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13/06/2023 | FRANCE | N°21/00392

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 13 juin 2023, 21/00392


1ère Chambre





ARRÊT N°172/2023



N° RG 21/00392 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RIUB













M. [W] [K]

Mme [I] [S] épouse [K]



C/



Mme [L] [H]

Mme [U] [P]

S.C.I. LALOUX-RODIN



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES>
ARRÊT DU 13 JUIN 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIERE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-...

1ère Chambre

ARRÊT N°172/2023

N° RG 21/00392 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RIUB

M. [W] [K]

Mme [I] [S] épouse [K]

C/

Mme [L] [H]

Mme [U] [P]

S.C.I. LALOUX-RODIN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIERE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 avril 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [W] [K]

né le 25 Septembre 1942 à [Localité 24]

[Adresse 7]

[Localité 24]

Représenté par Me Antoine PLATEAUX de la SELARL PUBLI-JURIS, avocat au barreau de NANTES

Madame [I] [S] épouse [K]

née le 28 Août 1942 à [Localité 17]

[Adresse 7]

[Localité 24]

Représentée par Me Antoine PLATEAUX de la SELARL PUBLI-JURIS, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉES :

Madame [L] [H]

née le 14 Octobre 1975 à [Localité 25]

[Adresse 9]

[Localité 24]

Représentée par Me Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, avocat au barreau de NANTES

Madame [U] [P]

née le 19 Mars 1974 à [Localité 16]

[Adresse 9]

[Localité 24]

Représentée par Me Yohan VIAUD de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, avocat au barreau de NANTES

La S.C.I. LALOUX-RODIN, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n°538.614.140, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 15]

[Adresse 15]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Célia CHAUFFRAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCÉDURE

M. et Mme [K] sont propriétaires des parcelles cadastrées section [Cadastre 19], [Cadastre 12], [Cadastre 21], [Cadastre 13] acquises en [Cadastre 10], [Cadastre 23] acquises en [Cadastre 11] et [Cadastre 14] acquise en 1979 accueillant leur habitation au [Adresse 7]. Cette unité foncière, d'un seul tenant d'une superficie totale de 1.825 m², se trouve enserrée par des constructions et des terrains appartenant à des personnes privées au Nord, à l'Ouest et à l'Est.

Pour rejoindre leur domicile, ils empruntent l'[Adresse 7] au Sud, voie privée ne permettant qu'un passage piéton d'une largeur de 1,79 m donnant sur la voie publique [Adresse 9] distante de 28 m.

La sci Laloux-Rodin est propriétaire à Nantes des biens immobiliers sis [Adresse 9], cadastrés section [Cadastre 1] et [Cadastre 22].

La propriété de la sci Laloux-Rodin est mitoyenne des parcelles cadastrées section [Cadastre 5] et [Cadastre 6], appartenant en indivision à Mmes [U] [P] et [L] [H] et accueillant leur résidence principale.

Les parcelles appartenant à la sci Laloux-Rodin ainsi qu'à Mmes [P] et [H] sont également mitoyennes des six parcelles précitées appartenant à M. et Mme [K].

A partir de 2012, la sci Laloux-Rodin a entrepris de désenclaver les parcelles arrière dont elle était propriétaire au c'ur de cet îlot et qui n'étaient pas desservies jusqu'à la rue, en ouvrant un passage en forme de porche en rez-de-chaussée du [Adresse 9]. Ce porche était susceptible de permettre également un accès, notamment automobile, pour M. et Mme [K] à leur propriété en complément de celui piétonnier existant par l'[Adresse 7].

Mmes [H] et [P] ont acquis en 2015 de la sci Laloux-Rodin les parcelles cadastrées [Cadastre 18], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 8], mitoyennes de la propriété des époux [K], sur lesquelles elles ont fait édifier deux maisons à usage d'habitation.

A cette occasion, le passage a été aménagé sur les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] en chemin carrossable avec éclairage, aux frais partagés entre la sci Laloux-Rodin et Mmes [P] et [H]. Les utilisateurs de ce passage se sont dotés d'un règlement intérieur définissant la répartition des charges de son entretien. Sollicités, M. et Mme [K] n'ont pas donné suite à l'association proposée, étant en désaccord sur les modalités envisagées, notamment financières.

