8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°217
N° RG 20/02159 -
N° Portalis DBVL-V-B7E-QS6W
M. [F] [H]
C/
M. [V] [E] entreprise individuelle 'PIERRES ET JARDINS'
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- M. [P] [K]
- Me Emeric BERNERY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 30 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Mars 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT et intimé à titre incident :
Monsieur [F] [H]
né le 19 Septembre 1979 à [Localité 5] (35)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
Ayant M. [P] [K], Défenseur syndical CFDT du Morbihan, suivant pouvoir, pour représentant constitué
INTIMÉ et appelant à titre inciden :
Monsieur [V] [E] (Entreprise individuelle PIERRES ET JARDINS)
né le 03 Mai 1966 à [Localité 6] (56)
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Emeric BERNERY, Avocat au Barreau de LORIENT
M. [H] a été embauché en qualité d'Ouvrier paysagiste par M. [V] [E], entrepreneur individuel exerçant sous le nom «'Pierres et Jardins'» (SIREN 398 058 446), d'abord dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à compter du 22 juillet 2000 puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 22 juillet 2001 à temps complet.
Par courrier du 20 novembre 2018, M. [H] a sollicité son employeur pour bénéficier d'une rupture conventionnelle. Cette demande a été refusée par M. [E] le 28 novembre 2018.
Le 1er mars 2019, M. [E] a proposé à M. [H] une modification de son contrat de travail à effet du 1er avril 2019 portant sur une réduction de la durée hebdomadaire de 39 à 35 heures, pour un salaire mensuel brut de «'1.875,875€'» (sic), incluant la suppression de l'exécution et du paiement des 17,33 heures supplémentaires mensualisées. M. [H] a refusé cette modification.
Par lettre du 6 avril 2019, M. [H] a formulé une deuxième demande de rupture conventionnelle, demande également refusée.
Le 7 juin 2019, M. [H] a adressé à son employeur un courrier indiquant qu'il avait constaté depuis plusieurs mois que ses heures supplémentaires ne lui étaient pas réglées, rappelant les dispositions légales relatives au travail dissimulé, évoquant la validation jurisprudentielle de demandes de résiliation au tort de l'employeur requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, expliquant que «'la prolongation du contrat de travail devient impossible de votre fait » et concluant par son souhait de «'bénéficier d'une rupture conventionnelle de [s]on contrat de travail'» à défaut de quoi «'en l'absence de réponse [... sous quinzaine, [il serait] obligé de saisir le juge en résiliation judiciaire.'»
Par lettre recommandée du 9 juillet 2019, M. [H] a demandé à son employeur de «'prendre acte de la rupture'» de la relation contractuelle.
Le 23 septembre 2019, M. [H] a saisi le Conseil de prud'hommes de Vannes aux fins de':
' condamner M. [E] à lui verser :
- 360,88 € à titre d'heures supplémentaires de chantier,
- 36,09 € à titre des congés payés,
- 674,79 € à titre d'heures supplémentaires de déchargement,
- 67,48 € à titre de congés payés,
- 4.222,47 € à titre d'heures supplémentaires de déplacement conducteur,
- 422,25 € à titre de congés payés';
' requalifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse';
' condamner M. [E] à lui verser':
- 11.315,61 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 29.983,53 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
' condamner M. [E] à la communication des documents actant du licenciement, sous délai contraint, assortie d'une astreinte financière de 100 € par jour en cas de dépassement de la date limite';
' condamner M. [E] à lui verser':
- 4.135,66 € à titre d'indemnité de préavis,
- 413,57 € à titre de congés payés ,
-12.406,98 € à titre d'indemnité forfaitaire en application des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail,
-1.500 € à titre d'indemnité pour frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour est saisie d'un appel régulièrement formé le 1er avril 2020 par M. [H] du jugement du 6 février 2020 par lequel le Conseil de prud'hommes de Vannes a':
' dit que la prise d'acte de la rupture de contrat de travail par M. [H] le 9 juillet 2019 est injustifiée et produit les effets d'une démission';
' condamné M. [E] à verser à M. [H]':
- 396,97 € bruts au titre des heures supplémentaires de chantier,
- 742,27 € bruts au titre des heures supplémentaires de déchargement,
- 1.161,18 € bruts au titre des heures supplémentaires de déplacement «'conducteur'»,
- 1.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' débouté M. [H] de toutes ses autres demandes,
' débouté M. [E] de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,
' dit que les dépens seront supportés par M. [E].
