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02/06/2023 | FRANCE | N°23/00262

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 02 juin 2023, 23/00262


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 23/117

N° N° RG 23/00262 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TY6N



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E





article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,



Statuant sur l'appel formé le 25 Mai 2023 à 17 h 0

2 par Me Yanick HOULE, avocat au barreau de PARIS au nom de :



M. [R] [J]

né le 15 Juillet 1974 à [Localité 3] (53)

[Adresse 1]

[Localité 2]



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COUR D'APPEL DE RENNES

N° 23/117

N° N° RG 23/00262 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TY6N

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 25 Mai 2023 à 17 h 02 par Me Yanick HOULE, avocat au barreau de PARIS au nom de :

M. [R] [J]

né le 15 Juillet 1974 à [Localité 3] (53)

[Adresse 1]

[Localité 2]

hospitalisé à l'EPSM [Localité 4]

ayant pour avocat Me Yanick HOULE, avocat au barreau de PARIS

d'une ordonnance rendue le 16 Mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention de VANNES qui a maintenu la mesure d'hospitalisation complète ;

En présence de [R] [J], régulièrement avisé de la date de l'audience, assisté de Me Virginie THOMAS substituant Me Yanick HOULE, avocat

En présence de [T] [J], tiers demandeur, régulièrement avisé,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé reçu le 31 mai 2023, lequel a été mis à disposition des parties

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 01 Juin 2023 à 14 H 00 l'appelant et son avocat et le tiers demandeur en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Sur la base d'un certificat médical du Dr. [Y] du 5 mai 2023 décrivant un patient présentant une angoisse massive, des propos mystiques, des idées suicidaires et un déni de la situation, et en vertu d'une décision du directeur de l'EPSM du Morbihan à [Localité 4] du même jour, M. [R] [J] a été admis en urgence en hospitalisation complète sans son consentement à la demande d'un tiers, en l'occurrence son père M. [T] [J].

Le certificat médical des 24 heures établi le 6 mai 2023 par le Dr. [K] mentionne la persistance d'une angoisse, une parole pas fluide, avec une voix parfois chuchotée, une perplexité, une anxiété, un isolement progressif, situation ne permettant pas à M. [R] [J] de donner un consentement éclairé aux soins et nécessitant leur maintien sous la forme d'une hospitalisation complète et continue.

Le certificat médical des 72 heures établi le 8 mai 2023 par le Dr. [A] décrit un patient calme et ralenti, avec une humeur très basse accompagnée de pensées mal définies, rendant difficile l'évaluation du risque suicidaire, une perte de l'élan vital et une ambivalence aux soins, situation nécessitant la poursuite de l'hospitalisation complète et continue.

Le même jour, le directeur du centre hospitalier a décidé du maintien de M. [R] [J] en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée d'un mois.

Par requête du 9 mai 2023, le directeur du centre hospitalier a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes aux fins de contrôle de la mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance du 16 mai 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de l'hospitalisation complète de M. [R] [J], notamment sur la base d'un certificat médical du Dr. [K] du 11 mai 2023 mentionnant un patient sombre, pessimiste, avec des idées noires fluctuantes et la persistance d'une perplexité.

Le 25 mai 2023, M. [R] [J] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

À l'audience du 1er juin 2023 à 14 heures, M. [R] [J] indique qu'il était très faible au moment de son hospitalisation (il s'agit de sa deuxième hospitalisation). Ses permissions de sortir de sont bien passé. Vivant seul dans un logement dont il est propriétaire, conseiller financier en exercice, il se déclare prêt à suivre un programme de soins.

Son avocate sollicite l'infirmation de l'ordonnance et la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de M. [R] [J]. Selon elle, la procédure est irrégulière en raison de l'aabsence de caractérisation d'un péril imminent, d'une délégation de signature imparfaite du directeur du centre hospitalier et de certificats médicaux insuffisamment circonstanciés, le juge des libertés et de la détention s'étant au surplus basé sur un avis motivé insuffisamment récent. Sur le fond, elle fait état d'attestations de nombreux amis prêts à l'accueillir chez eux ou de le soutenir durant sa phase de convalescence.

Le centre hospitalier n'a pas comparu mais a transmis des éléments complémentaires, notamment un certificat médical de situation établi le 30 mai 2023 par le Dr. [P] [O] mentionnant un contact plus facile et un redressement de l'humeur mais aussi la persistance d'une réticence à l'évocation de sa pathologie, M. [R] [J] se montrant assez fuyant sur les circonstances de son hospitalisation, situation nécessitant la poursuite de l'hospitalisation complète et continue.

M. [T] [J], tiers demandeur, comparaît pour solliciter la confirmation de l'ordonnance, l'état de santé de son fils commandant le maintien des soins sous contrainte.

Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, M. [R] [J] a formé le 25 mai 2023 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes du 16 mai 2023.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure

1 - le défaut de caractérisation de l'urgence :

L'article L. 3212-1 II 1° du code de la santé publique dispose que 'la décision d'admission (à la demande d'un tiers) est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.

Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade'.

L'article L. 3212-3 prévoit qu' 'en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts'.

En l'espèce, M. [R] [J] estime que le péril imminent n'est pas suffisamment caractérisé dans le certificat médical initial.

Ce n'est pas le péril imminent (article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique) qui est en jeu mais l'urgence (article L. 3212-1 II 1°).

M. [R] [J] a été admis en urgence en hospitalisation complète sans son consentement à l'EPSM du Morbihan à [Localité 4] sur la base d'un certificat médical du Dr. [Y] du 5 mai 2023 décrivant un patient présentant une angoisse massive, des propos mystiques, des idées suicidaires et un déni de la situation.

Le risque suicidaire ayant été évalué, c'est à bon droit que la procédure d'urgence a pu être mobilisée.

Le moyen est donc inopérant.

2 - la délégation de signature du directeur du centre hospitalier :

L'article D. 6143-33 du code de la santé publique permet au 'directeur d'un établissement public de santé (de) déléguer sa signature'.

L'article D. 6143-34 précise que 'toute délégation doit mentionner :

1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ;

2° La nature des actes délégués ;

3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation'.

Enfin, s'il ressort de l'article L. 3216-1 que 'la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire', le juge judiciaire n'a pas, en revanche, à entrer dans le débat sur la légalité d'une délégation de signature par le directeur du centre hospitalier, par exemple en raison de son caractère trop général, de sa nature permanente ou de son absence de publication.

En l'espèce, M. [R] [J] soulève l'imprécision de l'arrêté de délégation produit par le centre hospitalier.

Le centre hospitalier produit en effet une décision du 5 septembre 2022 par laquelle son directeur, M. [D] [I], délègue sa directrice-adjointe, Mme [N] [E], 'pour signer (en son nom) les correspondances, pièces et tous documents concernant les attributions précisées dans l'organigramme de la direction'.

La justification de cette délégation apparaît suffisante pour considérer que Mme [N] [E] pouvait, le 5 mai 2023, décider de l'admission de M. [R] [J] en soins psychiatrques dans son établissement sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le moyen est donc inopérant.

3 - les certificats médicaux insuffisamment circonstanciés :

L'article L. 3211-2-2 du code de la santé publique dispose que, 'lorsqu'une personne est admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète.

Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admission définies aux articles L. 3212-1 (troubles mentaux rendant impossible le consentement et imposant des soins immédiats, le cas échéant en hospitalisation complète) ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l'auteur du certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d'admission a été prononcée.

Dans les soixante-douze heures suivant l'admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du présent article'.

En l'espèce, M. [R] [J] considère que les certificats médicaux des 24 et 72 heures sont particulièrement peu précis et ne justifiaient plus le maintien de son hospitalisation complète.

Le certificat médical des 24 heures établi le 6 mai 2023 par le Dr. [K] mentionne la persistance d'une angoisse, une parole pas fluide, avec une voix parfois chuchotée, une perplexité, une anxiété, un isolement progressif, situation ne permettant pas à M. [R] [J] de donner un consentement éclairé aux soins.

Le certificat médical des 72 heures établi le 8 mai 2023 par le Dr. [A] décrit un patient calme et ralenti, avec une humeur très basse accompagnée de pensées mal définies, rendant difficile l'évaluation du risque suicidaire, une perte de l'élan vital et une ambivalence aux soins.

Dans les deux cas, les médecins estiment à juste titre que la situation nécessite la poursuite de l'hospitalisation complète et continue, notamment en raison du fait qu'un risque suicidaire ne peut pas être complètement écarté.

Enfin, il importe peu que le juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur la base d'un avis motivé daté de cinq jours, dès lors qu'il a été établi en vue de l'audience.

Le moyen est donc inopérant.

Sur le fond

Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, 'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1'.

En l'espèce, le certificat médical de situation établi le 30 mai 2023 par le Dr. [P] [O] mentionne certes un contact plus facile et un redressement de l'humeur mais aussi la persistance d'une réticence à l'évocation de sa pathologie, M. [R] [J] se montrant assez fuyant sur les circonstances de son hospitalisation, situation nécessitant la poursuite de l'hospitalisation complète et continue. Le médecin évoque 'la gravité du tableau clinique initial', la nécessité d'évaluer les sorties de M. [R] [J] hors la présence de ses parents et la persistance d' 'un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade', dont l'état actuel 'rend impossible un consentement éclairé aux soins'.

La poursuite de l'hospitalisation complète étant justifiée, il conviendra de confirmer l'ordonnance entreprise.

Sur les dépens

Les dépens seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Recevons M. [R] [J] en son appel,

Confirmons l'ordonnance entreprise,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 02 Juin 2023 à 14 heures

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Philippe BRICOGNE, Président

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [R] [J] , à son avocat, au CH et tiers demandeur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 23/00262
Date de la décision : 02/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-02;23.00262 ?
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