1ère Chambre
ARRÊT N°195/2023
N° RG 20/05838 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RDVB
M. [T] [U]
C/
M. [H] [B] [C] [J]
Mme [K] [G] [L] [V] épouse [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JUILLET 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 janvier 2023 devant Madame Caroline BRISSIAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 juillet 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 21 mars 2023 à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [T] [U]
né le 24 Octobre 1980 à [Localité 5] (44)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Caroline GLON, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
INTIMÉS :
Monsieur [H] [B] [C] [J]
né le 30 Août 1957 à [Localité 8] (37)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Benoit GABORIT de la SELARL MGA, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représenté par Me Nicolas KOHEN, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
Madame [K] [G] [L] [V] épouse [J]
née le 01 Mai 1960 à [Localité 6] (23)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Benoit GABORIT de la SELARL MGA, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représentée par Me Nicolas KOHEN, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte reçu le 13 février 2019 par Me [P], notaire à [Localité 7], M. [H] [J] et Mme [K] [V] ont consenti une promesse unilatérale de vente au bénéfice de M. [T] [U] pour une maison à usage commercial et d'habitation située à [Adresse 4], au prix de 550 000 €.
Cette promesse a été faite sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt d'un montant maximal de 509 800 € devant être levée avant le 12 avril 2019 et expirait au 31 mai 2019.
Il était convenu qu'à défaut de notification de l'obtention ou non du prêt, le
promettant aurait la faculté de mettre le bénéficiaire en demeure de justifier sous huit jours de la réalisation ou de la défaillance de la condition, par lettre recommandée avec accusé de réception et que, passé ce délai sans que le bénéficiaire ait apporté de justificatifs, la condition serait censée défaillie et la promesse caduque de plein droit.
Il était précisé que, dans ce cas, et sauf à ce que le bénéficiaire démontre par les démarches accomplies que la condition n'a pas défailli de son fait, l'indemnité d'immobilisation fixée à 55.000 € resterait acquise aux promettants.
Dans ce cadre, les parties prévoyaient un versement par M. [U] d'une somme de 27.500 € avant le 28 février 2019 en séquestre d'une partie de ladite indemnité. M. [U] a versé à ce titre la somme de 2 750 €.
Par courrier recommandé du 26 avril 2019, Me [P] invitait M. [U] à justifier dans un délai de 8 jours d'un accord ou d'un refus de prêt et précisait qu'à défaut la promesse de vente serait caduque. Il rappelait au bénéficiaire que sauf justification de l'exécution des démarches pour obtenir un prêt, il serait redevable de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse d'un montant de 55.000 €.
Me [P] relançait M. [U] par courriel du 9 mai et 1'invitait à cette occasion à verser la somme de 24.750 € en règlement du solde du dépôt de garantie de 27.500 €, un seul versement de 2.750 € ayant été effectué à ce titre.
Enfin, par courrier recommandée du 4 juillet 2019, M. [H] [J] et Mme [K] [V] mettaient en demeure M. [U] de satisfaire à ses obligations, sous peine de revendiquer la caducité de la promesse unilatérale de vente et d'acquérir 1'indemnité d'immobilisation.
En 1'absence de toute réponse, par acte huissier du 6 décembre 2019, M. [H] [J] et Mme [K] [V] ont fait assigner M. [T] [U] devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, aux fins d'obtenir au visa des articles 1103, 1104 et 1304-3 du Code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le règlement de l'indemnité d'immobilisation contractuelle.
Par un jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort, en date du 27 août 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :
-Condamné M. [T] [U] à verser à M. [H] [J] et Mme [K] [V] la somme de 55 000 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
-Ordonné l'exécution provisoire,
-Condamné M. [U] à verser la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Suivant déclaration du 27 novembre 2020, M. [U] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Le 18 mai 2021, M. [H] [J] et Mme [K] [V] ont déposé des conclusions d'incident pour solliciter la radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du Code de procédure civile, pour défaut d'exécution.
Par ordonnance du 06 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande eu égard à l'importance de la somme mise à la charge de l'appelant et son impossibilité financière de l'acquitter dans son intégralité.
EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 06 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens et prétentions, M. [T] [U] demande à la cour de :
-Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 27 août 2020 ;
-Débouter M. [J] et Mme [V] de toutes leurs demandes ;
-Condamner M. [J] et Mme [V] à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamner M. [J] et Mme [V] aux dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 23 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions, M. [H] [J] et Mme [K] [V] demandent à la cour de :
-Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 27 août 2020 en toutes ses dispositions ;
-Débouter M. [T] [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
-Condamner M. [T] [U] à verser à M. [H] [J] et à Mme [K] [V] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamner M. [T] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
MOTIVATION DE LA COUR
1°/ Sur la demande principale en paiement de l'indemnité d'immobi1isation
a. en droit
Selon l'article 1103 du Code civil « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
L'article 1104 du même code ajoute que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».
Par ailleurs, l'article 1304-3 du Code civil, rappelé dans la promesse unilatérale de vente, dispose que : « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement. »
Il est de jurisprudence constante qu'il appartient au bénéficiaire d'une promesse de vente conclue sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt de prouver qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente (Civ. 1, 13 novembre 1997, n° 95-18276 ; Civ 3, 4 mai 2016, n° 11-11.339). A défaut d'une demande de prêt correspondant aux stipulations de la promesse de vente, la condition suspensive tenant à l'obtention du prêt est réputée accomplie en application de l'article 1304-3 du Code civil (Civ. 1, 13 novembre 1997, n° 95-18276).
b. en fait
La promesse du 13 février 2019 était expressément consentie sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt d'un montant maximal de 509 800 €, au taux nominal d'intérêt maximal de 1,50 % l'an (hors assurances) et pour une durée de remboursement n'excédant pas 20 ans.
La clause « condition suspensive d'obtention de prêt » précise que « toute demande non conforme aux stipulations contractuelles quant au montant emprunté, au taux, à la durée de l'emprunt entraînera la réalisation fictive de la condition au sens du premier alinéa de l'article 1304-3 du Code civil ».
Il est également stipulé que : « La condition suspensive sera réalisée en cas d'obtention d'une ou plusieurs offres définitives de prêt au plus tard le 12 avril 2019 (') L'obtention ou la non obtention devra être notifiée par le bénéficiaire au promettant. A défaut de cette notification, le promettant aura la faculté de mettre le bénéficiaire en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou la défaillance de la condition. Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec avis de réception au domicile ci-après élu. Passé ce délai de huit jours sans que le bénéficiaire ait apporté des justificatifs, la condition sera censée défaillie et les présentes seront donc caduques de plein droit. Dans ce cas, le bénéficiaire pour recouvrer l'indemnité d'immobilisation qu'il aura, le cas échéant, versé en justifiant qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et que la condition n'est pas défaillie de son fait. A défaut, l'indemnité d'immobilisation restera acquise au promettant. »
La clause « refus de prêt-justification » précisait que le bénéficiaire s'engageait à déposer simultanément deux demandes de prêt et en cas de non obtention du financement à justifier de deux refus de prêt aux caractéristiques du contrat.
Il est donc parfaitement clair que :
-la vente définitive n'interviendrait que si M. [U] obtenait ou tentait d'obtenir une offre de prêt d'un montant maximal de 509.800 € pour le 12 avril 2019 au plus tard ;
- M. [U] devait notifier l'obtention ou non obtention dudit prêt aux promettants avant cette date.
A défaut, ces derniers avaient la faculté de mettre M. [U] en demeure de justifier sous huit jours de l'obtention ou de la non obtention de ce prêt par lettre recommandée avec avis de réception, la condition étant censée défaillie et la promesse caduque de plein droit en l'absence de justificatifs fournis, passé ce délai.
Dans le cas où M. [U] ne justifiait pas avoir accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, il était redevable de l'indemnité d'immobilisation prévue à l'acte, soit la somme de 55.000 €.
En l'espèce, il est établi que Me [P] a adressé à M. [U] un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 26 avril 2019 et présenté à M. [U] le 5 mai suivant, lui rappelant les termes du contrat et notamment le fait que passé un délai de huit jours à compter de la réception de ce courrier sans avoir notifié à M. [J] et à Mme [V] un accord ou un refus de prêt, la promesse de vente sera caduque et qu'à défaut de justification des démarches en vue d'obtenir un prêt, il sera redevable de l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse soit 55.000 €.
Il est également justifié que M. [T] [U] a été relancé par l'étude notariale le 9 mai 2019, par l'envoi d'un courriel ayant pour objet « Me [P], demande de justificatifs du prêt ».
Aux termes de ses conclusions, M. [U] prétend avoir entrepris toutes les démarches en déposant deux demandes de prêt qui n'ont pas abouti.
Toutefois, cette allégation n'est justifiée par aucune pièce ( ni des démarches entreprises ni des refus des banques qui auraient été sollicitées) alors que la charge de la preuve incombe à M. [U].
Au surplus, M. [U] ne justifie pas avoir adressé aux promettants une quelconque notification relative à l'obtention ou de la non-obtention d'un prêt dans les délais prévus par la promesse, ni même postérieurement aux diverses mises en demeure qui lui ont été adressées à cet effet.
Par ailleurs, les moyens opposés par M. [U] pour tenter de se soustraire à l'exécution du contrat sont totalement inopérants.
En premier lieu, le moyen selon lequel M. [J] et Mme [V] se seraient dispensés de le mettre en demeure préalablement à la saisine du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire.
Cette affirmation est fausse puisque M. [J] et Mme [V] ont adressé par l'intermédiaire de leur avocat un courrier de mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2019 revenue avec la mention « pli avisé non réclamé ».
En toute hypothèse, à cette date, la promesse de vente était déjà caduque par l'effet de la mise en demeure du 26 avril 2019 adressée par le notaire, restée sans réponse. Au surplus, la promesse avait expiré au 31 mai 2019.
M. [U] ne peut soutenir sans une mauvaise foi certaine qu'aucune mise en demeure ne lui a été adressée.
En deuxième lieu, M. [U] fait grief aux intimés d'avoir vendu le bien immobilier litigieux avant le délai d'expiration de la promesse.
Cependant, la cour peine à entrevoir quelle faute contractuelle susceptible d'exonérer M. [U] de ses propres obligations pourrait être reprochée à M. [J] et Mme [V].
De fait, M. [U] n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la prétendue vente qui serait intervenue avant l'expiration de la promesse, aucun enseignement ne pouvant être tiré des pièces produites (une capture d'écran dont on ignore à quoi elle correspond et une photographie de panneau de chantier ne comportant pas d'adresse). A toutes fins, la cour constate qu'aux dates portées sur ces pièces à savoir le 26 septembre 2019 et le 15 mars 2021, les intimés étaient déliés de la promesse, laquelle expirait au plus tard le 31 mai 2019. Ils avaient donc retrouvé leur entière liberté, conformément à la clause « Carence » du contrat, aux termes de laquelle : « au cas où la vente ne serait pas réalisée par acte authentique avec paiement du prix et des frais, le bénéficiaire sera de plein droit déchu du bénéfice de la promesse sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure de la part du promettant qui disposera alors librement du bien nonobstant toutes les manifestations ultérieures de la volonté d'acquérir qu'aurait exprimées le bénéficiaire ».
En troisième lieu, M. [U] évoque une faculté de substitution qui aurait été évoquée avec le notaire lors d'un rendez-vous en date du 19 mai 2019, sans plus de précision. Il est observé qu'à cette date la promesse était déjà caduque. Au surplus, il ressort des déclarations de M. [U] que la condition pour proroger la vente et permettre la substitution était que le dépôt de garantie versé à titre de séquestre soit porté à hauteur de 55.000 € au lieu de 27.500 €. Or, manifestement cette condition n'a jamais été remplie. Ce moyen s'avère donc sans aucune portée pour la solution du litige.
Au total, la condition suspensive a défailli du fait de M. [U]. Dans la mesure où la promesse de vente est devenue caduque en dépit d'une condition suspensive présumée réalisée, M. [U] est tenu au paiement de l'indemnité d'immobilisation stipulée contractuellement.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement de cette somme.
2°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront également confirmées.
Succombant en appel, M. [T] [U] sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de condamner M. [U] à payer la somme de 1.500 € à M. [J] et à Mme [V] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 27 août 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire,
Y additant :
Déboute M. [T] [U] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne M. [T] [U] à payer à M. [H] [J] et Mme [K] [V] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne M. [T] [U] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE