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16/05/2023 | FRANCE | N°21/00977

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 16 mai 2023, 21/00977


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°.



N° RG 21/00977 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RLDM













Société [F] CONSTRUCTION



C/



M. [P] [M]

M. [D] [O]

S.A.R.L. FINANCIERE [M]

S.A.S. PR DEVELOPPEMENT

Société STEPHANE GRIFFON & ASSOCIES



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée












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Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me Stéphanie PRENEUX

Me Benoît BOMMELAER

Me Eric DEMIDOFF

Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 MAI 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS E...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°.

N° RG 21/00977 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RLDM

Société [F] CONSTRUCTION

C/

M. [P] [M]

M. [D] [O]

S.A.R.L. FINANCIERE [M]

S.A.S. PR DEVELOPPEMENT

Société STEPHANE GRIFFON & ASSOCIES

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Stéphanie PRENEUX

Me Benoît BOMMELAER

Me Eric DEMIDOFF

Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,rapporteur

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Lydie CHEVREL, lors des débats, et Madame Morgane LIZEE, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Mars 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SAS [F] CONSTRUCTION, immatriculée au RCS de NANTES sous le n°330 772 849, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Stéphanie BAUDRY de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCAS, Plaidant, avocat au barreau de TOURS

INTIMÉS :

Monsieur [P] [M]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 11] ([Localité 11])

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représenté par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Alexandre CORNET de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Monsieur [D] [O]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 12] (44)

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Jérôme BOISSONNET de la SARL BAPC, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

S.A.R.L. FINANCIERE [M], immatriculée au RCS de NANTES sous le n°443 941 497, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Alexandre CORNET de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

S.A.S. PR DEVELOPPEMENT, immatriculée au RCS de SAINT-NAZAIRE sous le n°501 440 457, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Jérôme BOISSONNET de la SARL BAPC, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

SARL STEPHANE GRIFFON & ASSOCIES, immatriculée au RCS de CRETEIL sous le n°444 704 688, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Patricia LE TOUARIN LAILLET de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

****

FAITS ET PROCEDURE :

La société civile immobilière LMR a été constituée le 02 avril 2003.

Son capital social de 20.000 euros était détenu par :

- la société par actions simplifiée [F] Construction (la société [F]) à hauteur de 10% en pleine propriété et 80 % en usufruit temporaire à échéance au 2 avril 2018,

- M. [F] à hauteur de 2,5% en pleine propriété et 20% en nue-propriété,

- Mme [F] à hauteur de 2,5% en pleine propriété et 20% en nue-propriété,

- M. [O] à hauteur de 2,5% en pleine propriété et 20% en nue-propriété,

- M. [M] à hauteur de 2,5% en pleine propriété et 20% en nue-propriété.

La société [F] construction était le gérant de la société LMR.

M. [M] était le représentant de la société [F] au sein de la société LMR.

La société [F] construction était détenue et dirigée par la société PR Développement, elle même détenue et dirigée par M. [O], et par la société Financière [M], elle même détenue et dirigée par M. [M].

La société Stéphane Griffon est associés (la société Griffon) était l'expert comptable des sociétés [F] et LMR.

Le 1er septembre 2002, la société LMR a donné à bail à la société [F] une partie d'ensemble immobilier.

Ce bail a été renouvelé le 5 septembre 2013.

Par actes des 11 janvier, 4 février et 26 avril 2016, le capital de la société [F] a été cédé à la société Holding Doliopa, elle même détenue par les sociétés Financière [M], PR Développement et Dophil Participations.

Aucun dividende n'a été distribué au sein de la société LMR pendant la durée de l'usufruit dont bénéficiait la société [F].

Estimant que cette absence de distribution de dividendes était le fruit d'une opposition frauduleuse à la réunion d'une assemblée générale de la société LMR, la société [F] construction a assigné les sociétés Financière [M] et PR Développement et MM. [M] et [O] en paiement de dommages-intérêts.

