La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2023 | FRANCE | N°20/01824

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 07 juin 2023, 20/01824


5ème Chambre





ARRÊT N°-203



N° RG 20/01824 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QSAE













Mme [J] [P]



C/



M. [E] [F]

Mme [U] [G] [M]

M. [A] [D]

Mme [Z] [B]

Etablissement Public CPAM DE [Localité 12]



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée





le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 JUIN 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,...

5ème Chambre

ARRÊT N°-203

N° RG 20/01824 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QSAE

Mme [J] [P]

C/

M. [E] [F]

Mme [U] [G] [M]

M. [A] [D]

Mme [Z] [B]

Etablissement Public CPAM DE [Localité 12]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Mars 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

+****

APPELANTE :

Madame [J] [P]

née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 13]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Amélie CHIFFERT de la SELEURL CABINET SELURL CHIFFERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉS :

Monsieur [E] [F] Agissant ès nom et ès qualités de représentant légal de ses enfants mineurs, [K] [G] [M], né le [Date naissance 4]/2005 à [Localité 13] et [I] [G] [M], né le [Date naissance 5]/2008 à [Localité 13]

né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 10]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Ludivine PODEVIN de la SELAS AVICI, Plaidant, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

Madame [U] [G] [M] Agissant ès nom et ès qualités de représentante légale de ses enfants mineurs, [K] [G] [M], né le [Date naissance 4]/2005 à [Localité 13] et [I] [G] [M], né le [Date naissance 5]/2008 à [Localité 13]

née le [Date naissance 6] 1982 à [Localité 14]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Ludivine PODEVIN de la SELAS AVICI, Plaidant, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

Monsieur [A] [D]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 13]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représenté par Me Thomas NAUDIN de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [Z] [B]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Bertrand MAILLARD, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

CPAM DE [Localité 12] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représentée par Me Flavien MEUNIER de la SELARL LEXCAP, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Mme [U] [G] [M], qui était suivie par les docteurs [A] [D] et [J] [P], médecins généralistes associés au sein du même cabinet, a consulté le docteur [J] [P] dans le cadre de sa seconde grossesse, laquelle lui a prescrit le 29 mai 2008 un frottis.

Les résultats, transmis le 10 juin 2008 par l'lnstitut d'Histo-Pathologie au docteur [J] [P], ont mis en évidence la présence d'atypies cellulaires malpighiennes de signification indéterminée (ASCUS), et émettaient des préconisations.

Le docteur [J] [P] n'a cependant pas informé sa patiente.

À compter du 9 septembre 2008, le docteur [Z] [B], gynécologue au sein de la clinique Brétéché, a suivi la grossesse de Mme [U] [G] [M] jusqu'à son accouchement le 18 décembre 2008.

Le 2 avril 2009, le docteur [A] [D] a posé un stérilet à Mme [U] [G] [M].

Trois ans et demi plus tard, présentant des métrorragies intermittentes, Mme [U] [G] [M] a consulté aux Nouvelles Cliniques Nantaises le docteur [X] qui a prescrit la réalisation d'un frottis le 5 octobre 2012, lequel n'a pu être lu car trop hémorragique.

Le 7 décembre 2012, le docteur [A] [D] a procédé à l'ablation du stérilet de Mme [U] [G] [M], ainsi qu'à un curetage biopsique.

Les résultats anatomo-pathologiques ont conclu le 11 décembre 2012 à un cancer du col de l'utérus. Un traitement concomitant de chimiothérapie et de radiothérapie a été mis en place pendant cinq semaines à compter du 26 janvier 2013.

Estimant que le docteur [J] [P] avait engagé sa responsabilité du fait d'un défaut dans le suivi, Mme [U] [G] [M] et M. [E] [F], agissant tant en leur nom propre qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [K] et [I] [G] [M], ont, par actes d'huissier en date des 17 et 22 avril 2014, fait assigner le docteur [J] [P] et la CPAM aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par ordonnance du 16 octobre 2014, le juge de la mise en état a fait droit à la demande d'expertise médicale et désigné le docteur [T] [V] pour y procéder, mais a rejeté la demande de provision qui était formulée.

L'expert a déposé son rapport le 6 novembre 2015 et a conclu que Mme [U] [G] [M] n'avait pas bénéficié du suivi recommandé en cas de frottis ASCUS, ce qui avait entraîné un retard de diagnostic de quatre ans.

Par actes d'huissier du 25 juillet 2016, le docteur [J] [P] a fait assigner le docteur [A] [D] et le docteur [Z] [B] aux fins de voir constater que leur responsabilité est partagée avec la sienne et voir ordonner une contre-expertise ou une nouvelle expertise puisque les deux médecins n'ont pas participé aux opérations d'expertise précédemment ordonnée.

Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction le 13 septembre 2016.

Par ordonnance en date du 8 décembre 2016, le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de contre-expertise sollicitée et a dit n'y avoir lieu à nouvelle mesure d'expertise.

Par jugement en date du 9 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Nantes a :

- débouté le docteur [J] [P] de sa demande de contre-expertise ou nouvelle expertise,

- dit que le docteur [J] [P] a commis une faute engageant sa responsabilité et occasionnant pour Mme [U] [G] [M] une perte de chance à hauteur de 60%,

- condamné le docteur [J] [P] à payer à :

* Mme [U] [G] [M] la somme de 214 759,75 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice,

* la CPAM de Loire-Atlantique la somme de 15 111,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2017 au titre des prestations versées,

- condamné le docteur [J] [P] à payer à :

* M. [E] [F] la somme de 8 500 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice,

* Mme [U] [G] [M] et M. [E] [F], agissant en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, Mme [K] [G] [M] et M. [I] [G] [M], la somme de 1 800 euros pour chacun d'entre eux en réparation de leur préjudice,

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples,

- condamné le docteur [J] [P] à payer :

* à Mme [U] [G] [M] la somme de 3 000 euros,

* à la CPAM de Loire-Atlantique la somme de 800 euros,

* au docteur [Z] [B] la somme de 2 000 euros,

* au docteur [A] [D] la somme de 2 000 euros,

au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le docteur [J] [P] à payer à la CPAM de Loire-Atlantique la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- condamné le docteur [J] [P] aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire et qui pourront être recouverts par Maître Dominique Hervé, Maître Mathieu Carpintero et la Selarl Alexa, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le 16 mars 2020, Mme [J] [P] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 22 février 2023, elle demande à la cour de :

- la recevoir en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,

À titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de contre-expertise ou nouvelle expertise avant dire-droit, et statuant à nouveau, ordonner avant dire droit une mission d'expertise complète, et pour ce faire :

* désigner en qualité d'expert un médecin gynécologue, à qui sera donnée la mission d'expertise suivante :

* convoquer les parties et les entendre en leurs explications,

* procéder à l'audition de tout sachant éventuel en présence des parties,

* se faire remettre l'entier dossier médical de Mme [U] [G] [M],

* réclamer tous dossiers médicaux concernant les interventions, soins et traitements subis avant les actes dispensés par le docteur [J] [P], le docteur [A] [D] et le docteur [Z] [B], et d'une manière générale tout dossier concernant la patiente postérieurement à leur prise en charge,

