7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°233/2023
N° RG 20/01951 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QSI7
M. [I] [O]
C/
Mme [H] [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :01/06/2023
à :MAITRES
VERRANDO
DELVILLE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Mars 2023 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [U] [A], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [I] [O]
né le 28 Août 1949 à [Localité 4] (61)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Virginie GLORIEUX KERGALL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [H] [Y]
née le 12 Septembre 1956 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Perrine DELVILLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [H] [Y] a été engagée en qualité de secrétaire médicale par le Dr [I] [O] à compter du 1er mars 2010 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée.
Les parties ont régularisé un contrat de travail à durée indéterminée le 10 janvier 2011 sur la base de 151,67 heures par mois.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des cabinets médicaux.
En avril 2013, le temps de travail a été porté à 39 heures, les 4 heures supplémentaires étant effectuées le samedi matin.
En mars 2017, l'employeur a demandé à Mme [Y] de ne plus venir travailler le samedi matin.
Par courriers recommandés en date des 20 avril et 06 mai 2017, la salariée a protesté à l'encontre de la baisse du nombre des heures travaillées. Elle percevait en dernier lieu un salaire brut de 1 939,80 euros brut par mois, incluant la prime d'ancienneté.
Le 15 mai 2017, Mme [Y] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie jusqu'au 28 mai, prolongé au 27 juin 2017.
Le 15 juin 2017, le Dr [O] a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable au licenciement fixé au 28 juin suivant, et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire compte tenu de la gravité des faits reprochés.
Le 7 juillet 2017, Mme [Y] s'est vue notifier son licenciement pour faute grave dans un courrier ainsi libellé :
« Depuis le 15 mai dernier, date à laquelle vous avez été mise en arrêt de travail et n'avez pas repris vos fonctions, certains patients m'ont révélé des faits inadmissibles sur votre comportement en votre qualité de secrétaire . J'en ai été abasourdi.
Des patients m'ont fait part de leur très grande difficulté à prendre rendez-vous à mon cabinet par votre intermédiaire. Pour leur refuser des rendez-vous ou les décourager à prendre rendez-vous, vous répondiez que « ce n'était pas dans vos compétences », ou bien vous leur proposiez des rendez-vous à des dates très lointaines ( à plus de 3 mois) sans rechercher les solutions adéquates ou tenir compte d'éventuelles annulations de rendez-vous qui pouvaient vous parvenir.
Dans cet esprit, vous avez mis des patients très mal à l'aise en leur demandant par « quel biais » ils étaient venus me consulter ! Vous n'hésitiez pas à agresser verbalement les patients dont les contraintes professionnelles ne correspondaient pas à mon agenda ! votre agressivité a même provoqué les pleurs d'une de mes patientes qui a éclaté en sanglot après vous avoir eu au téléphone pour fixer un rendez-vous !
Par ailleurs, au cabinet, vous avez fait preuve vis-à-vis de patients d'une absence totale de discrétion : alors que vous n'êtes pas médecin, vous leur avez demandé les motifs de leur venue ; pire, vous avez fait des commentaires sur leurs analyses médicales : les patients dans la salle d'attente pouvaient tout entendre !
Vous avez conseillé à une patiente qui s'était déplacée au cabinet d'aller directement à l'hôpital sans même lui donner la possibilité de me voir !
Votre manière d'accueillir les patients était telle que certains d'entre eux ont décidé de changer de médecin traitant et de limiter leur rendez-vous uniquement pour l'homéopathie.
Une autre patiente s'est plainte de l'agressivité que vous lui aviez manifestée pour prendre un rendez-vous si bien que le 7 juin, sans savoir que vous étiez absente, elle a préféré m'écrire pour prendre un rendez-vous plutôt que de téléphoner au secrétariat !
J'attendais de votre part des explications sur ces faits après vous avoir fait l'inventaire de tout ce que j'avais découvert depuis votre absence. Or lors de votre entretien, vous m'avez déclaré que vous n'aviez rien à dire sans pour autant démentir les faits reprochés. Vous n'avez formulé aucune observation.
Je considère que ces faits et tout particulièrement l'agressivité avec les patients, les propositions de rdv très lointains, les prises de position médicale, la violation du secret médical sont constitutifs d'une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire au cabinet.(..)
Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 26 septembre 20107 afin de voir dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement des indemnités de rupture, le rappel de salaire durant la mise à pied et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [O] a conclu au rejet des demandes de la salariée et à titre subsidiaire à la limitation des dommages et intérêts à deux mois de salaire (4 368 euros).
