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09/06/2023 | FRANCE | N°22/02257

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre del'expropriation, 09 juin 2023, 22/02257


Chambre de l'Expropriation





ARRÊT N° 5



N° RG 22/02257 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SUOQ













Etablissement Public L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LOIRE ATLANTIQUE



C/



Mme [I] [D] veuve [N]

MR LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécu

toire délivrée

le :



à : Me Lahalle

Me Boittin

cc commissaire du gouvernement





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 JUIN 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabri...

Chambre de l'Expropriation

ARRÊT N° 5

N° RG 22/02257 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SUOQ

Etablissement Public L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LOIRE ATLANTIQUE

C/

Mme [I] [D] veuve [N]

MR LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Lahalle

Me Boittin

cc commissaire du gouvernement

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Avril 2023, devant Monsieur Fabrice ADAM, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de : Madame [S] [T], commissaire du gouvernement de Loire Atlantique représentant la direction régionale des finances publiques des pays de la Loire et du département de Loire Atlantique,

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 09 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LOIRE ATLANTIQUE, établissement public à caractère industriel et commercial, identifié au SIREN sous le n° 754 078 475, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

Hôtel du Département

[Adresse 7]

[Localité 18]

Représenté par Me Vincent LAHALLE de la SELARL LEXCAP, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Raphaëlle VAUTIER, plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Madame [I] [D] veuve [N]

née le 15 mai 1933 à [Localité 31]

[Adresse 8]

[Localité 19]

Représentée par Me Etienne BOITTIN de la SELARL AVOCATLANTIC, plaidant/postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 30] a été approuvé le 18 décembre 2015. Sa dernière modification, intégrant le plan de prévention des risques littoraux, est intervenue le 20'septembre 2019.

Afin de conforter les acquisitions entreprises depuis 1981 par le Conservatoire du Littoral dans le secteur de [Adresse 29] situé sur le territoire des communes de [Localité 30] et de [Localité 28], zone de préemption d'espace naturel sensible institué par le département de Loire Atlantique suivant délibération du 7 octobre 1994 devenue exécutoire le 11 octobre suivant, ces communes ont émis en décembre 2016 un avis favorable à une procédure de déclaration d'utilité publique afin de maîtriser le foncier du site qui couvre une superficie de 75 ha dont 36 restaient à acquérir.

Après accord du Conservatoire du Littoral, l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique a été ouverte le 23 août 2018. L'arrêté déclarant l'opération d'utilité publique a été pris le 29 novembre 2018 par le préfet de Loire Atlantique et modifié le 17 janvier 2019. L'arrêté de cessibilité des parcelles nécessaires à la réalisation du projet est daté du 23 décembre 2019.

Mme [D] veuve [N] était propriétaire au sein du périmètre concerné de deux parcelles sises commune de [Localité 30] cadastrées section E n° [Cadastre 5] d'une contenance de 2' 075 m² et E n° [Cadastre 17] d'une contenance de 1 '320 m².

L'ordonnance prononçant le transfert de la propriété de ces parcelles au profit de l'expropriant a été rendue le 13 février 2020.

Le 19 juin 2020, l'établissement foncier de Loire-Atlantique a adressé aux expropriés une offre d'indemnisation qui n'a pas été acceptée. Aussi, par requête du 18 août 2021, il a saisi le juge de l'expropriation aux fins de fixation des indemnités dues à Mme [N] à la somme globale de 6 106 euros. Le transport sur les lieux a eu lieu le 9 novembre 2021.

Par décision du 14 décembre 2021, le juge de l'expropriation a :

- fixé le montant de l'indemnité principale à la somme de 13 580'euros, celui de l'indemnité de remploi à celle de 2 287'euros et celui de l'indemnité accessoire à celle de 2'000'euros,

- condamné l'établissement public foncier de Loire-Atlantique à payer à Mme [N] la somme de 1 380 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour fixer le montant de ces indemnités, le juge a retenu que les parcelles expropriées ne pouvaient être considérées comme un terrain à bâtir à la date de référence qu'il a fixée au 20'septembre 2019, date à laquelle la modification du plan local d'urbanisme du 18 décembre 2015 a été approuvée pour intégrer le plan de prévention des risques littoraux.

L'établissement public foncier de Loire-Atlantique a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 avril 2022.