* décrire l'état de santé de Mme [U] [G] [M] antérieurement aux soins litigieux,

* dire si les soins dispensés à Mme [U] [G] [M] par le docteur [J] [P], le docteur [A] [D] et le docteur [Z] [B], et par tout autre professionnel de santé, ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science à l'époque des faits et, dans la négative analyser de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, manque de précaution nécessaire, négligences, maladresses ou autres défaillances relevées,

* donner un avis sur l'existence ou l'absence de lien de causalité entre le ou

les manquements thérapeutiques éventuellement relevés,

* préciser si ce lien de causalité présente un caractère direct, exclusif ou si

seule une perte de chance peut être envisagée,

* s'il s'agit d'une perte de chance, préciser dans quelle proportion (en pourcentage) celle-ci est à l'origine du préjudice subi,

* préciser s'il s'agit, en l'espèce, de la réalisation d'un aléa thérapeutique, à savoir un risque accidentel inhérent à l'acte médical qui ne pouvait être

maîtrisé,

* fournir tous les éléments permettant d'apprécier l'éventuelle responsabilité

du docteur [J] [P], docteur [A] [D] et docteur [Z] [B], et des autres professionnels de santé mis en cause, personne morale et personne physique,

* donner un avis, en les qualifiant, sur le DFP, le DFTT et DFTP, pretium

doloris, préjudice d'agrément et, de façon générale, sur tous les éléments de

préjudice qui découle de la situation décrite en ne s'attachant qu'aux éléments de préjudice résultant d'éventuels manquements imputables aux

docteur [J] [P], docteur [A] [D] et docteur [Z] [B] et en excluant ceux se rattachant aux suites normales des soins ou à l'état antérieur de la patiente,

* indiquer si la date de consolidation du préjudice subi par Mme [U] [G] [M] peut être définie,

* dire si l'état de Mme [U] [G] [M] est susceptible de modification, d'aggravation ou amélioration ; dans l'affirmative, fournir toute précision utile sur son évolution ainsi que sur la nature des soins, traitement et intervention éventuellement nécessaires,

* préalablement au dépôt du rapport d'expertise, dire que l'expert devra adresser un pré-rapport aux parties, lesquelles, dans les six semaines de sa

réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport ;

À titre subsidiaire :

- confirmer le jugement s'agissant de la retenue d'un taux de 60% représentant la perte de chance liée au retard de diagnostic du cancer du col de l'utérus,

- infirmer le jugement en ce que ce taux de perte de chance a été seulement

imputé au docteur [J] [P], et réformant le jugement, retenir que le docteur [A] [D] et le docteur [Z] [B] engagent également leur responsabilité au titre de ce retard de diagnostic et donc perte de chance de 60% considérée selon la répartition suivante :

* 20% docteur [J] [P]

* 20% docteur [A] [D]

* 20% docteur [Z] [B]

- réformer comme suit le jugement s'agissant des postes de préjudices de Mme [U] [G] [M], avant application du taux de perte de chance de 60% et l'application de la part minorée de responsabilité du docteur [J] [P] au titre de cette perte de chance globale,

* confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'absence de demandes formées

au titre des dépenses de santé actuelles,

* infirmer le jugement s'agissant du quantum alloué au titre de l'aide par tierce personne, et statuant à nouveau, fixer à 2 580 euros l'indemnisation

de ce poste de préjudice,

* confirmer le jugement rendu s'agissant du quantum de 3 800,09 euros considéré pour l'indemnisation des pertes de gains professionnels actuels,

* infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une indemnisation des frais de déplacement et frais de médecin conseil allégués par Mme [U] [G] [M] sans justificatifs suffisants des dépenses réalisées par celle-ci,

* infirmer le jugement s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, et statuant à nouveau, fixer à 4 547,10 euros l'indemnisation due,

* infirmer le jugement s'agissant des souffrances endurées, et statuant à nouveau, fixer à 12 000 euros l'indemnisation due,

* infirmer le jugement s'agissant du déficit fonctionnel permanent et, statuant à nouveau, fixer à 14 800 euros,

* infirmer le jugement s'agissant du préjudice esthétique permanent, et statuant à nouveau, fixer à 500 euros l'indemnisation due,

* confirmer le jugement rendu s'agissant du préjudice sexuel,

* confirmer le jugement rendu s'agissant du préjudice d'établissement,

* confirmer le jugement rendu s'agissant des dépenses de santé futures,

* infirmer le jugement rendu s'agissant des pertes de gains professionnels futurs et statuant à nouveau, débouter Mme [U] [G] [M] de ses

demandes,

* confirmer le jugement rendu en ce qu'il a rejeté la demande formée au titre d'une incidence professionnelle indemnisable,

- réformer le jugement s'agissant des sommes allouées à M. [E] [F] au titre :

* de son préjudice moral, et statuant à nouveau, fixer l'indemnisation considérée à 4 000 euros,

* de son préjudice sexuel subi par ricochet et statuant à nouveau, en fixer l'indemnisation à hauteur de 3000 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'était rejetée la demande formée au titre du

préjudice d'établissement subi par M. [E] [F],

- réformer le jugement s'agissant de l'indemnisation octroyée au titre du préjudice moral des enfants mineurs de Mme [U] [G] [M], et statuant à nouveau, fixer à 2 000 euros l'indemnisation revenant à chacun,

- confirmer le jugement rendu s'agissant des quanta alloués à la Caisse

primaire d'Assurance Maladie de [Localité 12],

À titre infiniment subsidiaire :

- confirmer le jugement s'agissant de la retenue d'un taux de 60% représentant la perte de chance liée au retard de diagnostic du cancer du col de l'utérus,

- infirmer le jugement en ce que ce taux de perte de chance a été seulement

imputé au docteur [J] [P], et réformant le jugement, retenir que le docteur [A] [D] et le docteur [Z] [B] engagent également leur responsabilité au titre de ce retard de diagnostic et donc perte de chance de 60% considérée selon la répartition suivante :

* 30% docteur [J] [P],

* 30% le docteur [A] [D] et le docteur [Z] [B], la cour conservant toute latitude pour fixer la clé de répartition de ce taux entre ces deux parties,

- réformer comme suit le jugement s'agissant des postes de préjudices de Mme [U] [G] [M], avant application du taux de perte de chance de 60% et l'application de la part minorée de responsabilité du docteur [J] [P] au titre de cette perte de chance globale,

* confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'absence de demandes formées

au titre des dépenses de santé actuelles,

* infirmer le jugement s'agissant du quantum alloué au titre de l'aide par tierce personne, et statuant à nouveau, fixer à 2 580 euros l'indemnisation

de ce poste de préjudice,

* confirmer le jugement rendu s'agissant du quantum de 3 800,09 euros considéré pour l'indemnisation des pertes de gains professionnels actuels,

* infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une indemnisation des frais de déplacement et frais de médecin conseil allégués par Mme [U] [G] [M] sans justificatifs suffisants des dépenses réalisées par celle-ci,

* infirmer le jugement s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, et statuant à nouveau, fixer à 4 547,10 euros l'indemnisation due,

* infirmer le jugement s'agissant des souffrances endurées, et statuant à nouveau, fixer à 12 000 euros l'indemnisation due,

* infirmer le jugement s'agissant du déficit fonctionnel permanent et, statuant à nouveau, fixer à 14 800 euros,

* infirmer le jugement s'agissant du préjudice esthétique permanent, et statuant à nouveau, fixer à 500 euros l'indemnisation due,

