8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°209
N° RG 20/02052 -
N° Portalis DBVL-V-B7E-QST5
S.A. SECURITE PROTECTION
C/
- M. [N] [C]
- S.A. SERIS SECURITY
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Gaëlle VIZIOZ
- Me Cédric BEUTIER
- Me Jean-David CHAUDET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Mars 2023
devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
****
APPELANTE et intimée à titre incident :
La S.A. SECURITE PROTECTION prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Ayant Me Gaëlle VIZIOZ, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et Me Catherine MENANTEAU, Avocat au Barreau d'ANGERS, pour conseil
INTIMÉ et appelant à titre incident :
Monsieur [N] [C]
né le 16 Octobre 1966 à [Localité 4] (72)
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Cédric BEUTIER, Avocat au Barreau de NANTES
.../...
AUTRE INTIMÉE
La S.A.S. SERIS SECURITY prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Sandrine VIVIER substituant à l'audience Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Marilia DURAND, Avocat plaidant du Barreau de NANTES
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La SA SECURITE PROTECTION a pour activité la surveillance et le gardiennage.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er mars 2013 avec reprise d'ancienneté au 27 juillet 2009, la SA SECURITE PROTECTION a engagé M. [N] [C] en qualité de chef d'équipe des services de sécurité incendie, statut agent de maîtrise, niveau 1, échelon 1, coefficient 150, sur le site du [Adresse 6] à [Localité 5].
La relation contractuelle est régie par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, étendue par arrêté du 25 juillet 1985.
M. [C] a été en arrêt maladie, puis a repris à mi-temps thérapeutique pour la période du 30 septembre 2017 au 28 février 2018.
La SA SECURITE PROTECTION a perdu le marché de gardiennage du [Adresse 6] au profit de la SAS SERIS SECURITY. Cette reprise est devenue effective à compter du 1er février 2018.
Conformément à la convention collective, M. [C] a été convoqué à un entretien en vue de la reprise de son contrat.
Un courrier du 25 janvier 2018 l'a informé qu'il ne remplissait pas les conditions conventionnelles.
Le 29 janvier 2018, M. [C] et son conseil informaient la SAS SERIS SECURITY qu'ils estimaient les conditions conventionnelles du transfert remplies.
Le 15 février 2018, la SAS SERIS SECURITY a maintenu son refus de reprendre le contrat de M. [C].
La SA SECURITE PROTECTION a remis à M. [C] ses documents de fin de contrat datés du 5février 2018, avec une rupture de contrat fixé au 31 janvier 2018.
Le 2 mars 2018, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes en la forme des référés des demandes suivantes :
' Ordonner à la SAS SERIS SECURITY la reprise du contrat de travail de M. [C] sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du prononcer de l'ordonnance à intervenir ;
' Condamner la SAS SERIS SECURITY à verser à M. [C] la somme de 1.846,05 € à titre de salaire pour le mois de février 2018 ;
' Condamner la SAS SERIS SECURITY à verser à M. [C] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par une ordonnance du 5 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Nantes a débouté M. [C] de l'intégralité de ses demandes.
Le 13 septembre 2018, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
' Fixer la rémunération moyenne à hauteur 1.758,30 € bruts ;
' Constater qu'il remplissait les conditions prévues par l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel de la convention collective de prévention et de sécurité, en vue du transfert conventionnel de son contrat de travail auprès de la SAS SERIS SECURITY,
' Dire et juger que le refus de la reprise du contrat de travail par la SAS SERIS SECURITY est injustifié,
' Condamner la SAS SERIS SECURITY à verser une indemnité de 42.396,68 € nets à ce titre,
En tout état de cause,
' Dire et juger que la rupture du contrat de travail par la SA SECURITE PROTECTION s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
' Condamner la SA SECURITE PROTECTION à verser :
- 1.758,30 € net d'indemnité pour licenciement irrégulier,
- 5.274,90 € brut d'indemnité compensatrice de préavis,
- 527,49 € brut de congés payés afférents,
- 3.736,39 € net d'indemnité légale de licenciement,
- 21.099,60 € net de CSG/CRDS d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 10.000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail,
' Condamner solidairement les sociétés défenderesses au versement d'une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' Condamner solidairement les sociétés défenderesses aux dépens.