Aux termes de ses dernières écritures (10 janvier 2023), l'Établissement public foncier de Loire-Atlantique demande à la cour de :

- réformer le jugement du 14 décembre 2021 (n° RG 21/00059) du juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Nantes,

- fixer les indemnités d'expropriation revenant à Mme [D] (indemnité principale et de remploi) en raison de l'expropriation des parcelles cadastrées E n° [Cadastre 5] et E'n° [Cadastre 17] lui appartenant sur le territoire de la commune de [Localité 30] à la somme totale de 6' 106 euros,

- fixer le montant des indemnités accessoires à hauteur de 2' 000 euros revenant à Mme'[D] en raison de l'expropriation des parcelles cadastrées E n° [Cadastre 5] et E n° [Cadastre 17] lui appartenant sur le territoire de la commune de [Localité 30],

- condamner Mme [D] aux dépens et à lui verser la somme de 3 '000'euros au titre des frais irrépétibles,

- rejeter toutes demandes, prétentions contraires.

L'appelant rappelle qu'il n'existe aucune contestation sur la date de référence (20'septembre 2019), sur l'absence de qualification de terrain à bâtir des biens expropriés et leur consistance. Il précise que ces deux parcelles sont classées en zone naturelle et situées dans un secteur protégé à plusieurs titres (DTA de l'estuaire de la Loire, schéma de cohérence territoriale du pays de Retz, zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique, site Nature 2000, schéma régional de cohérence écologique des Pays de la Loire, stratégie de création d'aires protégées).

Il relève qu'en cas de situation privilégiée, la plus-value n'est pas automatique mais s'apprécie au regard des ventes des terrains sur des biens similaires. Il prétend que le prix de 4'euros/m² fixé par le juge ne se fonde sur aucun terme de comparaison. En s'appuyant sur sept termes de référence pris dans le périmètre de l'opération, il indique que les parcelles de Mme'[N] ne sont pas en situation privilégiée par rapport aux autres parcelles vendues au prix de 1,50'euro/m². Le requérant rejette enfin les termes de comparaison proposés par Mme [N] puisqu'elle ne produit aucun acte notarié correspondant.

Aux termes de ses dernières écritures (27 septembre 2022) Mme [I] [N] née [D] forme un appel incident et demande à la cour de :

- débouter l'établissement public foncier de Loire-Atlantique de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer Mme [D] veuve [N], recevable et bien fondée en ses écritures,

confirmer la décision objet de l'appel, en toutes ses dispositions,

- réformer la décision objet de l'appel, en ce qu'elle a fixé l'indemnité principale à 13' 580'euros et l'indemnité de remploi à 2' 287 euros,

- fixer les indemnités dues par l'expropriant à l'expropriée à raison pour l'indemnité principale de 27' 160 euros et pour l'indemnité de remploi de 3 '716 euros,

- condamner l'expropriant à verser à l'expropriée, au titre de la procédure en appel, une somme de 1 '500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [N] rappelle qu'il n'existe aucune contestation sur la date de référence (20'septembre 2019), sur l'absence de qualification de terrain à bâtir des biens expropriés et leur consistance.

Elle souligne que la juridiction de première instance a fixé le montant de l'indemnité principale dans les limites de sa demande et n'a pas statué ultra petita. Elle indique qu'après avoir constaté la qualité du bien et l'absence de terme de comparaison correspondant parfaitement à la situation, le juge a souverainement majoré le prix au m² résultant des termes de comparaison produits. Elle considère également que le bien exproprié bénéficie d'une situation privilégiée. Mme'[N] affirme par ailleurs qu'il n'existe aucun marché significatif sur le secteur exproprié puisque le requérant a imposé le prix d'acquisition à l'amiable par voie d'expropriation pour toutes les parcelles vendues. Elle relève également que les termes de référence utilisés par le requérant ne sont pas comparables à la situation de son terrain. Au regard des termes de référence qu'elle produit, elle considère être fondée à porter la somme par m² à 8 euros, ce qui conduit également selon elle à modifier la somme de l'indemnité de remploi pour la porter à 3 716 euros.

Aux termes de ses dernières écritures (22 septembre 2022), le commissaire de gouvernement demande à la cour de :

- réformer le jugement de première instance et de fixer pour les parcelles cadastrées E [Cadastre 5] et E [Cadastre 17], l'indemnité de dépossession à la somme de 5'092,50'euros,

- fixer l'indemnité de remploi à la somme de 1 014'euros,

- confirmer les termes du jugement de première instance en ce qu'il a fixé l'indemnité accessoire à la somme de 2'000'euros.