Considérant toutefois leur propriété enclavée, M. et Mme [K] faisaient convoquer Mmes [P] et [H] et la sci Laloux-Rodin suivant exploits signifiés les 16 et 24 janvier 2018 devant le tribunal judiciaire de Nantes aux fins de :

- reconnaissance de la situation d'enclave de leurs parcelles et de l'existence d'une servitude légale de passage sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 6] et [Cadastre 1] et permettre le passage d'un véhicule jusqu'à leur domicile,

- fixation à 500 € le montant de l'indemnité de l'article 682 du code civil.

Ils sollicitaient en outre la condamnation in solidum des défenderesses au paiement d'une somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par un jugement du 2 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nantes a débouté M. et Mme [K] de leurs demandes et les a condamnés à verser la somme de 2.500 € à la sci Laloux Rodin et celle de 2.500 € à Mmes [P] et [H] au titre des frais irrépétibles, outre la charge des dépens.

Le 19 janvier 2021, M. et Mme [K] ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 12 août 2022, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident d'irrecevabilité des conclusions de la sci Laloux-Rodin pour cause de tardiveté, a :

- rejeté le moyen tiré de la nullité de la signification des conclusions de M. et Mme [K] par acte d'huissier de justice du 9 avril 2021,

- déclaré irrecevables comme étant hors délai les conclusions notifiées les 21 et 26 juillet 2021 par la sci Laloux-Rodin,

- rejeté les demandes de la sci Laloux-Rodin fondées sur la nullité de la déclaration d'appel et sur l'absence d'effet dévolutif, ce deuxième point relevant de la compétence de la cour d'appel,

- condamné M. et Mme [K] et la sci Laloux-Rodin aux dépens de l'incident par moitié.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Sur l'effet dévolutif

A l'audience du 4 avril 2023, la cour a invité d'office les parties à faire connaître par note en délibéré leurs observations sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel en l'absence de mention des chefs de jugement critiqués et de renvoi à une annexe.

Par deux notes en délibéré, remises au greffe et notifiées au RPVA les 5 et 17 avril 2023, Mmes [P] et [H] ont fait connaître que :

- les appelants ont fait parvenir au greffe, par RPVA, une annexe, mentionnant les chefs du jugement dont ils entendaient interjeter appel, mais il n'y est pas fait référence dans la déclaration d'appel et elle ne fait donc pas corps avec celle-ci, outre qu'aucun empêchement technique ne justifie qu'il ait été recouru à une telle annexe. Or, il est constant que, sauf cet empêchement technique, et jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 25 février 2022 ayant modifié l'article 901 du code de procédure civile, seule la déclaration d'appel emportait l'effet dévolutif (cass. civ. 2ème, 12 janv. 2023, n° 21-16.804),

- l'effet d'évolutif de l'appel ne peut opérer de sorte que la cour n'est finalement pas saisie (Civ. 2ème, 30 janv. 2020, n° 18-22.528),

- s'il est exact que, comme le soutiennent M. et Mme [K], le décret du 25 février 2022, dans ses dispositions autorisant, même en l'absence d'empêchement technique, de faire figurer les chefs du jugement contesté dans une annexe à la déclaration d'appel sont d'application immédiate aux instances en cours, dont celle qui nous occupe,

- il n'en demeure pas moins que l'article 4 de l'arrêt du 20 mai 2020, lui aussi modifié le 25 février 2022, dispose expressément que 'lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document',

- en l'espèce, et bien que M. et Mme [K] tentent d'expliquer l'inverse, la déclaration d'appel qu'ils ont régularisée ne renvoie nullement à l'annexe dans laquelle ils ont fait le choix de faire figurer les chefs du jugement critiqué,

- la circonstance que le fichier PDF correspondant à cette annexe ait été notifié par RPVA en même temps que la déclaration d'appel n'est pas de nature à corriger cette irrégularité,

- il s'en évince nécessairement que la déclaration d'appel, telle qu'elle a été régularisée, n'emporte aucun effet dévolutif.

Par une note en délibéré, remise au greffe et notifiée au RPVA le 11 avril 2023, la sci Laloux-Rodin a fait connaître que dans la mesure où M. et Mme [K] n'ont pas mentionné dans leur déclaration d'appel les chefs du jugement critiqués, il convient de considérer que cette déclaration d'appel n'a opéré aucune dévolution à la cour que, que dans ces conditions, la cour d'appel de Rennes n'a pas été valablement saisie de l'appel interjeté par M. et Mme [K], faute pour ces derniers d'avoir mentionné les chefs du jugement critiqués et faute pour la déclaration d'appel d'avoir produit un effet dévolutif.

Par une note en délibéré, remise au greffe et notifiée au RPVA le 12 avril 2023, M. et Mme [K] ont fait connaître que :

1. Une première observation est nécessaire : maître [F], en sa qualité d'avocat de la sci Laloux-Rodin, a adressé une note en délibéré le 11 avril 2023 à la cour d'appel. Or, la sci Laloux-Rodin a vu ses conclusions jugées irrecevables comme étant hors délai, par ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 août 2022. Ainsi, la sci Laloux-Rodin est de même irrecevable à régulariser une note en délibéré. M. et Mme [K] demandent que la note en délibéré de maître [F] pour le compte de la sci Laloux-Rodin du 11 avril 2023 soit écartée des débats.

2. S'agissant de la dévolution de la déclaration d'appel, ils ont exposé les chefs de jugement critiqués dans leur déclaration d'appel (pièce n°24), que, contrairement à ce qui est indiqué dans l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 août 2022, la déclaration d'appel régularisée par eux le 19 janvier 2021 fait bien référence au document annexe comportant les chefs de jugement critiqués, que le document déclaration d'appel [K] (pièce n° 24) était bien joint à la déclaration d'appel par RPVA, Ce message RPVA, comportant l'ensemble de la déclaration d'appel, a été accusé réception par le greffe de la Cour d'appel (pièce n° 26).

Ils rappellent que l'article 901 du code de procédure civile (alinéa 1er) dispose que : 'La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.'

Ils soutiennent que le décret du 25 février 2022 qui a ajouté les mots 'comportant le cas échéant une annexe' à l'article 901 du code de procédure civile est applicable aux instances en cours, donc au présent litige et qu'ainsi, la présence d'une annexe est expressément prévue par les dispositions légales, qu'en tout état de cause, aucun grief n'est allégué par les consorts [H]-[P] qui n'ont jamais évoqué cette prétention avant leur note en délibéré du 5 avril 2023, soit pendant plus de deux ans de procédure, que la Cour de cassation juge de manière constante que la déclaration d'appel qui mentionne 'appel total' ne sanctionne qu'une irrégularité de forme, à charge pour celui qui l'invoque de démontrer un grief (Cass. avis, 20 décembre 2017, 17-70.034, Publié au bulletin), que la dévolution de la déclaration d'appel est donc bien effective.

3. S'agissant du respect du principe du contradictoire, ils soutiennent que si la note en délibéré devait être jugée insuffisante pour permettre à la cour d'appel de trancher la question de la dévolution de la déclaration d'appel, il doit être procédé à la réouverture des débats afin qu'ils puissent compléter leur argumentation sur ce point aux termes de conclusions récapitulatives et ainsi respecter le principe du contradictoire.

Sur le fond

M. et Mme [K] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 25 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé.

Ils demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 2 décembre 2020 en toutes ses dispositions

- et statuant à nouveau,

- dire et juger que les parcelles cadastrées section [Cadastre 19], [Cadastre 12], [Cadastre 21], [Cadastre 13], [Cadastre 23] et [Cadastre 14] accueillant leur habitation, sises [Adresse 7] sont enclavées,

- dire et juger qu'une servitude légale de passage existe au profit de leurs parcelles cadastrées section [Cadastre 19], [Cadastre 12], [Cadastre 21], [Cadastre 13], [Cadastre 23] et [Cadastre 14],

- en conséquence,

- à titre principal,

- dire et juger que cette servitude légale de passage sera établie sur les fonds cadastrés section [Cadastre 6] et [Cadastre 1] pour permettre le passage d'un véhicule selon le plus court chemin depuis la [Adresse 9] jusqu'à la parcelle cadastrée section [Cadastre 21],

