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12/06/2023 | FRANCE | N°23/00139

France | France, Cour d'appel de Rennes, Contestations honoraires, 12 juin 2023, 23/00139


Contestations Honoraires





ORDONNANCE N° 47



N° RG 23/00139

N° Portalis DBVL-V-B7H-TNAE













M. [Z] [L]



C/



S.C.P. DEBUYSER [O]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ORDONNANCE DE TAXE
> DU 12 JUIN 2023







Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 22 Mai 2023



ORDONNANCE :



Contradictoire,

prononcée à l'audience p...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 47

N° RG 23/00139

N° Portalis DBVL-V-B7H-TNAE

M. [Z] [L]

C/

S.C.P. DEBUYSER [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 12 JUIN 2023

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mai 2023

ORDONNANCE :

Contradictoire,

prononcée à l'audience publique du 12 Juin 2023, date indiquée à l'issue des débats

****

ENTRE :

Monsieur [Z] [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]

comparant en personne

ET :

S.C.P. DEBUYSER [O] prise en la personne de Me [X] [O]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée à l'audience par Me Benoît MARTIN, avocat au barreau de VANNES, substituant Me Guillaume PLOUX, avocat au barreau de QUIMPER

****

EXPOSE DU LITIGE':

En 2017, M. [Z] [L] a pris contact avec Me Guillaume Ploux, avocat au barreau de Quimper, exerçant au sein de la SCP Debuyser [O], afin qu'il représente ses intérêts dans une procédure l'opposant à son voisin mitoyen, M. [B], suite à des infiltrations ayant provoqué un dégât des eaux dans sa maison de Scaër.

Dans un premier temps, Me [O] a saisi au nom de son client le juge des référés du tribunal de grande instance de Quimper qui, par ordonnance du 27 septembre 2017, a ordonné une expertise confiée à Mme [F]. L'avocat a assisté son client lors des opérations d'expertise. L'expert a déposé son rapport le 30 avril 2018.

Pour cette procédure (référé / expertise), la SCP Debuyser [O] a émis trois factures d'honoraires réglées par le client (factures n° 17080008 du 3 août 2017 de 1'200 euros HT et n°'17090067 du 20 septembre 2017 de 1'200'euros HT) ou son assureur de protection juridique, la société Pacifica (facture n° 17120059 du 26 décembre 2017 de 415 euros HT).

En 2019, M. [L] a saisi de nouveau Me [O] pour assigner son voisin au fond devant le tribunal de grande instance de Quimper.

Les parties ont régularisé, le 25 novembre 2019, une convention d'honoraires prévoyant, outre des frais suivant barème, d'une part, un honoraire forfaitaire prévisible de 3'000'euros HT sur une base de 20 heures de travail effectif et, d'autre part, un honoraire au temps passé, en cas de dépassement des 20 heures prévues, de 150 euros HT par heure travaillée.

Le tribunal a ordonné, par jugement du 26 janvier 2021, une nouvelle expertise confiée à M. [I], avant de statuer au fond par jugement du 22 mars 2022, faisant pour l'essentiel droit aux demandes du client.

Plusieurs factures d'honoraires ont été émises par l'avocat, toutes réglées par le client (factures n° 19120001 du 2'décembre 2019 de 1'500'euros HT, n° 20110070 du 26'novembre 2020 de 1'500'euros HT, n° 21040012 du 8 avril 2021 de 800'euros HT, n° 22010043 du 19 janvier 2022 de 1'500'euros HT) ou son assureur de protection juridique, la société Pacifica (factures n°'20110069 du 26'novembre 2020 de 875 euros HT et n° 22010042 du 19 janvier 2022 de 875'euros HT).

Considérant que certaines factures sont indues ou contiennent des frais de déplacement surévalués, M. [L] a saisi, par requête reçue le 20 juillet 2022, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Quimper d'une demande aux fins de contestation des honoraires versés à Me'[O].

Par une décision du 14 novembre 2022 notifiée le 16 novembre, le bâtonnier a taxé le montant total des frais et honoraires dus à Me [O] par M. [L] à la somme de 2'400'euros HT quant à la procédure de référé de 2017, à la somme de 8'486'euros TTC au titre de la procédure subséquente, et constaté que le client avait procédé au règlement de l'intégralité de ces sommes, relevant que les honoraires avaient été acceptés par le client dans leur principe comme dans leur montant et ne pouvaient être remise en cause.

Par courrier recommandé adressé le 14 décembre 2022, M. [L] a formé un recours contre cette décision, sollicitant le remboursement des honoraires versés par son assureur de protection juridique.

