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01/06/2023 | FRANCE | N°20/01726

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 01 juin 2023, 20/01726


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°231/2023



N° RG 20/01726 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QRWF













S.A.S. CREDIT AGRICOLE BRETAGNE HABITAT TRANSACTION



C/



M. [O] [K]























Copie exécutoire délivrée

le : 01/06/2023



à :Maitres

BEUTIER

JANVIER





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNESr>
ARRÊT DU 01 JUIN 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des d...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°231/2023

N° RG 20/01726 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QRWF

S.A.S. CREDIT AGRICOLE BRETAGNE HABITAT TRANSACTION

C/

M. [O] [K]

Copie exécutoire délivrée

le : 01/06/2023

à :Maitres

BEUTIER

JANVIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Mars 2023 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [X] [G] médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. CREDIT AGRICOLE BRETAGNE HABITAT TRANSACTION

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Cédric BEUTIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur [O] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédéric JANVIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LAVAL

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS CG Immobilier exploite des agences immobilières sous l'enseigne commerciale [Adresse 6].

M. [O] [K] a été engagé le 23 septembre 2016 par la SAS CG Immobilier dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de conseiller vente - Négociateur Immobilier VRP.

Il était rattaché à l'établissement de [Localité 5] ( 35).

Le salarié était soumis à une clause de non-concurrence.

M. [K] a notifié sa démission le 23 août 2017 et quitté les effectifs de la société CG Immobilier à l'issue du délai de préavis, soit le 23 septembre 2017.

La SAS CG Immobilier, informée que M.[K] travaillait pour le compte de la société JYS Immobilier gérant une agence immobilière Avis Immobilier à [Localité 5], a mis en demeure des 30 et 31 octobre 2017, M. [K] et son nouvel employeur de cesser toute activité concurrentielle et les a informés qu'elle allait saisir la juridiction prud'homale pour obtenir réparation du préjudice subi et l'application de la clause pénale.

Le 2 novembre 2017, la société CG Immobilier a versé au profit de M. [K] la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, correspondant à 295,87 euros brut pour la période écoulée du 24 septembre 2017 au 31 octobre 2017.

La société CG Immobilier, aux droits desquels vient désormais la SAS Crédit Agricole Bretagne Habitat Transaction ( CABHT) a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 13 novembre 2017 afin de voir dire que M. [K] a violé la clause de non-concurrence et de le condamner au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue au titre de la clause pénale, à des dommages et intérêts pour préjudice concurrentiel et au remboursement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence indûment versée au salarié.

M. [K] a conclu à titre principal que la clause de non concurrence est nulle, à titre subsidiaire que l'employeur l'a délié de son obligation, et à titre infiniment subsidiaire que la clause pénale doit être limitée à un montant symbolique.

Parallèlement , M. [K] a signé le 9 février 2018, une convention de rupture conventionnelle avec la société JYS Immobilier.

Par jugement en date du 10 février 2020, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Dit que la clause de non-concurrence du contrat de M. [K] est illicite,

- condamné M. [K] au remboursement au Crédit Agricole Bretagne venant au droit de la société CG Immobilier de la contrepartie financière de 325,46 euros,

- Débouté M. [K] de ses autres demandes,

- Débouté la Société CG Immobilier de ses autres demandes,

- Mis les entiers dépens à la charge de M. [K], y compris les frais éventuels d'exécution.

La SAS Crédit Agricole Bretagne Habitat Transaction a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 11 mars 2020.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 8 avril 2021, la SAS Crédit Agricole Bretagne Habitat Transaction venant aux droits de la société CG Immobilier demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M.[K] à verser à la société CABHT, venant au droit de la Société CG Immobilier, la somme de 325,46 euros à titre de remboursement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence versée indûment.

- Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la clause de non-concurrence de M.[K] est illicite et en ce qu'il a débouté la Société CABHT venant au droit de la Société CG Immobilier,

et statuant à nouveau :

- Dire et juger que la clause de non-concurrence du contrat de travail de M.[K] est licite et valide,

- Dire et juger que M.[K] a violé la clause de non-concurrence à laquelle il était tenu à l'encontre de la société CG Immobilier,

- Condamner M.[K] à verser à la société CG Immobilier les sommes suivantes :

- 10 928,14 euros au titre de la clause pénale prévue au contrat de travail,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice concurrentiel,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M.[K] aux entiers dépens.

M.[K] a constitué avocat mais n'a pas conclu, son conseil expliquant ne pas avoir respecté les délais en raison d'une difficulté d'organisation au sein du cabinet.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 31 janvier 2023 avec fixation de l'affaire à l'audience du 7 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la licéité de la clause de non-concurrence

La société CABHTconclut à l'infirmation du jugement qui a considéré que la clause contractuelle de non-concurrence n'est pas valable en ce que la contrepartie financière de 15 % fixée dans le contrat, est dérisoire, ce qui équivaut à une absence de contrepartie et à une illicéité de la clause, alors que le montant ainsi déterminé est conforme aux dispositions de la convention collective applicable. L'appelante soutient subsidiairement que le salarié a violé la clause de non-concurrence dès le 3 octobre 2017, soit 10 jours après le terme de son préavis et ne peut pas se prévaloir d'un prétendu retard de versement de la contrepartie financière pour soutenir que la clause ne lui serait pas applicable.

La clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail du 23 septembre 2016 liant M.[K] à la société CG Immobilier est ainsi libellée:

- 'Compte tenu de la nécessaire protection des intérêts légitimes de la société ( secteur concurrentiel, fichier clientèle, savoir-faire, etc..) et des fonctions exercées par le salarié, ce dernier sera soumis à une obligation de non-concurrence.

Du fait de sa connaissance de l'activité de la société et de son fonctionnement, de la clientèle , des méthodes de travail, il y sera tenu pendant une durée de 12 mois à compter de la cessation définitive de son contrat de travail pour quelque cause que ce soit, dans un rayon de 50 km autour du dernier point de vente dans lequel le salarié a travaillé. (..) Il s'interdit d'entrer au service d'une société ou entreprise concurrente en qualité de salarié ou tout autre titre, de s'intéresser directement ou indirectement pour son compte ou celui d'un tiers d'une manière principale ou accessoire.

- en contrepartie de l'obligation de non-concurrence, le salarié percevra pendant toute la période d'application de cette clause une indemnité mensuelle forfaitaire représentant 15 % de sa rémunération mensuelle brute appréciée par rapport à la moyenne des rémunérations mensuelles des 3 mois précédents la rupture du contrat.

Toutefois, la société se réserve la possibilité de libérer le salarié de l'obligation dans les 15 jours suivant la notification de la rupture du contrat, cette libération engendrant le non-paiement pour la société de la contrepartie financière prévue ci-dessus.

En cas de violation de cette interdiction, le salarié s'exposera au paiement d'une indemnité forfaitaire égale à la rémunération des 6 derniers mois d'activité, sans préjudice du droit que la société se réserve de faire cesser ladite violation, par tous moyens et de demander réparation de l'entier préjudice.'

Pour être licite, une clause de non-concurrence doit être justifiée par les intérêts légitimes de l'entreprise, doit être limitée dans le temps et dans l'espace, doit tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié et doit comporter l'obligation par l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Le fait que la contrepartie financière prévue dans le contrat de travail de M.[K] corresponde au montant de 15 % fixé par la convention collective nationale, dans sa version alors applicable antérieurement à l'avenant du 2 décembre 2019 qui a porté ce montant à 20% , ne suffit pas à établir la licéité de l'obligation de non-concurrence laquelle doit être appréciée au regard des limites portées dans le temps et dans l'espace à la liberté de travail du salarié. En l'espèce, la clause constituant une atteinte certaine à la liberté de travail de M.[K] dans son secteur d'activité à la fois dans le temps (12 mois) et dans un rayon de 50 km autour de la ville de [Localité 5], bien au-delà des communes de l'agglomération rennaise, est assortie d'une contrepartie financière calculée sur la base de 240 euros brut par mois. Ce montant doit être considéré comme non proportionné et dérisoire au regard des restrictions apportées à sa liberté de travail l'empêchant de retrouver un nouvel emploi ou dans un secteur plus éloigné. Une contrepartie financière dérisoire équivalant à une absence de contrepartie à une clause de non-concurrence, il convient de prononcer la nullité de cette clause, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la violation ou non par le salarié de ladite clause. Le jugement sera ainsi confirmé de ce chef.

M.[K] ayant perçu au regard des mentions figurant sur le bulletin de salaire du mois d'octobre 2017 une contrepartie financière à la clause de non-concurrence déclarée nulle, devra restituer à l'employeur la somme réclamée de 325,46 euros brut, incluant les congés payés, par voie de confirmation du jugement.

Sur les demandes au titre de la clause pénale et de dommages-intérêts pour préjudice concurrentiel

En raison de la nullité de la clause de non-concurrence, la société CABHT doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 10 928,14 euros au titre de la clause pénale tendant à sanctionner la prétendue violation par le salarié de l'obligation de non-concurrence . Le jugement qui a rejeté la demande reconventionnelle de l'employeur au titre de la clause pénale sera confirmé.

Pour le même motif, l'employeur ne peut pas invoquer l'existence d'un préjudice concurrentiel en lien avec le non-respect de l'obligation de non-concurrence et sera débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef, par voie de confirmation du jugement.

Sur les autres demandes et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société CABHT les frais non compris dans les dépens en cause d'appel. Sa demande sera donc rejetée de ce chef, lejugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile

L'employeur sera condamné aux entiers dépens de première instance, par voie d'infirmation du jugement, et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions concernant les dépens.

Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

- Déboute la SAS Crédit Agricole Bretagne Habitat Transaction de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile .

- Condamne la SAS Crédit Agricole Bretagne Habitat Transaction venant aux droits de la SAS CG Immobilier aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/01726
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;20.01726 ?
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