3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°.
N° RG 21/01171 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RL4O
S.A.S. ALL SUN
C/
M. [A] [N]
M. [S] [E]
M. [U] [W]
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Eric DEMIDOFF
Me Sébastien HAREL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur
GREFFIER :
Madame Lydie CHEVREL, lors des débats, et Madame Morgane LIZEE, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Mars 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. ALL SUN, immatriculée au RCS d'EVREUX sous le n°528 965 403, représentée par M. [M] [P] en sa qualité de président en exercice
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Sébastien HAREL de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Corinne PILLET de la SCP IFL Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [A] [N]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [S] [E]
né le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [U] [W]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
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La société ALL SUN, société par actions simplifiée au capital de 4.500.000 euros, représentée par Monsieur [M] [P], est la société holding d'un groupe de sociétés développant leurs activités dans le négoce de produits céréaliers.
Messieurs [W], [N] et [E] sont les associés majoritaires et les mandataires sociaux de la société FIT, société par actions simplifiée au capital de 772 800 euros disposant d'une expertise reconnue sur le marché des produits laitiers, notamment à l'exportation.
Le 15 juillet 2019, la société ALL SUN a signé avec Messieurs [W], [N] et [E], associés de la société FIT, une lettre d'intention ayant pour objet la prise de contrôle de la société FIT pour diversifier ses activités sur le marché laitier et proposer aux acteurs de ce marché un ensemble de prestations de services visant à maitriser le risque « prix ».
La lettre d'intention du 15 juillet 2019 était accompagnée d'une offre d'acquisition de la totalité des titres de la société FIT détenus par Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] et stipulait l'exclusivité des négociations en faveur de la société ALL SUN jusqu'au 22 octobre 2019.
Le prix d'acquisition de l'intégralité des titres de la société FIT était formulé sur la base d'une valeur estimative et non définitive de la société ALL SUN à la date de la lettre d'intention du 15 juillet 2019 fixée à 12.500.000 euros.
Cette valeur avait été déterminée sur la base des bilans comptables de la société FIT pour les trois derniers exercices et sur le bilan comptable détaillé pour l'année 2018, transmis par les cédants, à partir desquels avait été fixé un EBITDA normatif moyen pondéré de 2.500.000 euros sur les exercices 2015 à 2018 assorti d'un multiple de 5 x EBITDA pour déterminer la valeur de la société.
Les comptes de référence choisis entre les parties étaient les comptes pour l'exercice clos le 31 décembre 2018.
Au mois d'octobre 2019, les audits comptables diligentés par le conseil de la société ALL SUN, la société KPMG, ont révélé l'absence de dotation suffisante des provisions pour créance douteuse d'un montant de 2.593.000 euros au regard de l'EBITDA moyen pondéré de 2.500.000 euros.
Postérieurement à l'échéance de la lettre d'intention, un entretien a eu lieu le 28 octobre 2019 entre M. [P] et Monsieur [A] [N], consacré à la question des créances clients douteuses et à leur traitement.
A l'issue de cette réunion, les échanges entre Messieurs [P] et [N] se sont poursuivis.
Puis, les dirigeants de la société ALL SUN et de la société FIT se sont réunis le 22 novembre 2019 en vue d'un réajustement du prix de la cession des titres de la société FIT.
A la suite de cette réunion, Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] ont rompu les négociations et ont justifié par courrier du 05 décembre 2019 la rupture dans les termes suivants:
« Les conditions avancées ne nous conviennent tout simplement pas et nous restons parfaitement libres de ne pas les accepter et de ne pas poursuivre plus avant les négociations.
Nous avons pris le temps de discuter avec vous-mêmes et vos conseils d'éléments extrêmement lourds d'ajustement de prix, transmis très tardivement sans explication et rendant l'opération tout à fait inacceptable pour nous. »
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 janvier 2020, la société ALL SUN a mis en demeure les intimés de lui payer la somme de 79.280 euros HT au titre des frais de conseil engagés par elle pour la conduite des négociations et de l'audit comptable, correspondant aux honoraires d'avocat, aux prestations de la société KPMG et aux frais engagés par les collaborateurs et les consultants de la société ALL SUN.
Par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 février 2020, le Cabinet FIDAL, conseil des intimés, a notifié à la Société ALL SUN le refus de ses clients de l'indemniser des frais engagés pour la conduite des négociations et de l'audit comptable.