- fixer l'assiette de la servitude au bénéfice de leurs parcelles cadastrées section [Cadastre 19], [Cadastre 12], [Cadastre 21], [Cadastre 13], [Cadastre 23] et [Cadastre 14], sur le fonds cadastré section [Cadastre 1] correspondant, sur toute sa largeur, au passage sous le porche permettant d'accéder à la parcelle cadastrée section [Cadastre 6], puis sur le fonds cadastré section [Cadastre 6], sur toute sa largeur et jusqu'à une distance de 6 mètres à compter du point joignant les parcelles cadastrées section [Cadastre 6], [Cadastre 21] et [Cadastre 20], pour permettre une ouverture de la parcelle [Cadastre 21] suffisante assurant le braquage et le passage d'un véhicule automobile, selon le plus court chemin depuis la [Adresse 9] jusqu'à la parcelle cadastrée section [Cadastre 21],

- fixer l'indemnité prévue à l'article 682 du code civil, compte tenu de l'absence de dommage si ce n'est le passage sans incidence d'un véhicule de temps à autres, à la somme de 500 €, soit 250 € pour les propriétaires de la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] et 250 € pour les propriétaires de la parcelle cadastrée section [Cadastre 1],

- dire et juger que l'utilisation du passage n'exclut pour M. et Mme [K] aucun type de véhicule, ni ne restreint d'une quelconque manière que ce soit le passage des véhicules correspondant à l'usage normal de leur fonds,

- à titre subsidiaire, si la cour devait faire droit et juger nécessaire la demande de désignation d'un expert judiciaire,

- limiter la mission de l'expert judiciaire à la seule détermination de l'indemnité prévue par l'article 682 du code civil,

- dire et juger que cette mission d'expertise sera ordonnée aux frais avancés de chacune des parties à l'instance (un tiers pour eux, un tiers pour Mmes [P] et [H], un tiers pour la sci Laloux-Rodin),

- en tout état de cause,

- condamner in solidum la sci Laloux-Rodin et Mmes [P] et [H] à leur verser la somme de 5.000 €,

- condamner in solidum la sci Laloux-Rodin et Mmes [P] et [H] aux entiers dépens.

Mmes [P] et [H] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 2 mars 2023 auxquelles il est renvoyé.

Elles demandent à la cour de :

- à titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- y ajoutant,

- condamner in solidum M. et Mme [K] à leur régler la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire,

- dire et juger que M. et Mme [K] devront participer aux frais d'entretien et de réparation de l'assiette de la servitude de passage sans considération de la fréquence d'utilisation dans la proportion d'un quart et que les dégâts ou dommages qui pourraient être occasionnées aux fonds servants par eux devront toujours être réparés et indemnisés par ceux-ci,

- fixer à 50.000 € l'indemnité due à aux concluantes en leur qualité de propriétaires du fonds servant constitué par la parcelle cadastrée [Cadastre 6].

Pour mémoire, par ordonnance du 12 août 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables comme tardives les conclusions au fond notifiées les 21 et 26 juillet 2021 par la sci Laloux-Rodin.

MOTIFS DE L'ARRÊT

À titre liminaire, il convient de rappeler que l'office de la cour d'appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de 'constater', 'dire' ou 'dire et juger' qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu'elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.

1) Sur la recevabilité de la note en délibéré de la sci Laloux-Rodin

L'article 445 du code de procédure civile dispose qu'à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 du code de procédure civile, les parties peuvent déposer une note à l'appui de leurs observations.

Il s'ensuit que l'irrecevabilité des conclusions d'un intimé ne le prive pas de la possibilité de transmettre une note en délibéré en réponse à la demande du président de la juridiction portant sur un point qui ne figurait pas aux conclusions irrecevables.

Dès lors, la sci Laloux-Rodin, qui a vu ses conclusions jugées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 août 2022 en raison de leur tardiveté, demeure recevable à régulariser une note en délibéré suscitée par le président de la juridiction et portant sur la question de l'effet dévolutif de la déclaration d'appel de M. et Mme [K].

