8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°203
N° RG 20/01965 -
N° Portalis DBVL-V-B7E-QSJ2
M. [L] [P]
C/
S.A. DALKIA
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le : 15 mai 2023
à :
Me Anne-Laure BELLANGER
Me Charlotte VUEZ
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Février 2023
devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT et intimé à titre incident :
Monsieur [L] [P]
né le 07 Décembre 1985 à [Localité 5] (72)
demeurant [Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Anne-Laure BELLANGER de la SARL LA BOETIE, Avocat au Barreau de NANTES
INTIMÉE et appelante à titre incident :
La S.A. DALKIA prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Céline FOUILLET substituant à l'audience Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, Avocats au Barreau de BORDEAUX
M. [L] [P] a été embauché par la SA DALKIA le 7 novembre 2005 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de technicien d'exploitation coefficient 350, échelon 3, niveau 3, position 5 de la Convention collective des ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise de l'exploitation d'équipements thermiques et de génie climatique.
A compter du 1er octobre 2007, M. [L] [P] a été nommé attaché technique d'exploitation, statut agent de maîtrise, niveau 8, avant d'être promu à compter du 11 mai 2009, en qualité de chef d'exploitation, statut cadre, position 5.1 de la classification interne du groupe, portée à la position II, échelon A, coefficient 75 à compter du 1er janvier 2016.
Postérieurement à la réorganisation de la filière opérations mise en place par la SA DALKIA à compter du 1er janvier 2018, M. [P] a fait part de difficultés majeures affectant le moral des équipes par courriel du 23 juillet 2018.
En réponse M. [F] (Directeur des Exploitations Centre Ouest) lui a proposé le 23 juillet 2018 de l'entendre le 24 juillet 2018 concernant la situation évoquée dans son courriel.
Une seconde réunion entre M. [G] (Responsable Centre Opérationnel) et M. [P] s'est tenue le 26 juillet 2018, sur le même sujet.
Par courriel du 6 août 2018, M. [P] a remercié M. [F] pour son écoute et confirmé la date retenue pour une nouvelle réunion sur ce même sujet qui s'est finalement tenue le 9 août 2018.
Le 20 août 2018, M. [P] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable prévu le 29 août 2018 avant d'être licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2018.
Au terme d'un courrier du 17 septembre 2018, M. [P] a demandé à l'employeur d'expliciter les motifs de son licenciement, auquel la SADALKIA a répondu que sa motivation était suffisamment étayée.
Le 5 février 2018, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de NANTES aux fins de voir :
' Sommer la SA DALKIA de communiquer :
- le courrier de M. [G], en date du 16 août 2018, aux termes duquel il fait part des problèmes relationnels avec M. [P],
- les comptes rendus de l'enquête interne dont elle fait état dans la lettre de licenciement (page 9/9) à la suite d'une situation de souffrance par M. [P],
' Constater l'existence de faits relevant de harcèlement moral et d'une discrimination liée au harcèlement moral dénoncé,
' Dire que le licenciement personnel en date du 7 septembre 2018 produit les effets d'un licenciement nul, à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse,
' Fixer le salaire moyen mensuel à la somme de 4.425,63 € bruts,
' Condamner la SA DALKIA à verser :
- 17.702,55 € brut d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.770,25 € brut de congés payés afférents,
- 26.376,80 € net d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 80.000 € net de dommages-intérêts en raison de la nullité du licenciement en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire,
- 10.000 € net de dommages-intérêts pour exécution déloyale des obligations contractuelles et l'attitude particulièrement vexatoire et négligente de l'employeur,
- 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
' Intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil pour les sommes de nature salariale et à compter du jugement pour les autres sommes, outre l'anatocisme,
' Ordonner la remise de l'attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision à intervenir, ainsi que la réalisation des déclarations rectificatives aux différents organismes sociaux, dans les 15 jours de la décision a intervenir, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai,
' Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
' Condamner aux entiers dépens.
