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28/06/2023 | FRANCE | N°20/02445

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 28 juin 2023, 20/02445


5ème Chambre





ARRÊT N°-236



N° RG 20/02445 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUOP













AYAKO SUSHI [Localité 6] SARL

SELARL EP ET ASSOCIES



C/



S.A. MERCIALYS

S.A.S. L'IMMOBILIERE GROUPE CASINO



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée r>


le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 JUIN 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Pr...

5ème Chambre

ARRÊT N°-236

N° RG 20/02445 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUOP

AYAKO SUSHI [Localité 6] SARL

SELARL EP ET ASSOCIES

C/

S.A. MERCIALYS

S.A.S. L'IMMOBILIERE GROUPE CASINO

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Mai 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES :

AYAKO SUSHI [Localité 6] SARL Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Ernest SFEZ de la SELARL CABINET SFEZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SELARL EP et ASSOCIES Prise en la personne de Maître [J] ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société AYAKO SUSHI [Localité 6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Ernest SFEZ de la SELARL CABINET SFEZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

S.A. MERCIALYS au capital de 92.049.169 ¿ RCS PARIS 424 064 707, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Dominique QUERAN GERMAIX de la SELARL PARETO AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. L'IMMOBILIERE GROUPE CASINO

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Mikaëlle LE GRAND de la SELARL CABINET GOURVES, D'ABOVILLE ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

Représentée par Me Louis-David ABERGEL de la SELEURL GOUAUX ABERGEL ASSOCIE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

La société Mercialys est propriétaire de centres commerciaux divisés en volumes et la société L'immobilière Groupe Casino est propriétaire des terrains extérieurs.

Le 26 juillet 2012, la société Ayako Sushi [Localité 6], spécialisée dans la restauration asiatique, sur place et à emporter, café et salon de thé, a conclu un bail commercial avec la société Mercialys, portant sur un local situé dans le centre commercial Géant Glann Odet à Quimper, d'une superficie de 323,93 m².

Le même jour, elle a conclu avec la société L'immobilière Groupe Casino une convention de mise à disposition à titre gratuit, portant sur un emplacement à usage de terrasse de 7,13 m² de forme triangulaire, donnant sur le parking. Deux plans représentant le local commercial et la terrasse ont été joints à ces conventions. Le bail prévoit un loyer de base fixe et un loyer variable additionnel calculé sur le chiffre d'affaires.

Les parties ont signé un procès-verbal de mise à disposition valant état des lieux le 9 octobre 2012, sans réserve.

A partir d'août 2014, la société Ayako Sushi [Localité 6] a fait état, par l'intermédiaire de son conseil, de difficultés d'exploitation de la terrasse en raison de sa faible superficie et de la présence d'un panneau extérieur de présentation du centre commercial de nature à affecter la visibilité du commerce. Elle a demandé une baisse du montant des loyers et des échanges ont eu lieu entre les parties sur le règlement des loyers impayés et la question de la terrasse.

La société Mercialys a adressé à la société Ayako Sushi [Localité 6] plusieurs commandements de payer visant la clause résolutoire du bail (en date des 13 février 2014, 17 juin 2014 et 25 mai 2016), puis l'a assignée sur le fondement du dernier commandement.

Par ordonnance de référé du 4 juillet 2018, l'acquisition de la clause résolutoire du bail a été constatée. La société Ayako Sushi [Localité 6] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par jugement du 22 mars 2019, le tribunal de commerce de Quimper a ouvert une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société Ayako Sushi [Localité 6] et a désigné la société EP et associés, prise en la personne de maître [J], comme mandataire judiciaire.

Par arrêt du 15 janvier 2020, la cour d'appel de Rennes a déclaré l'action en résiliation de bail formée par la société Mercialys irrecevable, compte tenu de la procédure de sauvegarde en cours.