Le commissaire du gouvernement rappelle qu'il n'existe aucune contestation sur la date de référence (20 septembre 2019), sur l'absence de qualification de terrain à bâtir des biens expropriés et leur consistance. Il retient les mêmes termes de comparaison que le requérant. Il indique que les parcelles bénéficient d'une situation privilégiée prise en compte dans l'offre de l'expropriant et par les indemnités accessoires accordées par le juge de première instance.

SUR CE, LA COUR ':

Description des biens expropriés :

La parcelle cadastrée section E n° [Cadastre 17] dont Mme [N] est propriétaire est une parcelle plate de forme quasi rectangulaire en nature de lande d'une superficie de 1 320 m². Cette parcelle est desservie à l'est et au nord par un chemin fermé à la circulation ([Adresse 24]) et située à mi-distance entre le [Adresse 27] et la mer (à environ 300 m).

La parcelle cadastrée section E n° [Cadastre 5] est une parcelle de terre arborée en légère déclivité d'une superficie de 2 075 m². Elle est desservie à l'est et au nord par des chemins fermés à la circulation. Elle se situe entre le parking de [Adresse 25] et la mer (à environ 200 m de celle-ci).

Ces deux parcelles sont libres d'occupation, la seconde servant toutefois à son propriétaire de terrain d'agrément comme en attestent divers équipements (puits, barbecue) et le cabanon qu'il a édifié, à la suite d'une erreur d'implantation, sur la parcelle voisine (E n° [Cadastre 4]).

Sur les dates de référence :

Il n'est pas contesté, ce qu'a retenu à bon droit le premier juge, que :

- le montant des indemnités devait être fixé d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété (critère défini par l'article L 322-1 du code de l'expropriation), soit au 13 février 2020,

- les biens expropriés devaient être estimés conformément à l'article L 322-2 à la date du jugement de première instance (14 décembre 2021),

- suivant leur qualification juridique au 20 septembre 2019, date à laquelle est devenue opposable la dernière modification du plan local d'urbanisme affectant la zone N, ceux-ci se trouvant dans le périmètre de la zone de préemption d'espace naturel sensible, et ce conformément aux dispositions de l'article L 215-18 du code de l'urbanisme («'Lorsqu'un terrain soumis au droit de préemption mentionné aux articles L 215-1 et L 215-2 fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est remplacée, s'il existe un plan local d'urbanisme, par la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes approuvant, modifiant ou révisant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le terrain'») par dérogation à la règle fixée à l'article L 322-2 du code de l'expropriation.

Cette analyse, conforme aux textes cités, doit être approuvée.

Sur la qualification de terrain à bâtir :

À la date de référence, les deux parcelles se trouvait en zone N, en secteurs Nd s'agissant de la parcelle [Cadastre 5] et Ns s'agissant de la parcelle [Cadastre 17], du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 30], cette zone correspondant aux secteurs naturels et forestiers destinés à être protégés, en raison de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique.

Ces parcelles, inconstructibles et non desservies par les réseaux, ne peuvent recevoir la qualification de terrain à bâtir ce qu'aucune des parties ne conteste.

Sur l'évaluation des biens :

Pour permettre l'évaluation de cette parcelle par la méthode de la comparaison (et contester l'estimation de 4 euros/m² retenue par le premier juge), l'expropriant cite sept termes concernant des parcelles situées à proximité':

- E 1 ': traité d'adhésion du 4 décembre 2020 portant sur la cession d'une parcelle de terre cadastrée section E n° [Cadastre 6], de 276 m², sur laquelle était édifié un bâti non décrit dans l'acte, moyennant une indemnité globale de 21 226 euros dont 17'973,50'euros pour le bâti et 414 euros pour le terrain (soit 1,50'euro/m²). Si ce terme peut paraître intéressant puisqu'il s'agit d'un bien contigu à la parcelle cadastrée section E n° [Cadastre 5], desservi par la même voie, il convient de l'écarter dans la mesure où il s'agit d'un tout petit terrain édifié d'une construction dont la cour ignore tout et dont le prix a été artificiellement réparti entre terrain nu et bâti alors que les parcelles à évaluer ne comportent aucun bâti,

- E 2' : traité d'adhésion du 4 novembre 2021 portant sur la cession d'une parcelle de terre cadastrée section E n° [Cadastre 3], de 11 298'm², moyennant une indemnité de 19 642'euros (indemnité principale de 16 '947'euros soit 1,5 euro/m². Ce terme est tout à fait pertinent dans la mesure où il s'agit d'une parcelle libre de toute occupation, située à proximité immédiate de la parcelle cadastrée section E n° [Cadastre 5], mais mieux située puisque plus proche de la mer,

- E 3' : traité d'adhésion du 4 décembre 2020 portant sur la cession d'une parcelle de terre cadastrée E n° [Cadastre 11], de 3'640'm², moyennant une indemnité de 8 415'euros dont 5 460'euros pour le terrain (soit 1,50'euros/m²) et 1'640'euros pour un bâti dont la cour ignore tout mais qui compte tenu de ce montant devait être particulièrement modeste. Abstraction faite du bâti, ce terme est pertinent puisqu'il se situe entre les deux terrains à évaluer et est mieux situé puisque plus proche de la mer,

- E 4' : traité d'adhésion du 4 décembre 2020 portant sur la cession d'une parcelle de terre cadastrée section E n° [Cadastre 20] d'une superficie de 225 m², sur laquelle était édifié un bâti non décrit dans l'acte, moyennant une indemnité globale de 20'735 euros dont 17 603'euros pour le bâti et 337,50 euros pour le terrain (soit 1,50'euro/m²). Ce terme doit être écarté pour les mêmes raisons que le terme E 1,

- E 5' : traité d'adhésion du 4 décembre 2020 portant sur la cession d'une parcelle de terre cadastrée section E n° [Cadastre 21] d'une superficie de 1 155 m², sur laquelle était édifié un bâti non décrit dans l'acte, moyennant une indemnité globale de 33'359 euros dont 27'684'euros pour le bâti et 1'732,50'euros pour le terrain (soit 1,50'euro/m²). Ce terme doit être écarté comme les termes E 1 et E 4 en raison du caractère artificiel de l'évaluation du terrain séparément du bâti et l'absence de bâti sur les parcelles à évaluer,

- E 6' : traité d'adhésion du 4 décembre 2020 portant sur la cession d'une parcelle de terre cadastrée section E n° [Cadastre 16] d'une contenance de 1 520'm², sur laquelle se trouve un puits, moyennant une indemnité globale de 4 027'euros dont 2'856'euros pour le terrain soit 1,88'euro/m² (et non 1,5 euro/m² comme l'indique l'expropriant) et 500 euros pour le puits. Ce terme, proche de la parcelle E n° [Cadastre 17], est pertinent puisqu'il est également desservi par un chemin fermé à la circulation et se situe à environ 200 m du rivage,

- E 7': traité d'adhésion du 4 décembre 2020 portant sur la cession d'une parcelle de terre cadastrée section E n° [Cadastre 15] d'une contenance de 1 904'm², sur laquelle se trouve un puits, moyennant une indemnité globale de 4 027'euros dont 2'856'euros pour le terrain soit 1,5'euro/m² et 500 euros pour le puits. Ce terme, proche de la parcelle E n° [Cadastre 17], est pertinent puisqu'il est également desservi par un chemin fermé à la circulation et se situe à un peu plus de 100 m de la mer.

Le commissaire du gouvernement reprend les mêmes termes de comparaison et cite en plus la vente (C 1) intervenue le 4 décembre 2020 de quatre parcelles de terre et de lande sises à [Localité 30] cadastrées section E n° [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] respectivement de 1 128, 1'993, 7 380 et 1 630'm² moyennant les prix de 1'692, de 2'989,50 et de 11 070 et 2'445'euros, soit 1,50'euro/m². Cette cession est également pertinente puisqu'elle porte sur des terrains, libres de toute occupation, situés à proximité des parcelles à évaluer.

Mme [N] ne cite aucun terme de comparaison situés dans l'une ou l'autre des communes concernées par l'opération ([Localité 30]/[Localité 28]) mais fait état de cinq ventes de terrain à usage de camping situés à [Localité 26], commune située au nord de [Localité 30], conclues entre janvier 2018 et décembre 2020 à des prix compris entre 4,69 et 9,65 euros/m² dont elle justifie au moyen d'extraits tirés de la base de données officielle Etalab. Cependant ni le zonage dans lequel se trouvent ces parcelles ni le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 26] ne sont produits aux débats de sorte que la cour ignore si ces terrains sont comparables ou non à ceux à évaluer quant à leur situation juridique et leur utilisation.