Par jugement en date du 16 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Rennes a :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [Y] est dénué de cause réelle et sérieuse
- Condamné M. [O] à régler à Mme [Y] les sommes suivantes:
- 1 190 € au titre du salaire pendant la mise à pied soit du 16 juin au 7 juillet 2017 ainsi que celle de 119 euros au titre des congés payés afférents
- 4 368 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois ainsi que celle de 436,80 € au titre des congés payés afférents
- 3 203, 20 € au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 13 104 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1 500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné à M. [O] de remettre à Mme [Y] les documents de fin de contrat conformes à la décision de ce jugement ;
- Ordonne l'exécution provisoire
- Déboute M. [O] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la citation, celles à caractère indemnitaire à compter du prononcé du jugement ;
- Condamne M. [O] aux dépens y compris ceux éventuels d'exécution du jugement.
***
M. [O] a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 11 juin 2019.
Par ordonnance en date du 6 novembre 2019, le premier Président de la cour d'appel, saisi en référé par M.[O] afin d'ordonner la suspension de l'exécution provisoire du jugement en ce qui concerne les dommages et intérêts alloués à la salariée, a rejeté l'employeur de sa demande.
Par ordonnance en date du 22 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a:
- Ordonné la radiation de l'affaire ;
- Rappelé que le réenrôlement sera subordonné à l'accord préalable du magistrat en charge de la mise en état porté sur une copie de la présente ordonnance sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation.
Le 9 mars 2020, M. [O] a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle après avoir acquitté de l'ensemble des sommes mises à sa charge.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 30 janvier 2023, M. [O] demande à la cour de:
- Réformer en toutes ses dispositions critiquées le jugement entrepris et particulièrement en ce qu'il:
' Dit et juge que le licenciement de Mme [Y] est dénué de cause réelle et sérieuse
' Condamne M. [O] à régler à Mme [Y] les sommes suivantes :
- 1 190 euros au titre du salaire pendant la mise à pied soit du 16 juin au 7 juillet 2017 ainsi que celle de 119 euros au titre des congés payés afférents
- 4 368 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois ainsi que celle de 436,80 euros au titre des congés payés afférents
- 3 203,20 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 13 104 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Ordonne à M. [O] de remettre à Mme [Y] les documents de fin de contrat conformes à la décision de ce jugement ;
' Ordonne l'exécution provisoire
' Déboute M. [O] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
' Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la citation, celles à caractère indemnitaire à compter du prononcé du jugement ;
' Condamne M. [O] aux dépens y compris ceux éventuels d'exécution du jugement.
Et statuant à nouveau :
- Débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- A titre infiniment subsidiaire dans l'hypothèse extraordinaire où la cour considérerait le licenciement de Mme [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse, limiter le montant de l'indemnité de licenciement pour absence de cause réelle et sérieuse à deux mois de salaires (4 368 euros)
En tout état de cause
- Condamner Mme [Y] en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 euros outre les entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
M. [O] développe en substance l'argumentation suivante :
S'agissant du licenciement pour faute grave, 23 témoignages de patients du cabinet médical ont fait apparaitre des manquements graves de la salariée à ses obligations contractuelles, en adoptant un comportement inadmissible au vu de ses fonctions : les patients éprouvaient une grande difficulté à prendre rendez-vous pour des consultations médicales du fait des refus et des découragements de Mme [Y]. Cette dernière était agressive envers eux et manquait de discrétion à leur égard, quitte à s'autoriser le commentaire d'analyses médicales, pourtant hors de ses compétences professionnelles.
Cette attitude a conduit certains patients à quitter la patientèle du cabinet pour s'adresser à des homologues. Il est ainsi principalement reproché à Mme [Y] son agressivité envers les patients, les propositions de rendez-vous très lointains, les prises de position médicale, la violation du secret médical. En tant que secrétaire médicale, Mme [Y] était soumise aux devoirs déontologiques de réserve et tenue au secret médical.
L'absence de Mme [Y], liée à son arrêt de travail entre le 15 mai et le 28 mai 2017 a justifié l'embauche de l'épouse de l'appelant Mme [O] dans le cadre d'un contrat à durée déterminée correspondant aux dates de l'arrêt de travail de Mme [Y]. Il s'agissait de la première absence de Mme [Y] pour laquelle M. [O] n'a pas eu recours à un répondeur téléphonique. L'absence de Mme [Y] a créé la surprise chez les patients, qui ont saisi cette occasion pour pouvoir libérer leur parole. Les patients n'avaient pas explicité les faits plus tôt auprès de M. [O] car certains croyaient que Mme [Y] était son épouse, et les consultations médicales, qui nécessitaient de la concentration, ne laissaient pas de place pour des échanges non médicaux.