Par acte du 09 Juin 2020, la société ALL SUN a assigné Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] devant le Tribunal de commerce de Rennes aux fins de faire juger :
- d'une part, sur le fondement de l'article 1112 du Code civil qu'ils avaient manqué à leur obligation de bonne foi dans le déroulement des négociations justifiant de ce premier chef réparation, consistant en le remboursement des frais et des honoraires de conseil engagés pour les dues diligences et la rédaction de la lettre d'intention pour les besoins des négociations exclusives en vue de la cession de contrôle de la société FIT,
- d'autre part, sur le fondement de l'article 1112-1 du Code civil qu'ils avaient manqué à leur obligation précontractuelle d'information envers elle justifiant de ce second chef réparation consistant en l'indemnisation de la perte d'une chance de ne pas avoir, pendant la période d'exclusivité des négociations, pu mobiliser les ressources intellectuelles majeures de la société, dont Monsieur [M] [P], son Président, du coût interne de l'affectation de son directeur administratif et financier dans la recherche de bases de négociations différentes, qui auraient pu lui permettre d'acquérir les titres de la société FIT ou d'avoir pu affecter les moyens humains et financiers à d'autres taches et d'autres fins dans l'intérêt de la société ALL SUN.
Par jugement du 28 janvier 2020, le tribunal de commerce de Rennes a:
- dit et jugé que Messieurs [W], [N], [E] n'ont pas manqué à leur obligation précontractuelle envers la société ALL SUN,
- retenu la mauvaise foi de la société ALL SUN dans les négociations en vue de l'acquisition des titres de la société FIT,
- condamné la société ALL SUN à payer à Messieurs [W], [N], [E] la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts,
- condamné la société ALL SUN au paiement de la somme de 7.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société ALL SUN aux dépens.
Appelante de ce jugement, la société ALL SUN, par conclusions du 15 février 2023, a demandé que la Cour:
- déclare la société ALL SUN recevable en son appel du jugement rendu le 28 janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de Rennes,
- infirm le jugement du Tribunal de Commerce de Rennes en ce qu'il a jugé que Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] n'ont pas manqué à leur obligation précontractuelle d'information envers la société ALL SUN,
- infirme le jugement du Tribunal de Commerce de Rennes en ce qu'il a retenu la mauvaise foi de la société ALL SUN dans les négociations en vue de l'acquisition des
titres de la société FIT,
- infirme le jugement du Tribunal de Commerce de Rennes en ce qu'il a condamné la société ALL SUN à payer à Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
- infirme le jugement du Tribunal de Commerce de Rennes en ce qu'il a condamné la société ALL SUN à payer à Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- juge que Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] ont manqué de bonne foi dans la conduite des négociations et ont manqué à leur obligation précontractuelle d'information envers la société ALL SUN,
- rejette les fins, moyens et prétentions de Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E],
- condamen solidairement Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] à payer à la société ALL SUN la somme de 79.280 euros hors taxe représentative des frais et des honoraires de conseil engagés pour les dues diligences et la rédaction de la lettre d'intention du 15 juillet 2019,
- condamne solidairement Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] à régler à la société ALL SUN la somme de 10.000 euros hors taxe à titre de dommages et intérêts en réparation du coût interne de l'affectation de son directeur administratif et financier et de l'énorme investissement personnel de son Président, détournée de ses tâches habituelles.
- condamne solidairement Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] à payer à la société ALL SUN la somme de 50.000 euros hors taxe à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de la chance d'avoir pu mobiliser les ressources intellectuelles majeures de la société , dont Monsieur [M] [P], son Président, en vue de proposer une base de négociations différente en vue d'acquérir les
titres de la société FIT , ou, si le prix des titres n'avait pas été accepté, de ne pas avoir affecté les moyens humains et financiers à d'autres taches et d'autres fins dans l'intérêt de la société ALL SUN.
- condamne solidairement Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] à payer à la demanderesse, la somme de dix mille euros (10.000, 00) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamne solidairement Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] à payer à restituer à la société ALL SUN la somme de 17 500 euros qu'elle leur a payée au titre de l'exécution provisoire prononcée en première instance majorée de l'intérêt légal à compter de la date du paiement effectué.
- condamne solidairement Messieurs [U] [W], [A] [N] et [S] [E] aux entiers dépens dont le montant sera directement recouvré par Maître Sébastien HAREL conformément à l'Article 699 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 06 février 2023, Messieurs [N], [W] et [E] ont demandé que la Cour:
- confirme le jugement déféré
- déboute la société ALL SUN de ses demandes,
- la condamne à leur payer la somme de 10.800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamne aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION:
Les prétentions de la société ALL SUN:
La société ALL SUN fonde ses griefs à l'égard de Messieurs [N], [E] et [W] sur les dispositions des articles 1112 et 1112-1 du code civil.
Le grief tiré d'une violation des dispositions de l'article 1112-1 du code civil:
Les dispositions de l'article 1112-1 sont ainsi rédigées:
'Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, ce dernier ignore cette information ou fait confiance à son co-contractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la prestation.
Ont une importance déterminante les information qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les partie ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants'.
Les dispositions de l'article 1112-1 s'insèrent dans un chapitre du code civil intitulé 'la formation du contrat', dans une section intitulée 'la conclusion du contrat', dans un sous-section intitulée 'les négociations'.
Les relations entre les parties n'ont jamais dépassé le stade des négociations dans la mesure où le 15 juillet 2019, la société ALL SUN a signé avec Messieurs [W], [N] et [E] une 'lettre d'intention non engageante en vue de l'acquisition des actions de la société SAS FIT', que cette lettre est devenue caduque le 22 octobre 2019, que les parties ont poursuivi néanmoins leurs négociations et que Messieurs [W], [N] et [E] y ont mis fin le 05 décembre 2019.
La lettre d'intention 'non engageante' avait pour seul objet de définir les conditions de la négociation et ne constituait pas un engagement d'acquérir pour la société ALL SUN, non plus qu'un engagement de vendre pour Messieurs [W], [N] et [E].
Les dispositions de l'article 1112-1 du code civil décrivent les informations que chaque partie doit porter à la connaissance de l'autre avant la signature d'un contrat et une lettre d'intention 'non engageante' n'est pas un contrat au sens des dispositions précitées.
Elles visent à préciser, par une définition a contrario, ce que peut être la réticence dolosive d'un co-contractant, réticence dont les conséquences prennent effet le jour de la signature du contrat, par le vice atteignant le consentement de la partie qui a subi la rétention d'information déterminante.
Il en résulte que le délai durant lequel il devait être procédé à l'échange d'informations entre les parties était encore en cours à la date à laquelle les négociations ont été rompues, le terme du délai fixé par les dispositions de l'article 1112-1 étant implicitement celui de la signature de la convention à venir.
Les investigations approfondies entreprises par la société ALL SUN étaient prévues dès la signature de la lettre d'intention puisqu'il y était indiqué une réalisation des audits de due diligence avant le 11 octobre 2019.
Elles ont permis à la société ALL SUN de recoller l'ensemble des informations qu'elle reproche désormais aux intimés de ne pas lui avoir fournies et plus précisément celles relatives aux créances douteuses et aux provisions les concernant, puisque cet élément est au coeur de ses griefs.
Les échanges versés aux débats démontrent sur cette question des créances clients que:
- dès avant la signature de la lettre d'intention, la société ALL SUN a posé une question les créances douteuses: le 22 mars 2019, elle a demandé quel était le montant des créances douteuses au 31 décembre 2018 et leur provisionnement, et il lui a été répondu le 29 mars suivant: doublement du montant des créances douteuses et taux de provision de 34%;
- après la signature de la lettre d'intention, le 09 septembre 2019, la société ALL SUN a demandé que lui soit communiquée 'le détail des clients douteux par client pour les exercices 2017 et 2018" en précisant 'pouvez vous également détailler la politique de provisionnement et de dépréciation des clients douteux'', et la liste client par client, avec les caractéristiques des créances et la dépréciation ayant été appliquée lui a été adressée peu de temps après, dans le cadre de la data room,
- la société KPMG, mandatée par la société ALL SUN, a pu se livrer à toutes les investigations nécessaires pour conclure à l'issue de son rapport d'audit que le taux de dépréciation de 34% lui semblait insuffisant et que pour des raisons qu'elle détaillait, il lui semblait que devait être appliqué un taux moyen beaucoup plus important, allant jusqu'à 100% pour certaines créances.
Il n'entre pas dans la mission de la Cour de porter une appréciation sur le taux de dépréciation appliqué dans les comptes annuels aux créances douteuses, dans la mesure où ces comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes et qu'aucune des annexes ne contient le moindre avertissement quant à un provisionnement insuffisant.
En tout état de cause, l'argumentation développée par la société ALL SUN démontre à l'envie qu'elle a pu obtenir tous les renseignements nécessaires pour se faire sa propre opinion de l'état complet des créances douteuses, du taux de provision leur ayant été appliqué et en tirer toutes les conséquences qui lui semblaient nécessaires.
Dès lors, le grief tiré d'une inexécution par les cédants de leur obligation de transmission d'information n'est pas fondé.
Le grief tiré d'une violation des dispositions de l'article 1112 du code civil:
Les dispositions de l'article 1112 du code civil disposent que:
'L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi'.
La société ALL SUN fait grief à Messieurs [E], [N] et [W] d'avoir brutalement rompu les négociations.
Les étapes déterminantes de la négociation ont été les suivantes:
- juillet 2019, signature de la lettre d'intention aux termes de laquelle il était proposé que le prix payé soit calculé sur la base d'une valeur de la société de 12.500.000 euros; après qu'ait été déterminé un EBITDA moyen pondéré de 2.500 K€ sur les exercices 2015 à 2018, il était retenu un multiple de 5 EBITDA pour déterminer la valeur de la société; le protocole à venir devrait toutefois déterminer la définition contractuelle de l'EBITDA retenu par les parties dans le cadre de l'application de cette formule de détermination du prix,
- 09 octobre 2019: rapport d'audit de KMPG et questionnements sur les créances douteuses
- 22 octobre 2019: caducité de la lettre d'intention,
- 28 octobre 2019: réunion entre les parties sur les créances douteuses; des propositions sont à l'étude et notamment un rachat des créances douteuses par la holding des cédants,
- 19 novembre 2019: transmission aux cédants d'un tableau de retraitement de l'EBITDA normatif effectué par KMPG,
- 22 novembre 2019: réunion entre les parties aux termes de laquelle, sur la base de ce tableau et le prix proposé étant calculé par référence à l'EBITDA, la société ALL SUN offre un prix diminué à 10.000.000 d'euros,
- 05 décembre 2019: lettre de rupture des négociations de Messieurs [E], [W], [N] au motif que l'ajustement de prix proposé rend l'opération inacceptable et que les points de divergence sont désormais trop importants.
La rupture de pourparlers peut être qualifiée de fautivement brutale lorsque, alors que les parties convergeaient depuis un certain temps vers un accord et qu'il semblait que rien ne s'opposerait à sa signature, une partie rompt les négociations.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, une divergence importante relative à la valeur de la société étant apparue dès le 19 octobre 2019 , à la transmission du tableau de retraitement de l'EBITDA réalisé par la société KPMG.
Les cédants ont pris le temps de réfléchir aux différentes propositions de la société ALL SUN (rachat des créances), ont accepté de continuer à négocier malgré la caducité de la lettre d'intention et ont fini par prendre acte, plus d'un mois plus tard, des divergences qui s'étaient creusées, mises en exergue le 22 novembre suivant par une offre de prix inférieure de près de 20% à l'offre initiale.
Dès lors, la rupture des négocations ne peut être considérée comme fautive et le grief n'est pas fondé.
8
En conséquence de ce qui précède, la société ALL SUN est déboutée de toutes ses prétentions et le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur les prétentions de Messieurs [N], [E], [W]:
Messieurs [N], [E] et [W] considèrent que la société ALL SUN a fait preuve de mauvaise fois dans la conduite des pourparlers de cession.
Une telle analyse ne peut être partagée, les divergences survenues entre les parties étant la simple conséquence des échanges d'informations normaux survenus durant le processus de négociations, étant rappelé que la lettre d'intention ne constituait pas une offre de prix définitive et que les négocations sont libres.
La demande est rejetée et le jugement infirmé de ce chef.
Les frais irrépétibles et les dépens:
La sociét ALL SUN, qui succombe, est condamnée aux dépens d'appel et paiera aux intimés, ensemble, la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société ALL SUN à payer des dommages et intérêts à Messieurs [N], [E] et [W].
Statuant à nouveau:
Déboute Messieurs [N], [E] et [W] de leur demande de dommages et intérêts.
Confirme pour le solde le jugement déféré.
Condamne la société ALL SUN aux dépens d'appel.
Condamne la société ALL SUN à payer à Messieurs [N], [E] et [W] la somme de 6.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT