5ème Chambre
ARRÊT N°-205
N° RG 22/05653 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TEF3
S.A.R.L. PUNJAB
C/
Mme [C] [Y] ÉPOUSE [I]
Mme [W] [Y] ÉPOUSE [R]
Mme [Z] [Y] ÉPOUSE [J]
M. [A] [Y]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 07 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame [C] VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Mars 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.R.L. PUNJAB
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Sébastien CHEVALIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Madame [C] [Y] ÉPOUSE [I]
Née le 2 mai 1953 à [Localité 10]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Claude MEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Madame [W] [Y] ÉPOUSE [R]
Née le 20 juillet 1971 à [Localité 10]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Claude MEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Madame [Z] [Y] ÉPOUSE [J]
Née le 29 mars 1976 à [Localité 10]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Claude MEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Monsieur [A] [Y]
Né le 29 juillet 1984 à [Localité 10]
[Adresse 9]
[Localité 1]
Représenté par Me Claude MEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Suivant acte sous seing privé du 1er avril 2016, Mme [L] [K] veuve [Y] a donné à bail commercial à la société Punjab un bien immobilier situé [Adresse 8].
Mme [L] [K] épouse [Y] est décédée le 22 juillet 2020 et a laissé pour lui succéder :
- Mme [C] [Y], sa fille,
- Mme [W] [Y] épouse [V], Mme [Z] [Y] épouse [J] et M. [A] [Y], ses petits-enfants, venant par représentation de M. [N] [Y], son fils pré-décédé.
Déplorant un paiement irrégulier et partiel des loyers, les consorts [Y] ont fait délivrer à la société Punjab un commandement de payer visant la clause résolutoire sur la somme en principal de 16 568,95 euros.
Par acte d'huissier du 23 mai 2022, les consorts [Y] ont fait citer la société Punjab devant le président du tribunal judiciaire de Nantes statuant en référé afin notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail au 13 novembre 2021 et la résiliation du contrat à compter de cette date.
Par ordonnance en date du 21 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes a :
- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire prévues au contrat de bail commercial du 1er avril 2016 conclu entre Mme [L] [K] épouse [Y] et la société Punjab sont réunies à la date du 14 novembre 2021 et que le contrat de bail est par conséquent résilié depuis cette date,
- constaté que Mme [C] [Y] , Mme [W] [Y] épouse [V], Mme [Z] [Y] épouse [J] et M. [A] [Y] viennent aux droits de Mme [L] [K] épouse [Y], décédée,
- ordonné à la société Punjab de libérer spontanément les lieux et de restituer les clés,
- dit qu'à défaut pour la société Punjab d'avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois après la signification de la présente ordonnance, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de leur chef, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois,
- condamné la société Punjab à verser aux consorts [Y] la somme provisionnelle de 18 195,43 euros au titre de l'arriéré locatif dû jusqu'au mois de novembre 2021 inclus,
- condamné la société Punjab à verser aux consorts [Y] la somme provisionnelle de 814 euros, correspondant à l'indemnité mensuelle d'occupation due à compter du mois de décembre 2021 et jusqu'à parfaite libération des lieux,
- condamné la société Punjab à verser aux consorts [Y] une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Punjab aux entiers dépens,
- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire.
Le 22 septembre 2022, la société Punjab a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 3 novembre 2022, elle demande à la cour de :
- la recevoir en ses demandes,
Y faisant droit,
- réformer l'ordonnance de référé rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes du 21 juillet 2022,
- dire n'y avoir lieu à référé,
- condamner solidairement les consorts [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de défense,
- condamner solidairement les consorts [Y] aux entiers dépens de l'instance,
Infiniment subsidiairement,
- suspendre les effets de la clause résolutoire visée par le commandement,
- lui accorder un échelonnement de sa dette locative sur 24 mois.