Les témoignages ont été rassemblés au fil du temps, à compter du 29 mai. Face à la constance des témoignages, et aux remerciements de ses patients d'avoir changé de secrétaire, M. [O] a engagé la procédure de licenciement pour obtenir des explications. La prescription a commencé à courir à compter du jour où les faits ont été portés à la connaissance de M. [O].
Les attestations versées aux débat sont conformes à l'article 202 du code de procédure civile. La proximité et les liens allégués entre M. [O] et les patients témoins ne sont pas prouvés. La fausseté prétendue des témoignages n'est pas davantage démontrée. Les témoignages sont divers et concordants.
Les attestations produites par Mme [Y] ne sont pas recevables en ce qu'elles ne portent pas sur la période litigieuse.
Lors du licenciement de Mme [Y], M. [O] n'avait pas l'intention de prendre sa retraite : il a été contraint de la prendre à compter du 1er janvier 2019 à la suite d'un accident de santé le 28 octobre 2018. Il a négocié la rupture anticipée du bail professionnel entre mars et avril 2019. Il ne s'agissait donc pas d'une man'uvre de l'employeur, en vue de sa retraite imminente, pour se débarrasser de Mme [Y].
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 26 janvier 2023, Mme [Y] demande à la cour de :
-Confirmer le jugement en ce qu'il a :
' dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
' condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes :
- salaire pendant la mise à pied : 1 190 euros et les congés payés afférents : 119 euros
- indemnité compensatrice de préavis : 4 368,00 euros et les congés payés afférents : 436,80 euros
- indemnité de licenciement : 3 203,20 euros
- article 700 : 1 500,00 euros
- Réformant sur le quantum, fixer les dommages pour licenciement sans cause à 21 840 euros.
- Y additant, condamner l'employeur à 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens.
- Débouter l'appelant de toutes ses demandes plus amples ou contraires.
Mme. [Y] développe en substance l'argumentation suivante :
S'agissant de la faute grave, il incombe à l'employeur de démontrer le caractère réel et sérieux des motifs invoqués. Au préalable, aucun fait reproché dans les attestations n'est précisément daté. Les faits allégués sont pour certains d'une gravité telle qu'ils auraient dû, en toute logique, être rapportés au Docteur [O] indépendamment de l'arrêt de travail de la salariée. Il est surprenant que M. [O] ait pris la décision d'embaucher son épouse dès le 15 mai 2017, sans savoir si l'arrêt de travail de Mme [Y], serait prolongé ou non. Le réel motif de son licenciement repose sur le fait que M. [O] comptait prendre sa retraite très prochainement.
L'employeur produit une vingtaine d' attestations alors que la salariée a travaillé au sein du cabinet pendant plus de 7 ans. Les témoins sont des proches ou des amis de M. et Mme [O]. Les attestions ne contiennent pas toutes les mentions obligatoires exigées par l'article 202 du code de procédure civile : elles ne mentionnent pas le lien de parenté ou d'alliance, de communautés d'intérêts avec les parties. Ce sont des attestations de pure complaisance.
S'agissant des motifs de licenciement, des patients se sont plaints de leur difficulté à obtenir des rendez-vous mais cela ne dépendait pas de Mme [Y], mais seulement de l'agenda de son employeur, toujours plein. A compter de janvier 2017, le médecin a même supprimé des jours de consultation, ce qui a chargé son agenda. Mme [Y] ne faisait qu'appliquer les directives de son employeur s'agissant de cette gestion d'agenda. M. [O] refusant de prendre des appels pendant ses consultations, Mme [Y] ne pouvait pas lui transmettre de communications téléphoniques. M. [O] pratiquant trois méthodes de médecine, il était justifié que Mme [Y] questionne les patients sur le motif de leur rendez-vous : médecine classique, homéopathie ou acupuncture.
S'agissant de son absence de discrétion, Mme [Y] conteste avoir commenté les analyses médicales des clients. Elle s'est contentée d'orienter les patients selon des règles de bon sens, sans avoir besoin de diagnostiquer les pathologies. Du fait de la configuration des lieux, les patients pouvaient effectivement entendre les conversations tenues par Mme [Y].
Ainsi, les griefs non établis ne sauraient justifier un licenciement pour faute grave, et si ces faits étaient avérés, l'employeur en aurait nécessairement eu connaissance au cours de la relation de travail qui a duré 7 ans.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 31 janvier 2023 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 07 mars 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Pour établir la réalité des fautes imputées à Mme [Y], l'employeur produit en cause d'appel une série d'attestations établies par des patients. Sur la recevabilité des attestations, il est rappelé qu'en matière prud'homale, la preuve est libre et le juge en apprécie librement la valeur et la portée.
Le seul fait que l'attestation ne soit pas conforme aux dispositions non prescrites à peine de nullité de l'article 202 du code de procédure civile ne suffit pas à l'écarter des débats, le juge devant rechercher en quoi l'irrégularité éventuelle constitue l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque, ce qui n'est pas démontré en l'espèce
Sur le premier motif relatif à la difficulté à prendre rendez-vous
Le premier grief est relatif à la difficulté pour les patients de prendre rendez-vous auprès du docteur [O] .
Toutefois, la salariée soutient sans être démentie utilement que le planning du médecin, prodiguant des soins en qualité de médecin généraliste mais également comme médecin spécialisé en homéopathie et en acupuncture, était surchargé et que les amplitudes étaient réduites du fait de la suppression de jours de consultation ' le samedi matin : M. [O] précise que son agenda de 2018 était plein et des rendez-vous étaient d'ores et déjà pris pour 2019. Les attestations de certains patients mettent en avant la suractivité du médecin : « Je n'ai pas voulu vous en parler, tellement sous la pression de vos nombreuses consultations » (Mme [E]). Aucun élément sérieux et objectif ne permet d'établir que Mme [Y] devant s'accommoder d'un agenda chargé, a fixé des rendez-vous éloignés à des patients sans leur avoir proposé des créneaux disponibles et plus proches. Le témoignage de Mme [E] à propos d'un rendez-vous pour une bronchite que la secrétaire lui a fixé en octobre 2016 pour le mois de février 2017, ne fait que confirmer la difficulté pour la secrétaire de maitriser l'agenda du docteur [O], contacté à titre personnel par son amie qui a réussi à obtenir un rendez-vous plus tôt.
Par ailleurs, les questions posées par Mme [Y] aux patients pour connaitre le type de consultation souhaitée, ne peuvent pas être considérées comme déplacées dans la mesure d'une part où la secrétaire était elle-même tenue au secret professionnel et que, d'autre part, M. [O] devait prévoir le temps de l'examen entre chaque patient, variable entre la consultation de médecine généraliste, l'homéopathie et la séance d'acupuncture.
Dans ces conditions, la matérialité du premier grief n'est pas rapportée par l'employeur.
Sur le second motif relatif à l'absence de discrétion et à l'agressivité de la salariée envers les patients
Les attestations produites par le Docteur [O] relatent des plaintes de patients selon lesquelles la salariée manquait de discrétion, qu'elle se permettait de procéder à des diagnostics en outrepassant ses fonctions de secrétaire médicale et adoptait un ton agressif à leur égard.
S'agissant d'un manque de discrétion, la photographie des locaux fournie par la salariée permet de constater que le bureau de la secrétaire était ouvert directement sur la salle d'attente des patients, ce qui limitait au regard de la configuration des lieux la discrétion lors des échanges téléphoniques ou directs des patients avec la secrétaire lors de la prise de rendez-vous de nature médicale. Ce grief n'est pas matériellement établi.
Concernant le ton désagréable, cassant, voire l'agressivité reprochés à la salariée, les doléances des patients se voyant proposer des dates de rendez-vous éloignés ou se voyant refuser des créneaux en urgence « il n'y a pas de place » sont rapportées dans des termes très généraux et non circonstanciés. Pour expliquer le caractère récent de leurs plaintes avant le mois de mai 2017, les patients se bornent à indiquer qu'ils n'avaient pas osé en parler au préalable avec le médecin, ce qui est difficilement crédible alors qu'ils disposaient de la faculté de le faire au sein du cabinet du Docteur [O] en toute confidentialité,
ce d'autant plus qu'ils se sont confiés spontanément à Mme [O], assurant le remplacement de Mme [Y] en arrêt de travail, alors que la salariée a bénéficié de périodes d'absence pour congés et que les patients disposaient de la faculté de se plaindre de la qualité de l'accueil de la secrétaire.