Vu les écritures notifiées par courrier recommandé le 7 juin 2021, suivant lesquelles M. [H] demande à la cour, au visa des articles L.3121-27, L.3121-28, L.3121-29 et L.3121-36 du code du travail, L.1224, L.1225, L.1226, L.1227,L.1228 , L.1229 et L.1230 du code civil ainsi que L.1234-9, L.1235-3-2 et L.1235-3 du code du travail, de':
' dire et confirmer la rémunération mensuelle de M. [H] à 2.067,83 €,
' condamner l'entreprise [E] [V] à verser à M. [H] les sommes suivantes':
- 360,88 € pour les heures supplémentaires de chantier,
- 36,09 € de congés payés,
- 674,79 € pour les heures supplémentaires de déchargement,
- 67,48 € de congés payés,
- 4.222,47 € pour les heures de déplacement «'conducteur'»,
- 422,25 de congés payés,
' requalifier la prise d'acte de M. [H] sur la rupture de son contrat de travail contractualisé avec M. [E], en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en tirer toutes les conséquences,
' condamner l'entreprise [E] [V] à verser à M. [H] les sommes suivantes':
- 11.315,61 € d'indemnité de licenciement,
- 29.983,53 € d'indemnité pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' condamner l'entreprise [E] [V] à la communication des documents actant du licenciement de M. [H] sous délai contraint, assortie d'une astreinte financière de 100 € par jour en cas de dépassement de la date limite,
' condamner l'entreprise [E] [V] à supporter la charge totale des indemnités de chômage non perçues par M. [F] [E] [sic] à défaut d'intervention de Pôle emploi pour l'ensemble des droits acquis sur la base de l'allocation mensuelle de 2.067 X 57 %=1178 € pour l'ensemble de la période non couverte,
' «'condamner au versement [sic] de':
- 4.135,66 € d'indemnité de préavis en bonne application de la jurisprudence constante et des stipulations de la convention collective,
- 413,57 € de droits à congés afférents'»,
' juger de l'intention avérée de M. [E] à ne pas verser la totalité des salaires et donc en bonne application des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail et de condamner [sic] au versement de 12.406,98 € d'indemnité forfaitaire, soit la somme de six mois de salaire ( 2.067,83 x 6 )'» ,
' juger que l'entreprise [E] devra compenser l'absence d'indemnité chômage à percevoir par M. [H] sur un an, soit la somme de 14.136 € ,
' condamner l'entreprise [E] [V] à verser 2.000 € à titre d'indemnité due pour frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter de l'introduction de l'instance prud'homale, pour celles ayant un caractère de salaire, et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes,
' dire que les intérêts se capitaliseront en application de l'article L.1154 du code civil,
' dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées parla société défenderesse,
' condamner l'entreprise [E] [V] aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par courrier recommandé le 2 février 2023, suivant lesquelles M. [E] demande à la cour de :
A titre principal,
' juger que les demandes de M. [H] sont irrecevables en l'absence de demande d'infirmation et confirmer le jugement de première instance ,
A titre subsidiaire,
' juger irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes de M. [H] de :
- «'condamner M. [E] à supporter la charge totale des indemnités de chômage non perçues par M. [F] [E] à défaut d'intervention de Pôle Emploi pour l'ensembles [sic] des droits acquis sur la base de l'allocation mensuelle de 2.067 x 57%= 1.178 € pour l'ensemble de la période'»,
- «'juger que M. [E] devra compenser l'absence d'indemnité de chômage à percevoir par M. [H] sur un an, soit la somme de 14.136 €'» ,
' réformer le jugement de première instance et débouter M. [H] de ses demandes au titre :
- des heures de dépassement de chantiers,
- du temps de déchargement,
- de la requalification des temps de trajet en temps de travail effectif,
' confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
- jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [H] le 9 juillet 2019 est injustifiée et produit les effets d'une démission,
- débouté M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement, et d'indemnité compensatrice de préavis,
- débouté M. [H] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ,
Et statuant à nouveau,
' condamner M. [H] à verser à M. [E] la somme de :
- 4.549,23 € à titre de dommages et intérêts pour le préavis non effectué,
- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 16 février 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions régulièrement notifiées.
MOTIVATION DE LA DECISION
Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d'appel et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
Vu les dispositions des articles 16 et 135 du code de procédure civile ,
Vu les dispositions de l'article R1462-1 du code du travail dans leur version résultant du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 applicables aux instances et appels introduits à compter du 1er août 2016,
Vu les dispositions des articles 798, 799, 907 et 912 du code de procédure civile'dans leur version en vigueur,
En application de l'article 803 du même code, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
En application de l'article 802, aucune conclusion ne peut être déposée après l'ordonnance de clôture, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, à l'exception notamment des demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
Il résulte de ces dispositions que la demande de révocation d'une ordonnance de clôture ne peut être formée que par conclusions.
Vu les dispositions des articles 930-1, 930-2 et 930-3 du même code,
En l'espèce il ne ressort pas des termes du courrier adressé par M. [K] en qualité de représentant syndical de M. [H] à la Cour d'appel, expédié le 18 mars 2023 et reçu le 21 mars 2023, intitulé «'conclusions d'incident aux fins d'obtention d'une réouverture des débats'», ni des pièces jointes à ce courrier, qu'il aurait été également adressé à l'intimé dans les formes prévues par les dispositions précitées.
Au surplus, il n'est fait état dans ce courrier d'aucune cause grave au sens des dispositions susvisées qui justifierait la révocation de l'ordonnance de clôture, étant rappelé que les parties ont été à même, dans le cadre d'une procédure écrite avec représentation obligatoire, de faire valoir leurs arguments de manière contradictoire dans le respect des conditions posées par les dispositions applicables.
Il ressort de ce qui précède qu'il n'est justifié par l'appelant d'aucune cause de révocation de l'ordonnance de clôture, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à cette demande.
Sur l'irrecevabilité des demandes
Sur l'application combinée des articles 542 et 954 du code de procédure civile
M. [E] demande à titre principal à la cour de juger «'irrecevables'» les demandes du salarié et de confirmer en conséquence le jugement attaqué au motif de «'l'absence d'effet dévolutif'» des conclusions de l'appelant, dès lors que la partie qui souhaite qu'un jugement soit annulé ou infirmé doit en faire la demande dans son dispositif.
Mais d'une part, la sanction encourue en cas de non-respect réside uniquement dans la confirmation du jugement de première instance ou la caducité de la déclaration d'appel.
D'autre part, s'il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, il est établi que l'application immédiate de cette règle de procédure dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure au 17 septembre 2020 est exclue, en ce qu'elle aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable au sens de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Ce moyen doit donc être écarté.
Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles
M. [E] soutient à titre subsidiaire que sont irrecevables pour n'avoir pas été formées en première instance les demandes du salarié relatives aux indemnités de chômage non perçues ainsi que celle visant à ce que M. [E] soit tenu de compenser l'absence d'indemnité chômage à percevoir par M. [H].
En application de l'article R.1461-2 du code du travail déjà visé ci-dessus, l'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire.
En conséquence et par application de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
La prétention n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges, même si son fondement juridique est différent.
Dans la présente affaire, il ressort des pièces produites qu'aucune demande relative à «'la charge totale des indemnités de chômage non perçues par Mr [F] [E] [sic] à défaut d'intervention de POLE EMPLOI'» n'était soutenue devant les premiers juges par M. [H]. La demande formée à ce titre en cause d'appel ne peut être rattachée à aucune de celles soumises à l'appréciation du conseil de prud'hommes. Cette demande nouvelle est dès lors irrecevable.
Il est également établi qu'aucune demande tendant à « juger que l'entreprise [E] devra compenser l'absence d'indemnité de chômage à percevoir par Mr [H] sur un an» n'était non plus soutenue devant les premiers juges. La demande formée à ce titre en cause d'appel, qui ne peut être rattachée à aucune de celles soumises à l'appréciation du conseil de prud'hommes, constitue une demande nouvelle et se trouve dès lors irrecevable.
Sur les heures supplémentaires
M. [H] fait valoir pour infirmation qu'il a effectué régulièrement des heures supplémentaires dont une partie a été réalisée sur les chantiers, une deuxième partie après l'arrivée au siège de l'entreprise, donc après le trajet retour, pour décharger les camions, une troisième partie enfin correspondant au temps de trajet, que le conseil de prud'hommes a validé le paiement des heures de chantier ainsi que celui du temps de déchargement, mais appliqué une correction sur le montant demandé au motif que M. [H] était conducteur occasionnel alors qu'il démontre qu'il était bien le conducteur régulier des véhicules.
Pour infirmation et débouté de M. [H] de toutes ses demandes, M. [E] soutient que les tableaux produits par M. [H] ont été modifiés a posteriori par le salarié, alors que les relevés originaux montrent que les horaires contractuels ont été respectés, que les tableaux récapitulatifs fournis par le salarié sont flous et incompréhensibles, que les quelques heures supplémentaires qui ont pu être effectuées ont été réglées ou récupérées par le salarié.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Aux termes de l'article L3121-27 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
Aux termes de l'article L3121-29, les heures supplémentaires se décomptent par semaine.
Le contrat de travail du 22 juillet 2000 de M. [H] intitulé « rémunération », non modifié par l'avenant du 22 juillet 2001 prévoit le montant du salaire mensuel brut «'pour un horaire hebdomadaire de 39 heures. Les heures de travail effectuées au-delà seront payées en plus sur la base du salaire horaire majoré au titre des heures supplémentaires » (pièces n°2 et n°2bis de l'appelant).
Les bulletins de salaire (pièces n°33 à 36 de l'intimé) montrent que depuis 2016 un nombre fixe de 17,33 heures sur les 169 heures mensuellement payées à M. [H] lui étaient rémunérées au taux horaire majoré de 25'%.
En l'espèce, M. [H] produit à l'appui de sa demande de rappel d'heures supplémentaires des tableaux (ses pièces n°4 et «'annexe'») qui font apparaître par journée un chiffre total d'heures, avec éventuellement une liste de tâches et/ou de lieux, sans aucune mention des horaires de début et de fin de travail au quotidien, ni aucune mention des heures effectuées par semaine, seul des nombres d'heures supplémentaires par mois étant calculés.
M. [H] se borne pour le surplus à affirmer sans autre démonstration que ses temps de trajet et de déchargement n'étaient pas pris en compte par l'employeur mais ne fournit aucun élément plus précis de nature à corroborer cette assertion.
Les éléments présentés par le salarié ne font aucune référence précise à l'organisation de son temps de travail, ne mentionnent pas la répartition des heures qu'il aurait effectuées et n'indiquent pas le calcul hebdomadaire des heures qu'il aurait accomplies, alors que le décompte des heures supplémentaires doit se faire par semaine.
Or M. [E] produit quant à lui les fiches de «'suivi hebdomadaire du temps de travail effectif'» concernant M. [H] (ses pièces n°29 à 32), lesquelles ne font apparaître aucun dépassement des heures de travail au regard des dispositions contractuelles.
Le salarié doit en conséquence être débouté de toutes ses demandes ainsi que des congés payés afférents, le jugement étant infirmé sur ce point.
Compte tenu de ce qui précède, M. [H] sera également débouté de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé, le jugement étant confirmé sur ce point.
