2ème Chambre
ARRÊT N°313
N° RG 20/04533
N° Portalis DBVL-V-B7E-Q6CP
S.A.R.L. [D] AUTO SERVICES
C/
M. [V] [L]
Mme [W] [I] épouse [L]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me LE BLAY
- Me BRETECHE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 23 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Mars 2023
devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Juin 2023, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.R.L. [D] AUTO SERVICES
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Alice LE BLAY de la SCP SCP ROBET- LE BLAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Monsieur [V] [L]
né le 15 Juillet 1956 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Madame [W] [I] épouse [L]
née le 27 Octobre 1955 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Tous représentés par Me Victoire BRETECHE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
EXPOSE DU LITIGE :
Le 22 février 2019, la S.A.R.L. [D] Auto Services a vendu à M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] un véhicule d' occasion de marque Ford C-MAX immatriculé [Immatriculation 5] moyennant un prix de 4 900 euros.
Le 19 juin 2019, les époux [L] ont vainement mis en demeure la S.A.R.L. [D] Auto Services de prendre en charge les réparations nécessaires à la remise en état de la boîte de vitesses automatique.
Le 20 septembre 2019, le conciliateur de justice pour le canton de [Localité 6], sur requête des époux [L], a constaté l'échec de la tentative de conciliation.
Suivant acte d'huissier délivré le 25 février 2020, les époux [L] ont fait assigner la S.A.R.L. [D] Auto Services devant le Tribunal Judiciaire de Nantes aux fins d'obtenir la résolution de la vente.
Par jugement du 26 juin 2020, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SARL [D] Auto Services
- prononcé la résolution de la vente du véhicule Ford immatriculé BN 779 ZC, conclue par M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] et la SARL [D] Auto Services le 22 février 2019
- condamné la SARL [D] Auto Services à restituer à M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 4 900 euros correspondant au prix de vente litigieuse outre les intérêts au taux légal à compter du jugement
- dit que M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] devront laisser le véhicule litigieux à disposition de la SARL [D] Auto Services, laquelle devra faire le nécessaire pour en reprendre possession à ses frais,
- condamné la SARL [D] Auto Services à payer M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 1078,31 euros à titre de dommages-intérêts
- débouté M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] de leurs demandes pour le surplus;
- condamné la SARL [D] Auto Services à payer à M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SARL [D] Auto Services a formé appel du jugement et par dernières conclusions notifiées le 24 décembre 2020, elle demande de :
- Infirmer le jugement rendu le 26 juin 2020
- Débouter les consorts [L] de l'ensemble de leurs demandes ;
- Constater l'absence de preuve sur un défaut de conformité du véhicule au moment de sa délivrance ;
- Condamner les consorts [L] à verser 2500 euros à la SARL [D] Auto Services au visa de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner les consorts [L] aux entiers dépens de l'appel et de première instance.
Par dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023, les poux [L] demandent de :
Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nantes le 26 juin 2020 en ce qu'il a :
- Rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SARL [D] Auto Services,
- Prononcé la résolution de la vente du véhicule Ford C-MAX immatriculé BN 779 ZC, conclue par M. [V] [L], Mme [W] [I] épouse [L] et la SARL [D] Auto Services le 22 février 2019 ;
- Condamné la SARL [D] Auto Services à restituer à M. [V] [L] et à Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 4 900 euros correspondant au prix de vente litigieuse outre les intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- Dit que M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] devront laisser le véhicule litigieux à disposition de la SARL [D] Auto Services laquelle devra faire le nécessaire pour en reprendre possession à ses frais ;
- Débouté la SARL [D] Auto Services de ses prétentions ;
- Condamné la SARL [D] Auto Services à payer à M. [V] [L] et à Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 300 euros visa l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SARL [D] Auto Services aux dépens.
Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nantes le 26 juin 2020 en ce qu'il a :
- Condamné la SARL [D] Auto Services à payer à M. [V] [L] et à Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 1 078,31 euros à titre de dommages-intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- Débouté M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] de leurs demandes pour le surplus.
Et statuant à nouveau sur ce point :
- Condamner la société SARL [D] Auto Services à verser à M. [V] [L] et à Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 3 545 ,64 euros, qui devra être actualisée au jour du jugement et assortie d'intérêts légaux ;
En tout état de cause,
- Condamner la société [D] Auto Services à justifier avoir effectué l'ensemble des démarches administratives certifiant qu'elle est titulaire du véhicule immatriculé [Immatriculation 5] sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir.
- Condamner la société SARL [D] Auto Services à verser à M. [V] [L] et à Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société SARL [D] Auto Services des entiers dépens de l'appel et de première instance.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article L. 217-7 du code de la consommation dispose que les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
Pour les biens vendus d'occasion, ce délai est fixé à six mois.
Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n'est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué.
La SARL [D] Auto Services fait grief au jugement d'avoir prononcé la résolution de la vente admettant l'existence d'un défaut de conformité en expliquant que les époux [L] ne font pas la preuve de ce défaut dont l'existence ne saurait résulter de la seule survenance d'une panne du véhicule. Elle fait valoir que le devis de remplacement de la boîte de vitesse produit aux débats par les acheteurs ne saurait suffire à faire la démonstration de l'existence d'un défaut de conformité.
Le vendeur fait valoir à bon droit qu'il appartient à l'acquéreur de faire la preuve de ce que le véhicule présente un défaut de conformité. Il demeure que le vendeur ne conteste pas que le véhicule a subi une panne au mois de juin 2019, soit dans les 6 mois de la vente intervenue le 22 février 2019, à l'origine de son immobilisation et de sa prise en charge par le Garage Ford à [Localité 8].
