La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2023 | FRANCE | N°23/00305

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 20 juin 2023, 23/00305


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 23/140

N° RG 23/00305 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T2TT



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E





article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Julie FERTIL, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 13 Juin 2023 à 10h48 par : r>


Mme [B] [F] épouse [X]

née le 09 Mars 1966 à [Localité 1] (ROYAUME UNI)

actuellement hospitalisée au centre hospitalier de Blain (EPSYLAN)



aya...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 23/140

N° RG 23/00305 - N° Portalis DBVL-V-B7H-T2TT

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Julie FERTIL, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 13 Juin 2023 à 10h48 par :

Mme [B] [F] épouse [X]

née le 09 Mars 1966 à [Localité 1] (ROYAUME UNI)

actuellement hospitalisée au centre hospitalier de Blain (EPSYLAN)

ayant pour avocat Me Marie LOHIER, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 12 Juin 2023 par le Juge des libertés et de la détention de SAINT-NAZAIRE qui a ordonné le maintien de son hospitalisation complète ;

En présence de [B] [F] épouse [X], régulièrement avisée de la date de l'audience, assistée de Me Marie LOHIER, avocat

En l'absence du tiers demandeur, Mme. [D] [X], régulièrement avisée,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 13 juin 2023, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 19 Juin 2023 à 14 H 00 l'appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

Mme [B] [F] épouse [X] a été admise en urgence le 5 avril 2022 au centre hospitalier [2] en hospitalisation complète sans son consentement à la demande d'un tiers, en l'occurrence sa fille Mme [D] [X], sur la base d'un certificat médical du même jour établi par le Dr. [Z].

Le certificat médical des 24 heures a été établi par le Dr. [J] le 6 avril 2022 et le certificat médical des 72 heures a été établi par le Dr. [Y] le 8 avril 2022.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a autorisé le maintien de la mesure d'hospitalisation complète par ordonnance du 7 novembre 2022, infirmée par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Rennes du 15 novembre 2022 ayant conduit à l'instauration d'un programme de soins suivant décision du directeur du centre hospitalier du 16 novembre 2022 comprenant la prise régulière du traitement avec intervention d'une infirmière à domicile, un suivi infirmier et médical régulier en CMP et la prise en charge en CATTP.

Sur la base d'un certificat médical du Dr. [H] du 2 juin 2023 décrivant une patiente présentant une décompensation maniaque caractérisée par une agitation psychomotrice, une logorrhée, une incohérence, des cris, une désinhibition des troubles du comportement, une inaccessibilité à l'échange, un délire mégalomaniaque et de persécution avec adhésion totale, troubles rendant impossible l'expression d'un consentement et imposant des soins immédiats, et en vertu d'une décision du directeur du centre hospitalier du même jour, Mme [B] [F] a été réadmise en hospitalisation complète sans son consentement.

Sur la base d'un certificat médical du Dr. [J] du 7 juin 2023 mentionnant un état toujours décompensé, avec une franche accélération psychique et motrice, des comportements totalement inadaptés, Mme [B] [F] restant très persécutée par son psychiatre habituel et plus globalement les soignants, la patiente refusant de prendre ses traitements, se montrant facilement irritable, s'agitant et s'énervant, le directeur du centre hospitalier a, par requête du même jour, saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire aux fins de contrôle de la mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance du 12 juin 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de l'hospitalisation complète de Mme [B] [F].

Le 13 juin 2023, Mme [B] [F] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

À l'audience du 19 juin 2023 à 14 heures, Mme [B] [F] affirme avoir scrupuleusement suivi son programme de soins par peur de retourner à l'hôpital, si bien qu'elle n'a pas compris ce qui se passait alors qu'elle n'avait pas arrêté son traitement, persuadée qu'elle se rendait à l'hôpital uniquement pour une ordonnance. Elle considère donc que son hospitalisation est abusive. Son traitement au lithium présente des contre-indications (thyroïde).

Son avocate sollicite la mainlevée de l'hospitalisation de Mme [B] [F] en raison des trois irrégularités affectant la procédure (absence de caractérisation des conditions justifiant une réadmission, tardiveté de la notification de la décision de réadmission, tardiveté de certificat médical de situation nuisant au principe de la contradiction) .

Le centre hospitalier ne comparaît pas mais a transmis des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation établi le 19 juin 2023 par le Dr.[J] mentionnant certes une meilleure observance et un état clinique en cours d'amélioration, mais aussi une conscience de sa maladie et une adhésion aux soins toujours précaires, la poursuite de son hospitalisation permettant de travailler sur ces deux aspects en raison des risques de rechute que comporterait une sortie prématurée.

Mme [D] [X], tiers demandeur, ne comparaît pas.

Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, Mme [B] [F] a formé le 13 juin 2023 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 12 juin 2023.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure

1 - le défaut de caractérisation des conditions de la réadmission :

L'article L. 3211-11 du code de la santé publique dispose que 'le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l'article L. 3211-2-1 pour tenir compte de l'évolution de l'état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié.

Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient transmet immédiatement au directeur de l'établissement d'accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu'il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne'.

En l'espèce, Mme [B] [F] a été réadmise en hospitalisation complète sans son consentement sur la base d'un certificat médical du Dr. [H] du 2 juin 2023 décrivant une patiente présentant une décompensation maniaque caractérisée par une agitation psychomotrice, une logorrhée, une incohérence, des cris, une désinhibition des troubles du comportement, une inaccessibilité à l'échange, un délire mégalomaniaque et de persécution avec adhésion totale, troubles rendant impossible l'expression d'un consentement et imposant des soins immédiats.

Ces considérations caractérisent suffisamment la nécessité de la réadmission, de sorte que ce premier moyen sera jugé inopérant.

2 - la tardiveté de la notification de la décision de réadmission :

Aux termes de l'aticle L. 3211-3 du code de la santé publique :

'Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.

L'avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible.

En tout état de cause, elle dispose du droit :

1° De communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 3222-4 ;

2° De saisir la commission prévue à l'article L. 3222-5 et, lorsqu'elle est hospitalisée, la commission mentionnée à l'article L. 1112-3 ;

3° De porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ;

4° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix ;

5° D'émettre ou de recevoir des courriers ;

6° De consulter le règlement intérieur de l'établissement et de recevoir les explications qui s'y rapportent ;

7° D'exercer son droit de vote ;

8° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.

Ces droits, à l'exception de ceux mentionnés aux 5°, 7° et 8°, peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d'agir dans l'intérêt du malade'.

Cette obligation d'information correspond à un droit essentiel du patient, celui d'être avisé d'une situation de soins contraints et des droits en découlant, étant ici rappelé que le juge européen assimile l'hospitalisation d'office à une arrestation et lui applique donc les obligations de l'article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit d'information de la personne détenue.

En l'espèce, si la notification de la décision du 2 juin 2023 du directeur du centre hospitalier de réadmettre Mme [B] [F] en hospitalisation complète n'a été notifiée à l'intéressée que le 5 juin 2023, soit trois jours plus tard, ce qui peut paraître excessif sans justification particulière, il convient de relever que le Dr. [H] a informé sa patiente dès le 2 juin 2023 et qu'aucun élément ne permet de déterminer la prise en charge effective de l'intéressée qui poursuivait jusque là des soins ambulatoires, considération pouvant expliquer le retard pris dans la notification de réadmission. En outre, la réadmission a été suivie quatre jours plus tard par la saisine du juge des libertés et de la détention, de sorte que Mme [B] [F] n'a pu en concevoir aucun grief.

Le deuxième moyen sera donc jugé inopérant.

3 - la tardiveté de la communication du certificat médical de situation :

L'article L. 3211-12-4 du code de la santé publique dispose que, 'lorsque l'ordonnance mentionnée au même premier alinéa a été prise en application de l'article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d'appel au plus tard quarante-huit heures avant l'audience'.

Aux termes de l'article L. 3216-1, 'la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire.

Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet'.

En l'espèce, Mme [B] [F] n'offre pas de caractériser le grief qu'elle aurait subi du fait de la communication tardive du certificat médical de situation établi le 19 juin 2023 par le Dr. [J], soit le jour même de l'audience.

Il convient par ailleurs de souligner que ce certificat médical de situation a été transmis sans délai par le greffe à l'avocate qui a pu le discuter sur l'audience. Cette dernière n'a d'ailleurs pas fait d'observation sur le bien-fondé de la mesure d'hospitalisation.

Enfin, il est plutôt de l'intérêt de la patiente d'avoir un certificat médical de situation actualisé au plus près.

Le troisième moyen sera donc jugé inopérant.

Sur le fond

Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, 'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1'.

En l'espèce, le certificat médical de situation établi le 19 juin 2023 par le Dr.[J] mentionne certes une meilleure observance et un état clinique en cours d'amélioration, mais aussi une conscience de sa maladie et une adhésion aux soins toujours précaires, la poursuite de l'hospitalisation de Mme [B] [F] permettant de travailler sur ces deux aspects en raison des risques de rechute que comporterait une sortie prématurée.

La poursuite de l'hospitalisation complète de Mme [B] [F] est donc fondée.

L'ordonnance entreprise sera confirmée.

Sur les dépens

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Recevons Mme [B] [F] en son appel,

Confirmons l'ordonnance entreprise,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 20 Juin 2023 à 14h

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Philippe BRICOGNE, Président

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [B] [F] épouse [X] , à son avocat, au CH et tiers demandeur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 23/00305
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;23.00305 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award