* confirmer le jugement rendu s'agissant du préjudice sexuel,

* confirmer le jugement rendu s'agissant du préjudice d'établissement,

* infirmer le jugement rendu s'agissant des pertes de gains professionnels futurs et statuant à nouveau, à défaut débouter Mme [U] [G] [M] de ses demandes, fixer le quantum d'indemnisation à 50 701, 29 euros, et à titre tout à fait subsidiaire, au quantum de 101 402,33 euros,

* confirmer le jugement rendu en ce qu'il a rejeté la demande formée au titre d'une incidence professionnelle indemnisable,

- réformer le jugement s'agissant des sommes allouées à M. [E] [F] au titre :

* de son préjudice moral, et statuant à nouveau, fixer l'indemnisation considérée à 4 000 euros,

* de son préjudice sexuel subi par ricochet et statuant à nouveau, en fixer

l'indemnisation à hauteur de 3 000 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'était rejetée la demande formée au titre du

préjudice d'établissement subi par M. [E] [F],

- réformer le jugement s'agissant de l'indemnisation octroyée au titre du préjudice moral des enfants mineurs de Mme [U] [G] [M], et statuant à nouveau, fixer à 2 000 euros l'indemnisation revenant à chacun,

- confirmer le jugement rendu s'agissant des quanta alloués à la Caisse

primaire d'Assurance Maladie de [Localité 12],

À titre particulièrement subsidiaire :

- si la cour accueillait la demande de Mme [U] [G] [M] de réactualisation des postes soumis aux tables de capitalisation en fonction de la table de capitalisation 2022, appliquer la table à taux de 0 et non la table au taux de -1,

En tout état de cause, et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,

- en cas de réformation du jugement déféré s'agissant des quanta de condamnation prononcées à son encontre, ordonner, compte tenu de l'exécution provisoire ordonnée en première instance, qu'il lui soit restitué le trop-perçu des condamnations de première instance dont elle s'est acquittée.

Par dernières conclusions notifiées le 21 février 2023, M. [E] [F] et Mme [U] [G] [M] demandent à la cour de :

- les recevoir en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

À titre principal,

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a rejeté la demande de contre-expertise formulée par Mme [J] [P] constatant qu'aucun élément ne justifie de son utilité en fait ou en droit, et en ce qu'elle a constaté leur droit à indemnisation à charge pour Mme [J] [P] de les indemniser de leurs préjudices,

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité la perte de chance à 60% et fixer le quantum d'indemnisation à 65%,

- réformer le jugement et condamner Mme [J] [P] à verser à Mme [U] [G] [M] la somme de : 473 174,76 euros (sauf à parfaire) avant application du pourcentage de perte de chance retenu par la cour - qui ne devra pas être appliqué aux frais de déplacements à l'expertise et de médecin conseil qui sont intégralement imputables à la faute médicale -

* total : 473 174,76 euros (avant application de la perte de chance),

soit :

dépenses de santé actuelles

outre créance de la CPAM pour mémoire

aucune

frais divers

73 486,50 euros

pertes de gains professionnels actuels

3 872,23 euros

dépenses de santé futures, actualisation avec application du barème de la GP 2022

16 127,31 euros

perte de gains professionnels futurs, actualisation avec application du barème de la GP 2022

195 800,42 euros

incidence professionnelle

89 950,80 euros

déficit fonctionnel temporaire

11 637,50 euros

souffrances endurées

15 000 euros

déficit fonctionnel permanent

34 500 euros

préjudice esthétique permanent

800 euros

préjudice sexuel et d'établissement

35 000 euros

* à déduire : la créance de la CPAM en respectant le principe de préférence de la victime,

Concernant les proches de la victime,

- infirmer la décision intervenue et allouer à M. [E] [F] la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence,

- infirmer la décision intervenue et allouer au même, la somme de 20 000 euros au titre du préjudice sexuel et d'établissement,

- infirmer la décision intervenue et allouer à Mme [K] [G] [M] et M. [I] [G] [M], la somme de 5 000 euros chacun,

- appliquer aux sommes en cause le taux de perte de chance retenu par la cour,

À titre infiniment subsidiaire,

- si par impossible la juridiction estimait qu'il n'y a pas lieu de retenir la seule responsabilité du docteur [J] [P], il lui est demandé de constater le droit à indemnisation des concluants en retenant une perte de chance de 65% et de le faire peser, solidairement et selon chiffrage précédent, sur le docteur [J] [P], le docteur [A] [D] et le docteur [Z] [B], selon la part de responsabilité qu'elle déterminera,

En tout état de cause

- condamner les mêmes à verser à Mme [U] [G] [M] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ces derniers comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire, outre la somme de 3 000 euros d'ores et déjà allouée en première instance sur le même fondement,

- déclarer la présente décision commune et opposable à la CPAM de [Localité 13].

Par dernières conclusions notifiées le 23 octobre 2020, Mme [Z] [B] demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures, les dire bien fondées,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Se faisant,

- débouter Mme [J] [P] de sa demande de nouvelle expertise,

- débouter Mme [J] [P] l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,

- condamner Mme [J] [P] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter les demandes subsidiaires de la CPAM de Loire-Atlantique tendant à voir mettre à sa charge le remboursement de ses débours,

- condamner Mme [J] [P] aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Luc Bourges, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 28 août 2020, M. [A] [D] demande à la cour de :

- le dire et juger recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 9 janvier 2020,

En conséquence,

- rejeter la demande de nouvelle expertise formulée par Mme [J] [P],

- débouter intégralement Mme [J] [P] de toute demande orientée à son encontre,

- condamner Mme [J] [P] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2020, la CPAM de Loire-Atlantique demande à la cour de :

À titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 9 janvier 2020,

- débouter Mme [J] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

À titre subsidiaire et si par impossible la responsabilité du docteur [A] [D] et du docteur [Z] [B] devait être retenue,

- condamner in solidum Mme [J] [P], M. [A] [D] et Mme [Z] [B] à l'indemniser de ses entiers préjudices,

En toute hypothèse,

- condamner Mme [J] [P], ou tout succombant, à lui verser une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [J] [P], ou tout succombant, aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la demande de contre-expertise ou d'expertise

Au soutien de cette demande, Mme [P] fait observer que les opérations d'expertise menées par le docteur [V] ne sont pas contradictoires au docteur [D] et au docteur [B], alors que, selon elle, la responsabilité de ces derniers doit être analysée. Elle demande donc de nouveau la désignation de l'expert avec ajout dans sa mission de donner son avis sur la part de responsabilité respective des docteurs [P], [D] et [B].

Concernant ses confrères, elle soutient ainsi que la responsabilité du docteur [B] peut être discutée, en ce que ce gynécologue n'a pas émis de remarques particulières sur le début de grossesse suivi par le docteur [P], et n'a pas insisté auprès de sa patiente pour connaître les résultats de son dernier frottis, et que celle du docteur [D] est susceptible également d'être engagée, dans la mesure où Mme [G] [M] consultait indistinctement les deux praticiens du cabinet, que ce dernier a réalisé en avril 2009 un acte relatif à la sphère gynécologique de Mme [G] [M]

dont il savait que le dernier frottis remontait à 2006 (s'il n'avait pas connaissance de celui de 2008) et ce sans s'enquérir du dépistage du cancer du col utérin.

Elle considère également que l'expert a répondu de manière insuffisante, en s'abstenant de quantifier le taux de perte de chance résultant du retard de diagnostic et en ne précisant pas, dans le cas d'une découverte d'une lésion pré-cancéreuse ou cancéreuse 1er stade, si une chirurgie aurait a minima été réalisée, et dans l'affirmative, le temps d'hospitalisation et les suites de celle-ci.

S'agissant des conclusions de l'expert relativement à plusieurs postes de préjudices, elle considère que l'analyse de l'expert est également incomplète, notamment :

- sur le DFP et les préjudices professionnels, que l'expert explique par le déficit circulatoire lymphatique ; elle estime que l'expert ne le décrit pas. Elle souligne que ce lymphoedème n'est pas évoqué dans les suites des interventions dont la patiente a bénéficié et que l'expertise est donc défaillante quant à la caractérisation du lien de causalité,

- sur la tierce personne, elle estime que l'expert ne décrit pas précisément la nature des besoins de la patiente,

- sur le DFT, elle considère que l'expert confond période d'arrêts de travail et DFT, que seules les périodes d'hospitalisation justifient un DFTT.

Elle demande en conséquence à la cour d'ordonner avant dire droit une expertise avec mission complète afin que soient :

- analysée l'éventuelle responsabilité des professionnels de santé mis en cause,

- évaluée la perte de chance globale imputable au retard de diagnostic, évaluation non réalisée par l'expert précédemment désigné,

- précisée avec rigueur l'évaluation des préjudices indemnisables.

Mme [B] s'oppose à l'organisation d'une expertise à son contradictoire, objectant que sa responsabilité ne saurait être engagée.

Elle fait valoir qu'il ne lui incombait pas de s'enquérir des résultats du frottis réalisé, dans la mesure où il n'avait donné lieu à aucun retour et où c'est au médecin prescripteur d'assurer la communication des résultats en cas d'anomalie. Elle observe au demeurant que la patiente ne formule aucun grief à son encontre.

M. [D], de même, s'oppose à cette demande. Il soutient que Mme [P] ne justifie nullement pourvoir mettre en cause sa responsabilité. Il indique qu'il n'était pas en charge du suivi gynécologique régulier de Mme [G] [M], et qu'il n'avait pas l'obligation de contrôler la pratique de son associée et consoeur et donc de consulter le dossier médical s'agissant des actes et soins expressément confiés à un autre professionnel. Il ajoute avoir reçu la patiente uniquement pour une pose de stérilet, mais qu'il n'existe aucune obligation de réaliser un frottis avant cet acte.

Il entend également faire observer que l'expert, qui avait parfaitement conscience des interventions des docteur [D] et [B] n'a pas estimé utile de les attraire aux opérations d'expertise.

Mme [G] [M] et M. [F] concluent à la confirmation du rejet de cette demande, qu'ils estiment dilatoire. Ils relèvent que Mme [P] n'a formulé aucun dire auprès de l'expert pour considérer que la présence de ses confrères était indispensable. Ils soutiennent que le juge est habilité à trancher les questions de responsabilité et d'indemnisation, qu'il est libre de revoir les appréciations de l'expert selon les éléments qui lui sont soumis, et font valoir que la nature de l'expertise représente une épreuve complémentaire pour la victime qui doit être évitée lorsqu'elle n'est pas nécessaire à la résolution du litige.

Le docteur [T] [V], expert a déposé son rapport le 3 novembre 2015. Il est constant que les parties ont pu lui présenter des dires. L'expert a bénéficié de l'ensemble des pièces médicales relatives aux soins dispensés à Mme [G] [M] entre 2008 et 2014, et notamment ceux dispensés par les docteurs [B] et [D]. Ses opérations sont régulières.

Mme [P], au soutien de ses demandes, produit un rapport critique dressé le 25 avril 2018 par le docteur [H], gynécologue, lequel affirme que la responsabilité du docteur [P] n'est que partielle parce que Mme [G] [M] a consulté deux autres médecins dans l'intervalle (entre le frottis prescrit par le docteur [P] et la découverte de ce que la patiente présentait une lésion cancéreuse), et que le frottis anormal de 2008 aurait ainsi pu être découvert par ces derniers.

La cour constate que l'appelante s'est abstenue de communiquer à l'expert une telle analyse pour prétendre à la nécessité de mener les opérations d'expertise au contradictoire de ses confrères. L'absence de dire à l'expert ainsi motivé n'a donc pas permis à l'expert de se prononcer sur les observations du docteur [H].

Au demeurant, l'expert après avoir analysé les pièces médicales précitées, n'a pas estimé nécessaire de faire appeler à ses opérations d'expertise le docteur [B] et le docteur [D].

Le docteur [P] ne conteste pas sa responsabilité dans le litige. Il sera rappelé sur ce point que l'expert a indiqué que le docteur [P] a prescrit un frottis à sa patiente le 29 mai 2008, que les résultats de cet examen datés du 10 juin 2008 adressés au seul docteur [P] mentionnent : 'Présence d'atypie cellulaires Malpighiennes de signification indéterminée (ASCUS), frottis de contrôle conseillé ou biopsies cervicales en fonction de la colposcopie', que le docteur [P] a omis d'en informer sa patiente, et n'a fait procéder à aucun examen complémentaire, que les soins apportés à compter du 10 juin 2008 n'ont donc pas été conformes aux données de la science, qu'il y a eu ainsi un retard de diagnostic de 4 ans d'une tumeur du col de l'utérus découverte en 2012, et que ces manquements sont constitutifs d'une perte de chance.

* sur la responsabilité du docteur [B]

Le docteur [H] relève que 'le docteur [B] a suivi Mme [G] [M] pendant sa grossesse, et qu'il est d'usage de s'enquérir lors d'une grossesse de la date et des résultats des derniers FCV (frottis cervico-vaginaux) et que le docteur [B] ne semble pas l'avoir fait, qu'il s'agit là d'un manquement responsable d'une perte de chance de s'apercevoir que celui-ci était ASCUS, d'effectuer des examens complémentaires après l'accouchement et de détecter le cancer à un stade plus précoce'.

Le docteur [B] n'a suivi Mme [G] [M] que du 9 septembre 2008 au 18 décembre 2008, date de l'accouchement.

Compte tenu de la carence du docteur [P] à faire retour du résultat du frottis du 10 juin 2008 à sa patiente mais également au docteur [B] (comme relevé par l'expert), ces dernières ne pouvaient avoir connaissance d'une quelconque difficulté à ce titre. Il n'appartenait pas au docteur [B] qui prenait en charge la suite du suivi de Mme [G] [M] par le docteur [P] dispensé d'avril 2008 à septembre 2008 (7 consultations selon le dossier médical), de s'enquérir auprès du docteur [P], des résultats de ce dernier frottis ou d'en faire réaliser un nouveau, dans de telles circonstances, aucun élément ne permettant de douter de la normalité des examens antérieurement effectués sous le seul contrôle du médecin prescripteur.

Mme [P] qui reconnaît ses propres manquements, tels que relevés par l'expert, échoue à rapporter la preuve d'un intérêt légitime à appeler à une mesure expertale le docteur [B]. Un tel motif ne lui permet pas de solliciter une nouvelle mesure d'expertise.

*sur la responsabilité du docteur [D]

Le docteur [H] considère que 'le docteur [D] qui a posé un stérilet en avril 2009 soit 9 mois après la réalisation du dernier FCV dont les résultats étaient ACSUS sans s'enquérir des résultats a commis un manquement puisque la pose d'une DIU aurait dû être l'occasion de mettre en place une prise en charge appropriée de cette patiente en constatant l'existence de frottis anormaux'. Il ajoute que ' ce praticien assure le suivi gynécologique et obstétrical de Mme [G] [M], qu'il lui incombait de s'assurer que des FCV avaient été faits, de leur date et des résultats avant la pose du DIU'.

Ce dernier est l'associé du docteur [P].

Mme [G] [M] a rappelé avoir très peu consulté le docteur [D], ce que l'examen du dossier médical confirme, le suivi de sa grossesse étant opéré par le docteur [P]. Elle a précisé en particulier que la consultation d'avril 2009 auprès du docteur [D] avait été entreprise car le confrère de ce dernier ne savait pas poser les stérilets.

La cour constate que l'avis tranché du docteur [H] ne repose sur aucune littérature médicale. Ce dernier affirme de surcroît à tort que le docteur [D] assurait le suivi gynécologique et obstétrical de Mme [G] [M].

L'expert indique que s'agissant du dossier médical de la patiente ouvert au cabinet, 'il existe un logiciel commun aux deux praticiens ainsi qu'un document papier avec les examens complémentaires. Les résultats des examens ne sont pas notés sur l'informatique car le logiciel n'était pas complet en 2008".

Il n'est donc nullement démontré que le docteur [D] à l'occasion de la consultation d'avril 2009 avait connaissance des résultats du frottis du 10 juin 2008.

Il n'est pas justifié médicalement que le docteur [D] devait s'enquérir du dépistage du cancer du col de l'utérus avant la pose du stérilet, et il ne lui appartenait pas de contrôler ce suivi effectué par le docteur [P].

Aucun élément ne permet de retenir une quelconque responsabilité du docteur [D], qu'au demeurant l'expert n'a pas relevé, de sorte qu'une nouvelle expertise à son contradictoire, n'est pas justifiée.

* sur l'insuffisance du rapport d'expertise

Mme [P] n'est pas davantage fondée en sa demande de nouvelle expertise. Compte tenu de l'absence de tout élément permettant de connaître le stade exact des atypies cellulaires en 2008, du versement aux débats des appréciations faites par les médecins conseils des parties quant au taux de perte de chance résultant d'une prise en charge inadaptée, il est vainement invoqué, au soutien de cette demande, l'absence d'évaluation quantitative de cette perte de chance par l'expert, la cour considérant disposer d'éléments suffisants pour l'apprécier. De même, tant en ce qui concerne l'imputation des dommages que la nature et l'importance de ceux-ci, il convient d'admettre que les conclusions de l'expert, les pièces et arguments développés par les parties, suffisent à liquider l'indemnisation des préjudices subis, sans nécessité de recourir plus de dix après les faits à une nouvelle mesure d'instruction.

En conséquence la cour confirme le jugement en ce qu'il déboute Mme [P] de sa demande de contre-expertise ou de nouvelle expertise.

- sur le taux de perte de chance

Mme [P], appelante n'entend pas contester le taux de perte de chance de 60% retenu par le tribunal, ses demandes ne portant que sur un partage de cette responsabilité de cette part avec ses confrères, ce qui a été précédemment écarté.

Mme [G] [M] et M. [F] sollicitent de la cour qu'elle porte ce taux à 65% ; ils font valoir que le retard de diagnostic est de plusieurs années, soulignent que selon les données épidémiologiques du cancer du col de l'utérus en 2007, la lésion, suivant son grade, avait entre 32% et 57% de chance de régresser et entre 43% et 68% de risque de progresser vers un cancer invasif, risque qu'on a fait courir à la patiente, faute de traitement ; ils observent que les patientes bénéficiant d'un dépistage organisé régulier montrent une réduction de 44% à 60% du risque de cancer invasif du col (note de la Haute Autorité de Santé de juin 2013) et que certains articles de littérature spécialisée retiennent même une réduction de 80 % des cas de cancer invasif grâce au dépistage et à la prise en charge qui en découle.

Les données rappelées par les intimés ne sont pas discutées. Cela étant, ces éléments ne sont pas de nature à critiquer utilement la décision du tribunal de fixer un taux de perte de chance de 60%, au moyen de motifs pertinents que la cour adopte.

La cour confirme le jugement sur ce point.

- sur l'indemnisation des préjudices subis par Mme [G] [M]

L'expert rappelle que Mme [G] [M] est née le [Date naissance 6] 1982 et exerçait la profession de vendeuse.

Il indique 'qu'en 2012, après les frottis de 2008, elle était porteuse d'un carcinome épidermoïde du col de l'utérus ayant nécessité un traitement concomitant de chiomiothérapie et de radiothérapie étendue également au niveau de l'ischion droit où a été détectée une lésion osseuse et une curiethérapie. Depuis le traitement, tous les bilans sont négatifs. Sur le plan fonctionnel, la patiente est extrêmement fatigable. Elle a eu un traitement anxiolytique.'

L'expert conclut que 'le cancer épidermoïde du col de l'utérus est en lien direct et certain avec le frottis ASCUS oublié en juin 2008".

La date de consolidation a été fixée par l'expert au 29 septembre 2014.

1.Sur les préjudices patrimoniaux

1.1 sur les préjudices patrimoniaux temporaires

les dépenses de santé actuelles

Mme [G] [M] ne fait valoir aucune dépense restée à charge.

La CPAM de Loire-Atlantique a versé aux débats la notification de ses débours au titre des frais hospitaliers, des frais médicaux, des frais pharmaceutiques et d'appareillages, engagés avant consolation à hauteur de 17 450,42 euros.

Après application du taux de perte de chance de 60%, Mme [P] est donc redevable envers la CPAM d'une somme de 10 470,25 euros, tel que retenu par le tribunal.

les frais divers

Il s'agit d'indemniser la victime notamment des frais liés à l'hospitalisation, des dépenses liées à la réduction d'autonomie, des frais de déplacement pour consultations et soins, des frais de transport et d'hébergement des proches pour visiter la victime puisque le moral du blessé peut agir sur l'évolution de son état de santé.

Le tribunal a constaté à raison que la CPAM avait déboursé une somme de 971,86 euros au titre de frais de transport.

Mme [G] [M] sollicite la prise en charge des frais suivants :

- frais de déplacement dans le cadre de l'expertise : 450 euros,

- frais d'assistance à expertise par le médecin conseil : 450 euros.

Les honoraires du docteur [L], dont l'expert a indiqué qu'il assistait la victime sont justifiés par une note récapitulative. Le montant des frais de déplacement est cependant insuffisamment caractérisé par les pièces produites (plan extrait du site Mappy et tableau des indemnités kilométriques), la cour ne pouvant vérifier le mode de déplacement de l'intéressée.

La cour retient donc une somme de 971,86 euros et 450 euros au titre des frais divers, soit 1 421,86 euros, dont Mme [P] n'est tenue qu'à hauteur de 853,11 euros.

Compte tenu du droit préférentiel de la victime, Mme [P] doit à celle-ci la somme de 450 euros et le solde, soit 403,11 euros, à la CPAM.

L'assistance tierce personne temporaire

Il s'agit d'indemniser la victime des dépenses liées à la réduction d'autonomie. Le préjudice est indemnisé selon le nombre d'heures d'assistance et le type d'aide nécessaire. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance familiale ni subordonné à la justification de dépenses effectives.

Mme [G] [M] sollicite sur ce point une indemnisation (avant application du taux de perte de chance) de 72 688 euros, faisant valoir que la prise en charge de deux enfants de 7 et 9 ans en période scolaire représente 4 heures par jour et hors période scolaire 11 heures, que le coût horaire doit être fixé à 16 euros, et que la période indemnisable recouvre 91 semaines.

Mme [P] s'oppose à cette demande, estimant satisfactoire, une indemnisation de 2 580 euros, à raison de 10 euros par jour, pour 2 heures d'assistance pendant 129 jours.

L'expert sur ce point indique que, de juin 2008 au jour de la consolidation, le conjoint de la patiente qui est fonctionnaire a eu un aménagement de son temps de travail pour s'occuper des enfants.

Au vu des pièces produites, la cour fait sienne l'appréciation du tribunal quant au besoin en aide humaine de 6 heures par jour durant 129 jours pour la période de janvier 2013 à septembre 2013, durant laquelle Mme [G] [M] a bénéficié de soins associés de chimiothérapie et radiothérapie, et ce sur une base de 16 euros par jour.

Le préjudice en résultant pour Mme [G] [M] est donc de 12 384 euros, que Mme [P] doit supporter à hauteur de 7 430,40 euros.

les pertes de gains professionnels actuels

Il s'agit d'indemniser la perte totale ou partielle des revenus de la victime avant la consolidation du fait de son dommage.

Mme [G] [M] estime ses pertes à une somme de 3 872,23 euros.

Mme [P] considère pour sa part que le tribunal a parfaitement évalué celles-ci à la somme restant due à la victime de 3 800,09 euros.

L'expert a indiqué que la victime avait été en arrêt de travail depuis le 31 décembre 2012. Elle a repris à mi-temps thérapeutique le 28 janvier 2014 pendant six semaines mais n'a pu poursuivre.

Mme [G] [M] travaillait comme conseillère des ventes et percevait un salaire annuel net imposable en 2012 de 8 927,11 euros. Le salaire journalier de l'intéressée était donc de 24,45 euros. Elle aurait donc dû percevoir pour la période du 31 décembre 2012 au 29 septembre 2014, un salaire de 24,65 x 637 jours, soit 15 574,65 euros.

Son bulletin de salaire de décembre 2013 mentionne qu'elle a perçu de son employeur une somme de 1 388,46 euros et en 2014 une somme de 2 245,91 euros.

La CPAM a produit un relevé des indemnités journalières servies à celle-ci, s'élevant à la somme de :

- 6 666,70 euros pour celles versées durant 409 jours du 16 janvier 2013 au 28 février 2014,

- 5 607,20 euros pour celles versées durant 344 jours du 11 mars 2014 au 31 janvier 2015.

Ces indemnités de 16,30 euros par jour ne sont prises ici en considération que pour celles versées jusqu'à la consolidation. Il convient donc de déduire de ces montants, les indemnités réglées du 29 septembre 2014 au 31 janvier 2015, soit durant 126 jours, représentant une somme de 2 053,80 euros, qui n'entrent pas dans le calcul de ce préjudice.

Les indemnités journalières réglées à Mme [G] [M] avant consolidation ont donc été de 6 666,70 + 3 553,40 (5 607,20 - 2 053,80) = 10 220,10 euros.

Il en résulte une perte de gains de :

15 574,65 - 1 388,46 - 2 245,91 -10 220,10 =1 720,18 euros.

Le préjudice de ce chef est donc de 1 720,18 + 10 220,10 = 11 940,28 euros.

Après application du taux de perte de chance, Mme [P] est tenue au paiement d'une somme de 7 164,16 euros.

Compte tenu du droit préférentiel de la victime, il est dû par Mme [P] à cette dernière la somme de 1 720,18 euros et à la CPAM celle de 5 443,98 euros.

1.2 sur les préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

les dépenses de santé futures

Mme [G] [M] estime que ces dépenses représentent une somme de 16 127,30 euros, restant à sa charge, constituées par le coût du Livial, médicament n'ouvrant pas droit à remboursement, et prescrit par le docteur [N], et ce de manière indéterminée.

Sans contester ce poste de dépense, Mme [P] demande à la cour de fixer ce préjudice à la somme de 7 124,37, tel que calculé par le tribunal.

La CPAM a évalué le montant des frais futurs à la somme de 2 693,59 euros, ce qui ne fait l'objet d'aucune discussion.

Mme [G] [M] justifie devoir prendre le médicament dont s'agit pour une durée indéterminée, jusqu'à la ménopause, et que ce dernier n'est pas remboursé.

Les arrérages échus à ce titre sont constitués par les sommes déboursées par elle pour l'acquisition de celui-ci, soit 140,96 euros (en 2015), 169,26 euros (en 2016), 346,80 euros en 2017, 2018, 2019, 2020, 2021, 2022, soit un total de 2 391,02 euros, somme à laquelle il convient d'ajouter la capitalisation de la dépense annuelle de 346,80 euros par l'euro de rente pour une femme âgée de 40 ans en 2023 jusqu'à l'âge de 55 ans, selon le barème de capitalisation femmes au taux 0 publié à la Gazette du Palais 2022 (14,853), soit 5 151,02 euros.

Ce préjudice représente donc pour la victime une somme de 7 542,04 euros.

L'évaluation des dépenses futures est donc de 10 235,63 euros (2 693,59 +

7 542,04) Après application du taux de perte de chance de 60%, Mme [P] est donc tenue au paiement d'une somme de 6 141,37 euros, somme qui sera allouée à la victime, compte tenu de son droit préférentiel, aucune somme n'étant due de ce chef à la CPAM.

les pertes de gains professionnels futurs

Elle résulte de la perte de l'emploi ou du changement de l'emploi. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle, le revenu de référence étant le revenu net annuel imposable avant l'accident.

Mme [G] [M] évalue ses pertes de gains futurs à une somme de

195 800,42 euros. Elle rappelle que selon l'expert, elle ne peut reprendre ses activités professionnelles comme avant les faits, que son état de santé a donné lieu à un licenciement pour inaptitude le 31 mars 2015, soutient que les recommandations du médecin du travail établissent l'incompatibilité de la profession de vendeuse avec la présence d'un lymphoedème. Elle précise avoir refusé un poste administratif dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de cinq mois (et donc précaire), avoir réalisé un stage en entreprise dans le cadre d'une formation professionnelle du 21 septembre 2015 au 23 novembre 2015, mais n'avoir toujours pas trouvé d'emploi.

Mme [P] estime que cette indemnisation pose une difficulté car le préjudice est la résultante d'un déficit circulatoire lymphatique, qu'elle estime non documenté par l'expert.

Elle expose qu'un curage ganglionnaire (comme celui dont la patiente a bénéficié) peut donner lieu à un lymphoedème, mais que ce n'est pas systématique et qu'il peut régresser peu à peu dans les mois et années suivants. Elle relève qu'il n'est pas fait référence à un lymphoedème dans les pièces versées aux débats. Elle fait observer que la victime avant même tout lymphoedème s'était déjà plainte d'une fatigue liée au maintien de la station debout et que dès lors, le lien de causalité entre l'inaptitude et la faute retenue est insuffisamment caractérisé.

Elle souligne également que l'expert n'a pas précisé de soins futurs pour le traitement de ce lymphoedème, ce qui est étonnant, si celui-ci engendrait une telle gêne.

Elle conclut donc au rejet de cette demande d'indemnisation.

À défaut, elle considère que Mme [G] [M] présente une capacité pour exercer une activité professionnelle différente, sans station debout prolongée, que ce préjudice ne saurait donc être indemnisé totalement. Elle demande de retenir une indemnisation de moitié à celle évaluée par le tribunal à hauteur de 169 004,33 euros et donc de fixer ce poste de préjudice à la somme de 84 502,16 euros, soit à sa charge une somme de 50 701,29 euros.

La CPAM verse aux débats le relevé de ses débours mentionnant des arrérages échus en invalidité de 10 423,38 euros et un capital invalidité de

72 678,41 euros. À ces sommes, il convient d'ajouter les indemnités journalières servies à compter de la consolidation jusqu'au 31 janvier 2015, soit 2 053,80 euros.

S'agissant du lien de causalité discuté ici, l'expert a indiqué qu'après reprise à mi-temps thérapeutique pendant six semaines fin janvier 2014, Mme [G] [M] avait dû s'arrêter de travailler car la station debout est pénible avec des problèmes circulatoires au niveau lymphatique, les drainages lymphatiques étant sans effet.

L'expert a conclu qu'elle ne pouvait plus travailler comme avant les faits et a expliqué que le déficit fonctionnel permanent de la victime était constitué par les conséquences fibreuses de la radiothérapie sur les tissus vaginaux et les conséquences d'un déficit circulatoire lymphatique (lymphoedème).

À raison, Mme [G] [M] souligne que l'expert n'a constaté aucun état antérieur susceptible d'interférer dans les faits, que la seule prescription de bas de contention en début de grossesse relève de la simple prévention de l'insuffisance veineuse et de la maladie thromboembolique, laquelle est sans lien avec un lymphodoeme apparu du fait qu'en retirant les ganglions une partie de la circulation lymphatique ait pu être détruite.

La cour relève que le médecin conseil de la caisse primaire dans une attestation d'imputabilité au faits comptabilise les dépenses relatives à des séances de kinésithérapie et de drainage lymphatique des membres inférieurs du 31 mars 2014 au 11 juin 2014. Il est donc inexact de considérer qu'aucun soins n'a été entrepris en suite du lymphoedème constaté par l'expert.

En l'absence de critique sérieuse sur ce point, et il sera considéré que Mme [G] [M] justifie ne plus pouvoir exercer son travail antérieur en raison des séquelles subies en ce compris le lymphoedème souligné par l'expert.

Cette dernière a été licenciée pour inaptitude le 31 mars 2015 en raison d'une inaptitude à tout poste comprenant une station debout prolongée ou montée d'escalier.

Compte tenu de ces éléments, il n'y pas lieu de minimiser l'indemnisation tel que sollicitée. La cour approuve le tribunal en ce qu'il rappelle que la victime n'a pas à rechercher un emploi compatible avec son état de santé

et que pas davantage, le refus d'un poste de reclassement ne peut lui être reproché.

La perte de gains professionnels futurs comprend les arrérages échus au 31 décembre 2012 outre la capitalisation à prévoir à compter de cette date.

Le salaire annuel de la victime étant de 8 927,11 euros, elle aurait dû percevoir :

- en 2014 : 2 975,70 euros (8 927,11 euros : 12 x 4),

- de 2015 à 2022 : 71 416,88 euros (8 927,11 x 8),

Or, elle a perçu 2 053,80 euros d'indemnités journalières, et une pension d'invalidité de 27 039,36 euros (3 379,92 euros annuels x 8 ans),

Sa perte de gains est de :

(2 975,70 + 71 416,88 ) - (2 053,80 + 27 039,36) = 74 392,58 - 29 093,16 = 45 299,42 euros.

La capitalisation de ce préjudice est de 5 533,63 (8 927,11 - 3 393,48) x 24,412 (euro de rente pour une femme de 40 ans au jour de la décision et pour une rente servie jusqu'à 65 ans, selon le barème de capitalisation précité publié à la Gazette du palais 2022) soit 135 086,97 euros.

Les pertes de gains de Mme [G] [M] sont donc de 180 386,39 euros.

Il convient donc de liquider le préjudice à la somme de 180 836,39 +

10 423,38 + 72 678,41 + 2 053,80 = 265 991,98 euros, soit une somme à charge de Mme [P] de 159 595,18 euros, revenant à Mme [G] [M].

l'incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Mme [G] [M] sollicite une indemnisation de ce chef de 89 950,80 euros, soit 100 euros par jour de manière viagère, pour tenir compte de l'importance du retentissement dans sa vie quotidienne de la perte de l'emploi, sur les plans de l'estime de soi, de l'existence ou de l'identité sociale, et de l'épanouissement intellectuel. Elle invoque une baisse de valeur sur le marché du travail en raison d'une pénibilité et d'une fatigabilité certaines.

Mme [P] conclut à la confirmation du rejet des ces prétentions de ce chef, soulignant que la victime ne produit aucun document permettant d'apprécier ses perspectives de carrière ou de calculer ses droits retraite.

La demande d'indemnisation est fondée ici sur la dévalorisation de Mme [G] [M] sur le marché du travail. Compte tenu des séquelles subies, l'empêchant de poursuivre son travail comme avant, la cour admet l'existence d'une dévalorisation sur le marché du travail.

La victime était âgée de 30 ans lorsqu'elle a cessé de travailler. Ses bulletins de salaire permettent de relever qu'elle travaillait depuis 6 ans au sein de l'entreprise Phildar. L'incidence professionnelle sera évaluée au vu de ces seuls éléments à la somme de 5 000 euros, soit une somme due par Mme [P] à la victime de 3 000 euros.

2.Sur les préjudices extra-patrimoniaux

2. 1 Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

le déficit fonctionnel temporaire

Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire pendant la maladie traumatique de la victime.

Ce poste de préjudice correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime, à la perte de la qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante rencontrée par la victime (séparation de la victime de son environnement familial et amical, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement la victime).

Mme [P] demande à la cour de ramener ce poste de préjudice à une somme de 4 547,50 euros, en prenant notamment en compte un taux de déficit de 30% pendant 609 jour, et une base journalière de 23 euros.

L'intimée ne critique pas le jugement sur ce point, qui lui alloue de ce chef une somme de 11 637,50 euros.

L'expert retient :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 31 décembre 2012 au 27 janvier 2014,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de 30% du 28 janvier 2014 à la consolidation.

Les premiers juges ont justement évalué ce préjudice ; il est retenu une somme de 11 637,50 euros, et Mme [P] sera tenue de ce chef au paiement d'une somme de 6 982,50 euros.

les souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser ici toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

La cour considère justifiée au regard des souffrances physiques (en raison du traitement associant chimiothérapie et radiothérapie et curiethérapie) et morales justifiées par Mme [G] [M], évaluées à 4/7 par l'expert, la fixation de ce préjudice par le tribunal de 15 000 euros, soit une somme de 9 000 euros revenant à la victime.

2. 2 Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents après consolidation

le déficit fonctionnel permanent

Ce poste tend à la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours.