La cour est saisie d'un appel formé le 6 avril 2020 par la SA SECURITE PROTECTION à l'encontre du jugement prononcé le 6 mars 2020 par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :
' Constaté que les conditions prévues par l'accord du 28 janvier 2001 étaient remplies par M. [C] mais que le refus de la reprise du contrat de travail par la société entrante, la SAS SERIS SECURITY, était justifié,
' Dit que la rupture du contrat de travail à l'initiative de la SA SECURITE PROTECTION s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' Condamné la SA SECURITE PROTECTION à verser à M. [C] les sommes suivantes :
- 14.066,40 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5.274,90 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 527,49 € brut au titre des congés payés afférents,
- 3.736,39 € net au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat,
' Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité pour les sommes à caractère salarial et à compter de la notification du jugement pour celles à caractère indemnitaires,
' Condamné la SA SECURITE PROTECTION à verser à M. [C] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' Ordonné l'exécution provisoire du jugement pour la totalité des condamnations et fixé le salaire moyen de référence à la somme de 1.758,30 €,
' Débouté M. [C] du surplus de ses demandes,
' Débouté les parties défenderesses de leurs demandes reconventionnelles,
' Condamné la SA SECURITE PROTECTION aux dépens éventuels.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 2 juin 2020, suivant lesquelles la SA SECURITE PROTECTION demande à la cour de :
La déclarant recevable et bien fondée,
Y faisant droit,
' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- constaté que les conditions prévues par l'accord du 28 janvier 2001 étaient remplies par M. [C] mais que le refus de la reprise du contrat de travail par la société entrante SAS SERIS SECURITY était justifié,
- dit que la rupture du contrat de travail à l'initiative de la SA SECURITE PROTECTION s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SA SECURITE PROTECTION à verser à M. [C] les sommes suivantes :
- 14.066,40 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5.274,90 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 527,49 € brut au titre des congés payés afférents,
- 3.736,39 € net au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat,
- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SA SECURITE PROTECTION de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la SA SECURITE PROTECTION aux dépens éventuels,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
' Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [C] comme non fondées,
A titre subsidiaire,
' Condamner la SAS SERIS SECURITY à garantir la SA SECURITE PROTECTION de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, au titre des réclamations de M. [C], tous chefs de demandes confondues,
En tout état de cause,
' Condamner solidairement la SAS SERIS SECURITY ainsi que M. [C] au paiement de la somme de 6.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 6 août 2020, suivant lesquelles la SAS SERIS SECURITY demande à la cour de :
' Dire l'appel incident recevable et bien fondé,
' Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nantes en ce qu'il a :
- constaté que le refus de reprise du contrat de travail par la SAS SERIS SECURITY était justifié,
- dit que la rupture de contrat à l'initiative de la SA SECURITE PROTECTION s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SA SECURITE PROTECTION aux paiements des sommes dues,
' Réformer le jugement rendu en ce qu'il a débouté la SAS SERIS SECURITY de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre d'une procédure abusive de M. [C],
En conséquence,
' Constater l'aveu judiciaire de M. [C] imputant l'absence de transfert aux manquements exclusifs de la SA SECURITE PROTECTION,
' Constater le non-respect des dispositions de l'accord du 28 janvier 2011 par la SA SECURITE PROTECTION,
' Débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
' Réduire à titre subsidiaire, les demandes de M. [C] à de plus justes proportions,
' Débouter la SA SECURITE PROTECTION de :
- l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- sa demande de garantie de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre,
' Condamner M. [C] à verser à la SAS SERIS SECURITY la somme de 3.000€ pour action abusive,
' Condamner la SA SECURITE PROTECTION à payer une somme de 5.000 € à la SAS SERIS SECURITY au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' Condamner la SA SECURITE PROTECTION aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 18 juillet 2022, suivant lesquelles M. [C] demande à la cour de :
' Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- constaté qu'il remplit les conditions posées par l'accord du 28 janvier 2001 pour prétendre au transfert de son contrat de travail auprès de la SAS SERIS SECURITY,
- dit que la rupture du contrat à l'initiative de la SA SECURITE PROTECTION s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SA SECURITE PROTECTION à verser à M. [C] les sommes de :
- 5.274,90 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 527,49 € bruts à titre de congés payés afférents,
- 3.736,39 € bruts à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat,
- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- fixé son salaire de référence à hauteur de 1.758,30 € bruts,
- condamné la SA SECURITE PROTECTION aux entiers dépens,
- assorti les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les sommes de nature salariale et à compter de la notification du jugement pour le surplus,
' Réformer le jugement quant au quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 21.099,60 € net de CSG-CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le refus de la reprise du contrat de travail par la société entrante, la SAS SERIS SECURITY, était justifié,
Et statuant à nouveau,
' Dire et juger que le refus de la reprise de son contrat de travail par la SAS SERIS SECURITY est injustifié,
' Condamner la SAS SERIS SECURITY à lui verser la somme de 42.396,68 € net,
' Condamner in solidum la SAS SERIS SECURITY et la SA SECURITE PROTECTION à la somme de 5.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' Condamner in solidum la SAS SERIS SECURITY et la SA SECURITE PROTECTION aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 février 2023.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la non reprise du contrat de travail par la société SERIS SECURITY
Il n'est pas contesté que le litige intervient à l'occasion de la perte d'un marché entre entreprises de sécurité pour laquelle la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 comporte un dispositif de transfert conventionnel des contrats de travail du personnel affecté sur le marché en cause, régi par l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel.
L'article 2.3.1. de cet avenant définit des obligations à la charge des entreprises entrante et sortante. Il dispose :
'Obligations à la charge de l'entreprise sortante
Dans les 10 jours ouvrables à compter de la date où l'entreprise entrante s'est fait connaître, l'entreprise sortante adresse par courrier recommandé à l'entreprise entrante la liste du personnel transférable selon les critères visés à l'article 2.2 ci-dessus.
En parallèle, l'entreprise sortante adresse aux salariés concernés un courrier les informant qu'ils sont susceptibles d'être transférés. Ce courrier doit obligatoirement mentionner la date à laquelle l'entreprise entrante s'est fait connaître à l'entreprise sortante ainsi que la date prévisionnelle du transfert. Elle informe également par courrier le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, de ce transfert ainsi que des dates précédemment mentionnées, en y joignant copie du courrier de l'entreprise entrante et en lui communiquant les éléments permettant de circonscrire le périmètre sortant en termes d'effectifs.
Passé le délai de 10 jours et après mise en demeure par l'entreprise entrante par lettre recommandée avec avis de réception, restée sans suite dans les 48 heures ouvrables, celle-ci pourra refuser de reprendre le personnel qui restera alors au sein de l'entreprise sortante.
Cette liste, établie conformément au modèle en annexe sera transmise concomitamment sous format papier et électronique accompagnée pour chacun des salariés concernés :
- d'une copie de la pièce d'identité du salarié ;
- de son numéro de carte professionnelle ou, à défaut, du numéro de récépissé de demande de carte professionnelle ;
- d'une copie du contrat de travail et de ses avenants ;
- d'une copie des 13 derniers bulletins de paie, ou des 17 derniers bulletins de paie pour les salariés vulnérables s'étant vus délivrer un certificat d'isolement ;
- d'une copie des plannings individuels des 13 derniers mois ou de tous autres éléments démontrant l'affectation au périmètre sortant sur cette période, ou des 17 derniers mois pour les salariés vulnérables s'étant vus délivrer un certificat d'isolement ;
- copie des diplômes et certificats nécessaires à l'exercice de l'emploi dans le périmètre sortant ;
- copie du dernier avis d'aptitude de la médecine du travail.
À cette occasion, l'entreprise sortante communique également à l'entreprise entrante la liste des salariés absents en précisant pour chacun d'eux la nature de l'absence et le cas échéant notamment celui des absences pour congés, la date prévue de retour.
L'entreprise entrante accuse réception de cette liste et des pièces jointes dans les 5 jours ouvrables suivant la réception en mentionnant avec précision les pièces éventuellement manquantes. L'entreprise sortante transmet par tous moyens, y compris électroniques, les pièces manquantes dans les 48 heures ouvrables.
À défaut de transmission dans les délais de l'intégralité des éléments énumérés ci-dessus pour un salarié donné, l'entreprise entrante pourra refuser le transfert de ce salarié, que l'entreprise sortante devra reclasser en lui conservant les mêmes classification et rémunération.
À compter de la notification par l'entreprise entrante prévue à l'article 2.1, l'entreprise sortante s'interdit, pour les salariés transférables, de procéder à une quelconque modification contractuelle et notamment concernant des éléments de statut et de rémunération, à l'exception de celles qui résulteraient d'une obligation légale ou d'un accord collectif d'entreprise ou de branche'.
Cet article prévoit également :
'b) Pièces à fournir pour chacun des salariés concernés
La liste nominative du personnel transférable est accompagnée pour chacun des salariés :
- d'une copie de la pièce d'identité du salarié ;
- de son numéro de carte professionnelle ou, à défaut, du numéro de récépissé de demande de carte professionnelle ;
- d'une copie de ses agréments nécessaires à l'exercice de l'activité de sûreté au sein du périmètre de l'aviation civile ;
- d'une copie du contrat de travail et de ses avenants (cette disposition doit s'entendre comme une obligation pour l'entreprise sortante d'adresser à l'entreprise entrante tous les éléments en sa possession permettant de prouver l'existence de la relation de travail avec le salarié et d'attester des éléments de sa rémunération. L'absence de transmission du contrat de travail initial du salarié qui peut avoir été perdu en raison des transferts de marchés successifs ' ne peut donc, par exemple, constituer un motif de refus de transfert) ;
- d'une copie des bulletins de paie des 6 mois précédant la date de transmission de la liste nominative à l'entreprise entrante ;
- d'une copie des plannings des 6 mois précédant la date de transmission de la liste nominative à l'entreprise entrante ainsi que des plannings prévisionnels courant de la date de transmission de la liste jusqu'à la date théorique de transfert ;
- d'une copie des diplômes et certificats nécessaires à l'exercice de l'emploi dans le périmètre sortant ;
- d'une copie de la dernière attestation de suivi de la visite d'information et de prévention (accompagnée, le cas échéant, de la fiche faisant état des propositions de mesures individuelles d'aménagement du poste de travail)'.
Par ailleurs, selon l'article 1383-2 du code civil, l'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté, il fait foi contre celui qui l'a fait et est irrévocable, sauf en cas d'erreur de fait.
En l'espèce, la SAS SERIS SECURITY n'a pas souhaité reprendre le contrat de travail de M. [C]. Dans le cas d'un transfert conventionnel, en l'absence de transfert intervenant dans les conditions de l'article L.1224-1 du code du travail, il en résulte que le transfert du contrat de travail ne s'est pas opéré et que cette société n'est pas devenue l'employeur du salarié. En l'absence de concertation frauduleuse entre les deux sociétés, sortante et entrante, pour faire échec au transfert conventionnel du contrat de travail, la seule voie possible pour le salarié non repris contre l'entreprise entrante est l'action en indemnisation de son préjudice résultant d'un refus fautif de reprise de son contrat de travail.
Au cas particulier, il ressort des conclusions de première instance de M. [C], versées à la présente procédure d'appel, que ce dernier a indiqué en page 11 de celles-ci :
' Outre le fait d'avoir été privé de la possibilité, en raison des dysfonctionnements imputables à la société SECURITE PROTECTION, de poursuivre ses fonctions sur le site du [Adresse 6], le salarié s'est vu rompre son contrat sans motif, ni procédure de licenciement'.
De même, page 12 de ses conclusions, M. [C] poursuit :
'En effet, alors que Monsieur [N] [C] était censé poursuivre ses fonctions sur le site du [Adresse 6] dans le cadre de son contrat de travail qu'il détenait depuis plus de 8 ans, ce dernier s'est non seulement rendu compte qu'il ne pourrait prétendre à poursuivre ses fonctions sur ce marché en raison des erreurs commises par la société SECURITE PROTECTION, mais surtout qu'il s'était vu rompre son contrat de travail, sans autre formalité'.
La cour observe que M. [C] a reconnu sans ambiguïté, par voie de conclusions, que la non reprise de son contrat de travail était imputable exclusivement à la SA SECURITE PROTECTION ce qui constitue un aveu judiciaire. Il n'est donc pas fondé à solliciter des dommages et intérêts à l'encontre de la SAS SERIS SECURITY pour la non reprise de son contrat de travail.
Le jugement sera donc confirmé à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences
En premier lieu, la mention « contrat de chantier » figurant sur l'attestation la SA SECURITE PROTECTION du 5 février 2018 destinée à Pôle emploi est erronée, le contrat litigieux étant un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun.
En second lieu, alors que le contrat de travail de M. [C] n'avait pas été transféré, la SA SECURITE PROTECTION a pris l'initiative de le rompre, sans procédure de licenciement, en délivrant au salarié notamment l'attestation destinée à Pôle emploi.
Il s'ensuit que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés afférente et d'indemnité légale de licenciement, pour des montants non autrement contestés.
La SA SECURITE PROTECTION comptant plus de dix salariés, M. [C], qui avait plus de deux ans d'ancienneté, a droit à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige.
Au moment de la rupture, M. [C], âgé de 52 ans, comptait plus de 12 ans d'ancienneté, compte tenu de la reprise de son contrat de travail par la SA SECURITE PROTECTION. Il justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'en janvier 2019.
En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 1.758,30 €.
Au vu de cette situation, du montant de la rémunération et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d'évaluer son préjudice à 17.000 €. Le jugement sera réformé à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et pour rupture brutale et vexatoire
M. [C] formule dans ses conclusions une prétention relative à des dommages intérêts à hauteur de 10.000 € articulée en deux moyens : d'une part, un manquement à l'obligation de loyauté de l'employeur dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et d'autre part, des circonstances brutales et vexatoires de rupture. Il s'agit d'une demande chiffrée globale sans distinction en fonction des moyens avancés.
La cour relève qu'en soulignant les circonstances dans lesquelles l'employeur a mis fin à son contrat de travail sans aucune procédure de licenciement et en cessant de lui fournir une activité, M. [C] rapporte l'existence de conditions déloyales, brutales et vexatoires entourant son licenciement par la SA SECURITE PROTECTION.
En revanche sur son préjudice la cour relève que le salarié ne produit aucun élément de nature à démontrer l'existence et l'étendue d'un préjudice occasionné par ce manquement, distinct de celui résultant de la rupture de son contrat de travail.
Dans ces conditions, la demande de M. [C] n'est pas fondée.
En conséquence, la cour infirme le jugement déféré.
Sur la demande de garantie formée par la SA SECURITE PROTECTION à l'encontre de la SAS SERIS SECURITY
Pour voir retenir qu'elle devrait être condamnée in solidum avec la société entrante, la société sortante fait valoir que la SAS SERIS SECURITY a commis une faute délictuelle ou quasi délictuelle. La société sortante expose que le transfert du contrat du salarié aurait dû avoir lieu au profit de la société entrante en ce que les conditions liées au caractère transférable du contrat étaient réunies.
Elle ajoute qu'il appartenait au premier juge de rechercher si, en ne respectant pas les obligations mises à sa charge par l'avenant du 28 janvier 2011 à l'égard du salarié concerné par le changement de prestataire, la SA SERIS SECURITY ne lui avait pas causé un préjudice né de l'obligation de maintien du contrat de M. [C] non transféré et de la nécessité induite de rupture de son contrat.
Pour confirmation à ce titre, la SAS SERIS SECURITY réplique que c'est à juste titre que le Conseil des prud'hommes a considéré qu'il n'était pas compétent d'une action entre les deux sociétés.
L'article 2-3-1 de l'accord du 28 janvier 2011 précité prévoit le transfert conventionnel des contrats de travail en cas de perte de marché et organise les modalités en imposant une liste d'obligations à l'entreprise sortante dans la communication des éléments relatifs aux salariés dans des délais contraints.
Il sera rappelé que le non-respect de ce processus tant sur le pièces que sur les délais par l'entreprise sortante ne permet pas à l'entreprise entrante d'apprécier ses obligations vis-à-vis des salariés à reprendre.
En l'espèce, par courrier du 21 décembre 2017, la SAS SERIS SECURITY informait la SA SECURITE PROTECTION de la reprise du marché du site [Adresse 6].