Par acte d'huissier de justice en date du 24 avril 2019, la société Ayako Sushi [Localité 6] et la société EP et associés, prise en la personne de maître [J], mandataire judiciaire, ont fait citer devant le tribunal de grande instance de Quimper la société Mercialys et la société L'immobilière Groupe Casino, sur le fondement des articles 1104 et suivants du code civil.

Par jugement du 17 mars 2020, le tribunal judiciaire de Quimper a :

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par la société Ayako Sushi [Localité 6] à l'encontre de la société Mercialys et de la société L'immobilière Groupe Casino,

- condamné la société Ayako Sushi [Localité 6], assistée de maître [J] ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde, à payer à la société Mercialys une indemnité de 5 000 euros et à payer à la société L'immobilière Groupe Casino une indemnité de 5 000 euros, pour procédure abusive,

- condamné la société Ayako Sushi [Localité 6], assistée de maître [J] ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde, à payer à la SA Mercialys une indemnité de 5 000 euros et à la société L'immobilière Groupe Casino une indemnité de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Ayako Sushi [Localité 6] assistée de maître [J] ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde, aux entiers dépens avec distraction au profit de maître Le Grand conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes principales et reconventionnelles,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 29 mai 2020, les sociétés Ayako Sushi [Localité 6] et EP et associés, ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde, ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 26 février 2021, elles demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 17 mars 2020 dans toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Mercialys au paiement, aux appelants, de la somme de 188 896 euros en réduction du loyer payé à ce jour, correspondant à une réduction du tiers du loyer annuel pendant 8 ans en raison du préjudice commercial subi par les appelantes lié à l'implantation d'un panneau publicitaire occultant la façade du restaurant, et à son défaut d'information pré contractuelle concernant la superficie de la terrasse dont elle avait connaissance qu'elle constituait un élément déterminant de l'accord de la société Ayako Sushi pour prendre les locaux à bail,

- condamner la société L'Immobilière Groupe Casino à verser, aux appelants, la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sa responsabilité quant à l'implantation du panneau litigieux et son défaut d'information pré contractuel concernant la superficie de la terrasse, objet de la mise à disposition qu'elle a conclue avec la société Ayako Sushi,

- débouter les sociétés Mercialys et L'Immobilière Groupe Casino de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner solidairement les sociétés Mercialys et L'Immobilière Groupe Casino, aux entiers dépens de première instance et d'appel, outre la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile avec exécution provisoire.

Par dernières conclusions notifiées le 5 avril 2023, la société Mercialys demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Quimper du 17 mars 2020 en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société Ayako Sushi [Localité 6] pour prescription quinquennale, sur le fondement des articles 122 du code de procédure civile et 2224 du Code civil,

- les déclarer en tout état de cause irrecevables pour défaut de droit d'agir de la Société Ayako Sushi [Localité 6], sur le fondement des articles 32 et 122 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevables l'intégralité des demandes de la société Ayako Sushi [Localité 6], au visa des articles 32 et 122 du code de procédure civile, pour

défaut de qualité et d'intérêt à agir, compte tenu de la demande de renouvellement de son bail commercial,

- les rejeter en conséquence dans tous les cas,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Quimper du 17 mars 2020 en ce qu'il a condamné la société Ayako Sushi [Localité 6], assistée de maître [J] ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde, à payer à la Société Mercialys une indemnité pour procédure abusive,

A titre subsidiaire et au fond si la cour déclarait recevables les demandes de la société Ayako Sushi [Localité 6],

- débouter la société Ayako Sushi [Localité 6] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, lesquelles sont totalement infondées,

En tout état de cause sur son appel incident,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et y faisant droit,

- réformer le jugement du 17 mars 2020 en ce qu'il a limité la condamnation pour procédure abusive de la société Ayako Sushi [Localité 6] à son bénéfice à la somme de 5 000 euros,

- réformer le jugement du 17 mars 2020 en ce qu'il a limité la condamnation de la société Ayako Sushi [Localité 6] à 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Ayako Sushi [Localité 6] sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile à payer l'amende civile qu'il plaira à la juridiction de céans de fixer,