La cour est saisie de l'appel formé le 25 mars 2020 par M. [L] [P] contre le jugement du 27 février 2020, par lequel le conseil de prud'hommes de NANTES a :
' Dit que le harcèlement moral n'est pas caractérisé,
' Débouté M. [P] de sa demande de dire que le licenciement produit les effets d'un licenciement nul,
' Dit que le licenciement de M. [P] n'est pas fondé sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse,
' Condamné la SA DALKIA à verser à M. [P] les sommes suivantes :
- 26.376,80 € nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 17.702,55 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.770,25 € bruts à titre d'indemnité de congés payés afférents,
- avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2018, date de la saisine du Conseil,
' Condamné la SA DALKIA à verser à M. [P] la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de la date de notification du présent jugement,
' Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,
' Ordonné la remise par la SA DALKIA à M. [P] d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire rectifiés conformes au présent jugement, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette remise d'une astreinte,
' Limité l'exécution provisoire du présent jugement à l'exécution provisoire de droit définie à l'article R. 1454-28 du Code du travail et, à cet effet, fixé à 4.425,63 € le salaire mensuel moyen de référence,
' Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
' Condamné la SA DALKIA aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, suivant lesquelles M. [P] demande à la cour de :
' Infirmer partiellement le jugement du Conseil de Prud'hommes en date du 27 février 2020,
Statuant à nouveau,
' Constater l'existence de faits relevant :
- de harcèlement moral,
- d'une discrimination liée au harcèlement moral dénoncé,
- d'une discrimination liée à l'état de santé,
' Dire et juger que le licenciement pour motif personnel en date du 7 septembre 2018 produit les effets d'un licenciement nul, à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse,
' Condamner la SA DALKIA à verser à M. [P] la somme de :
- 80.000 € nets à titre de dommages et intérêts,
- 10.000 € nets sur le fondement des articles 1104 et 1231 du Code du Civil à titre de dommages et intérêts pour l'exécution déloyale des obligations contractuelles et l'attitude particulièrement vexatoire et négligente de l'employeur,
- 17.702,55 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.770,25 € bruts au titre des congés payés afférents,
- 26.376,80 € nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
' Confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023, suivant lesquelles la SA DALKIA demande à la cour de :
' Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Nantes le 27 février 2020 en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [P] n'est pas nul,
' Le confirmer en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [P] a pour cause réelle et sérieuse les faits et motifs exprimés avec précision dans la lettre de licenciement du 7 septembre 2018,
Faisant droit à l'appel incident de la SA DALKIA,
' Le réformer en ce qu'il a,
- dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave,
- condamné la société à verser à M. [P] :
- 26.376,80 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 17.702,55 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.770,25 € bruts à titre d'indemnité de congés payés afférents,
- 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' Juger que ces faits, qui lui sont imputables, constituent une violation renouvelée de ses obligations contractuelles d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise, ce qui qualifie la faute grave,
' Débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
' Le condamner aux dépens et au paiement d'une indemnité de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le harcèlement moral et les discriminations:
Pour infirmation et existence d'un harcèlement moral à son encontre, M. [L] [P] fait valoir qu'aucun poste n'était prévu pour le salarié lors de son arrivée après sa mutation, en 2016, que les outils de travail n'ont pas été mis à sa disposition lors de son arrivée, qu'il n'a pas été présenté aux équipes, que le travail d'audit de la structure dans la perspective de la réorganisation de 2018 qu'il a accompli en 2016 et 2017, n'a pas été utilisé dans ce cadre sans aucune explication, que sa place dans l'organigramme a été rabaissée dans la nouvelle organisation, qu'il a dénoncé auprès de sa Direction la situation de souffrance induite mais a été convoqué en entretien préalable à licenciement pour faute grave et licencié à la suite de sa dénonciation.
M. [L] [P] ajoute que l'employeur se contente de développer des arguments bavards sans rapporter la preuve qui lui incombe que ces faits sont étrangers à toute forme de harcèlement.
La SA DALKIA rétorque que ce n'est que le 30 août 2018, que pour la première fois, soit le lendemain de l'entretien préalable que M. [L] [P] a prétendu subir des actes de harcèlement moral, que le 24 juillet, au lendemain de l'évocation d'un mal être au travail, une réunion s'est tenue et une enquête interne mise en oeuvre qui n'a pas révélé de difficulté, sauf pour M. [C] placé sous autorité de M. [L] [P], qu'en ce qui concerne la sécurité, divers outils de prévention des risques ont été mis en oeuvre, que M. [L] [P] n'a sollicité ni institutions représentatives mises en place, ni la médecine du travail ou l'inspection du travail, que son premier arrêt de travail est postérieur à la réception de sa convocation à l'entretien préalable et la consultation du psychologue postérieure à son licenciement.
La SA DALKIA entend préciser s'agissant de la prise de fonction sans outils le 1er juin 2016, qu'il ne les a réclamés que le 31 août et qu'ils lui ont été remis dans la journée, qu'une note avait été diffusée avant son arrivée, qu'il avait connaissance de ses missions qui n'emportaient aucune perte d'attributions, ses responsabilités étant seulement réparties avec son collègue, qu'au cours de son entretien d'évaluation, il n'a fait part d'aucune difficulté mais qu'à compter de 2018, il manifesté un désintérêt pour ses fonctions, que l'alerte du CHSCT concernait les conditions dans le secteur de M. [P] qui lui était imputable.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
En application des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail.
Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine , de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance , vraie ou supposé, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; en cas de litige cette personne doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instructions qu'il estime utiles ;
En application de l'article L.1152-3 du code du travail, un licenciement intervenu dans ce contexte est nul.
En l'espèce, pour caractériser la présomption de harcèlement moral à son encontre, M. [L] [P] articule quatre éléments qui auraient eu pour effet d'altérer son état de santé au point de justifier la mise en place d'un suivi médical pour un syndrome anxiodépressif en août 2018.
Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, s'il est établi que le poste de responsable réseau chaleur de Nord-Chézine, initialement prévu pour M. [L] [P] n'a pu lui être attribué faute pour la société de s'être vu attribuer ce marché, il n'en demeure pas moins que M. [L] [P] a accepté le poste de responsable d'exploitation rattaché au Responsable d'Unité Opérationnelle Habitat Tertiaire figurant sur l'avenant à son contrat de travail du 1er avril 2016 à effet au 1er juin 2016.
Il ressort également du commentaire de M. [L] [P] en fin de compte rendu d'entretien d'évaluation au titre de l'année 2016, que l'intéressé se plaisait dans le rôle qui lui était dévolu dans le cadre de ses fonctions et en retirait une énorme source de satisfaction et de motivation.
S'agissant de l'absence d'outils lors de son intégration à l'établissement de DALKIA centre ouest en qualité de REX à compter du 1er juin 2016, il est établi que l'intéressé a sollicité dès le 6 avril 2016 l'accès au périmètre DLGHZ depuis les outils ENERGY et SIGMA en vue de son intégration dès le 1er juin suivant, que dès le 3 juin 2016, il a sollicité une modification de ses accès, pour les étendre aux logiciels ORACLE, NAUTILUS, G, HERCULE, DECLIC, ENERGYC au travers d'une demande transférée par son interlocutrice à la personne en charge des accès, qu'il s'est plaint de ne pas avoir accès à ces outils par mail du 24 juin 2016 tout en confirmant le bon fonctionnement de ces accès fin août 2016 et en sollicitant des accès complémentaires qui lui ont été ouverts le jour même.
La pièce 9 invoquée par le salarié pour soutenir qu'il n'aurait fait l'objet d'aucune présentation ne permet pas de corroborer cette affirmation, de même que les pièces produites pour soutenir que son travail d'audit n'aurait pas été pris en compte dans le cadre de la réorganisation (pièces 3 et 14) ne permettent pas de tenir pour acquise cette assertion faute d'être plus avant explicitée.
De la même manière, les pièces 14 et 70 produites par l'intéressé ne permettent pas de considérer qu'il aurait fait l'objet d'une rétrogradation dans l'organigramme de l'entité, l'intéressé demeurant responsable d'exploitation centre opérationnel, position II, échelon A, coefficient 75.
Ceci étant, il est établi que M. [L] [P] a porté à la connaissance de son employeur son état de souffrance dès le 6 août 2018 mais qu'il avait déjà souligné dès l'entretien individuel de 2018 pour l'année 2017 non précisément daté (4 janvier selon employeur ou 2 février 2018 selon salarié) le manque de confiance dans la hiérarchie, le manque de lisibilité sur les décisions prises, le manque d'informations essentielles pour l'exécution de ses missions, l'état psychologique bas et motivation des équipes bas, le manque de cohésion et état d'esprit défensif qu'il rattachait à un historique lourd et une charge de travail excessive avec une organisation inadaptée.
Si les échanges postérieurs produits aux débats démontrent que ceux-ci sont intervenus dans un climat apaisé, le salarié remerciant son employeur de son écoute tout en s'inscrivant dans la perspective d'une rencontre en septembre 2018, il apparaît qu'il a été placé en arrêt de travail le 28 août 2018, certes postérieurement à sa convocation à un entretien préalable mais également après avoir précisé par courriel le 25 juillet 2018 et le 6 août 2018, que sa santé prenait un sérieux coup ne lui permettant pas de continuer comme cela et il est avéré que son état de santé a justifié à compter du mois d'août 2018 une prise en charge médicale pour syndrome anxiodépressif.
Pour autant les éléments ainsi rapportés par le salarié, même pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral et la nature des échanges rapportés par le salarié postérieurement au courriel du 6 août 2018 ne permet pas de les assimiler à une dénonciation, permettant de considérer que la procédure engagée à son égard serait la conséquence d'une telle dénonciation et procéderait par conséquent d'une discrimination à ce titre.
En revanche, l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'égard d'un salarié qui fait part de ses difficultés d'adaptation depuis le début de 2018, de son mal être à plusieurs reprises depuis juillet 2018 et de l'altération induite de son état de santé au point d'être placé en arrêt de travail au retour de ses congés, certes après la réception de sa convocation à un entretien préalable, permet de présumer l'existence d'une discrimination à son égard, fondée sur son état de santé.
