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12/06/2023 | FRANCE | N°23/00591

France | France, Cour d'appel de Rennes, Contestations honoraires, 12 juin 2023, 23/00591


Contestations Honoraires





ORDONNANCE N° 53



N° RG 23/00591

N° Portalis DBVL-V-B7H-TOX3













S.E.L.A.R.L. [R]



C/



Mme [X] [B]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ORDONNANCE DE TAXE

DU 12 JUIN 2023







Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 22 Mai 2023





ORDONNANCE :



Contradictoire,

prononcée à l'audience...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 53

N° RG 23/00591

N° Portalis DBVL-V-B7H-TOX3

S.E.L.A.R.L. [R]

C/

Mme [X] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 12 JUIN 2023

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mai 2023

ORDONNANCE :

Contradictoire,

prononcée à l'audience publique du 12 Juin 2023, date indiquée à l'issue des débats

****

ENTRE :

S.E.L.A.R.L. [R] prise en la personne de Maître [G] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

non comparante, représentée à l'audience par Me Chloé AMIOT, avocat au barreau de [Localité 8]

ET :

Madame [X] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Non comparante, représentée à l'audience par Me Manon LE ROUX, avocat au barreau de RENNES substituant Me Delphine CARO

****

EXPOSE DU LITIGE :

Le 5 juillet 2020, Me [G] [R], membre de la Selarl [R], avocate au barreau de Nantes et disposant d'un cabinet secondaire à [Localité 8], a été contactée par la gendarmerie de [Localité 6], dans le cadre de la permanence pénale, pour assister Mme [V] [B], placée en garde à vue et mise en cause dans le cadre du meurtre de son conjoint.

À la demande de la prévenue, Me [R], substituée dans un premier temps par un confrère, va également l'assister lors de sa comparution, le lendemain, devant le juge d'instruction puis devant le juge des libertés et de la détention.

Les parents de Mme [B] ont prévenu Me [R] le 9 juillet 2020 que leur fille avait décidé de changer d'avocat, ce que cette dernière lui confirmait le 10 juillet 2020 lors d'une visite à la maison d'arrêt de [Localité 7]. Me [F] lui indiquait le même jour qu'il était chargé du dossier.

Me [R] a établi le 25 août 2020 la facture de ses frais et honoraires, d'un montant de 2'150,40 euros TTC et en a réclamé le payement à Mme [X] [B], mère d'[V] [B].

Par une lettre reçue le 13 octobre 2020 par le secrétariat de l'ordre, Les parents de Mme'[X] [B] ont saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes d'une contestation des honoraires de son conseil. La facture était néanmoins réglée par ceux-ci sous les plus expresses réserves.

Par décision du 10 juin 2021 le bâtonnier a fixé à la somme de 1'310,40 euros TTC (soit la somme de 1'092 euros H.T) les frais et honoraires dus à Me [R] et a donc condamné l'avocate à rembourser à Mme [X] [B] la somme de 840 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 16 juin 2021, la Selarl [R] a formé un recours non motivé contre cette ordonnance.

L'affaire a été fixée au 13 décembre 2021 mais les parties n'étant pas en l'état, elle a été radiée puis ré-enrôlée à la demande de Mme [B] le 26 janvier 2023.

Aux termes de ses écritures (26 février 2023), la Selarl [R] nous demande de':

à titre principal :

- constater que Mme le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes a outrepassé son pouvoir juridictionnel en rendant une décision en date du 10 juin 2021 alors qu'elle avait été saisie par un tiers à la relation entre elle et sa cliente,

- annuler la décision de Mme le bâtonnier de'Nantes en date du 10 juin 2021,

à titre subsidiaire :

- constater que Mme le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes a outrepassé son pouvoir juridictionnel en rendant une décision en date du 10 juin 2021 alors que les honoraires avaient été librement consentis tant sur leur principe que sur leur montant et réglés,

- annuler la décision de Mme le bâtonnier de Nantes en date du 10 juin 2021,

à titre éminemment subsidiaire,

- juger que Mme [X] [B] a réglé ses honoraires, à raison de sa facturation, dûment détaillée et justifiée, tant d'un point du point de vue de la forme que du fond,

- infirmer la décision de Mme le bâtonnier de Nantes en date du 10 juin 2021 de réduire les honoraires qui lui sont dus

en tout état de cause,

- débouter Mme [X] [B] de toutes fins et conclusions contraires ;

- condamner Mme [X] [B] à 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Selarl [R] soutient, en premier lieu, que la réclamation de Mme [X] [B] était irrecevable dans la mesure où celle-ci n'était pas la débitrice des honoraires, Mme [V] [B] étant la seule bénéficiaire de ses prestations.

