résultent de l'application des accords interprofessionnels et des arrêtés d'extension. Elles sont donc applicables tant que l'activité de la société cidres Bigoud relève de la réglementation applicable. Même si la société cidres Bigoud n'avait pas signé le protocole transactionnel elle était quand-même tenue de respecter les obligations mises à sa charge dans le protocole transactionnel, en ce qu'elles sont des obligations légales.
C'est donc à tort que la société cidres Bigoud soutient qu'elle s'est engagée de façon perpétuelle.
Au surplus, les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat et chacun des cocontractants peut y mettre fin à tout moment, en respectant le délai de préavis contractuel ou un délai de notification raisonnable (Com., 21 septembre 2022, 20-16.994).
La société cidres Bigoud soutient également que son engagement est nul parce qu'il l'empêche de contester l'application des cotisations échues à compter de la campagne 2008/2009, une telle contestation entraînant l'obligation de payer les cotisations pour les campagnes 2003/2004 à 2007/2008, outre les intérêts moratoires, et que la renonciation anticipée à faire valoir un droit futur entraîne la nullité du protocole transactionnel.
Mais l'article 3 du protocole transactionnel précise bien que les parties renoncent seulement aux contestations et revendications qui concernent les cotisations visées dans le protocole, soit les cotisations des campagnes des années 2003/2004 à 2007/2008.
Dans le cas où elle contesterait les obligations à sa charge à compter de la campagne 2008/2009, s'il était jugé qu'elle n'est pas tenue à ces obligations et que sa contestation est légitime, elle ne serait pas tenue, en application du protocole transactionnel, de payer les cotisations auxquelles l'UNICID a renoncé pour les campagnes 2003/2004 à 2007/2008.
Elle ne peut donc soutenir qu'elle s'est engagée à ne jamais contester ses obligations futures et que le protocole transactionnel est nul pour cette cause.
La société cidres Bigoud soutient également que le protocole transactionnel la contraint à conserver l'ensemble des bordereaux et des doubles des déclarations de sortie pour une durée illimitée dans le temps, ce qui est contraire à la prescription en matière fiscale et comptable.
Mais le protocole transactionnel impose seulement à la société cidres Bigoud, à compter de la campagne 2008/2009 et pour les campagnes suivantes, de retourner à l'UNICID les bordereaux de déclaration ainsi que le double des déclarations de sortie des cidres de consommation transmises au service des douanes et droits indirects.
Là encore, il s'agit d'une obligation légale à la charge de la société cidres Bigoud, qui n'a pas pour conséquence de l'obliger à conserver sur une durée illimitée et sans considération des délais de prescription en matière et comptable les documents visés.
La société cidres Bigoud invoque enfin dans ses conclusions la rupture de l'équilibre entre les obligations réciproques des parties mais ne fonde pas sa demande de nullité du protocole transactionnel sur ce moyen. Du reste, il ressort de la nature respective des engagements de chaque partie que la transaction s'est faite essentiellement en faveur de la société cidres Bigoud, dont la dette a été effacée.
Il n'y a donc pas lieu d'examiner le moyen.
En conséquence, le jugement sera confirmé pour avoir rejeté la demande de nullité du protocole transactionnel du 15 avril 2009.
2) Sur la prescription
L'article 2 du protocole transactionnel stipule qu'il est caduc en cas de violation par la société cidres Bigoud de son obligation de paiement des cotisations à bonne date et d'envoi des bordereaux de déclaration et des déclarations de sortie.
La société cidres Bigoud soutient que l'action en paiement des cotisations objets du protocole transactionnel est prescrite au motif que le protocole, atteint de caducité, a été réduit à néant et qu'il n'a pas eu d'effet interruptif du délai de prescription de 5 ans s'agissant des cotisations des campagnes 2003/2004 à 2007/2008.
La jurisprudence qu'elle cite concerne des actes de procédure, dont il est constant, selon la jurisprudence, que la caducité, comme la nullité, les empêche de produire effet, notamment l'effet d'interruption de la prescription.
En l'espèce, le protocole transactionnel est un contrat, soumis aux dispositions antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats. S'il a été jugé que la caducité entraîne l'obligation de restitution de l'objet du contrat, selon un arrêt du 5 juin 2007 de la chambre commerciale, il n'a jamais été jugé que la caducité faisait disparaître le contrat, et a les mêmes effets que la nullité du contrat.
Après la réforme du droit des contrats, le nouvel article 1187 du code civil a d'ailleurs seulement prévu que la caducité met fin au contrat et qu'elle peut donner lieu à restitution, ce dont il se déduit que la caducité n'anéantit pas automatiquement le contrat. A défaut, il n'aurait pas été précisé que la caducité peut donner lieu à restitution, puisque si le contrat est anéanti chaque partie doit être rétablie dans sa situation antérieure, ce qui implique la restitution de l'objet du contrat.
