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30/06/2023 | FRANCE | N°23/00316

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 30 juin 2023, 23/00316


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 23/149

N° N° RG 23/00316 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T4AR



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E





article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 23 Juin 2023 à 14 h2

8 par :



Mme [E] [C] épouse [O]

née le 29 Octobre 1974 à [Localité 5] (44)

[Adresse 1]

[Localité 2]



hospitalisée au Centre Hospitalier Spécia...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 23/149

N° N° RG 23/00316 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T4AR

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 23 Juin 2023 à 14 h28 par :

Mme [E] [C] épouse [O]

née le 29 Octobre 1974 à [Localité 5] (44)

[Adresse 1]

[Localité 2]

hospitalisée au Centre Hospitalier Spécialisé de [Localité 3]

ayant pour avocat Me Marine GUENIN, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 22 Juin 2023 par le Juge des libertés et de la détention de SAINT-NAZAIRE qui a dit n'y avoir lieu à main-levée de la mesure d'hospitalisation ;

En présence de [E] [C] épouse [O], régulièrement avisée de la date de l'audience, assistée de Me Marine GUENIN, avocat

En l'absence du tiers demandeur M [M] [O], régulièrement avisé,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé reçu le 26 juin 2023, lequel a été mis à disposition des parties

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 29 Juin 2023 à 14 H 00 l'appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Sur la base d'un certificat médical du Dr. [R] du 11 juin 2023 décrivant une patiente bipolaire en rupture avec l'état antérieur, des troubles du comportement, de l'insomnie, une désorganisation psychique, avec agitation et étrangeté, des bizarreries du comportement, une instabilité psychomotrice et une labilité émotionnelle, et en vertu d'une décision du directeur du centre hospitalier [4] de [Localité 3] du même jour, Mme [E] [C] épouse [O] a été admise en urgence en hospitalisation complète sans son consentement à la demande d'un tiers, en l'occurrence son mari M. [M] [O].

Le certificat médical des 24 heures établi le 12 juin 2023 par le Dr. [G] mentionne une patiente calme, sans agitation motrice, mais aussi une familiarité, une exaltation de l'humeur avec l'expression d'une angoisse, sans délire mais restant dispersée, ambivalente aux soins, situation nécessitant le maintien de ses soins sous la forme d'une hospitalisation complète et continue.

Le certificat médical des 72 heures établi le 14 juin 2023 par le Dr. [P] décrit une rapide hostilité, une accélération de la pensée, un refus de prendre correctement le traitement prescrit, une absence de conscience du caractère pathologique de son état et une grande propension à prendre des décisions préjudiciables, situation nécessitant la poursuite de l'hospitalisation complète et continue.

Le même jour, le directeur du centre hospitalier a décidé du maintien de Mme [E] [C] en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.

Sur la base d'un certificat médical du Dr. [P] du 16 juin 2023 mentionnant la persistance d'une inadaptation et d'une hostilité dans le contact, Mme [E] [C] se montrant déshinibée avec une sorte de familiarité et tenant des propos désobligeants pouvant lui être préjudiciables hors de l'hôpital, des troubles du jugement importants et la persistance d'un refus des soins, le directeur du centre hospitalier a, par requête du même jour, saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire aux fins de contrôle de la mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance du 22 juin 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de l'hospitalisation complète de Mme [E] [C].

Le 23 juin 2023, Mme [E] [C] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

À l'audience du 29 juin 2023 à 14 heures, Mme [E] [C] reconnaît avoir été perturbée ce jour-là mais aussi être montée de son plein gré dans l'ambulance. Elle s'est retrouvée dans un milieu hostile et elle a été mise à l'isolement dès son admission. Elle a déjà subi une dizaine d'hospitalisations, volontaires ou forcées. Elle a deux garçons de 13 et 9 ans. Elle était auparavant enseignante mais a été déclarée inapte, d'où son reclassement dans des postes de secrétariat pour l'éducation nationale, avant d'intégrer depuis peu le SPIP de [Localité 5], toujours dans le secrétariat. Elle estime pouvoir sortir et indique supporter le traitement.

Son avocate sollicite la mainlevée de la l'hospitalisation complète faute de caractérisation de l'urgence dans le certificat médical initial et en raison de la tardiveté de la notification de la décision d'admission.