- la condamner à lui payer sur le fondement de l'article 1240 du code civil la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, pour le préjudice qu'elle subit du fait de cette procédure abusive,

- condamner la société Ayako Sushi [Localité 6] à lui payer une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

Y ajoutant,

- condamner la société Ayako Sushi [Localité 6] sur le fondement de l'article

32-1 du code de procédure civile à payer l'amende civile qu'il plaira à la juridiction de céans de fixer,

- la condamner à lui payer, sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, pour le préjudice qu'elle subit du fait de l'appel abusif,

- condamner la société Ayako Sushi [Localité 6] à payer à la société Mercialys une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de maître Bourges, avocat au barreau de Rennes, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

A titre très subsidiaire si la cour ne déboutait pas au fond la société Ayako Sushi [Localité 6] de ses demandes,

- déclarer irrecevables l'appel en garantie de la société L'Immobilière Groupe Casino et sa demande visant à être tenue indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, formés à titre très subsidiaire à son encontre, faute de motivation et de fondement, aux termes des articles 4,6,9 et 12 du code de procédure civile et partant, faute également de qualité à agir de ladite société contre elle, sur le fondement des articles 32 et 122 du code de procédure civile,

- déclarer infondé l'appel en garantie de la société L'Immobilière Groupe Casino à son encontre sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle,

- en tout état de cause, débouter la société L'Immobilière Groupe Casino de l'intégralité de ses demandes à son encontre de la société Mercialys.

Par dernières conclusions notifiées le 3 avril 2023, la société L'Immobilière Groupe Casino demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a :

* déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées par la société Ayako Sushi [Localité 6] à l'encontre de la société Mercialys et à son encontre,

* condamné la société Ayako Sushi [Localité 6], assistée de maître [H] [J], ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde, à lui payer une indemnité de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Ayako Sushi [Localité 6], assistée de maître [H] [J], ès-qualité de Mandataire Judiciaire à la procédure de sauvegarde, aux entiers dépens avec distraction au profit de maître Mikaëlle Le Grand conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire,

- déclarer recevable et bien-fondé l'appel incident formé par la société L'Immobilière Groupe Casino,

En conséquence,

- infirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a :

* condamné la société Ayako Sushi [Localité 6], assistée de maître [H] [J], ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde, à lui payer une indemnité de 5 000 euros, pour procédure abusive,

* rejeté les autres demandes principales et reconventionnelles,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- constater qu'elle est propriétaire de l'emplacement à usage exclusif de terrasse, objet de la convention de mise à disposition et qu'elle n'est pas propriétaire du « panneau publicitaire » qui serait à l'origine du préjudice invoqué par la société Ayako Sushi [Localité 6],

- déclarer irrecevable l'action initiée par la société Ayako Sushi [Localité 6] pour défaut de qualité et d'intérêt à agir et de la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Ayako Sushi [Localité 6] à lui payer une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

A titre subsidiaire :

- constater qu'elle a parfaitement rempli ses obligations contractuelles en mettant à la disposition de la société Ayako Sushi [Localité 6] l'emplacement désigné dans la convention de mise à disposition,

- constater que la société Ayako Sushi [Localité 6] jouit librement de l'emplacement et poursuit son activité commerciale en exploitant son fonds de commerce et en y réalisant un chiffre d'affaires,

En conséquence,

- déclarer irrecevable et mal fondée la société Ayako Sushi [Localité 6] en ses demandes formulées à son encontre et l'en débouter,

- condamner la société Ayako Sushi [Localité 6] à lui payer une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

A titre très subsidiaire :

- dans l'hypothèse où la cour de céans déciderait d'accorder à la société Ayako Sushi [Localité 6] des dommages et intérêts, dire et juger qu'ils seront

limités à la période du 24 avril 2014 au 24 avril 2019, et ce, en vertu des dispositions de l'article 2224 du code civil,

- condamner la société Mercialys à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans l'instance engagée à son encontre par la société Ayako Sushi [Localité 6],

Ainsi, si par extraordinaire le tribunal devait retenir sa responsabilité :

- condamner la société Mercialys à la relever indemne de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

En tout état de cause :

- la recevoir en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Ayako Sushi [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes,

fins et conclusions,

- condamner la société Ayako Sushi [Localité 6] à lui payer, en cause d'appel, une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de maître Mikaëlle Le Grand, avocat au barreau de Quimper, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de la société Ayako Sushi [Localité 6]

La société Ayako Sushi [Localité 6] soutient que le jugement entrepris a commis une erreur d'appréciation en considérant que ses demandes étaient prescrites alors que les différents échanges qu'elle a eues avec la société Mercialys établissent que celle-ci a reconnu le droit de son cocontractant à être indemnisé du préjudice causé par l'implantation du panneau publicitaire et l'erreur commise dans la superficie de la terrasse. Elle en déduit que la prescription a été interrompue et que la société Mercialys a renoncé à se prévaloir de celle-ci.

Elle ajoute que la prescription a également été interrompue par la procédure en référé ayant opposé les parties au cours de laquelle elle a formulé des demandes au président du tribunal judiciaire de Quimper tendant à considérer que les sociétés Mercialys et L'immobilière Groupe Casino avaient manqué à leur obligation de bonne foi et de délivrance et d'en tirer les conséquences.

La société Mercialys sollicite la confirmation du jugement qui a déclaré irrecevables les demandes de la société Ayako Sushi [Localité 6] tardives et donc prescrites.

Elle fait valoir que la société Ayako Sushi [Localité 6] a eu connaissance des lieux dès le mois de février 2012 et au plus le tard le 9 octobre 2012, date du procès-verbal de mise à disposition et d'état des lieux des locaux commerciaux sans réserve, de sorte que son action engagée le 24 avril 2019 est prescrite.

Elle conteste toute cause d'interruption de la prescription. Elle expose que le protocole d'accord de décembre 2015 et les échanges de mail intervenus entre 2015 et 2017 ont rappelé l'obligation au preneur de payer son arriéré locatif ainsi que ses loyers et charges courantes et n'ont pas constitué une quelconque reconnaissance d'un droit à une indemnité au preneur ni l'existence d'un prétendu trouble.

S'agissant de la procédure judiciaire en référé, elle précise que c'est elle qui l'a introduite et qu'elle a interrompu la prescription à seul profit pour sa réclamation des loyers et charges impayés. Elle expose que les demandes du preneur étaient des moyens de défense tendant uniquement au rejet des demandes en référé du bailleur en arguant de contestations sérieuses et ne sont pas de nature à interrompre la prescription au bénéfice du preneur.

La société L'immobilière Groupe Casino sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par la société Ayako Sushi [Localité 6] à son encontre et à l'encontre de la société Mercialys.

Elle demande également de déclarer irrecevable l'action initiée par la société Ayako Sushi [Localité 6] à son encontre pour défaut de qualité et d'intérêt à agir et de la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions. Elle soutient que le jugement entrepris a rejeté sa demande formulée à ce titre à tort et que le demandeur doit préalablement justifier de sa qualité et de son intérêt à agir pour que son action en justice soit déclarée irrecevable. Elle expose que si elle est propriétaire de la terrasse, objet de la convention de mise à disposition, elle n'est pas propriétaire du panneau publicitaire litigieux de sorte qu'elle est un tiers aux relations contractuelles entre la société Mercialys et l'appelante et que la société Ayako Sushi [Localité 6] ne justifie d'aucun intérêt légitime, personnel et direct pour agir à son encontre. Elle ajoute que la société Ayako Sushi ne l'avait pas mise en cause lors de la procédure de référé qui l'opposait à la société Mercialys.

Aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Aux termes des dispositions de l'article 2240 dudit code, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Aux termes des dispositions de l'article 2241 dudit code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

Aux termes des dispositions de l'article 2250 dudit code, seule une prescription acquise est susceptible de renonciation.