Il appartient par conséquent à l'employeur de rapporter la preuve que sa décision d'engager une procédure disciplinaire au cours de l'été 2018 était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Sans répondre sur l'imputation de discrimination liée à l'état de santé, l'employeur se contente de remettre en cause la dégradation de l'état de santé invoquée par le salarié, en soulignant notamment que le salarié n'avait pas fait mention en janvier 2018 de la dégradation de son état de santé, que seul le courriel du 6 août 2018 évoque sa santé et que l'arrêt de travail renouvelé est consécutif à la réception de sa convocation à l'entretien préalable, le certificat de la psychologue n'est pas un certificat médical puisque émanant d'une psychologue et ne peut établir la réalité d'une pathologie.
Cependant l'argumentation de l'employeur à ce titre est dénuée de portée en ce qui concerne la discrimination liée à l'état de santé et à tout le moins inopérante dès lors que contrairement à ses affirmations, le certificat du psychologue du travail indique avec précision ce qui relève des propos rapportés par le salarié et ce qui relève des conséquences sur son psychisme, qu'il est produit un arrêt de travail de prolongation et le certificat médical du Docteur [X] du 13 septembre 2019, précisant que l'intéressé est suivi depuis le mois d'août 2018 (sans autre précision) pour un syndrome anxiodépressif, nécessitant la mise en place d'un traitement anti-dépresseur en mars 2019.
Il y a lieu en conséquence de juger que l'engagement de la procédure disciplinaire ayant abouti au licenciement de M. [L] [P] pour faute grave procède d'une discrimination liée à son état de santé, de sorte que le licenciement de l'intéressé pour faute grave doit être annulé, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.
Sur les conséquences de la nullité du licenciement :
En application des articles L.1152-3 et L.1235-3 du code du travail, si le licenciement est nul et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur, en plus des indemnités de rupture, une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale aux six derniers mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise.
Compte tenu des conséquences matérielles et morales du licenciement à l'égard de M. [L] [P] qui demeurait au moins jusqu'en octobre 2020, indemnisé par Pôle Emploi en dépit de sa tentative de développer une entreprise après son licenciement, ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application des articles L.1152-3 et L.1235-3 du code du travail, la somme de 48.000 € net à titre de dommages et intérêts, le jugement entrepris étant infirmé dans cette limite.
Sur les circonstances du licenciement :
Pour infirmation et condamnation de son employeur à ce titre, M. [L] [P] soutient qu'il a été licencié dans des circonstances humiliantes et dégradantes procédant d'une exécution déloyale de son contrat de travail l'ayant conduit à être placé en arrêt et suivi par une psychologue du travail.
La SA DALKIA réfute l'argumentation du salarié, arguant de ce que l'intéressé ne rapporte pas la preuve de la faute de l'employeur, de l'existence d'un préjudice distinct et du lien de causalité avec le préjudice allégué.
En application des dispositions de l'article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.
En l'espèce, il ressort des débats et des pièces produites que l'employeur qui n'ignorait pas les difficultés rencontrées par le salarié qui lui en avait fait part, lui a laissé penser qu'il avait été entendu et qu'il serait accompagné dans la recherche de solutions, ainsi que cela résulte du courriel par lequel il le remercie d'avoir été à son écoute. Or, il est établi qu'il a été rendu destinataire de sa convocation à un entretien préalable pendant ses congés, postérieurement au dernier entretien du mois d'août 2018.
L'engagement de la procédure de licenciement dans de telles circonstances revêt un caractère vexatoire à l'origine d'un préjudice moral distinct de celui résultant de la perte d'emploi et qui doit être évalué à la somme de 5.000 €, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.
Sur les autres conséquences du licenciement :
Le licenciement étant nul, le salarié peut donc prétendre aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents à hauteur des prétentions du salarié et telles que retenues par les premiers juges, l'article 18 de la convention collective ne précisant pas contrairement à l'interprétation qu'en fait l'employeur, que seule son ancienneté en qualité de cadre devrait être prise en compte.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé de ces chefs.
Sur le remboursement ASSEDIC
En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées
Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu'il est dit au dispositif ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié intimé des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer leur défense en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME partiellement le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
DÉCLARE nul le licenciement de M. [L] [P],
CONDAMNE la SA DALKIA à payer à M. [L] [P] :
- 48.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- 5.000 € net à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral distinct,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
CONDAMNE la SA DALKIA à payer à M. [L] [P] 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SA DALKIA de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE le remboursement par la SA DALKIA à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [L] [P] dans les limites des six mois de l'article L 1235-4 du code du travail.
CONDAMNE la SA DALKIA aux entiers dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.