C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la caducité du protocole transactionnel n'a pas d'effet rétroactif et que l'interruption du délai de prescription a produit ses effets malgré la caducité.
En application des articles'2240 et 2248 du code civil, le délai de prescription a été interrompu et suspendu pendant le temps d'exécution de la transaction, à compter du 15 avril 2009.
Bien que l'UNICID ne justifie d'aucune mise en demeure en application de l'article 2 alinéa 2 du protocole, la société cidres Bigoud ne conteste pas que la caducité de celui-ci est encourue.
L'assignation signifiée le 18 juillet 2018 valant mise en demeure, a mis fin à la période d'interruption du délai de prescription.
L'action en paiement des cotisations des campagnes 2003/2004 à 2007/2008 engagée le 18 juillet 2018 est donc bien recevable et le jugement, qui a déclaré l'action recevable, sera confirmé de ce chef.
3) Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté interministériel du 26 septembre 2014 étendant l'accord interprofessionnel du 19 février 2014
L'UNICID se fonde sur le défaut de paiement des cotisations fixées par l'accord interprofessionnel du 19 février 2014 étendu par arrêté interministériel du 26 septembre 2014 pour soutenir que le protocole d'accord transactionnel du 15 avril 2009 est caduc et que les cotisations visées dans cet accord sont exigibles.
La société cidres Bigoud conteste la légalité de cet arrêté.
Le tribunal a indiqué, en préambule de sa décision, qu'il n'a pas compétence pour se prononcer sur la légalité des arrêtés, et a déclaré la demande de la société cidres Bigoud de dire que l'arrêté interministériel du 26 septembre 2014 est illégal irrecevable.
La société cidres Bigoud soutient que le juge judiciaire peut statuer sur la régularité des décisions prises par l'UNICID au regard des règles applicables aux associations, et que si ces décisions sont jugées irrégulières, elle-même pourra saisir le Conseil d'Etat pour faire déclarer illégaux les arrêtés d'extension.
Elle reconnaît donc, ce qui est conforme au droit, que le juge judiciaire ne peut statuer sur la régularité des arrêtés interministériels d'extension.
Dans le dispositif de ses conclusions elle demande à la cour de «'juger que l'arrêté interministériel du 26 septembre 2014 sur lequel 1'UNICID fonde son action est illégal'» et de débouter l'UNICID de l'ensemble de ses demandes.
Les juridictions judiciaires n'étant pas compétentes pour statuer sur la légalité des arrêtés, et la solution du litige dépendant de cette question, il y a lieu, le cas échéant, si cette question soulève une difficulté sérieuse de la renvoyer devant la juridiction administrative compétente, en l'espèce le Conseil d'Etat, et de surseoir à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle, en application de l'article 49 du code de procédure civile.
La société cidres Bigoud invoque plusieurs points à l'appui de son moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté interministériel.
Il n'est pas contestable que si, comme le soutient la société cidres Bigoud, la procédure d'adoption des accords interprofessionnels n'est pas conforme à la procédure définie aux articles L632-3 et L632-4 du code rural et de la pêche maritime, les accords et les arrêtés d'extension sont illégaux.
Dans plusieurs décisions (CE 26 mars 2008, n°305492, sur question préjudicielle s'agissant de la légalité des accords interprofessionnels adoptés par l'UNICID et étendus par arrêtés interministériels des 23 décembre 2023, 16 février et 11 octobre 2004, CE 7 mai 2008, n°278820, CE 28 novembre 2011, n°334183, CE 24 février 2020, n°426867, CE 21 juin 2022, n°448921, s'agissant d'un recours formé par le CIF sur la légalité de l'accord interprofessionnel adopté par l'UNICID le 9 mars 2020 et étendu par arrêté interministériel du 5 novembre 2020) le Conseil d'Etat a déjà jugé, en application de l'article L632-4 du code rural et de la pêche maritime, que, si les accords interprofessionnels doivent être adoptés à l'unanimité des familles professionnelles représentées au sein de l'interprofession, il n'est pas nécessaire que la décision de chaque famille professionnelle ait été elle-même prise à l'unanimité des membres qui la composent et que la régularité de la procédure d'adoption s'apprécie au regard des comptes rendus et procès-verbaux de séance.
Le procès-verbal de l'assemblée générale de l'UNICID ayant voté l'accord interprofessionnel du 19 février 2014 étendu par l'arrêté interministériel du 26 septembre 2014 établit que cet accord a été adopté à l'unanimité des deux collèges, composés respectivement des producteurs de fruits à cidre et des transformateurs.