La note en délibéré du 11 avril 2023 de la sci Laloux-Rodin sera par conséquent maintenue aux débats.

2) Sur le respect de principe du contradictoire

Les développements des parties ci-dessus rapportés quant à la question de l'effet dévolutif de la déclaration d'appel en l'absence de mention des chefs de jugement critiqués et de mention de renvoi à une annexe éclairent la cour de manière suffisante pour lui permettre de trancher la question de la dévolution de la déclaration d'appel. Ces développements ont par ailleurs été effectués dans le respect du principe du contradictoire.

Il n'y a dès lors pas lieu à rouvrir les débats.

La demande en ce sens de M. et Mme [K] sera rejetée.

3) Sur l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel

En application de l'article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Ainsi, seule la déclaration d'appel, qui est un acte de procédure qui se suffit à lui seul, opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs du jugement critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (Cass. 2ème civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié).

Par ailleurs, aux termes de l'article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite à peine de nullité par acte contenant notamment : '4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'. En application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.

L'obligation de mentionner dans la déclaration d'appel les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel.

Dans une série d'arrêts du 12 janvier 2023 (n° 21-16.804, n° 21-14.731, n° 21-14.732, n° 21-14.733, n° 21-14.734, n° 21-14.735, n° 21-14.736, n° 21-14.737, n° 21-14.738, n° 21-14.739), la cour de cassation a précisé au sujet de l'annexe qu'aucune disposition du code ne prévoit que l'acte d'appel est assorti d'un document annexe comprenant les chefs du jugement critiqué et que si la mention d'un tel document annexe apparaît dans la circulaire du 4 août 2017, celle- ci ne saurait ajouter valablement au décret (').

Cependant, en cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer (Cass. 2ème civ., 13 janvier 2022, n° 20-17.516).

S'il n'est pas établi que la déclaration d'appel a dépassé sa taille maximale de 4080 caractères, les chefs de jugement critiqués doivent figurer sur la déclaration d'appel et non sur une annexe qui n'est pas la déclaration d'appel (Cass. 2ème civ., 2 mars 2023, n° 21-17.163).

Il est donc constant que, sauf cet empêchement technique et jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 25 février 2022 ayant modifié l'article 901 du code de procédure civile, seule la déclaration d'appel adressée au format XML énonçant les chefs du jugement critiqués, emportait l'effet dévolutif.

Enfin, l'absence d'effet dévolutif d'une déclaration d'appel peut être soulevée à tout moment de la procédure par les intimés ou par la cour d'appel.

En l'espèce, la déclaration d'appel du 19 janvier 2021 mentionne en objet/portée de l'appel : 'Appel total'.

Cette déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués.

Aucun empêchement technique n'est caractérisé.

Elle ne mentionne pas non plus un quelconque renvoi à une quelconque annexe ou note jointe ou fichier joint.

Cette irrégularité affectant la déclaration d'appel n'a pas été rectifiée par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond ainsi que l'exige l'article 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile et ne peut plus être réparée à ce jour.

Aucune indivisibilité n'est caractérisée.

Enfin, le fait qu'un document annexe ait été transmis concomitamment à la déclaration d'appel est sans effet sur l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel irrégulière par elle-même.

Sous le bénéfice de ces observations, la déclaration d'appel dépourvue de la mention des chefs de jugement critiqués et de la mention expresse du renvoi à une annexe sans que soit caractérisé un empêchement technique n'a opéré aucun effet dévolutif.

En conséquence, la cour, constatant que l'effet dévolutif n'a pas opéré, n'est saisie d'aucune demande par les appelants.

4) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, M. et Mme [K] supporteront les dépens d'appel.

Enfin, eu égard aux circonstances de l'affaire, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles en appel non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette les demandes de M. et Mme [K] tendant à écarter des débats la note en délibéré de la sci Laloux-Rodin du 11 avril 2023 et tendant à rouvrir les débats,

Constate que l'effet dévolutif de la déclaration d'appel n'a pas opéré,

Constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande par les appelants,

Condamne M. et Mme [K] aux dépens d'appel,

Déboute du surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00392
Date de la décision : 13/06/2023
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;21.00392 ?
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