Estimant que la société Griffon avait pour sa part manqué à ses obligations en n'attirant pas son attention sur le montage frauduleux imaginé, la société [F] construction l'a assignée en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nantes a :

- Jugé la société [F] construction recevable, mais mal fondée en ses demandes à l'encontre de la société Financière [M], M. [M], M. [O] et la société PR Développement,

- Débouté la société [F] construction de l'ensemble de ses autres demandes fins et conclusions à l'encontre de la société Financière [M], M. [M], M. [O], la société PR Développement et la société Griffon,

- Condamné la société [F] construction à payer à chacun des défendeurs, la société Financière [M], M. [M], M. [O], la société PR Développement et la société Griffon, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire

- Condamné la société [F] construction aux entiers dépens, dont frais de greffe.

La société [F] construction a interjeté appel le 11 février 2021.

Les dernières conclusions de la société [F] construction sont en date du 13 janvier 2022.

Les dernières conclusions de la société Griffon sont en date du 1er juillet 2022. Les dernières conclusions de société PR Développement et M. [O] sont en date du 19 Juillet 2021. Les dernières conclusions de la société Financière [M] et de M. [M] sont en date du 7 juin 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS :

La société [F] construction demande à la cour de :

- Réformer en totalité le jugement sauf en ce qu'il a jugé l'action recevable,

Statuant à nouveau,

- Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Financière [M] et PR Développement, ainsi que M. [M] et M. [O] et en conséquence les débouter de leur appel incident,

- Condamner, in solidum, les sociétés Financière [M] et PR Développement, ainsi que M. [M] et M. [O] et la société Griffon à payer à la société [F] la somme de 404.754,30 euros,

Subsidiairement,

- Limiter la condamnation, in solidum, de la société Griffon, à la somme de 384.516,60 euros,

- Condamner in solidum, les sociétés Financière [M], PR Développement et Griffon à verser à la société [F] la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les sociétés Financière [M], PR Développement et Griffon aux entiers dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Griffon demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [F] construction de ses demandes dirigées contre la société Griffon et l'a condamné à lui régler la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dire et juger que la société Griffon n'a pas commis de faute dans l'exécution de sa mission,

Et y ajoutant :

- Dire et juger que la société [F] construction ne justifie pas d'un préjudice indemnisable,

- Condamner la société [F] construction à régler à la société Griffon la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société PR Développement et M. [O] demandent à la cour de :

- Réformer le jugement en ce qu'il a déclaré les demandes de la société [F] recevables,

Et statuant à nouveau :

- Déclarer irrecevables les demandes de la société [F] à l'égard de M. [O] et la société PR Développement,

- Débouter la société [F] construction de l'intégralité des demandes formulées à l'égard de M. [O] et de la société PR Développement,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé mal fondées les demandes de la société [F] et l'en a débouté,

En tout état de cause :

- Condamner la société [F] à payer à M. [O] la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société [F] à payer à la société PR Développement la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société [F] aux entiers dépens de l'instance,

La société Financière [M] et M. [M] demandent à la cour de :

- Réformer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société [F] construction à l'encontre des sociétés Financière [M] et de M. [M],

- Juger irrecevables les demandes de la société [F] construction à l'encontre des sociétés Financière [M] et de M. [M] à titre personnel sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement et ce qu'il a jugé mal fondée la société [F] construction en ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Financière [M] et de M. [M],

- Débouter la société [F] construction de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions à l'égard de la société Financière [M] et de M. [M],

- Condamner la société [F] construction à payer à la société Financière [M] et à M. [M] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la même aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la recevabilité des demandes formées contre la société Financière [M] et M. [M] :

La société Financière [M] et M. [M] demandent à la cour de déclarer irrecevables les demandes formées contre eux. Ils font valoir en ce sens qu'ils ne seraient pas gérants de la société LMR, la société Financière [M] n'en étant même pas associée. Dans ces conditions leur mise en cause pour ne pas avoir convoqué les assemblées générales de la société LMR serait irrecevable.

Il apparaît que ce moyen ne constitue pas une fin de non recevoir mais une défense au fond.

Il y a lieu de rejeter cette demande et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la recevabilité des demandes formées contre la société PR Développement et M. [O] :

M. [O] fait valoir que les demandes formées contre lui seraient irrecevables faute d'identifier une faute qu'il aurait pu commettre.

La société PR Développement fait valoir que les demandes formées contre elle seraient irrecevables. Ces demandes seraient fondées sur une faute qu'elle aurait commise en ne demandant pas la distribution des dividendes. Or il ne serait pas indiqué dans quelle mesure elle aurait eu le pouvoir de former une telle demande.

Il apparaît que ces moyens ne constituent pas une fin de non recevoir mais une défense au fond.

Il y a lieu de rejeter ces demandes et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la responsabilité des sociétés Financière [M] et LR Développement et de MM. [M] et [O] :

La société [F] construction fait valoir que les anciens dirigeants de la société [F] construction , elle même gérante de la société LMR, se seraient abstenus de toute diligence en vue d'obtenir le paiement des sommes dues à la société [F] construction et ce en vue de favoriser les personnes physiques associées de la société LMR, dont MM. [M] et [O].

La société [F] construction fonde ses demandes sur les dispositions de l'article L 242-6 4° du code de commerce.

Article L. 242-6 du code de commerce (rédaction en vigueur depuis le 6 décembre 2013) :

Est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros le fait pour :

1° Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme d'opérer entre les actionnaires la répartition de dividendes fictifs, en l'absence d'inventaire, ou au moyen d'inventaires frauduleux ;

2° Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme de publier ou présenter aux actionnaires, même en l'absence de toute distribution de dividendes, des comptes annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine, à l'expiration de cette période, en vue de dissimuler la véritable situation de la société ;

3° Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ;

4° Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu'ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.

Outre les peines complémentaires prévues à l'article L. 249-1, le tribunal peut également prononcer à titre de peine complémentaire, dans les cas prévus au présent article, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille prévue à l'article 131-26 du code pénal.

L'infraction définie au 3° est punie de sept ans d'emprisonnement et de 500 000 € d'amende lorsqu'elle a été réalisée ou facilitée au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger, soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger.

La société [F] construction a fait le choix clair, et maintenu en appel, de ne fonder sa demande que sur ces dispositions. Elle invoque donc la commission d'une infraction pénale comme faute ouvrant droit à indemnisation devant les juridictions civiles.

Les textes définissant les infractions pénales sont d'interprétation stricte. Les dispositions ci dessus visées ne concernent que les sociétés anonymes.

Les dispositions de l'article L 244-1 du code de commerce, régissant les sociétés par actions simplifiées, renvoient à ces dispositions :

Article L244-1

Les articles L. 242-1 à L. 242-6, L. 242-8, L. 242-17 à L. 242-24 s'appliquent aux sociétés par actions simplifiées.

Les peines prévues pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants des sociétés par actions simplifiées.

Les articles L. 242-20, L. 820-6 et L. 820-7 s'appliquent aux commissaires aux comptes des sociétés par actions simplifiées.

La société [F] construction reproche à MM. [M] et [O] et aux sociétés Financière [M] et PR Développement de ne pas avoir réuni d'assemblée générale de la société LMR aux fins de décider de la distribution des bénéfices ou encore de ne pas avoir réparti les bénéfices réalisés par la société LMR entre les associés proportionnellement au nombre des parts détenues par chacun.

C'est donc une infraction qui aurait été commise par les dirigeants de la société LMR que la société [F] construction invoque.

Les dirigeants de la société [F] construction n'avaient pas, en cette seule qualité, le pouvoir de réunir une assemblée générale de la société LMR ni celui d'en distribuer les dividendes.

L'infraction pénale alléguée ne peut être constituée en l'absence de texte prévoyant de sanctionner les dirigeants d'une société civile immobilière qui font, de mauvaise foi, des pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu'ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.

La société [F] construction reproche cependant également à MM. [M] et [O] et aux sociétés Financière [M] et PR Développement de ne pas avoir réclamé à la société LMR le paiement des dividendes qui lui étaient dus.

Il s'agirait là de l'abstention par les dirigeants de la société [F] construction de réclamer le paiement de sommmes dues par une société dans laquelle ils étaient interessés.

La commission d'une telle infraction est susceptible d'engager la responsabilité des dirigeants personnes physiques, ou, lorsqu'une personne morale est nommée présidente ou dirigeant d'une société par action simplifiée, de ses dirigeants, sans préjudicie de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent :

Article L227-7

Lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent.

Les statuts de la société LMR prévoient que c'est au gérant qu'il revient de convoquer une assemblée générale, d'adresser à chaque associé le texte des résolutions proposées ainsi que les documents nécessaires à l'information des associés et qu'au moins une fois par an le gérant rend compte de sa gestion aux associés et leur présente un rapport sur l'activité de la société au cours de l'exercice écoulé. Les statuts précisent que ce rapport, le texte et les résolutions proposées et tous documents nécessaires à l'information des associés sont adressés à chacun d'eux par lettre simple quinze jours au moins avant l'assemblée générale.

Il apparaît ainsi que le gérant de la société LMR avait comme obligation de réunir une assemblée générale une fois par an.

Les statuts prévoient également que le bénéfice est réparti entre les associés, proportionnellement au nombre de parts appartenant à chacun d'eux, qu'il est inscrit à leur crédit dans les livres sociaux, ou verser effectivement à la date que fixent soit les associés, soit à défaut la gérance. Il est enfin prévu que toutefois les associés peuvent décider qu'un partie ou la totalité du bénéfice sera reportées à nouveau ou affecté à toutes réserves générales ou spéciales qu'ils auront créées.

Il en résulte que le bénéfice devait être réparti entre les associés de la société LMR par son gérant et que ce n'est que par une décision des associés qu'ils pouvaient être reportés ou affectés à des réserves.

En l'absence de décision en ce sens d'une assemblée générale, et donc de décision sur une éventuelle affectation en report à nouveau ou en réserves, le gérant de la société LMR avait l'obligation de répartir les bénéfices année par année en les inscrivant au crédit de leurs comptes sociaux.

Le gérant de la société LMR était la société [F] construction, également associée de la société LMR.

La société [F] construction pouvait donc agir pour obtenir la distribution à son profit des bénéfices de la société LMR soit en sa qualité de gérante, soit en sa qualité d'associée pouvant demander la réunion d'une assemblée générale en vue de la distribution de bénéfices.

La société [F] construction invoque la responsabilité de la société Financière [M], société à responsabilité limitée, ainsi que de son gérant, M. [M].

La société [F] construction invoque également la responsabilité de la société PR Développement, à l'époque société à responsabilité limitée, et de M. [O], à l'époque son gérant.

Le gérant d'une Sarl est responsable solidairement avec la société envers les tiers :

Article L 223-22 du code de commerce :

Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Si plusieurs gérants ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.

Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués.

Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée, ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action.

Aucune décision de l'assemblée ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour faute commise dans l'accomplissement de leur mandat.

Les représentants permanents d'une société sont responsables personnellement de leur gestion, solidairement avec la personne morale qu'ils représentent.

La société [F] construction, représentée par M. [M], était gérante de la société LMR.

La société Financière [M], représentée par M. [M], était présidente de la société [F] depuis le 8 mars 2004. La société PR Développement, représentée par M. [O], était directrice générale de la société [F] construction depuis le 2 janvier 2008. A ce titre elle était statutairement investie des mêmes pouvoir que la présidente.

La société PR Développement a été révoquée de ses fonctions le 31 mai 2017. La société Financière [M] l'a été le 4 juillet 2017.

La société [F] construction disposait d'un droit sur 90% des éventuels dividendes de la société LMR jusqu'au 2 avril 2018, ce droit n'étant ensuite que de 10%.

Il était donc de son intérêt de demander une distribution de dividendes avant la date du 2 avril 2018.

La société [F] construction fait valoir qu'après la révocation de leurs fonctions des sociétés PR Développement et Financière [M], elle n'a pas été en mesure de réunir une assemblée générale de la société LMR. Elle ajoute que M. [M] aurait refusé de lui communiquer les comptes de la société LMR, tout comme la société Griffon son expert comptable. Ce ne serait qu'après la date du 2 avril 2018 que la société [F] construction aurait pu obtenir des documents lui permettant utilement de demander une distribution de dividendes par la société LMR.

Il apparaît que pendant 15 ans la société [F] construction a pu prétendre à la perception de 90% des bénéfices que pouvait réaliser la société LMR. La société LMR étant une société civile immobilière, donc fiscalement transparente, la société [F] construction a été imposée au titre des bénéfices réalisés par la société LMR, nonobstant le fait qu'elle ne les ait pas perçus faute de distribution de dividendes ordonnés par les associés.

Il était ainsi que l'intérêt de la société [F] construction de demander la distribution de dividendes au titre desquels elle était de toute façon imposée.

La société Financière [M] fait valoir que l'absence de distribution des dividendes était motivée par la nécessité de constituer un fonds de réserve destiné à rembourser les emprunts, faire face à une éventuelle carence locative comme c'est le cas depuis plusieurs années pour plus de 100 m2, d'assurer l'entretien et la réalisation de gros travaux potentiels tels que par exemple la réfection de toiture alors que la construction date de 2003, et de faire face à des déposes d'équipements spécifiques liés à l'activité d'un des locataires dans l'hypothèse où ce locataire viendrait à quitter les lieux ou devait avoir des difficultés financières.

La société Financière [M] ne produit cependant aucun élément attestant de ces faits.

Par décision en date du 24 mars 2003 de M. [M], agissant en sa qualité de président de la société [F] construction, M. [M] a été désigné représentant permanent de la société [F] construction pour assurer les fonction de gérant de la société LMR, alors à constituer. Les statuts de la société [F] construction prévoient la possibilité pour son président de déléguer à toute personne de son choix certains de ses pouvoirs.

En en qualité de représentant désigné de la société [F] construction auprès de la société LMR, M. [M] était responsable de l'exécution de sa mission vis à vis de la société mandante comme l'est tout mandataire.

Il résulte de l'extrait K Bis de la société LMR émis le 10 avril 2018 qu'à cette date M. [M] était encore le représentant de la société [F] construction comme gérant de la société LMR.

La mention de M. [M] était apparente sur les extraits K Bis. Même après la révocation de M. [M] de ses fonctions dirigeantes au sein de la société [F] construction ses fonctions de représentant permanent au sein de la société LRM ont perduré à défaut de décision contraire de la société [F] construction.

A compter du 7 juin 2016, la société Dophil Participations a assuré la présidence de la société [F] construction, les société Financière [M] en assurant la direction générale et la société PR Développement en étant directeur général délégué.

Il apparaît ainsi que malgré le changement de président de la société [F] construction à compter du 7 juin 2016, les fonctions de M. [M] de représentant permanent de la société [F] construction au sein de la société LMR ont perduré. La société [F] construction malgré sa nouvelle présidence, n'a pas pris de décision quant à la fin de ces fonctions.

L'existence de ce mandat de représentation n'a cependant pas eu pour effet de décharger les dirigeants de la société [F] construction de leurs pouvoirs d'agir au nom de cette dernière dans la gestion de la société LMR dont la société [F] construction était gérante.

La société [F] construction n'a pas demandé la réunion d'une d'assemblée générale de la société LMR avant celle du 12 décembre 2018. En demandant plus tôt une telle réunion, elle aurait pu obtenir de soumettre les comptes à une approbation des associés de la société LMR, avec un succès assuré pour elle alors qu'elle détenait 90% des droits de vote, et de répartir les bénéfices au fur et à mesure des exercices. Cela était d'autant plus de son intérêt que la société [F] était assujettie à l'impôt au titre de ces bénéfices quoique ne les ayant pas perçus.