Mme [Y] , pour sa part, a produit le témoignage circonstancié de M.[G] qui atteste de l'attitude désagréable, voire agressive, de M.[O] envers sa secrétaire en présence des patients sur un ton cassant, froid et sec, « ne laissant ' à la salariée- aucune possibilité de répondre exigeant que tout se fasse suivant ses directives et voulant savoir à tout moment ce qui se passait et qu'il exigeait l'interruption des conversations téléphoniques qu'elle pouvait passer à des patients. « Le témoin décrit Mme [Y] comme agréable et arrangeante alors que l'agenda du médecin était souvent complet et à charge pour la secrétaire de demander l'autorisation du médecin lorsqu'elle n'avait pas de place disponible. Il a précisé avoir été contacté par Mme [O], fin juin 2017, pour qu'il réponde à un questionnaire sur l'ancienne secrétaire avec des questions orientées négatives, en échange d'un rendez-vous plus rapide. M.[G] choqué par le procédé a indiqué qu'il rechercherait un autre médecin, ce à quoi Mme [O] lui a répondu « ce n'est pas grave, le docteur ne va pas tarder à prendre sa retraite ».
Mme [Y] a produit une autre attestation émanant de Mme [M], ancienne patiente ( 2014) selon laquelle l'accueil téléphonique de Mme [Y] était bienveillant et arrangeant , qu'en revanche, elle avait été choquée de la façon très sèche du docteur [O] de lui parler en élevant la voix à l'égard de sa collaboratrice.
La preuve de la matérialité des faits reprochés n'est pas établie.
A propos du grief selon lequel la salariée se serait octroyé le droit de faire des diagnostics médicaux, le témoignage de Mme [E] , dont il n'est pas contesté qu'elle est une amie proche du docteur [O], selon laquelle en décembre 2016, alors qu'elle était en proie à des malaises vagaux, des angoisses et de la tension, Mme [Y] « croyant tout savoir comme un médecin qu'elle n'est pas, aurait outrepassé son rôle en lui disant « de préparer ses valises et d'aller aux urgences cardiologiques', et qu'elle conseillait « un certain dosage pour un traitement de thyroïde « n'est conforté par aucun élément concret et objectif.
L'employeur étant défaillant à établir la preuve des griefs invoqués, le licenciement de Mme [Y] n'était pas justifié et doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes est confirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières
Les dispositions applicables aux conséquences financières du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sont antérieures à l'ordonnance du 22 septembre 2017.
La salariée dont le licenciement pour faute grave est déclaré abusif est fondée à obtenir le rappel de salaire qui ne lui a pas été versé entre le 16 juin 2017 au 7 juillet 2017 durant la mise à pied injustifiée, représentant la somme de 1 190 euros outre 119 euros pour les congés payés afférents.
Il convient également par voie de confirmation du jugement, de faire droit aux demandes de Mme [Y] relatives à :
l'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à deux mois de salaires, de 4 368 euros et les congés payés afférents
l'indemnité légale de licenciement pour une ancienneté de 7 ans et 4 mois soit 3 203.20 euros.
Par application de l'article 1235-5 du code du travail dans sa version alors applicable, le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Mme [Y], âgée de 60 ans lors du licenciement justifie qu'elle a subi un préjudice à la fois moral et financier lié à la perte de son emploi intervenue six mois avant la fermeture du cabinet médical pour cause de problème de santé et de mise à la retraite du docteur [O], âgé de 69 ans. La salariée, après une période de chômage indemnisée ( 1260 euros) et un emploi temporaire de trois mois, a fait valoir ses droits à la retraite en octobre 2018.
En considération de son âge, de son ancienneté et de l'absence de perspective de retrouver un emploi pérenne, la cour dispose des éléments suffisants pour limiter le montant des dommages et intérêts lié à la perte de son emploi à la somme de 10 000 euros, par voie d'infirmation du jugement.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [Y] les frais non compris dans les dépens en appel. Il lui sera alloué la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant confirmé de ce chef . L'employeur partie perdante sera débouté de la demande à ce titre et condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement seulement en ce qui concerne le montant des dommages intérêts alloués à Mme [Y] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Confirme pour le surplus le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Condamne M. [O] à verser à Mme [Y] :
la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Déboute M. [O] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [O] aux dépens d'appel, y compris les frais d'exécution.
Le Greffier Le Président