Aux termes de l'article 2251 dudit code, la renonciation à la prescription est expresse ou tacite.

La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.

Le jugement entrepris a retenu comme point de départ de la prescription, la date du 9 octobre 2012 s'agissant de la date du procès-verbal de mise à disposition et d'état des lieux des locaux commerciaux sur lequel aucune réserve n'a été formulée. Cette date n'est pas contestée par les parties et sera confirmée par la cour en ce que cette date est celle à laquelle le preneur a eu la parfaite connaissance des conditions d'exploitation.

Les parties s'opposent sur l'existence de causes interruptives de la prescription.

S'agissant de la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait invoquée par l'appelante, il convient de rappeler que cette reconnaissance, qui peut être expresse ou tacite, par le bénéficiaire de la prescription résulte de tout fait impliquant sans équivoque l'existence du droit du créancier et qu'aucune condition de forme n'est exigée. Il convient de vérifier l'existence de faits positifs traduisant, sans équivoque, la volonté de renoncer à se prévaloir de la prescription.

L'appelante produit des échanges de mails entre les parties caractérisant, selon elle, la reconnaissance par le bailleur des droits du preneur.

Il convient de relever que ces échanges de mail sont uniquement relatifs à la terrasse qui a fait l'objet d'une convention de mise à disposition à titre gratuit entre la société Ayako Sushi [Localité 6] et la société L'immobilière Groupe Casino et non avec la société Mercialys. Le bail commercial conclu le 26 juillet 2012 entre la société Mercialys et la société Ayako Sushi [Localité 6] ne porte pas sur cette terrasse comme en atteste le plan joint au bail figurant en annexe 1 de sorte qu'il apparaît difficile que la société Mercialys reconnaisse des droits à son preneur sur une terrasse qui n'entre pas dans le champs contractuel du bail commercial. De surcroît, la société Ayako Sushi [Localité 6] s'était engagée, aux termes de la convention de mise à disposition avec la société L'immobilière Groupe Casino, à ne pas dépasser les limites de la surface existante et que cet emplacement n'est pas l'accessoire du restaurant. Le jugement entrepris a d'ailleurs relevé à juste titre que le preneur n'a évoqué le sujet de la terrasse qu'après avoir été mis en demeure de régler les loyers impayés en 2014.

Aucun mail produit n'évoque les griefs du preneur envers le panneau publicitaire du centre commercial.

Il résulte de l'examen des mails produits par l'appelante que la société Mercialys n'a jamais reconnu, même tacitement, l'existence d'un trouble commercial ou d'un défaut d'information pré-contractuelle. Au contraire, la société Mercialys rappelle au preneur dans son mail du 4 mai 2015, qu'il 'n'a jamais été question d'une terrasse de grande taille mais d'une surface d'appel pour' l'entrée extérieure de quelques mètres carrés'. Le fait que la société Mercialys lui rappelle qu'elle est dans l'impossibilité de lui permettre d'exploiter une vraie terrasse ne constitue pas une reconnaissance de sa volonté de lui créer une terrasse plus grande mais seulement un rappel de la situation existante. Il en est de même lorsque dans le même mail, la société Mercialys écrit 'par mesure de compensation, il me semble que M. [P] ou M. [T] vous a proposé d'exploiter une terrasse intérieure. C'est à ce jour et étant donné les règles de sécurité applicables, la seule possibilité que nous pouvons vous offrir'.

La société Mercialys confirme dans son mail du 12 mai 2015 qu'ils ne peuvent pas créer de surface extérieure supplémentaire à proximité du restaurant.

S'agissant du mail du 15 novembre 2017 dans lequel la société Mercialys écrit 'compte tenu de l'ancienneté de nos échanges nous souhaitons que ce rendez-vous aboutisse à finaliser un accord permettant de pérenniser la présence d'Ayako Sushi [Localité 6] dans la galerie', il y a lieu de relever que la société Mercialys demande à son preneur de venir avec les visuels de réaménagement de la terrasse et sous réserve que leur soit remis un chèque de 61 409,74 euros correspondant à une partie des arriérés de loyers qui s'élèvent à la somme de 215 540,65 euros.