Elle ajoute que le montant des honoraires ayant été librement acceptés et réglés, le juge de l'honoraire ne pouvait les réduire.

Subsidiairement, Elle fait valoir que le défaut de rédaction d'une convention d'honoraires était due à l'urgence ainsi qu'à sa charge de travail au moment des faits. Elle précise avoir prévenue par lettre Mme'[B] qu'elle recevrait une convention à la fin de la session d'assises à laquelle elle participerait. Elle indique avoir tenu compte de la fortune du client, de la difficulté du dossier pour calculer ses honoraires et de sa notoriété, exerçant la profession d'avocat depuis 2007.

Me [R] rappelle qu'un de ses confrères est intervenu au titre d'une substitution lors de l'audition devant le juge des libertés et de la détention ce qui lui permet de facturer les heures où elle n'était pas physiquement présente.

Elle indique que pour la tarification des frais de dossier un surcoût est lié à la numérisation des dossiers, leur conservation pendant 5 ans dans un cloud sécurisé ainsi que leur désarchivage sécurisé.

Enfin, elle ajoute que son déplacement à [Localité 7] s'imposait au titre de la responsabilité professionnelle pour vérifier que Mme [V] [B] avait bien mis un terme à son mandat et que cette visite a duré un certain temps ce d'autant qu'elle expose avoir à cette occasion rassuré la prévenue.

Mme [X] [B] sollicite la confirmation de l'ordonnance rendue par le bâtonnier et réclame la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que s'il existe une difficulté sur le débiteur de l'honoraire, le juge de l'honoraire n'est pas compétent pour en connaître mais doit surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge du fond ait statué de ce chef. Il n'est donc question d'irrecevabilité.

Elle rappelle que le payement n'a été effectué qu'avec réserves et observations pour éviter des pénalités de retard ce qui contredit un payement librement accepté.

Elle fait valoir que l'urgence justifiant l'absence de convention d'honoraire n'est pas avérée et qu'une note d'information aurait pu lui être remise ce qui n'a pas été le cas.

Elle indique également que la substitution de Me [R] pendant l'interrogatoire de première comparution ne change rien à la durée de l'acte. Elle ajoute que le coût des frais de dossier est disproportionné.

Enfin, elle considère que la facture du déplacement et du temps d'entretien à [Localité 7] n'a pas lieu d'être, Me [R] se sachant déjà dessaisie du dossier comme le lui a confirmé Me'[F] son nouvel avocat.

SUR CE':

Le recours de la Selarl [R] est recevable pour avoir été effectué dans les forme et délai de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991.

Sur la recevabilité de la contestation d'honoraires':

La Selarl [R] conteste en premier lieu la qualité pour agir de Mme [X] [B], faisant valoir que sa cliente est sa fille.

S'il n'est pas contestable que Me [R] est intervenue au soutien des intérêts de Mme'[V] [B], mise en examen pour meurtre, il est constant que la facture d'honoraires de l'avocate a établie notamment au nom de la mère de l'intéressée, Mme [X] [B], qui l'a réglée en émettant des réserves sur son seul montant. Ayant ainsi considéré que cette dernière était la redevable des honoraires ce que celle-ci ne conteste pas, la Selarl [R] est mal fondée à se contredire pour soutenir, dans le cadre de la présente instance et pour la première fois en appel, le contraire en soulevant l'irrecevabilité de la contestation d'honoraires.

En considération de ces éléments, cette première exception d'irrecevabilité soulevée sera rejetée.