Il soutient que les honoraires réclamés par son conseil sont excessifs dans la mesure où deux factures avaient déjà été réglées par son assureur de protection juridique, la société Pacifica, et auraient dû être déduites des factures qu'il a réglées ce qu'elles n'ont pas été. Il indique ne pas avoir été informé de leur règlement par Pacifica, ne pouvant ainsi pas les contester au préalable. Il ajoute que les frais d'expertise qu'il a supportés ont été omis du décompte des dépens.

La SCP Debuyser & [O] sollicite la confirmation de l'ordonnance du bâtonnier.

Elle rappelle les diligences qu'elle a accomplies (référé, expertise, procédure au fond avec nouvelle expertise). Elle rappelle que toutes ses factures ont été réglées en temps et que M.'[L] a attendu le jugement rendu pour les contester. Elle précise que ses prestations s'élèvent, s'agissant de la fraction incombant à son client, aux sommes de 2'880 euros TTC pour le référé et la première expertise et de 6'360 euros TTC pour la procédure au fond et la seconde expertise. Elle relève, en tout état de cause que toute réclamation concernant les factures de l'année 2017 est prescrite.

SUR CE':

Le recours de M. [L], effectué dans les forme et délai de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, est recevable.

Préliminairement, il convient de rappeler que la procédure prévue aux articles 175 et suivants du décret du 27 novembre 1991 est strictement limitée aux seules contestations relatives à la fixation et recouvrement des honoraires d'avocat. Aussi, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraire, bâtonnier et, sur recours, premier président ou son délégué, de connaître même à titre reconventionnel':

- des dépens,

- de la responsabilité de l'avocat.

Dans le cadre de la présente instance, il ne peut donc être statué sur le fait que l'avocat aurait omis dans le décompte des dépens des frais d'expertise supportés par son client, ou encore qu'il n'aurait pas suivi les directives de ce dernier et n'aurait pas tenu compte de tel ou tel poste de préjudice.

Sur les honoraires dus au titre de la procédure de référé de 2017 et de l'expertise subséquente':

S'agissant de la procédure de référé et de l'expertise subséquente, la SCP Debuyser [O] soulève, à bon droit et au regard de la qualité de consommateur de M. [L], la prescription biennale de l'article L 218-2 du code de la consommation, la mission de l'avocat s'étant achevée le 19 juin 2018 à réception de l'ordonnance de taxe de l'expert et le bâtonnier n'ayant été saisi par le client que le 22 juillet 2022, soit plus de quatre ans plus tard.

La demande en ce qu'elle concerne les honoraires versés à l'occasion de cette procédure est prescrite et, par voie de conséquence, irrecevable.

La décision du bâtonnier qui a statué sur le montant des honoraires dus pour ces prestations sera donc infirmée.

Sur les honoraires dus au titre de la procédure au fond':

Les parties ont signé le 26 novembre 2019 une convention d'honoraires pour une procédure à introduire devant le tribunal de grande instance, prévoyant un honoraire de 3'000'euros HT pour les diligences prévisibles et listées (comprenant pour l'essentiel, rendez-vous, assignation, conclusions dans le limite de trois jeux, audience, plaidoirie, signification et certificat de non appel). Il a, en outre, été convenu que toute prestation supplémentaire sera facturée au temps passé sur la base d'un honoraire de diligence de 150 euros HT/heure et que le client supportera également certains frais suivant un barème fixé à l'article 5.

Il est constant que la mission de l'avocat a été conduite à son terme. La convention d'honoraire qui fait la loi des parties doit donc recevoir application. En sus de la mission de base convenue, il convient à ce stade de préciser que l'avocat a plaidé le dossier à deux reprises puisqu'un jugement avant dire droit a été prononcé et a suivi une expertise judiciaire, communiquant les pièces à l'expert, assistant son client dans le cadre des opérations (réunion sur site du 7 avril 2021) et a rédigé des dires à destination de l'expert, toutes prestations non convenues à l'origine et excédant évidemment le forfait de base.

Il sera toutefois observé que la convention ne comporte (alors que cela aurait dû être le cas) aucune référence à l'assurance de protection juridique qui est pourtant bien intervenue dans ce dossier puisqu'elle a pris en charge une fraction des honoraires.

Si le bâtonnier a retenu qu'il ne lui appartenait de réduire des honoraires dont le principe et le montant avaient été acceptés par le client, cette argumentation ne peut, en l'espèce, être approuvée dans la mesure où M. [L] fait valoir, sans être contredit, que la société Pacifica a versé à son conseil des honoraires sans qu'il en soit informé et qui auraient du être pris en compte. Il convient, en effet, de rappeler qu'aux termes de l'article 127-5-1 du code des assurances': «'Les honoraires de l'avocat sont déterminés entre ce dernier et son client, sans pouvoir faire l'objet d'un accord avec l'assureur de protection juridique'» ce dont on doit tirer la conséquence que les payements effectués par l'assureur de protection juridique doivent a minima être portés, au fur et à mesure, à la connaissance du client.