Par dernières conclusions notifiées le 30 novembre 2022, les consorts [Y] demandent à la cour de :
- dire et juger non fondé l'appel interjeté par la société Punjab à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 21 Juillet 2022,
En conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Punjab,
Confirmant ladite ordonnance,
- constater que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire prévues au contrat de bail commercial du 1er avril 2016 conclu entre Mme [L] [K] épouse [Y] et la société Punjab sont réunies à la date du 14 Novembre 2021 et que le contrat de bail est par conséquent résilié depuis cette date,
- constater que les consorts [Y] viennent aux droits de Mme [L] [K] épouse [Y], décédée,
- ordonner à la société Punjab de libérer spontanément les lieux et de restituer les clés,
- dire qu'à défaut pour la société Punjab d'avoir libéré les lieux dans un délai de deux mois à après la signification de l'ordonnance, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de leur chef, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois,
- condamner la société Punjab à leur verser la somme provisionnelle de 18 195,43 euros au titre de l'arriéré locatif dû jusqu'au mois de novembre 2021 inclus,
- condamner la société Punjab à leur verser la somme provisionnelle de 814 euros, correspondant à l'indemnité mensuelle d'occupation due à compter du mois de décembre 2021 et jusqu'à parfaite libération des lieux,
- condamner la société Punjab à leur verser une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu'aux entiers dépens,
Y ajoutant,
- condamner la société Punjab à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner la société Punjab aux dépens d'appel.
Par ordonnance du 17 janvier 2023, le premier président de la cour d'appel de Rennes a débouté la société Punjab de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire dont est assortie l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes du 21 juillet 2022 et a condamné la société Punjab aux frais irrépétibles et aux dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la demande principale
La société Punjab sollicite de voir juger n'y avoir lieu à référé. Elle soutient que le commandement de payer visant la clause résolutoire lui a été délivré de façon déloyale en fraude de ses droits alors que le bailleur connaissait sa volonté de réitérer la vente des murs mais également ses difficultés financières consécutives à la crise sanitaire. Elle précise qu'elle a effectué des travaux d'ampleur pour l'aménagement du local dans la perspective de l'exploitation du fonds et de l'acquisition des murs mais que l'accord de principe sur l'achat des murs n'a jamais été réitéré malgré ses demandes. Elle indique qu'elle a toujours souhaité apurer l'arriéré locatif mais qu'il ne lui a jamais été adressé le RIB de l'indivision. Elle ajoute qu'elle a saisi au fond le tribunal judiciaire de Nantes pour voir déclarer nul et de nul effet le commandement qui lui a été délivré.
La société Punjab considère que les circonstances de cession du fonds de commerce attaché à la condition que les travaux soient entrepris dans la perspective de la cession des murs et la délivrance d'un commandement de payer relatif à la période de la crise sanitaire constituent une contestation sérieuse opposable à la demande du bailleur.
Les consorts [Y] rétorquent que le commandement de payer délivré le 13 octobre 2021 pour un arriéré de loyers de 16 568,95 euros est parfaitement fondé. Ils font valoir que le moyen tiré de la vente des murs invoqué par le preneur est non seulement irrecevable comme prescrit mais également mal fondé en ce que les modalités de paiement du prix n'ont pas été convenues entre les parties. Ils ajoutent que la société Punjab en était parfaitement consciente.
Ils exposent que le commandement de payer a été délivré en dehors de la période de crise sanitaire et vise des loyers impayés à compter de 2019 et donc antérieurs à cette période. Ils ajoutent que si la société Punjab a effectué des travaux d'amélioration du fonds de commerce, cela ne l'exonère pas de son obligation de paiement des loyers.
Aux termes des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Aux termes des dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
A titre liminaire, les consorts [Y] ne précisent pas en quoi le moyen tiré de la vente des murs serait prescrit.
Le bail conclu entre Mme [K] veuve [Y] et la société Punjab le 1er avril 2016 prévoit en page 24 article XX une clause résolutoire qui mentionne en son article 1 ' à défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de loyer ou de tout rappel de loyer consécutif à une augmentation de celui-ci, comme à défaut de remboursement des frais, taxes locatives, imposition, charges ou frais de poursuite, et prestations qui en constituent l'accessoire, et notamment du commandement destiné à faire jouer la présente clause, ou enfin à défaut de l'exécution de l'une ou l'autre des clauses et conditions du présent bail, ou du règlement de copropriété qui fait également la convention des parties, ou encore d'inexécution des obligations imposées aux locataires par la loi ou les règlements, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter restés sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit'.
En l'espèce, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié à étude le 13 octobre 2021 pour une somme en principal de 16 568,95 euros de loyers et charges impayées à compter du mois d'août 2019.