Si la société [D] Auto Services fait valoir à juste titre que la production d'un devis de remplacement de la boîte de vitesse par les époux [L] ne saurait suffire à faire la preuve de ce que la défaillance de cette pièce soit à l'origine de la panne, il sera constaté que le vendeur produit aux débats un rapport d'expertise amiable en date du 11 décembre 2020 qui confirme la panne du véhicule. Lors de ses opérations l'expert a constaté qu'en 'mode boîte de vitesse automatique' le véhicule présentait un manque de puissance moteur rendant le passage de vitesse impossible. Si à l'issue de ses opérations l'expert conclu que le dysfonctionnement du véhicule résulte de dommages affectant le moteur et non d'une avarie de la boîte de vitesse elle-même, il confirme que le véhicule présente des désordres précisant que seul un diagnostic approfondi permettra de réaliser une estimation du coût de la remise en état.
Il est ainsi suffisamment établi que le véhicule a présenté des désordres mécaniques le rendant impropre à son usage car affectant le passage des vitesses et qui sont apparus dans les 6 mois de la livraison. Ils sont dès lors présumés avoir existé au moment de la vente, sauf au vendeur à faire la preuve contraire.
C'est ainsi à bon droit que le premier juge a retenu que les conditions de mise enjeu de la garantie légale de conformité des articles L 217-4 et suivants du code de la consommation étaient réunies et ce, quand bien même la cause et l'origine des défauts affectant le passage des vitesses ne sont pas précisément déterminées.
La société [D] Auto Services n'ayant pas donné suite à la demande de remise en état formée dès le 19 juin 2019 par les époux [L] ces derniers étaient fondés à tirer les conséquences de son inaction en sollicitant la résolution de la vente dès le mois suivant conformément aux dispositions de l'article L. 217-10.
Si la société [D] Auto Services fait valoir qu'il n'y a pas lieu de procéder à la résolution de la vente s'il s'avère que le défaut de conformité est mineur, elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que tel est le cas en l'espèce.
C'est à bon droit que le premier juge a rappelé que la demande d'expertise n'a pas vocation à suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve et il n'y a pas lieu d'ordonner cette mesure d'instruction qui n'apparaît pas nécessaire à la solution du litige.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et a ordonné la restitution du prix aux acquéreurs.
Par application de l'article L 217-11 du code de la consommation, l'application des dispositions des articles L 217-9 et L 217-10 ne fait pas obstacle à l'allocation de dommages-intérêts.
La société [D] Auto Services fait grief au jugement d'avoir fait droit aux demandes des époux [L] alors que ces derniers ne justifient pas de leur préjudice.
Les époux [L] sollicitent la réformation du jugement et demandent que leur soit alloué une somme de 3 545,64 euros en réparation de leurs préjudices.
Les acquéreurs sont fondés à solliciter indemnisation au titre des frais d'immatriculation du véhicule vendu qui se sont élevés à la somme de 150,76 euros suivant justificatif produit.
Il ressort du courrier du conseil de la société [D] Auto Services en date du 28 septembre 2020 adressé aux époux [L] que le vendeur a sollicité la restitution du véhicule en contrepartie du règlement des causes du jugement attaqué bénéficiant de l'exécution provisoire.
M. et Mme [L] produisent aux débats la copie du courrier adressé le 6 octobre 2020 à la société [D] Auto Services par lequel ils ont transmis le certificat d'immatriculation barré, le certificat de cession et la copie de l'accusé d'enregistrement de la déclaration de cession en date du 6 octobre 2020.
Le jugement ayant mis à la charge de la société [D] Auto Services les frais de la reprise de possession du véhicule, il sera retenu que le véhicule a été restitué au vendeur à la date du 6 octobre 2020 sans qu'il y ait lieu de le condamner à en justifier sous astreinte.
M. et Mme [L] ne peuvent en conséquence prétendre à être indemnisés au titre de frais d'assurance du véhicule engagés postérieurement à cette date.
Sur la base d'une assurance annuelle de 483,30 euros soit une redevance mensuelle de 40,28 euros et journalière de 1,34 euros, il apparaît justifié d'allouer aux époux [L] une indemnité au titre des frais d'assurance supportés par eux du 19 juin 2019 au 6 octobre 2020 soit la somme de 627,03 euros.
M. et Mme [L] ne sauraient prétendre au remboursement de frais engagés sur leur véhicule Opel s'agissant de frais d'entretien d'un véhicule tiers dont ils ont la jouissance et qui ne sont que le résultat de l'utilisation qu'ils en font.
M. et Mme [L] sont en revanche fondés à obtenir réparation de leur préjudice de jouissance du fait de la défaillance du véhicule Ford moins de quatre mois après son acquisition et qui sera justement et complètement réparé par une indemnité d'un montant de 500 euros.
Au regard de ces éléments, la société [D] Services Auto sera condamnée à payer à M. et Mme [L] une somme de 1 277,79 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement étant réformé en ce sens.
Le jugement sera confirmé en ses autres dispositions.
La société [D] Services Auto qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. et Mme [L] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Réforme le jugement rendu le 26 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Nantes en ce qu'il a condamné la SARL [D] Auto Services à payer M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 1078,31 euros à type de dommages-intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du jugement.
Statuant à nouveau sur le chef réformé
Condamne la SARL [D] Auto Services à payer M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 1 277,79 euros à titre de dommages-intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du jugement.
Confirme le jugement en ses autres dispositions.
Y ajoutant
Condamne la SARL [D] Auto Services à payer M. [V] [L] et Mme [W] [I] épouse [L] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SARL [D] Auto Services aux dépens d'appel.
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRESIDENT