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02/06/2023 | FRANCE | N°23/00263

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 02 juin 2023, 23/00263


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 23/118

N° N° RG 23/00263 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TY6P



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E





article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 25 Mai 2023 à 21 h 2

6 par Me Virgile THIBAUT, avocat au barreau de RENNES au nom de :



Mme [H] [V]

née le 14 Octobre 1997 à [Localité 3] (44)

[Adresse 5]

[Localité ...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 23/118

N° N° RG 23/00263 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TY6P

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 25 Mai 2023 à 21 h 26 par Me Virgile THIBAUT, avocat au barreau de RENNES au nom de :

Mme [H] [V]

née le 14 Octobre 1997 à [Localité 3] (44)

[Adresse 5]

[Localité 1]

hospitalisée au [2]

ayant pour avocat Me Virgile THIBAUT, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 16 Mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a autorisé le maintien de son hospitalisation complète ;

En l'absence de [H] [V], régulièrement avisée de la date de l'audience, représentée par Me Virgile THIBAUT, avocat

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé reçu le 31 mai 2023, lequel a été mis à disposition des parties

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 01 Juin 2023 à 14 H 00 l'avocat de l'appelant en ses observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Sur la base d'un certificat médical du Dr. [E] du 5 mai 2023 décrivant une agitation psychomotrice majeure, un discours diffluent, une désorganisation psychique, une agressivité physique, un sentiment de persécution sur fond de consommation de toxiques non critiquée pouvant mettre en danger la patiente, et sur le fondement d'une décision du directeur du centre hospitalier [2] à [Localité 4] du même jour, Mme [H] [V] a été admise en hospitalisation complète sans son consentement, suivant la procédure de péril imminent.

Le certificat médical des 24 heures établi le 6 mai 2023 par le Dr. [B] mentionne la persistance d'une instabilité comportementale, avec une symptomatologie psychotique marquée, une désorganisation idéique, une dissociation et un syndrome délirant avec risque hétéro-agressif, situation nécessitant le maintien des soins sous la forme d'une hospitalisation complète et continue.

Le certificat médical des 72 heures établi le 8 mai 2023 par le Dr. [K] mentionne la persistance d'un envahissement hallucinatoire important et d'une désorganisation idéopsychique ne permettant pas à Mme [H] [V] de consentir librement aux soins et présentant un risque de mise en danger pour elle-même et autrui, situation nécessitant le maintien des soins sous la forme d'une hospitalisation complète et continue.

Le même jour, le directeur du centre hospitalier a décidé du maintien de Mme [H] [V] en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée d'un mois.

Sur la base d'un certificat médical établi le 9 mai 2023 par le Dr. [B] mentionnant la persistance d'une instabilité psychomotrice importante et d'une désorganisation idéique et comportementale, des symptômes dissociatifs et des troubles du comportements ayant conduit à une prise en charge en soins intensifs, le directeur du centre hospitalier a, par requête du 10 mai 2023, saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de poursuite de l'hospitalisation complète.

Par ordonnance du 16 mai 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [H] [V].

Le 25 mai 2023, Mme [H] [V] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

À l'audience du 1er juin 2023 à 14 heures, Mme [H] [V] n'a pas comparu, le centre hospitalier ayant adressé à la cour le récépissé d'avis à audience, signé de l'intéressé, dans lequel cette dernière a indiqué ne pas souhaiter s'y rendre.

Son avocat sollicite l'infirmation de l'ordonnance et la mainlevée de l'hospitalisation complète de Mme [H] [V] en raison d'irrégularités de procédure (défaut d'information de la famille et défaut de notification des décisions d'admission et de maintien en hospitalisation complète) et, sur le fond, en raison de la possibilité de mettre en place un programme de soins ambulatoire.

Le centre hospitalier n'a pas comparu mais a transmis des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation établi le 30 mai 2023 par le Dr. [I] mentionnant une patiente globalement plus apaisée mais dans une situation sociale précaire, dont l'adhésion aux soins n'est pas pleinement obtenue, situation nécessitant la poursuite des soins sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, Mme [H] [V] a formé le 25 mai 2023 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 16 mai 2023.

Son appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure

1 - le défaut d'information de la famille :

L'article L. 3212-1 du code de la santé publique prévoit que, 'dans (le) cas (d'une admission en soins sur péril imminent), le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci'.

Aux termes de l'article L. 3216-1, 'la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire.

Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet'.

En l'espèce, Mme [H] [V] reproche au centre hospitalier de ne pas avoir cherché à informer ses proches, au premier rang desquels sa mère, ce qui pourrait expliquer l'absence, dans la procédure, du bulletin d'entrée comportant les informations essentielles sur le patient, situation qui lui causerait nécessairement grief, a fortiori dans une procédure de péril imminent qui doit demeurer exceptionnelle.

Il appartient toutefois à Mme [H] [V], pour caractériser le grief qu'elle aurait pu subir du défaut d'information donnée à sa famille, de produire des éléments sur l'existence de proches susceptibles de recevoir cette information, ce qu'elle ne fait pas suffisamment en se contentant, ainsi qu'elle le fait, d'évoquer sa mère parmi les personnes concernées, l'absence du bulletin d'entrée, document non obligatoire, à la procédure pouvant ne résulter que d'une omission matérielle.

Dans ces conditions, il suffit de constater l'existence, dans la procédure, du formulaire relatif à l'obligation d'information, dûment renseigné par le centre hospitalier avec la mention 'pas de proche à informer' pour expliquer l'absence de toute autre diligence, situation pouvant être, au demeurant, le résultat du souhait légitime de Mme [H] [V] elle-même au moment de son admission, peu important que ce document, à l'en-tête du centre hospitalier, ne soit pas signé et ne comporte pas l'identité de son rédacteur.

Le moyen sera donc déclaré inopérant.

2 - le défaut de notification des décisisons d'admission et de maintien en hospitalisation complète :

Aux termes de l'aticle L. 3211-3 du code de la santé publique :

'Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.

L'avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible.

En tout état de cause, elle dispose du droit :

1° De communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 3222-4 ;

2° De saisir la commission prévue à l'article L. 3222-5 et, lorsqu'elle est hospitalisée, la commission mentionnée à l'article L. 1112-3 ;

3° De porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ;

4° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix ;

5° D'émettre ou de recevoir des courriers ;

6° De consulter le règlement intérieur de l'établissement et de recevoir les explications qui s'y rapportent ;

7° D'exercer son droit de vote ;

8° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.

Ces droits, à l'exception de ceux mentionnés aux 5°, 7° et 8°, peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d'agir dans l'intérêt du malade'.

Cette obligation d'information correspond à un droit essentiel du patient, celui d'être avisé d'une situation de soins contraints et des droits en découlant, étant ici rappelé que le juge européen assimile l'hospitalisation d'office à une arrestation et lui applique donc les obligations de l'article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit d'information de la personne détenue.

En l'espèce, le centre hospitalier a renoncé à notifier tant l'arrêté d'admission du 5 mai 2023 que l'arrêté de maintien des soins contraints du 8 mai 2023 par mention du 9 mai 2023 en raison d'un 'état de santé non compatible' dans le premier cas et d'un 'état de santé incompatible' dans le second. Le même jour, le Dr. [B] a établi un certificat médical mentionnant la persistance d'une instabilité psychomotrice importante et d'une désorganisation idéique et comportementale, des symptômes dissociatifs et des troubles du comportements ayant conduit à 'une prise en charge en soins intensifs'. Ces considérations peuvent donc expliquer l'impossibilité de notifier les décisions à Mme [H] [V].

En revanche, ces considérations n'existent manifestement plus au moins depuis son audition par le juge des libertés et de la détention pratiquée le 16 mai 2023 et jusqu'au 30 mai 2023, en témoigne le certificat médical de situation établi le même jour par le Dr. [I] mentionnant une patiente 'globalement plus apaisée'.

Or, les pièces communiquées par le centre hospitalier, identiques à celles de première instance, tendent à confirmer que la notification des décisions administratives, qui ne pouvait être que différée pour tenir compte de l'état de santé de Mme [H] [V], ne lui avait toujours pas été faite.

Il conviendra donc d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer la procédure irrégulière et d'ordonner la mainlevée de l'hospitalisation complète de Mme [H] [V].

Toutefois, cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi. La mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité.

Sur les dépens

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Recevons Mme [H] [V] en son appel,

Infirmons l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Déclarons la procédure irrégulière,

Ordonnons la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète de Mme [H] [V],

Disons toutefois que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi et que la mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 02 Juin 2023 à 14 h

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Philippe BRICOGNE, Président

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [H] [V] , à son avocat, au CH

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 23/00263
Date de la décision : 02/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-02;23.00263 ?
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