Par courrier reçu le lundi 8 janvier 2018, soit postérieurement au délai de 10 jours ouvrable exigé par l'accord précité, la SA SECURITE PROTECTION transmettait à la SAS SERIS SECURITY la liste des salariés transférables et les documents suivants relatifs à M. [C] :
- le contrat de travail à temps complet du 1er octobre 2012 ,
- une attestation d'entretien infirmier du 17 janvier 2017,
- les bulletins de paie de février 2017 à novembre 2017,
- les plannings de travail pour la période d'avril 2017 à décembre 2017,
- la carte d'identité recto/verso ;
- le courrier du CNAPS mentionnant le numéro de carte professionnelle
- le DUE ;
- le justificatif de formation SSIAP 2, BE man'uvre, attestation SST.
Par mail du 9 janvier 2018, la SAS SERIS SECURITY mettait en demeure, conformément aux dispositions conventionnelles, la SA SECURITE PROTECTION de lui transmettre concernant M. [C] les documents manquants suivants :
- la pièce d'identité en cours de validité,
- le salaire du mois de décembre 2017,
- la fiche d'aptitude (mi-temps thérapeutique).
Il ressort des pièces du dossier que ce n'est que le 16 janvier 2018 que la SA SECURITE PROTECTION a remis à la SA SERIS SECURITY un avis d'aptitude de M. [C] avec restrictions médicales du 7 septembre 2017 précisant : ' Reprise du travail en horaires de jour, sans travail le week-end, sans manutention de charges lourdes. A revoir dans 6 mois'.
Force est de constater que la SA SECURITE PROTECTION alors qu'elle disposait d'un délai de 48 heures pour transmettre les documents manquants n'a pas respecté les délais et l'intégralité des demandes de l'entreprise entrante notamment l'avenant relatif au temps partiel de M. [C], de sorte qu'elle s'est exposée à l'absence de reprise du salarié, conformément à l'article 2-3-1 de l'accord du 28 janvier 2011 prévoyant le transfert conventionnel des contrats de travail en cas de perte de marché.
Dans ces conditions, la SAS SERIS SECURITY n'a commis aucune faute.
Dès lors, la SA SECURITE PROTECTION ne peut se plaindre d'aucun préjudice résultant des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. [C] qui serait la conséquence d'une faute de la SAS SERIS SECURITY.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SA SECURITE PROTECTION de sa demande en garantie.
Sur le remboursement des indemnités Pôle Emploi
Suivant l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas de nullité du licenciement prévus aux articles L.1132-4 (discrimination), L. 1134-4 (action du salarié fondée sur les dispositions du principe de non discrimination), L.1144-3 (égalité professionnelle hommes/femmes), L.1152-3 (harcèlement moral), L.1153-4 (harcèlement sexuel) et lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la SA SECURITE PROTECTION à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à M. [C] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de quatre mois d'indemnités.
Sur l'anatocisme
En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande du salarié.
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Sur la procédure abusive
La SAS SERIS SECURITY ne justifie pas d'un préjudice qui lui aurait été causé en raison de la procédure suivie par M. [C]. Le seul fait que les prétentions de ce dernier ne soient pas accueillies ne peut suffire à caractériser un quelconque abus de son droit à ester en justice.
Le jugement sera confirmé en ce que la société SAS SERIS SECURITY a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SA SECURITE PROTECTION, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.
Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande en revanche de la condamner, sur ce même fondement juridique, à payer à M. [C] une indemnité d'un montant de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
De même, l'équité commande de débouter la SAS SERIS SECURITY de ses demandes d'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME partiellement le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
DEBOUTE M. [N] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et pour rupture brutale et vexatoire,
CONDAMNE la SA SECURITE PROTECTION à verser à M. [N] [C] la somme de 17.000 € net à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,
RAPPELLE qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce,
ORDONNE la capitalisation des intérêts,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
CONDAMNE la SA SECURITE PROTECTION à rembourser aux organismes concernés les éventuelles indemnités de chômage payées à M. [N] [C] dans la limite de quatre mois d'indemnités ;
CONDAMNE la SA SECURITE PROTECTION à verser à M. [N] [C] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement,
DÉBOUTE la SAS SERIS SECURITY de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA SECURITE PROTECTION aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.