Il n'est pas contesté que la société Punjab n'a pas respecté les termes du commandement et que le commandement est resté infructueux pendant plus d'un mois.
S'il a été évoqué un projet de vente des murs entre les parties, il n'en demeure pas moins qu'il n'y a eu aucun accord entre elles sur cette vente. En effet, il résulte de la lettre de maître [Y], intervenant pour le compte de sa mère Mme [Y], propriétaire des lieux en date du 8 octobre 2015 qu'il propose cette vente au gérant de la société Punjab mais qu'il l'a également proposée au gérant de la société qui exploitait le fonds avant lui de sorte qu'il ne peut être soutenu que les propriétaires ont donné leur accord pour vendre à la société Punjab les murs. Par courrier du 10 février 2016, le gérant de la société Punjab indique qu'il se porte candidat à cette acquisition mais invoque un certain nombre de conditions à l'appui de sa proposition qui n'a pas été suivie d'effet. S'il y a eu des pourparlers au sujet de la vente des murs, il n'y a aucun accord des parties sur le principe même de cette vente.
En tout état de cause, ce projet de vente ne dispensait pas le locataire de régler le montant du loyer.
Il ne peut pas non plus être soutenu que le commandement a été délivré en connaissance des difficultés financières liées à la période covid puisqu'il a été délivré postérieurement et surtout il porte sur des impayés à compter du mois d'août 2019 soit une période antérieure à la crise sanitaire. De plus le fait de ne pas disposer du RIB de l'indivision n'est pas un obstacle au paiement des loyers par le preneur qui aurait pu notamment adresser un chèque au notaire en charge de l'indivision.
La demande des consorts [Y] ne souffre d'aucune contestation sérieuse.
C'est donc à bon droit que le premier juge a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies à la date du 14 novembre 2021 et que par conséquent le bail était résilié à compter de cette date.
- Sur la demande subsidiaire
La société Punjab sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire et l'échelonnement de sa dette locative sur une durée de 24 mois avec des échéances mensuelles d'environ 750 euros.
En réponse, les consorts [Y] s'y opposent. Ils relèvent que le preneur n'a versé aucun loyer depuis 3 ans et n'a effectué aucun versement depuis l'ordonnance de référé. Ils soutiennent que si le bilan 2021 figure en pièce n°21 du bordereau annexé à ses écritures, il n'a pas été versé aux débats de sorte qu'ils ne connaissent pas la situation financière actuelle du preneur.
En vertu des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En vertu des dispositions de l'article L.145-41 alinéa 2 du code civil, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Les créanciers n'ont pas produit d'éléments sur leur situation financière.
Il résulte du bilan 2021, produit par l'appelante, un bénéfice de 3 119 euros mais le passif laisse apparaître une dette fournisseur de 21 500 euros et un total de dettes de 93 535 euros, ce qui permet d'établir que la société Punjab a présenté des difficultés financières temporaires. En revanche, elle n'apporte aucun élément actualisé sur sa situation financière en 2022, la cour ne dispose ainsi d'aucun élément lui permettant de déterminer sa capacité à payer les arriérés locatifs en sus des loyers et charges courant.
De plus, les consorts [Y] soutiennent que la société Punjab n'a procédé à aucun versement depuis l'ordonnance de référé, ce qui n'est pas contesté par cette dernière et les impayés sont antérieurs à la période de crise sanitaire de sorte qu'elle ne peut soutenir être de parfaite bonne foi. La dette n'a fait que s'aggraver et la société Punjab ne justifie pas être en mesure de l'apurer dans le délai de 2 ans. Par conséquent, il convient de la débouter de sa demande de délais de paiement. La décision sera confirmée sur le montant de la provision allouée qui n'est pas contestée dans son principe ni dans son montant, sur le montant de l'indemnité d'occupation et sur les modalités d'expulsion.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en son appel, la société Punjab sera condamnée à verser la somme de 3 000 euros aux consorts [Y] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et aux entiers dépens d'appel étant précisé que les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la société Punjab de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Condamne la société Punjab à verser à Mme [C] [Y], Mme [W] [Y] épouse [V], Mme [Z] [Y] épouse [J] et M. [A] [Y] une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;
Condamne la société Punjab aux dépens d'appel.
Le greffier, La présidente,