Il apparaît aux termes de ces échanges et de ces pourparlers que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la société bailleresse ne reconnaît pas le droit de son preneur à obtenir une terrasse plus grande ou une réduction de loyer ni que la bailleresse aurait méconnu les droits de son preneur du fait de la taille et de configuration de la terrasse.

Il est constant que la mise en oeuvre d'une procédure amiable d'indemnisation n'est pas constitutive d'une reconnaissance de responsabilité interruptive de prescription.

Il est évoqué le protocole d'accord transactionnel signé le 6 janvier 2016 entre la société Mercialys et la société Ayako Sushi [Localité 6]. Il apparaît que ce protocole a été initié suite aux difficultés financières du preneur qui s'est rapproché de son bailleur pour solliciter un aménagement de sa dette locative qui s'élevait à la somme de 71 817,89 euros TTC et que la société Ayako Sushi [Localité 6] reconnaît expressément être débitrice d'une telle somme au titre des loyers, charges et accessoires arrêtés au 31 octobre 2015 (article 1 du protocole). La société Mercialys consent, sous réserve du respect de l'échéancier convenu à l'article 3, à abandonner une partie de sa créance au profit de la société Ayako Sushi [Localité 6] à hauteur de la somme de 23 366,44 euros TTC et les parties s'accordent, sous réserve du respect de l'échéancier, pour arrêter la dette locative de la société Ayako Sushi [Localité 6] à la somme de 48 451,45 euros TTC (article 2). Elles s'accordent notamment sur la mise en place d'un échéancier de 36 mensualités (article 3) et une mensualisation des loyers (article 4).

Il résulte de l'examen de ce protocole d'accord qu'il a pour objet la reconnaissance par le preneur de sa dette locative et les modalités de l'apurement de cette dette locative et ne constitue nullement une reconnaissance par le bailleur des droits du preneur de sorte que cet acte n'est pas interruptif de prescription.

De même, il n'est pas non plus établi une quelconque renonciation de la société Mercialys à une quelconque prescription.

S'agissant de l'interruption de la prescription soulevée par l'appelante en raison de la procédure de référé, il est constant que seule constitue, pour le défendeur à une action, une demande en justice, interrompant la prescription, celle par laquelle il prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

En l'espèce, l'action en référé a été introduite le 27 avril 2017 par la société Mercialys pour solliciter notamment l'acquisition de la clause résolutoire depuis le 25 juin 2016, l'expulsion immédiate de la société Ayako Sushi [Localité 6] et la condamnation de cette dernière au versement d'une provision d'un montant de 189 184,12 euros TTC au titre de l'arriéré locatif.

La société Ayako Sushi, défenderesse à la procédure a, à titre principal, soulevé l'existence de contestations sérieuses au regard du défaut de qualité à agir de la société Mercialys, de sa défaillance dans son obligation de délivrance, de sa mauvaise foi dans l'exécution des conventions et de l'imprécision du commandement de payer délivré le 25 mai 2016 et a conclu au rejet des demandes de la société Mercialys. A titre subsidiaire, elle a sollicité de voir réduire les pénalités réclamées et de lui accorder des délais de paiement.

Il doit en être déduit que la demande principale de la société Ayako Sushi [Localité 6] tenait exclusivement aux rejets des demandes de la société Mercialys en invoquant l'existence de contestations sérieuses et que sa demande subsidiaire se rattache à la demande en paiement de la bailleresse de sorte que ses demandes ne sont pas de nature à interrompre la prescription.

Le jugement qui a déclaré irrecevable l'ensemble des demandes de la société Ayako Sushi [Localité 6] contre la société Mercialys et la société L'immobilière Groupe Casino comme prescrites sera confirmé en ce qu' un délai, non interrompu, de plus de cinq était intervenu entre le 9 octobre 2012 et l'assignation délivrée le 24 avril 2019.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner les autres demandes d'irrecevabilité soulevées par la société Mercialys ni celles soulevées par la société L'immobilière Groupe Casino.

- Sur les demandes de condamnation pour procédure abusive

La société Mercialys sollicite que la condamnation de la société Ayako Sushi [Localité 6] soit portée à la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la première instance et soit fixée à la somme de 15 000 euros pour appel abusif. Elle fait valoir que le preneur a manifestement abusé de son droit d'agir en justice, à la fois en première instance et en appel, en se fondant sur des allégations inexactes en droit et en fait dans le seul but de nuire à son bailleur et d'échapper au paiement des sommes dues.

La société L'immobilière Groupe Casino sollicite que la condamnation de la société Ayako Sushi [Localité 6] soit portée à la somme de 30 000 euros pour procédure abusive. Elle soutient que la société Ayako Sushi [Localité 6] ne pouvait ignorer l'existence du panneau de présentation d'enseignes dès avant la signature de la convention de mise à disposition et qu'elle n'a jamais formulé la moindre contestation auprès de la demanderesse du chef d'une prétendue impossibilité d'exploiter sa terrasse avant la délivrance de son assignation le 24 avril 2019 soit près de 7 ans après la signature de la convention.

La société Ayako Sushi [Localité 6] s'opposent à ces demandes qu'elle considère comme mal fondées au motif que la présence du panneau n'est pas sérieusement contestable alors même qu'il ne figure pas sur le plan contractuel annexé à la convention de mise à disposition et que la terrasse, qui constituait une condition de prise à bail des locaux, est inexploitable.

Il convient de rappeler que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol au visa des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile. De même, l'appel ne doit être ni abusif ni dilatoire au visa de l'article 559 du code de procédure civile.

Il résulte des éléments contractuels que la surface de la terrasse mise à disposition gratuitement du preneur par la société L'immobilière Groupe Casino ainsi que sa configuration étaient clairement indiqués dans la convention de mise à disposition. De plus, lors du procès-verbal de mise à disposition et d'état des locaux commerciaux, une seule réserve a été émise relative au vidage de la cellule mais la société Ayako Sushi [Localité 6] n'a émis aucune réserve sur la terrasse ou sur le panneau publicitaire dont il n'est pas contesté qu'il ait été installé antérieurement à son installation. Ces contestations ne sont apparues qu'en 2014 après que le preneur a été mis en demeure de régler les loyers impayés tel que cela résulte d'un mail du gérant de la société Ayako Sushi [Localité 6] du 23 juin 2014 qui indique vouloir se défendre en évoquant la terrasse à une demande de règlement des loyers de son bailleur (pièce n°19 produite par la société Mercialys). Ces éléments caractérisent une mauvaise foi que les premiers juges ont justement indemnisée en allouant une somme de 5 000 euros à la société Mercialys et à la société L'immobilière Groupe Casino. Le jugement sera ainsi confirmé.

Il sera également alloué une indemnité de 5 000 euros pour procédure abusive en cause d'appel à la société Mercialys, la société Ayako Sushi [Localité 6] ayant repris les mêmes arguments que devant les premiers juges.

En revanche, il n'appartient pas à l'une des parties de solliciter la condamnation d'une autre à une amende civile. La société Mercialys sera déboutée de sa demande à ce titre.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en son appel, la société Ayako Sushi [Localité 6] sera condamnée à verser à la société Mercialys une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et à verser à la société L'immobilière Groupe Casino une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Ayako Sushi [Localité 6], assistée de maître [J], ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde, à verser à la société Mercialys la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Condamne la société Ayako Sushi [Localité 6], assistée de maître [J], ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde, à verser à la société Mercialys la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la société Ayako Sushi [Localité 6], assistée de maître [J], ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde, à verser à la société L'immobilière Groupe Casino la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la société Ayako Sushi [Localité 6], assistée de maître [J], ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/02445
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;20.02445 ?
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