C'est en vain que la société cidres Bigoud fait valoir que le procès-verbal ne permet pas cette vérification.
Par ailleurs les moyens tenant aux autres irrégularités alléguées qui portent sur le défaut de quorum pour le vote, le défaut de présentation du rapport du conseil d'administration lors des assemblées générales et le défaut d'indication de l'ordre du jour dans les procès-verbaux ne sont pas de nature à affecter la régularité des procès-verbaux et ne justifient pas le renvoi de l'appréciation de la légalité des actes contestés devant la juridiction administrative. Notamment le quorum fixé par les articles 9 et 18 des statuts de l'UNICID était atteint, de telle sorte que le vote n'était pas vicié, et les autres irrégularités alléguées, à défaut de grief, ne remettent pas en cause la validité des votes.
Enfin, la critique du procès-verbal du SNTC du 19 février 2014 est inopérante car les décisions des assemblées générales de l'UNICID contestées ont été prises par les professionnels désignés par le SNTC, qui ont participé aux votes, et non par le SNTC lui-même.
En conséquence, après infirmation du jugement, qui a seulement déclaré la demande portant sur la légalité de l'arrêté irrecevable, la cour dira que les juridictions judiciaires ne sont pas compétentes pour statuer sur la légalité de l'arrêté du 26 septembre 2014 d'extension de l'accord interprofessionnel du 19 février 2014 et qu'à défaut de difficulté sérieuse, il n'y a pas lieu de transmettre à la juridiction administrative une question préjudicielle à ce sujet.
Le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 26 septembre 2014 d'extension de l'accord interprofessionnel du 19 février 2014 et de son inopposabilité à la société cidres Bigoud sera donc en conséquence rejeté.
4) Sur la demande en paiement de l'UNICID
Contrairement à ce que soutient la société cidres Bigoud l'UNICID ne réclame pas le paiement des cotisations spécifiques sur les ventes de cidre fixées dans l'accord interprofessionnel du 18 décembre 2003, l'arrêté d'extension ayant été annulé sur ce point par le conseil d'état le 26 mars 2008.
L'UNICID, sur la base des volumes déclarés pour la campagne 2008/2009 (pièces 28, 29, 68), a procédé à une évaluation d'office, prévue par l'article L 632-6 du code rural et de la pêche maritime et les accords interprofessionnels, sur la seule base disponible et réclame le paiement des sommes suivantes':
Cotisations sur le cidre':
-campagne 2004/2005 : 4882 hl x 2 euros = 8964 euros
-campagne 2005/2006 : 4882 hl x 2 euros = 8964 euros
-campagne 2006/2007 : 4882 hl x 2 euros = 8964 euros
-campagne 2007/2008 : (500 hl x 1 euro) + (3982 hl x 2 euros) = 8464 euros
Total 35 356 euros
Cotisations sur les fruits à cidre':
-campagne 2003/2004': (639 T x 1,22 euros) x 2 = 1559,16 euros
-campagne 2004/2005 : (639 T x 1,56 euros) x 2 = 1993,68 euros
-campagne 2005/2006 : (639 T x 1,56 euros) x 2 = 1993,68 euros
-campagne 2006/2007 : (639 T x 1,56 euros) x 2 = 1993,68 euros
-campagne 2007/2008 : (639 T x 1,56 euros) x 2 = 1993,68 euros
Total 9533,88 euros
Total général': 44 889,88 euros
Le jugement sera confirmé pour avoir fait droit à la demande en paiement dans son intégralité.
5) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement sera confirmé de ces deux chefs.
Partie perdante, la société cidres Bigoud sera condamnée aux dépens exposés en appel et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Il n'est pas inéquitable de mettre à la charge de la société cidres Bigoud une partie des frais exposés par l'UNICID qui ne sont pas compris dans les dépens et il sera alloué à celle-ci la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement rendu le 20 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Quimper en ce que le tribunal a déclaré irrecevable la demande visant à voir dire et juger que l'arrêté interministériel du 26 septembre 2014 d'extension de l'accord interprofessionnel du 19 février 2014 est illégal,
Statuant à nouveau,
Dit que les juridictions judiciaires ne sont pas compétentes pour statuer sur la légalité de l'arrêté interministériel du 26 septembre 2014 d'extension de l'accord interprofessionnel du 19 février 2014,
Dit qu'il n'y a pas lieu de transmettre à la juridiction administrative une question préjudicielle à ce sujet,
Confirme les autres dispositions du jugement,
Déboute la société cidres Bigoud de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société cidres Bigoud aux dépens et à payer à l'UNICID la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE