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04/07/2023 | FRANCE | N°20/06024

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 04 juillet 2023, 20/06024


1ère Chambre





ARRÊT N°196/2023





N° RG 20/06024 - N° Portalis DBVL-V-B7E-REUE













S.A.S. BOSSER YVES



C/



Association UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE CIDRICOLE (UNICID)

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT D

U 04 JUILLET 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,



GREFFIER :



Mada...

1ère Chambre

ARRÊT N°196/2023

N° RG 20/06024 - N° Portalis DBVL-V-B7E-REUE

S.A.S. BOSSER YVES

C/

Association UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE CIDRICOLE (UNICID)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 février 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 juillet 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 10 mai 2023 à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La S.A.S. BOSSER YVES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Olivier POMIES de la Société Judiciaire de l'Atlantique, plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

L'UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE CIDRICOLE (UN ICID), association loi de 1901, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Mikaëlle LE GRAND de la SELARL CABINET GOURVES, D'ABOVILLE ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

Représentée par Me Valérie LEDOUX de la SELARL RACINE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCÉDURE

L'association union nationale interprofessionnelle cidricole (l'UNICID) est une organisation interprofessionnelle agricole au sens des articles L632-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, reconnue comme telle par arrêté interministériel du 24 août 1998.

Elle regroupe les organisations professionnelles les plus représentatives du marché des produits cidricoles, comprenant :

-les producteurs de fruits à cidre, par le biais de la fédération nationale des producteurs de fruits à cidre (FNPFC),

-les transformateurs de fruits à cidre, par le biais du syndicat national des transformateurs cidricoles (SNTC).

Elle est composée de deux collèges, production et transformation, comptant chacun 12 délégués, chaque délégué étant désigné par son organisation syndicale.

Des accords interprofessionnels ont été conclus au sein de l'UNICID, dont les effets ont été étendus par arrêtés interministériels.

Des accords interprofessionnels ont notamment prévu le paiement par les professionnels de la filière de deux cotisations :

-l'une destinée au fonctionnement de l'UNICID, au financement de ses actions et au fonctionnement de l'institut technique des productions cidricoles (IFPC), assise sur les tonnages de fruits à cidres produits ou achetés ou sur les volumes de produits cidricoles vendus (cotisation de base paritaire),

-l'autre destinée à la promotion des cidres de consommation, assise sur le volume de cidres vendus en France (cotisation volontaire obligatoire).

Ces accords prévoient que le montant des cotisations est calculé à partir des déclarations, par les professionnels concernés, des éléments constitutifs de l'assiette de la cotisation. Des bordereaux de déclaration doivent être adressés par les professionnels, chaque année, à l'UNICID.

Par arrêt du 26 mars 2008, sur un recours de l'EURL Les cidres de la ville d'Ys, à la suite d'un jugement de sursis à statuer rendu le 30 novembre 2006 par le tribunal d'instance de Quimper, le Conseil d'Etat a déclaré illégal l'accord interprofessionnel du 18 décembre 2003 et l'arrêté interministériel d'extension du 16 février 2004.

Le 24 juin 2016 des producteurs indépendants de cidre, dont la société Bosser Yves, ont fondé un nouveau syndicat professionnel, le syndicat des cidriers indépendants français (le CIF).

Le 23 mai 2017 le CIF a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande de nullité, pour abus de majorité, des décisions prises par l'UNICID au titre des cotisations dues pour les campagnes 2015 à 2017.

Par jugement du 5 janvier 2021 le tribunal judiciaire a débouté le CIF de l'intégralité de ses demandes. Une procédure d'appel est actuellement pendante devant la cour d'appel de Paris.

La société Bosser Yves n'avait pas payé à l'UNICID ses cotisations dues pour les campagnes 2003/2004, 2004/2005, 2005/2006, 2006/2007 et 2007/2008, en application des accords interprofessionnels étendus des 16 septembre 2003, 29 juin 2004, 6 juillet 2005, 30 juin 2006 et 27 juin 2007.

Le 31 mars 2009 elle a signé avec l'UNICID un protocole d'accord transactionnel, tenant compte de la décision du Conseil d'Etat du 26 mars 2008.

Ce protocole dispose, notamment':

«'Article 1er : La SAS Bosser Yves s'engage, à compter de la campagne 2008/2009, et pour les campagnes suivantes, à :

-régler à bonne date les cotisations interprofessionnelles votées au sein de l'UNICID et étendues par voie d'arrêté,

-retourner à l'UNICID les bordereaux de déclaration que cette dernière lui fournit ainsi que le double des déclarations de sortie des cidres de consommation transmises au service des douanes et droits indirects.

Article 2': Sous réserve de la parfaite exécution du présent protocole, l'UNICID accepte de renoncer au bénéfice des cotisations dues par la SAS BOSSER Yves au titre des accords interprofessionnels étendus des 16 septembre 2003, 29 juin 2004, 6 juillet 2005, 30 juin 2006 et 27 juin 2007 (campagnes 2003/2004 à 2007/2008 incluses), et des intérêts échus et à échoir sur lesdites cotisations, et renonce à engager à l'encontre de la SAS BOSSER Yves toute action judiciaire de ce fait.

En cas de non déclaration et/ou de non-paiement à bonne date des cotisations dues par la SAS BOSSER Yves conformément à l'article 1er du présent protocole, après une lettre de relance puis une mise en demeure infructueuse dans le mois de sa réception par le cidrier, celui-ci sera caduc et l'UNICID reprendra son entière liberté d'action, y compris pour sa créance de cotisations au titre des accords visés au précédent paragraphe.'»

Le 19 février 2014 un accord interprofessionnel a été conclu, fixant le montant des cotisations dues pour les campagnes 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017.

Cet accord a été étendu par un arrêté interministériel du 26 septembre 2014, pour partie (à l'exception des alinéas 2 et 3 de l'article 5': «'Toute somme due et non réglée porte de plein droit intérêts au taux légal majoré de deux points à compter de sa date d'exigibilité. A défaut de déclaration de l'assujetti et après mise en demeure restée infructueuse au terme d'un délai d'un mois, l'UNICID, ... notamment le chiffre d'affaires et les déclarations antérieures'»).

Le 28 février 2017 un accord interprofessionnel a été conclu, fixant le montant des cotisations dues pour les campagnes 2017/2018, 2018/2019 et 2019/2020, modifié sur un point lors d'une assemblée générale tenue le 30 mai 2017.

Cet accord a été étendu par un arrêté interministériel du 18 octobre 2017.

La société Bosser Yves n'a pas adressé à l'UNICID les bordereaux de déclaration sur ses ventes de cidre de la campagne 2016/2017 (3ème et 4ème trimestres) et de la campagne 2017/2018 (1er trimestre) et n'a pas payé les cotisations afférentes.

Le 20 février 2018 l'UNICID lui a adressé un courrier recommandé de mise en demeure de retourner les bordereaux de déclaration complétés, ainsi que de payer les cotisations visées par le protocole transactionnel du 31 mars 2009.

Le 30 janvier 2019 l'UNICID a assigné la société Bosser Yves devant le tribunal judiciaire de Quimper en paiement des sommes de 40 000 euros à titre de provision à valoir sur le montant des cotisations dues pour les troisième et quatrième trimestres de la campagne 2016/2017, de 13 560,93 euros au titre des cotisations dues pour les troisième et quatrième trimestres de la campagne 2017/2018 et de la somme de 76 176,88 euros au titre des cotisations interprofessionnelles dues pour les campagnes 2004/2005 à 2007/2008 incluses, compte tenu de la caducité du protocole transactionnel du 31 mars 2009.

Par jugement du 20 octobre 2020 le tribunal judiciaire de Quimper a':

-déclaré irrecevable la demande visant à voir dire et juger que les arrêtés des 26 septembre 2014 et 18 octobre 2017 d'extension des accords interprofessionnels sont illégaux,

-constaté la caducité du protocole d'accord transactionnel du 31 mars 2009,

-déclaré recevable comme non prescrite l'action en recouvrement des cotisations interprofessionnelles dues pour les campagnes 2004/2005 à 2007/2008 incluses,

-rejeté les demandes reconventionnelles de la société Bosser Yves,

-condamné la société Bosser Yves à payer à l'UNICID la somme de 76 176,88 euros au titre des cotisations interprofessionnelles dues pour les campagnes 2004/2005 à 2007/2008 incluses,

-l'a condamnée à payer à l'UNICID une provision de 40 000 euros à valoir sur le montant des cotisations sur les ventes de cidre pour les 3ème et 4ème trimestres de la campagne 2016/2017,

-l'a condamnée à payer à l'UNICID la somme de 13 560,93 euros au titre des cotisations sur les ventes de cidre pour le premier trimestre de la campagne 2017/2018,

-l'a condamnée aux dépens et à payer à l'UNICID la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire.

Le 9 décembre 2020 la société Bosser Yves a fait appel de l'ensemble des chefs du jugement.

Elle expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 13 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de':

-réformer le jugement,

-juger que le protocole transactionnel du 31 mars 2009 est atteint d'un vice de perpétuité,

-juger que par l'illégalité des arrêtés interministériels du 26 septembre 2014 et du 18 octobre 2017 l'UNICID est mal fondée en ses demandes de paiement des cotisations pour les campagnes 2016/2017 et 2017/2018,

-juger que le protocole transactionnel du 31 mars 2009 est nul,

-débouter l'UNICID de toutes ses demandes.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de':

-juger que le protocole transactionnel du 31 mars 2009 est caduc,

-juger qu'il n'a pas produit d'effet interruptif de prescription,

-juger que l'action de l'UNICID en paiement des cotisations pour les campagnes 2003/2004 à 2007/2008 est prescrite depuis 2013,

-débouter l'UNICID de toutes ses demandes relatives au versement des cotisations interprofessionnelles pour les campagnes 2003/2004 à 2007/2008.

A titre très subsidiaire, elle demande à la cour de':

-juger que l'UNICID n'établit pas le montant de sa prétendue créance,

-la débouter de toutes ses demandes.

En tout état de cause, elle demande à la cour de'condamner l'UNICID aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'UNICID expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 22 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de':

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-débouter la société Bosser Yves de toutes ses demandes,

-la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cours de délibéré, par une note du 12 juin 2023, la cour a sollicité les observations des parties sur la nécessité de transmettre ou non une question préjudicielle portant sur la légalité des arrêtés interministériels des 26 septembre 2014 et 18 octobre 2017.

La société Bosser Yves a répondu, le 22 juin 2023, que la contestation sur la légalité des arrêtés interministériels présente un caractère sérieux et qu'une question préjudicielle à ce sujet doit être transmise au Conseil d'Etat.

L'UNICID a répondu, le 22 juin 2023, que les arguments développés à l'appui de l'allégation d'illégalité des arrêts ministériels ne présentent pas de caractère sérieux et qu'il n'y a pas lieu à question préjudicielle.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1) Sur la demande de nullité du protocole transactionnel du 31 mars 2009

La société Bosser Yves soutient que le protocole transactionnel est nul au motif qu'il est entaché d'un vice de perpétuité.

Il ressort de la jurisprudence que nul ne peut être engagé sans limite de durée par un contrat ou pour une durée anormalement longue.

La société Bosser Yves s'est engagée dans le protocole transactionnel à régler à bonne date les cotisations interprofessionnelles votées au sein de l'UNICID et étendues par voie d'arrêté, retourner à l'UNICID les bordereaux de déclaration que cette dernière lui fournit ainsi que le double des déclarations de sortie des cidres de consommation transmises au service des douanes et droits indirects.

Elle s'est engagée à compter de la campagne 2008/2009 et pour les campagnes suivantes. De fait, la durée de ses obligations n'est pas prévue dans le protocole transactionnel.

Mais les obligations qu'elle s'est engagée à respecter sont en réalité ses obligations légales, qui résultent de l'application des accords interprofessionnels et des arrêtés d'extension. Elles sont donc applicables tant que l'activité de la société Bosser Yves relève de la réglementation applicable. Même si la société Bosser Yves n'avait pas signé le protocole transactionnel elle était quand-même tenue de respecter les obligations mises à sa charge dans le protocole transactionnel, en ce qu'elles sont des obligations légales.

C'est donc à tort que la société Bosser Yves soutient qu'elle s'est engagée de façon perpétuelle.

Au surplus, les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat et chacun des cocontractants peut y mettre fin à tout moment, en respectant le délai de préavis contractuel ou un délai de notification raisonnable (Com., 21 septembre 2022, 20-16.994).

La société Bosser Yves soutient également que son engagement est nul parce qu'il l'empêche de contester l'application des cotisations échues à compter de la campagne 2008/2009, une telle contestation entraînant l'obligation de payer les cotisations pour les campagnes 2003/2004 à 2007/2008, outre les intérêts moratoires, et que la renonciation anticipée à faire valoir un droit futur entraîne la nullité du protocole transactionnel.

Mais l'article 3 du protocole transactionnel précise bien que les parties renoncent seulement aux contestations et revendications qui concernent les cotisations visées dans le protocole, soit les cotisations des campagnes des années 2003/2004 à 2007/2008.

Dans le cas où elle contesterait les obligations à sa charge à compter de la campagne 2008/2009, s'il était jugé qu'elle n'est pas tenue à ces obligations et que sa contestation est légitime, elle ne serait pas tenue, en application du protocole transactionnel, de payer les cotisations auxquelles l'UNICID a renoncé pour les campagnes 2003/2004 à 2007/2008.

Elle ne peut donc soutenir qu'elle s'est engagée à ne jamais contester ses obligations futures et que le protocole transactionnel est nul pour cette cause.

La société Bosser Yves soutient également que le protocole transactionnel la contraint à conserver l'ensemble des bordereaux et des doubles des déclarations de sortie pour une durée illimitée dans le temps, ce qui est contraire à la prescription en matière fiscale et comptable.

Mais le protocole transactionnel impose seulement à la société Bosser Yves, à compter de la campagne 2008/2009 et pour les campagnes suivantes, de retourner à l'UNICID les bordereaux de déclaration ainsi que le double des déclarations de sortie des cidres de consommation transmises au service des douanes et droits indirects.

Là encore, il s'agit d'une obligation légale à la charge de la société Bosser Yves, qui n'a pas pour conséquence de l'obliger à conserver sur une durée illimitée et sans considération des délais de prescription en matière et comptable les documents visés.

La société Bosser Yves invoque enfin dans ses conclusions la rupture de l'équilibre entre les obligations réciproques des parties mais ne fonde pas sa demande de nullité du protocole transactionnel sur ce moyen. Du reste, il ressort de la nature respective des engagements de chaque partie que la transaction s'est faite essentiellement en faveur de la société Bosser Yves, dont la dette a été effacée.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner le moyen.

En conséquence, le jugement sera confirmé pour avoir rejeté la demande de nullité du protocole transactionnel du 31 mars 2009.

2) Sur la prescription

L'article 2 du protocole transactionnel stipule qu'il est caduc en cas de violation par la société Bosser Yves de son obligation de paiement des cotisations à bonne date et d'envoi des bordereaux de déclaration et des déclarations de sortie.

La société Bosser Yves soutient que l'action en paiement des cotisations objets du protocole transactionnel est prescrite au motif que le protocole transactionnel, atteint de caducité, a été réduit à néant et qu'il n'a pas eu d'effet interruptif du délai de prescription de 5 ans s'agissant des cotisations des campagnes 2003/2004 à 2007/2008.

La jurisprudence qu'elle cite concerne des actes de procédure, dont il est constant selon la jurisprudence que la caducité, comme la nullité, les empêche de produire effet, notamment l'effet d'interruption de la prescription.

En l'espèce, le protocole transactionnel est un contrat, soumis aux dispositions antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats. S'il a été jugé que la caducité entraîne l'obligation de restitution de l'objet du contrat, selon un arrêt du 5 juin 2007 de la chambre commerciale, il n'a jamais été jugé que la caducité faisait disparaître le contrat, et a les mêmes effets que la nullité du contrat.

Après la réforme du droit des contrats, le nouvel article 1187 du code civil a d'ailleurs seulement prévu que la caducité met fin au contrat et qu'elle peut donner lieu à restitution, ce dont il se déduit que la caducité n'anéantit pas automatiquement le contrat. A défaut, il n'aurait pas été précisé que la caducité peut donner lieu à restitution, puisque si le contrat est anéanti chaque partie doit être rétablie dans sa situation antérieure, ce qui implique la restitution de l'objet du contrat.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la caducité du protocole transactionnel n'a pas d'effet rétroactif et que l'interruption du délai de prescription a produit ses effets malgré la caducité.

En application des articles'2240 et 2248 du code civil, le délai de prescription a été interrompu et suspendu pendant le temps d'exécution de la transaction, à compter du 31 mars 2009. Un nouveau délai a commencé à courir, en application de l'article 2 alinéa 2 du protocole transactionnel, un mois après le 22 février 2018, date de la réception d'une mise en demeure adressée par l'UNICID à la société Bosser Yves, dénonçant le manquement de celle-ci à ses obligations et se prévalant de la caducité du protocole transactionnel.

L'action en paiement des cotisations des campagnes 2003/2004 à 2007/2008 engagée le 30 janvier 2019 est donc bien recevable, en ce qu'elle a été engagée dans le délai de 5 ans à compter du 22 février 2018, et le jugement, qui a déclaré l'action recevable, sera confirmé.

3) Sur le moyen tiré de l'illégalité des arrêtés interministériels des 26 septembre 2014 et 18 octobre 2017 étendant les accords interprofessionnels

Le tribunal a indiqué, en préambule de sa décision, qu'il n'a pas compétence pour se prononcer sur la légalité de ces arrêtés, et a déclaré la demande de la société Bosser Yves de dire que ces arrêtés sont illégaux irrecevable.

La société Bosser Yves soutient que le juge judiciaire peut statuer sur la régularité des décisions prises par l'UNICID au regard des règles applicables aux associations, et que si ces décisions sont jugées irrégulières, elle-même pourra saisir le Conseil d'Etat pour faire déclarer illégaux les arrêtés d'extension.

Elle reconnaît donc, ce qui est conforme au droit, que le juge judiciaire ne peut statuer sur la régularité des arrêtés interministériels d'extension.

Dans le dispositif de ses conclusions elle demande à la cour de «'juger que par l'illégalité des arrêtés interministériels du 26 septembre 2014 et du 18 octobre 2017, 1'UNICID est mal fondée en ses demandes de paiement des cotisations pour les campagnes 2016/2017 et 2017/2018'».

Les juridictions judiciaires n'étant pas compétentes pour statuer sur la légalité de ces arrêtés, et la solution du litige dépendant de cette question, il y a lieu, le cas échéant, si cette question soulève une difficulté sérieuse de la renvoyer devant la juridiction administrative compétente, en l'espèce le Conseil d'Etat, et de surseoir à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle, en application de l'article 49 du code de procédure civile.

La société Bosser Yves invoque plusieurs points à l'appui de son moyen tiré de l'illégalité des arrêtés interministériels.

Il n'est pas contestable que si, comme le soutient la société Bosser Yves, la procédure d'adoption des accords interprofessionnels n'est pas conforme à la procédure définie aux articles L632-3 et L632-4 du code rural et de la pêche maritime, les accords et les arrêtés d'extension sont illégaux.

Dans plusieurs décisions (CE 26 mars 2008, n°305492, sur question préjudicielle s'agissant de la légalité des accords interprofessionnels adoptés par l'UNICID et étendus par arrêtés interministériels des 23 décembre 2023, 16 février et 11 octobre 2004, CE 7 mai 2008, n°278820, CE 28 novembre 2011, n°334183, CE 24 février 2020, n°426867, CE 21 juin 2022, n°448921, s'agissant d'un recours formé par le CIF sur la légalité de l'accord interprofessionnel adopté par l'UNICID le 9 mars 2020 et étendu par arrêté interministériel du 5 novembre 2020) le Conseil d'Etat a déjà jugé, en application de l'article L632-4 du code rural et de la pêche maritime, que, si les accords interprofessionnels doivent être adoptés à l'unanimité des familles professionnelles représentées au sein de l'interprofession, il n'est pas nécessaire que la décision de chaque famille professionnelle ait été elle-même prise à l'unanimité des membres qui la composent et que la régularité de la procédure d'adoption s'apprécie au regard des comptes rendus et procès-verbaux de séance.

Les procès-verbaux des assemblées générales de l'UNICID ayant voté les accords interprofessionnels des 19 février 2014 et 28 février 2017 (outre le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mai 2017, qui a adopté le procès-verbal de l'assemblée générale du 28 février 2017 et modifié sur un point le projet d'accord interprofessionnel) étendus par les arrêtés interministériels des 26 septembre 2014 et 18 octobre 2017 établissent que ces accords ont été adoptés à l'unanimité des deux collèges, producteurs de fruits à cidre et transformateurs.

C'est en vain que la société Bosser Yves fait valoir que les procès-verbaux ne permettent pas cette vérification.

Par ailleurs les moyens tenant aux autres irrégularités alléguées qui portent sur le défaut de quorum pour le vote, le défaut de présentation du rapport du conseil d'administration lors des assemblées générales et le défaut d'indication de l'ordre du jour dans les procès-verbaux ne sont pas de nature à affecter la régularité des procès-verbaux et ne justifient pas le renvoi de l'appréciation de la légalité des actes contestés devant la juridiction administrative. Notamment le quorum fixé par les articles 9 et 18 des statuts de l'UNICID était atteint, de telle sorte que le vote n'était pas vicié, et les autres irrégularités alléguées, à défaut de grief, ne remettent pas en cause la validité des votes.

Enfin, la critique du procès-verbal du SNTC du 19 février 2014 est inopérante car les décisions des assemblées générales de l'UNICID contestées ont été prises par les professionnels désignés par le SNTC, qui ont participé aux votes, et non par le SNTC lui-même.

En conséquence, après infirmation du jugement, qui a déclaré la demande portant sur la légalité des arrêtés irrecevable, la cour dira que les juridictions judiciaires ne sont pas compétentes pour statuer sur la légalité des arrêtés des 26 septembre 2014 et 18 octobre 2017 d'extension des accords interprofessionnels et qu'à défaut de difficulté sérieuse, il n'y a pas lieu de transmettre à la juridiction administrative une question préjudicielle à ce sujet.

Le moyen tiré de l'illégalité des arrêtés interministériels du 26 septembre 2014 et du 18 octobre 2017 et de leur inopposabilité à la société Bosser Yves sera donc en conséquence rejeté.

4) Sur la demande en paiement de l'UNICID

Au titre des campagnes 2004/2005 à 2007/2008

Contrairement à ce que soutient la société Bosser Yves, l'UNICID ne réclame pas le paiement des cotisations spécifiques sur les ventes de cidre fixées dans l'accord interprofessionnel du 18 décembre 2003, l'arrêté d'extension ayant été annulé par le conseil d'état le 26 mars 2008.

L'UNICID, sur la base des volumes déclarés pour la campagne 2008/2009 (pièce 50), a procédé à une évaluation d'office, prévue par l'article L632-6 du code rural et de la pêche maritime et les accords interprofessionnels, sur la seule base disponible et réclame le paiement des sommes suivantes':

-campagne 2004/2005 : 9584,61 hl x 2 euros = 19 169,22 euros

-campagne 2005/2006 : 9584,61 hl x 2 euros = 19 169,22 euros

-campagne 2006/2007 : 9584,61 hl x 2 euros = 19 169,22 euros

-campagne 2007/2008 : (500 hl x 1 euro) + (9084,61 hl x 2 euros) = 18 669,22 euros

Total 76 176,88 euros

Au titre de la campagne 2016/2017

S'agissant des cotisations dues pour les 3ème et 4ème trimestres de la campagne 2016/2017, à défaut d'extension de l'alinéa 3 de l'article 5 de l'accord du 26 septembre 2014 qui prévoit une évaluation d'office des cotisations interprofessionnelles en cas de violation par un assujetti de ses obligations déclaratives, c'est à juste titre que l'UNICID demande une provision de 40 000 euros.

Au titre de la campagne 2017/2018

S'agissant des cotisations dues pour le premier trimestre de la campagne 2017/2018, en application des articles L 632-6 du code rural et de la pêche maritime et 5 de l'accord interprofessionnel du 28 février 2017, l'UNICID a procédé à une évaluation d'office sur la base du volume de cidre produit déclaré par la société Bosser Yves pour la campagne 2015/2016 (12 658 hl.) et réclame la somme de 13 560,93 euros.

La société Bosser Yves conteste les montants réclamés en soutenant qu'ils ne sont corroborés par aucune pièce justificative.

Les pièces versées à la procédure par l'UNICID, soit les bordereaux de la campagne 2008/2009 et 2015/2016 et les accords interprofessionnels étendus, sont suffisantes pour établir le montant de sa créance, qui n'est pas précisément et utilement contestée par la société Bosser Yves, notamment quant au montant de la provision pour la campagne 2016/2017, et alors que la société Bosser Yves, qui n'a pas rempli ses obligations de déclaration, ne produit aucune pièce, relative aux volumes produits, allant à l'encontre des calculs réalisés par l'UNICID.

Le jugement sera confirmé pour avoir fait droit aux demandes en paiement dans leur intégralité.

5) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement sera confirmé de ces deux chefs.

Partie perdante, la société Bosser Yves sera condamnée aux dépens exposés en appel et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Il n'est pas inéquitable de mettre à la charge de la société Bosser Yves une partie des frais exposés par l'UNICID qui ne sont pas compris dans les dépens et il sera alloué à celle-ci la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 20 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Quimper en ce que le tribunal a déclaré irrecevable la demande visant à voir dire et juger que les arrêtés interministériels des 26 septembre 2014 et 18 octobre 2017 d'extension des accords interprofessionnels sont illégaux,

Statuant à nouveau,

Dit que les juridictions judiciaires ne sont pas compétentes pour statuer sur la légalité des arrêtés interministériels des 26 septembre 2014 et 18 octobre 2017 d'extension des accords interprofessionnels des 19 février 2014 et 28 février 2017,

Dit qu'il n'y a pas lieu de transmettre à la juridiction administrative une question préjudicielle à ce sujet,

Confirme les autres dispositions du jugement,

Déboute la société Bosser Yves de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Bosser Yves aux dépens et à payer à l'UNICID la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/06024
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;20.06024 ?
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