***
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation, M. [H] soutient que la prise d'acte est justifiée par :
- l'absence de paiement des heures supplémentaires,
- la mise en danger de salarié en l'absence de visite médicale nécessaire pour la conduite des engins de chantier, en contravention avec les dispositions de l'article R4323-56 du code du travail.
Pour confirmation, M. [E] soutient que les griefs invoqués par M. [H] à l'appui de sa prise d'acte ne sont que des prétextes dans la mesure où le salarié voulait quitter son emploi pour démarrer de nouveaux projets professionnels depuis le mois de novembre 2018, date à laquelle il avait demandé par écrit à son employeur pour la première fois une rupture conventionnelle de son contrat de travail, que le grief tenant au non-paiement d'heures supplémentaires est injustifié, que le grief tenant à l'absence de visite par le médecin du travail est fabriqué de toute pièce, M. [E] n'ayant appris qu'en juin 2019 qu'un suivi médical renforcé s'imposait pour la conduite de certains engins et organisé dès cette date dans les meilleurs délais les visites de ses salariés, dont celle de M. [H] qui était fixée au 9 juillet 2019, que cette question était donc sur le point d'être régularisée à la date de la prise d'acte de M. [H], que ce grief ancien n'avait en tout état de cause pas empêché jusque-là la poursuite du contrat de travail et ne peut justifier une prise d'acte.
En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
En l'espèce, la lettre recommandée du 9 juillet 2019 (pièce n°16 du salarié) adressée par M. [H] à M. [E], qui ne fixe pas les limites du litige, est ainsi motivée :
«'Depuis plusieurs mois (2016), je constate plusieurs manquements à vos obligations légales ou conventionnelles, notamment':
- que mes heures supplémentaires, qu'elles soient justifiées par la suite des chantiers ou le temps de déchargement, ne sont pas payées,
- en dehors de ces heures, le temps de déplacement, justifié par le trajet 'chantier-dépôt' aller -retour, n'est pas indemnisé [']
- enfin que vous m'avez sollicité, au moyen d'une «'attestation'» pour utiliser un engin de chantier nécessitant l'autorisation du médecin du travail sans que j'aie rencontré ce même médecin du travail.
Ces éléments, comme bien d'autres, ont fait l'objet de plusieurs demandes ou de rencontres.
Le calendrier ci-dessous illustre parfaitement ma persévérance': [...]
[suivent une liste de dates entre le 23 mars 2018 et le 20 mars 2019 en lien avec des demandes individuelles ou collectives concernant les heures supplémentaires et les temps de déplacement]
- 28 mars 2019': Attestation de l'employeur autorisant la conduite de la mini pelle sous couvert du Docteur [O] [G] qui ne m'a jamais rencontré pour accorder cette autorisation.
- 08 avril 2019': 2eme lettre recommandée pour rupture conventionnelle.
- Réponse orale': refus de votre part.
- 11 juin 2019': 3eme lettre recommandée demande de rupture conventionnelle avec menace de prise d'acte en lien avec l'absence de paiement des heures supplémentaires.
- À ce jour, soit le 9 juillet 2019, aucune réponse de votre part.
Je constate que, suite à ces différentes sollicitations, aucune mesure correctrice n'a été apportée.
L'ensemble de ces éléments, et surtout votre volonté récurrente de ne pas y apporter de solution, constituent des manquements suffisamment graves qui empêchent la poursuite du contrat.
Enfin, malgré les demandes répétées, votre refus de régler les heures supplémentaires, quel qu'en soit l'objet, est récurrent, ce qui acte de votre volonté de vous soustraire à vos [obligations].
[Suivent les dispositions des articles L8221-5 et L8223-1 du code du travail]
En vertu des éléments exposés ci-dessus, je considère que la prolongation du contrat de travail devient impossible de votre fait, ce qui n'exclue [sic] en rien la nécessité de solder le contentieux en lien avec les divers points soulevés dont les heures supplémentaires.