Les anciens dirigeants de la société [F] construction ont ainsi commis une faute de gestion. Mais le nouveau dirigeant n'a pas réagi avec la promptitude nécessaire à faire valoir ses droits. Etant gérante de la société LMR, elle avait pourtant la possibilité de désigner un nouveau représentant au sein de cette société ce qui lui aurait permis d'obtenir auprès du comptable tous les documents nécessaires.

En s'abstenant de réclamer la réunion d'une assemblée générale pour qu'il soit statué sur les bénéfices et leur distribution, les anciens dirigeants de la société [F] lui ont fait perdre une chance d'obtenir le paiement des dividende qui étaient dus à la société [F].

Au vu de la date de l'entrée en fonction de la société Dolphi Participation, cette perte de chance ne concerne que les bénéfices réalisés jusqu'à l'exercice clos le 31 décembre 2015. Compte tenu du droit de la société [F] construction à 90% des dividendes et du fait qu'il ne s'agit que de la perte d'une chance, il y a lieu de fixer le montant du préjudice à la somme de 325.000 euros.

Il y a donc lieu de condamner solidairement les sociétés Financière [M] et PR Développement et MM. [M] et [O] à payer à la société [F] construction la somme de 325.000 euros.

Sur la responsabilité de la société Griffon :

La société [F] construction fait valoir que la société Griffon, son expert comptable, également expert comptable de la société LMR, aurait tenu une fausse comptabilité de la société LMR et aurait manqué à son devoir d'information et de mise en garde.

Il apparait que la société Griffon a affecté les bénéfices aux réserves au cours des exercices litigieux. A défaut d'instruction du gérant de la société LMR, il ne lui appartenait pas d'attribuer ces bénéfices aux associés. Il lui revenait en tout état de cause de faire figurer ces bénéfices dans les comptes de la sociétés.

Elle n'a pas tenu de comptabilité fausse en inscrivant les sommes correspondantes dans le compte report à nouveau.

Il ne peut utilement être reproché à la société Griffon d'avoir renvoyé la société [F] à contacter le gérant de la société LMR pour obtenir le bilan de l'exercice 2016. Dans sa demande de communication de documents comptables adressée à la société Griffon, la société [F] construction s'était présentée comme associée de la société LMR. Il revenait à l'expert comptable de renvoyer un associé vers le gérant pour obtenir une telle communication.

Dans ses rapports avec la société LMR, la société Griffon n'était pas tenue à un devoir d'information ou de mise en garde au profit de la société [F] construction

La société Griffon n'avait qu'une mission d'établissement des comptes de la société [F] construction. Il ne lui appartenait pas d'indiquer à la société [F] construction comment elle devrait procéder pour obtenir, le cas échéant, le paiement d'une créance qu'elle pouvait détenir sur la société LMR.

Il n'est en outre pas justifié que la société [F] construction subisse un préjudice du fait des agissements de la société Griffon, alors qu'elle obtient le paiement des sommes réclamées comme il a été vu supra et qu'il n'est pas justifié que le risque fiscal allégué se soit réalisé.

Les demandes formées contre la société Griffon seront rejetées.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner aux dépens de première instance et d'appel et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Confirme le jugement en ce qu'il a :

- Jugé la société [F] recevable en ses demandes à l'encontre de la société Financière [M], M. [M], M. [O] et la société PR Développement,

- Débouté la société [F] de l'ensemble de ses autres demandes fins et conclusions à l'encontre de la société Griffon,

- Condamné la société [F] à payer à la société Stéphane Griffon et Associés la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne solidairement les sociétés Financière [M] et PR Développement et MM. [M] et [O] à payer à la société [F] Construction la somme de 325.000 euros,

- Rejette les autres demandes des parties,

- Condamne solidairement les sociétés Financière [M] et PR Développement et MM. [M] et [O] aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00977
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.00977 ?
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