En second lieu, la Selarl [R] prétend que la demande est irrecevable puisque la cliente a librement accepté de payer les honoraires une fois la prestation effectuée. Cependant alors qu'elle effectuait le règlement par chèque des honoraires de l'avocate, Mme [X] [B] lui adressait un courriel (25 septembre 2020 à 19h08) pour lui préciser que «'par correction et pour respecter les délais (elle lui avait) envoyé le chèque en règlement de (ses) honoraires'» précisant que ceux-ci lui paraissait plutôt élevés et qu'elle déposait simultanément un recours auprès du bâtonnier pour les contester. Dès lors, il ne peut être considéré que ce règlement effectué avec réserve et accompagné d'une saisine du bâtonnier ce dont a été informée l'avocate, vaut approbation des honoraires réclamés par celle-ci et fait obstacle à la recevabilité de la contestation.

Ce second moyen sera également rejeté de même que la demande subséquente aux fins d'annulation de la décision du bâtonnier.

Au fond':

Aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ce qui s'explique aisément en raison de l'urgence, l'avocate étant intervenue, après garde à vue, dans le cadre d'une première comparution devant le juge d'instruction puis devant le juge des libertés et de la détention avant d'être rapidement dessaisie quatre jours plus tard.

En cette hypothèse, les honoraires sont fixés par référence aux critères énoncés à l'article 10 al 4 de la loi du 31 décembre 1971, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences qu'il a accomplies.

La facture (n° 2320 du 25 août 2020) de l'avocate se présente ainsi':

- honoraires HT': 1 530 euros,

- frais HT': 262 euros,

total HT': 1792 euros soit 2150,40 euros TTC.

À cette facture est joint un décompte détaillant les honoraires (1 330 euros HT), les frais d'ouverture de dossier (200 euros HT) et les autres frais (262 euros).

Il sera observé que le décompte des honoraires est incompréhensible puisque les unités des minutes et des heures ont ajoutées les unes aux autres et que certains items n'ont pas de durée alors qu'ils sont facturés (exemple mail': 5:00 25'euros, audience extérieure [Localité 5]': 4:00 960 euros, téléphone 0:00 21 euros... total 25:00 1330'euros). En retravaillant ce décompte avec le taux horaire appliqué (qui paraît être 240 euros HT/heure), la facture de la Selarl [R] correspond à 5h32 de travail (et non à 25 heures ou 25 minutes).

Pour réduire les honoraires de l'avocate à la somme de 1 310,40 euros TTC - ce que conteste la Selarl [R] - le bâtonnier a réduit les frais d'ouverture de dossier de 200 à 100 euros HT et les honoraires de 2h30, estimant que la durée de l'intervention devant le tribunal de Lorient (4h) était, au regard des propres déclarations de l'avocate excessive (dans une proportion de 1h30) et que rien ne justifiait l'heure passée à la maison d'arrêt des femmes dès lors que l'avocate a eu confirmation de son dessaisissement.

Ces considérations sont pertinentes. En effet, comme l'a estimé le bâtonnier les frais d'ouverture de dossier réclamés par l'avocate sont excessifs et il résulte du dossier que Me [R] est restée au tribunal de Lorient pour assister sa cliente de 17h40 à 20h environ, soit pendant 2h30 de sorte que le montant facturé de ce chef qui correspond à 4h doit être réduit de 1h30. Enfin, l'heure passée à la maison d'arrêt des femmes de [Localité 7] pour recueillir la confirmation de son dessaisissement, annoncé la veille par Mme [X] [B] n'est pas justifiée.

La décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes sera donc confirmée.

La Selarl [R] partie succombante supportera la charge des dépens.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

Statuant par ordonnance rendue publiquement et contradictoirement':

Déclarons recevable le recours de la Selarl [R].

Rejetons les demandes de la Selarl [R] tendant à l'irrecevabilité de la saisine du bâtonnier et de la contestation d'honoraires soulevée.

Rejetons par voie de conséquence la demande d'annulation de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes du 10 juin 2021.

Confirmons en toutes ses dispositions cette décision.

Condamnons la Selarl [R] aux dépens.

Rejetons les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Contestations honoraires
Numéro d'arrêt : 23/00591
Date de la décision : 12/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-12;23.00591 ?
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