En conséquence je vous demande de prendre acte de la rupture de cotre relation contractuelle ['].'»
Il ressort des termes de ce courrier, ainsi que des précédents courriers notamment celui du 7 juin 2019 précité (pièce n°15 de l'appelant) qu'aucune demande n'a été formulée entre le 28 mars et le 9 juillet 2019 concernant l'absence de visite médicale préalable à l'autorisation de conduite (pièces n°13) délivrée par l'employeur et que ce grief n'a jamais été évoqué par le salarié avant cette date du 9 juillet 2019.
Or il ressort des pièces produites par l'employeur qu'une visite par le médecin du travail était prévue pour M. [H], précisément à la date du 9 juillet 2019, à laquelle il ne s'est pas présenté sans justifier du motif (pièce n°24)'et que d'autres salariés de l'entreprise se sont vu délivrer des autorisations de conduite en octobre 2019 après des visites du médecin du travail effectuées entre le 8 et le 15 juillet 2019 (pièces n°25 à 28). C'est ainsi à juste titre que l'employeur indique que ce manquement aux dispositions de l'article R4323-56 du code du travail dans leur version applicable depuis le 1er janvier 2017 était sur le point d'être corrigé.
Ces faits n'ayant pas rendu impossible la poursuite du contrat de travail ne suffisent pas à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail au 9 juillet 2019.
S'agissant du défaut de paiement d'heures supplémentaires, il résulte de ce qui précède que ce grief n'est pas établi, de sorte qu'il ne peut constituer un manquement grave de la part de l'employeur ni donc un motif de rupture des relations contractuelles.
Les griefs avancés par M. [H] n'étant pas établis ou pas de nature à avoir rendu impossible la poursuite du contrat de travail à la date du 9 juillet 2019 dans les circonstances rapportées, sa prise d'acte doit produire les effets d'une démission.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de ses demandes relatives à la rupture du contrat.
Sur les dommages et intérêts sollicités par l'employeur
Lorsque la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission, le salarié peut-être condamné à indemniser l'employeur pour non-respect du préavis.
Il ressort en l'espèce des pièces produites qu'à la suite du courrier du 9 juillet 2019 précité de M. [H], M. [E] lui a adressé notamment un bulletin de salaire pour le mois de juillet 2019, un reçu pour solde de tout compte et un certificat de travail (pièces n°18, 19 de l'intimé) faisant figurer une date de fin de contrat et une date de sortie des effectifs au 10 juillet 2019 correspondant à la date de la réception du courrier de son salarié, de sorte que l'employeur, qui a pris acte de la rupture du contrat a également dispensé le salarié de l'exécution de son préavis, de sorte que M. [E] ne peut prétendre à aucune indemnité compensatrice pour ce préavis non effectué. L'employeur, qui formule sa demande au titre de dommages et intérêts, ne démontre par ailleurs l'existence d'aucun abus de la part de son salarié ni d'aucun préjudice en résultant pour lui.
M. [E] sera débouté de ce chef de demande sur laquelle les premiers juges avaient omis de statuer.
Sur les frais irrépétibles
L'équité et la situation économique respective des parties ne justifient pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
DECLARE irrecevables commes nouvelles les demandes formées par M. [H] tendant à « condamner l'entreprise [E] à supporter la charge totale des indemnités de chômage non perçues par Mr [F] [E] à défaut d'intervention de POLE EMPLOI » et à « juger que l'entreprise [E] devra compenser l'absence d'indemnité de chômage à percevoir par Mr [H] sur un an, soit la somme de 14.136 € »,
DECLARE recevable les autres demandes formées par M. [H],
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [E] à verser à M. [H] certaines sommes au titre des heures supplémentaires de chantier, des heures supplémentaires de déchargement et des heures supplémentaires de déplacement 'conducteur',
CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions,
Et y ajoutant,
DÉBOUTE M. [E] de sa demande de dommages et intérêts,
DEBOUTE les parties de leurs demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [H] aux entiers dépens d'appel,
DEBOUTE les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.