Le total des frais et honoraires facturés s'élève à la somme de (5'300 + 1'700) 7'000'euros HT soit 8'400'euros TTC.

Les six factures correspondant à ce montant sont peu précises quant aux prestations facturées mais il apparaît clairement au regard de leurs dates que l'avocat a réparti certaines d'entre elles entre le client et son assureur':

- la facture du 2 décembre 2019 (1 500 euros HT) fait état d'honoraires sans autre précision,

- les facture du 26 novembre 2020 (1 500 et 875 euros HT) font état en termes identiques de «'honoraires ' audience tribunal 24 janvier 2020'»,

- la facture du 8 avril 2021 (800 euros) a pour objet l'assistance à la réunion d'expertise (650'euros'HT) et les frais de déplacement (150 euros HT),

- les deux factures du 19 janvier 2022 (1500 et 875 euros HT) ont pour objet «'honoraires procédure au fond audience du 18 janvier 2022 »).

Il doit être considéré que le forfait a couvert la prestation de l'avocat jusqu'au jugement du 26 janvier 2021 inclus. À ce stade, les honoraires doivent être arrêtés ainsi': forfait de 3 000 euros HT auxquels s'ajoutent les frais d'ouverture de dossier': 167 euros HT, les frais d'archivage': 125 euros HT, les frais de copie': 200 euros HT et des frais de courrier': 250 euros HT, soit un total de 3 742 euros HT (pour 3 875 euros HT perçus à cette date).

Pour la seconde phase, le tarif horaire retenu sera celui convenu à la convention (150 euros HT dont il convient de relever qu'il est très inférieur au tarif moyen pratiqué dans le ressort). L'avocat a assisté son client lors des opérations d'expertise. Aucune des parties n'a jugé utile de préciser la durée de la réunion. Celle-ci sera estimée à 3h facturables à 150 euros HT/h à laquelle s'ajoutent 1h de préparation, la vacation de déplacement tarifée à moitié prix (2*0h45) soit 1h30 à 75 euros HT et les indemnités kilométriques (74*0,80 euros HT/km) 59,20 euros HT, soit la réunion d'expertise 771,70 euros HT. L'avocat a, en outre, communiqué un dossier à l'expert, analysé le pré-rapport et rédigé des dires (notamment le dire récapitulatif du 27 juin 2021) et pris connaissance et analysé le travail de l'expert. Cette prestation doit être estimée à 3h30 de travail supplémentaires (525 euros HT). Au total, pour l'expertise une somme de 1'296,70 euros HT sera prise en compte.

L'avocat a rédigé des conclusions après le dépôt du rapport d'expertise (2 juillet 2021), préparé son dossier de plaidoirie, plaidé l'affaire et assuré l'exécution du jugement, prestations qui peuvent raisonnablement être estimées à la somme de 1'500 euros HT (correspondant à 10h de travail, étant relevé que l'adversaire n'a pas constitué avocat de sorte qu'un seul jeu d'écritures a suffi).

Au total et pour la seconde phase, les frais et honoraires de l'avocat peuvent être estimés 2'796,70 euros HT.

La travail effectué dans ce dossier par l'avocat ne peut justifier, au regard de la convention d'honoraires conclue entre les parties et des diligences effectuées, un honoraire total supérieur à 6'538,70'euros HT (soit 7 846,44 euros TTC) alors que la prestation a été facturée 7 000 euros'HT, cette somme ayant été répartie entre le client (5'300 euros HT) et son assureur de protection juridique (1'700 euros HT, après déduction des droits de plaidoirie) et étant intégralement payée (8 400 euros TTC).

Au regard de ces éléments, l'avocat a trop perçu une somme de (8 400 - 7 846,44) 553,56 euros TTC qu'il sera condamné à restituer au client.

L'ordonnance du bâtonnier du 14 novembre 2022 sera infirmée.

Les dépens seront laissés à la charge de la SCP Debuyser [O].

PAR CES MOTIFS':

Statuant par ordonnance rendue publiquement et contradictoirement':

Déclarons recevable le recours de M. [L].

Infirmons en toutes ses dispositions la décision rendue le 14 novembre 2022 par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Quimper.

Déclarons irrecevable comme étant prescrite la contestation en ce qu'elle concerne la procédure de référé et l'expertise subséquente.

Fixons les frais et honoraires dus par M. [Z] [L] à la SCP Debuyser - [O] pour la procédure au fond à la somme de 7 846,44 euros TTC.

Après déduction des honoraires versés (8 400 euros TTC), condamnons la SCP Debuyser - [O] à restituer à M. [Z] [L] la somme de 553,56 euros TTC.

Laissons les dépens à la charge de la SCP Debuyser [O].

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Contestations honoraires
Numéro d'arrêt : 23/00139
Date de la décision : 12/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-12;23.00139 ?
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