- G 1' : vente en décembre 2020 d'une parcelle (D n° [Cadastre 2]) sise à [Localité 26] à usage de terrain de camping de 1'243'm² au prix de 12'000'euros soit 9,65'euros/m²,

- G 2' : vente en mai 2019 d'une parcelle (D n° [Cadastre 1]) sise à [Localité 26] à usage de terrain de camping de 4'710'm² au prix de 27 000'euros soit 5,73'euros/m², - G 3 ': vente en janvier 2018 d'une parcelle (F n° [Cadastre 22]) sise à [Localité 26] à usage de terrain de camping de 882'm² au prix de 5 000'euros soit 5,66 euros/m²,

- G 4' : vente en janvier 2018 d'une parcelle (F n° [Cadastre 12]) sise à [Localité 26] à usage de terrain de camping de 935'm² au prix de 5'000'euros soit 5,34 euros/m²,

- G 5 ': vente en septembre 2018 d'une parcelle (F n° [Cadastre 23]) sise à [Localité 26] à usage de terrain de camping de 3'197'm² au prix de 15 000'euros soit 4,69 euros/m².

En l'état des éléments produits et de l'ignorance dans laquelle se trouve la cour de l'utilisation qui peut être faite de ces terrains dont rien n'indique qu'ils se trouvent en zone naturelle, ces termes de comparaison ne peuvent être retenus.

Si Mme [N] fait valoir que la parcelle cadastrée section E n° [Cadastre 5] avait la destination de terrain d'agrément et servait, été comme hiver, à des rassemblements familiaux, elle n'invoque pas un tel usage pour la parcelle E n° [Cadastre 17] ce qui se comprend aisément puisque cette parcelle se trouve entre plusieurs chemins.

En premier lieu, il convient de relever que les deux parcelles de Mme [N] ne bénéficient pas par rapport aux parcelles citées tant par l'expropriant que par le commissaire du gouvernement d'une situation privilégiée, s'agissant de parcelles situées en retrait par rapport à la côte.

En second lieu, il sera rappelé que ces parcelles n'étant pas constructibles, elles doivent être estimées en fonction de leur usage effectif ainsi qu'en disposent les articles L 322-2 et L 322-3 du code de l'expropriation.

Or si aucun usage spécifique n'est justifié quant à la parcelle [Cadastre 17], il doit être tenu compte de l'usage d'agrément de la parcelle [Cadastre 5], et ce non simplement en indemnisant les aménagements ce qu'en toute hypothèse prévoit l'article L 322-1 al 2.

Concernant la parcelle cadastrée section E n° [Cadastre 17], rien ne justifie une évaluation supérieure au prix de 1,50 euros/m², ce en considération notamment des termes E2, E3, E7 et C1 lesquels sont tout à fait pertinents. Pour cette parcelle, l'indemnité principale sera fixée à la somme de 1 980'euros.

S'agissant de la parcelle cadastrée section E n° [Cadastre 5], il doit être tenu compte de son usage effectif de terrain d'agrément effectivement utilisé. L'autorité expropriante fait certes valoir que les termes qu'elle cite avaient le même usage, mais elle n'en justifie pas et les actes de cession qu'elle produit n'en font nullement état. De même, elle ne peut soutenir qu'elle a indemnisé l'usage en indemnisant les aménagements.

Au regard de ces éléments, l'indemnité allouée doit être supérieure à celle indemnisant l'expropriation d'une simple lande maritime et fixée ainsi que le premier juge l'a retenu sur la base de 4'euros/m² ''qui tient compte de cet usage particulier et non contesté. L'indemnité principale pour cette parcelle sera fixée à la somme de 8 300'euros.

L'indemnité principale doit donc être arrêtée à la somme de 10'280'euros et l'indemnité accessoire à la somme de (1'000 + 792) 1'792'euros et l'indemnité accessoire - non contestée - à la somme de 2'000'euros, soit au total une indemnité de 14' 072'euros, le jugement étant infirmé.

Les dépens resteront à la charge de l'appelant.

La somme allouée en première instance au titre de l'article 700 à l'expropriée, ainsi que la condamnation aux dépens seront confirmées et une somme de 1'000'euros lui sera accordée pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS' :

Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement.

Infirme le jugement rendu par le juge de l'expropriation de Loire Atlantique le 14 décembre 2021 dans l'affaire opposant l'Etablissement public foncier de Loire Atlantique à Mme [D] veuve [N] sauf en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant à nouveau,

Fixe ainsi qu'il suit les indemnités revenant à Mme [D] veuve [N] ':

- indemnité principale ': 10 280 euros,

- indemnité de remploi' : 1'792 euros,

- indemnité accessoire ': 2 000'euros,

au total ': 14'072 euros.

Laisse les dépens d'appel à la charge de l'Etablissement public foncier de Loire Atlantique.

Condamne l'Etablissement public foncier de Loire Atlantique à payer à Mme [D] veuve [N] une somme de 1 000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre del'expropriation
Numéro d'arrêt : 22/02257
Date de la décision : 09/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-09;22.02257 ?
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