Mme [P] considère excessive la somme allouée à ce titre et demande à la cour de fixer ce poste de préjudice à une somme de 14 800 euros.

Mme [G] [M] sollicite une somme de 34 500 euros de ce chef.

L'expert évalue le déficit fonctionnel permanent à 15%. Au vu des séquelles précédemment décrites, de l'âge de Mme [G] [M] à la date de consolidation, en l'espèce 32 ans, la fixation de ce préjudice sera de 34 500 euros. Mme [P] est donc tenue au paiement d'une somme de 20 700 euros à la victime.

le préjudice esthétique permanent

Mme [P] estime excessive la somme accordée pour ce préjudice à hauteur de 800 euros et demande à la cour de fixer celui-ci à 500 euros.

La victime ne critique pas le jugement de ce chef.

L'expert fixe un préjudice esthétique permanent de 0,5/7 représentant une cicatrice de coelioscopie.

La cour estime qu'une somme de 500 euros répare pleinement ce préjudice, de sorte que Mme [P] est tenue de ce chef au paiement d'une somme de 300 euros.

le préjudice sexuel et le préjudice d'établissement

Les premiers juges ont fixé, avant application du taux de perte de chance un préjudice sexuel à hauteur de 10 000 euros et un préjudice d'établissement à 5 000 euros.

L'appelante n'entend pas discuter ces postes de préjudices.

Mme [G] [M] demande à la cour de fixer ces deux préjudices à une somme de 35 000 euros, sans distinguer toutefois ces deux préjudices.

Le préjudice sexuel recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l'acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction).

Dans le cas présent, au vu des conclusions de l'expert et des observations du docteur [L], il doit être considéré que Mme [G] [M] a vu sa vie sexuelle perturbée avec une perte de libido, et que sa capacité à procréer est entachée par les traitements qu'elle a subi. S'agissant d'une femme encore jeune, son préjudice sexuel est donc réel et important.

L'existence d'un préjudice d'établissement n'a pas été discutée.

La cour estime que le tribunal a parfaitement évalué ces préjudices et qu'il est donc dû par Mme [P] une somme de 6 000 euros au titre du préjudice sexuel et une somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'établissement.

Récapitulatif :

postes de préjudices

évaluation

indemnité à la charge de Mme [P]

dû à Mme [G] [M]

dû à la CPAM

dépenses de santé actuelles

17 450,42 euros

10 470,25 euros

10 470,25 euros

frais divers

1 421,86 euros

853,11 euros

450 euros

403,11 euros

assistance tierce personne temporaire

12 384 euros

7 430,40 euros

7 430,40 euros

pertes de gains professionnels actuels

11 940,28 euros

7 164,16 euros

1 720,18 euros

5 443,98 euros

dépenses de santé futures

10 235,63 euros

6 141,37 euros

6 141,37 euros

0

pertes de gains professionnels futurs

265 991,98 euros

159 595,18 euros

159 595,18 euros

incidence prof.

5 000 euros

3 000 euros

3 000 euros

déficit fonctionnel temporaire

11 637,50 euros

6 982,50 euros

6 982,50 euros

souffrances endurées

15 000 euros

9 000 euros

9 000 euros

déficit fonctionnel permanent

34 500 euros

20 700 euros

20 700 euros

préjudice esthétique permanent

500 euros

300 euros

300 euros

préjudice sexuel

10 000 euros

6 000 euros

6 000 euros

préjudice d'établiss.

5 000 euros

3 000 euros

3 000 euros

total

224 319,63 euros

16 317,34 euros

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il condamne Mme [P] à payer à Mme [G] [M] une somme de 214 759,75 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice, la condamnation étant portée par la cour à la somme de 224 319,63 euros.

S'agissant de la condamnation prononcée en première instance par le tribunal au profit de la CPAM, cette dernière sollicitant la confirmation du jugement sur ce point au terme du dispositif de ses écritures, le jugement est confirmé.

- sur l'indemnisation de M. [W] [F], de M. [K] [G] [M] et [I] [G] [M]

Mme [P] estime suffisante une réparation des préjudices d'affection subis par les enfants à hauteur de 2 000 euros chacun et celui subi par M. [F] à 4 000 euros, sommes auxquelles il conviendra d'appliquer le taux de perte de chance. Elle entend également voir réduite l'indemnisation du préjudice sexuel de celui-ci à une somme de 3 000 euros et conclut à la confirmation du rejet de la demande au titre d'un préjudice d'établissement.

Les intimés demandent à la cour de porter les indemnisations des préjudices d'affections subis à 5 000 euros à chacun des enfants et 15 000 euros à M. [F]. Ils sollicitent également pour ce dernier une somme de 15 000 euros au regard des retentissements dans sa vie sexuelle et celle de 5 000 euros eu égard à l'impossibilité d'avoir un nouvel enfant.

L'existence de préjudices d'affection subis par les proches de Mme [G] [M] n'est pas contestée. La cour estime que le tribunal a fait une exacte appréciation de ceux-ci, approuve les sommes fixées et confirme la condamnation prononcée à l'encontre de Mme [P] de 1 800 euros à chacun des enfants (60% de 3 000 euros) et celle de 5 500 euros à M. [F] (60 % de 7 500 euros).

Le préjudice sexuel subi par M. [F] a également été justement évalué par le tribunal et la condamnation de ce chef à 3 000 euros (60% de 5 000 euros) est confirmée également.

En ce qui concerne le préjudice d'établissement, lequel consiste dans la perte d'espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap, il a été retenu ci-avant que Mme [G] [M] avait justifié souhaiter un nouvel enfant, de sorte que cet empêchement du fait des séquelles présentées par celle-ci, ont atteint également M. [F] dans ce projet de vie commun. La cour fixe l'évaluation de ce préjudice à la somme de 5 000 euros, et prononce une condamnation à l'encontre de Mme [P] de 3 000 euros, le jugement étant infirmé en qu'il rejette cette prétention.

- sur les autres demandes

Le jugement n'est pas critiqué s'agissant de l'indemnité forfaitaire due en application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

Les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens doivent être confirmées.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel à l'encontre de Mme [P] qui sera donc condamnée à payer de ce chef à Mme [G] [M], à Mme [B] et à M. [A] [D], chacun une somme de 1 500 euros et à la CPAM de Loire-Atlantique une somme de 800 euros.

Mme [P] sera condamnée aux dépens d'appel, distraits au profit de la Selarl Bourges, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il condamne Mme [J] [P] à payer à Mme [U] [G] [M] une somme de 214 759,75 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice et en ce qu'il déboute M. [W] [F] de sa demande en réparation d'un préjudice d'établissement ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Condamne Mme [J] [P] à payer à Mme [U] [G] [M] une somme de 224 319,63 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice ;

Condamne Mme [J] [P] à payer à M. [W] [F] une somme de 3 000 euros en réparation d'un préjudice d'établissement ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [J] [P] à payer à :

- Mme [U] [G] [M] une somme de 1 500 euros,

- Mme [Z] [B] une somme de 1500 euros,

- M. [A] [D] une somme de 1 500 euros,

- la CPAM de Loire-Atlantique une somme de 800 euros,

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [J] [P] aux dépens d'appel, distraits au profit de la Selarl Bourges, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/01824
Date de la décision : 07/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-07;20.01824 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award