Le centre hospitalier ne comparaît pas mais a transmis des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation établi le 26 juin 2023 par le Dr. [P] mentionnant la reprise correcte d'un traitement minimal mais un état non stabilisé bien qu'amélioré, Mme [E] [C] se montrant encore régulièrement familière, légèrement désinhibée, piquante, inadaptée dans ses rapports interpersonnels, faisant des commentaires désobligeants à haute voix à l'égard de tierces personnes, situation pouvant lui être préjudiciable à l'extérieur et nécessitant la poursuite de l'hospitalisation complète et continue.

M. [M] [O], tiers demandeur, ne comparaît pas.

Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance dès lors qu'aucune irrégularité de procédure n'est soulevée et qu'il n'appartient pas à l'autorité judiciaire de se substituer aux médecins.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, Mme [E] [C] a formé le 23 juin 2023 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 22 juin 2023.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure

1 - le défaut de caractérisation de l'urgence :

L'article L. 3212-1 du code de la santé publique dispose que 'la décision d'admission (à la demande d'un tiers) est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.

Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade'.

L'article L. 3212-3 prévoit qu' 'en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts'.

En l'espèce, Mme [E] [C] a été admise en urgence en hospitalisation complète sans son consentement à la demande d'un tiers, en l'occurrence son mari M. [M] [O], sur la base d'un certificat médical du Dr. [R] du 11 juin 2023 décrivant une patiente bipolaire en rupture avec l'état antérieur, des troubles du comportement, de l'insomnie, une désorganisation psychique, avec agitation et étrangeté, des bizarreries du comportement, une instabilité psychomotrice et une labilité émotionnelle.

Le fait que le certificat médical initial comporte la mention pré-rédigée selon laquelle 'il existe en outre un risque grave d'atteinte à l'intégrité du patient' est sans portée faute de caractériser expressément ce risque en la circonstance.

Les certificats médicaux des 24 et 72 heures n'éclairent pas davantage les circonstances de son hospitalisation.

Toutefois, le certificat médical établi par le Dr. [P] le 13 juin 2023 dans le cadre du placement de Mme [E] [C] à l'isolement dès son arrivée à l'hôpital, qui fait état d'un état d'agitation maniaque et de troubles du comportement avec velléités hétéro-agressives, permet de considérer le choix de la procédure d'urgence comme étant approprié.

Ce premier moyen ne pourra donc pas prospérer.

2 - la tardiveté de la notification de la décision d'admission :

Aux termes de l'aticle L. 3211-3 du code de la santé publique :

'Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.

L'avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible.

En tout état de cause, elle dispose du droit :

1° De communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 3222-4 ;

2° De saisir la commission prévue à l'article L. 3222-5 et, lorsqu'elle est hospitalisée, la commission mentionnée à l'article L. 1112-3 ;

3° De porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ;

4° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix ;

5° D'émettre ou de recevoir des courriers ;

6° De consulter le règlement intérieur de l'établissement et de recevoir les explications qui s'y rapportent ;

7° D'exercer son droit de vote ;

8° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.

Ces droits, à l'exception de ceux mentionnés aux 5°, 7° et 8°, peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d'agir dans l'intérêt du malade'.

Cette obligation d'information correspond à un droit essentiel du patient, celui d'être avisé d'une situation de soins contraints et des droits en découlant, étant ici rappelé que le juge européen assimile l'hospitalisation d'office à une arrestation et lui applique donc les obligations de l'article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit d'information de la personne détenue.

En l'espèce, la notification de la décision d'admission du 11 juin 2023 n'a été faite que 4 jours plus tard, soit le 15 juin 2023. Aucune circonstance médicale ne vient expliquer ce retard, qui ne peut pas se justifier par le placement à l'isolement de Mme [E] [C] puisque le renouvellement de cette mesure a pu lui être notifié le 13 juin 2023.

La procédure n'étant pas régulière, il conviendra d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, d'ordonner la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte de Mme [E] [C].

Toutefois, cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi. La mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité.

Sur les dépens

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Recevons Mme [E] [C] en son appel,

Infirmons l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Déclarons la procédure irrégulière,

Ordonnons la mainlevée de l'hospitalisation sous contrainte de Mme [E] [C],

Disons toutefois que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi et que la mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 30 juin 2023 à 14 heures

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Philippe BRICOGNE, Président

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [E] [C] épouse [O] , à son avocat, au CH et tiers demandeur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 23/00316
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;23.00316 ?
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