8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°202
N° RG 20/01889 -
N° Portalis DBVL-V-B7E-QSEP
M. [W] [K]
C/
S.A.S. SYGMATEL ELECTRONIQUE
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le : 15 mai 2023
à :
Me Sandrine PORCHER-MOREAU
Me Marie VERRANDO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Février 2023
devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT et intimé à titre incident :
Monsieur [W] [K]
né le 21 Décembre 1978 à [Localité 6] (13)
demeuant [Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Camille AGOSTINI substituant à l'audience Me Sandrine PORCHER-MOREAU de la SELARL GILLES RENAUD ASSOCIES, Avocats au Barreau de NANTES
INTIMÉE et appelante à titre incident :
La S.A.S. SYGMATEL ELECTRONIQUE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l'audience par Me Olivier CHENEDE de la SELARL CAPSTAN OUEST, Avocat plaidant du Barreau de NANTES
M. [W] [K] a été embauché le 9 mars 2007 par la Société INSTANT ELECTRONIQUE en qualité d'assistant polyvalent dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel porté à à temps complet le 1er octobre 2007.
En 2016, la Société INSTANT ELECTRONIQUE a été rachetée par la société HORELEC aujourd'hui dénommée SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE.
Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective des ETAM Métallurgie de Loire Atlantique, M. [W] [K] occupait un poste d'accueil et de planification des interventions des techniciens en qualité de standardiste au Centre d'appel technique.
Malvoyant, M. [W] [K] a obtenu en juin 2002 une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour une durée de 5 ans, renouvelée en juin 2007 ainsi qu'en août 2013.
Le 12 octobre 2017, une réunion est organisée par M. [C], Directeur général et M. [N], responsable de la direction pour mettre un terme aux agissements de certains salariés, dont M. [K], envers Mme [U] une de leurs collègues.
Le 20 octobre 2017, M. [K] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable en vue d'une mesure disciplinaire et d'une mise à pied à titre conservatoire notifiée le 23 octobre suivant.
Le 3 novembre 2017 M. [W] [K] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable à son licenciement, avant d'être licencié le 10 novembre 2017, pour faute grave caractérisée par des actes de harcèlement.
Le 9 novembre 2018, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
' Rejeter les pièces adverses n°29, 23, 19, 20 et 51 au titre de l'article 202 du Code de procédure civile ;
' Dire recevable l'action de M.[K] en contestation de la cause réelle et sérieuse de licenciement ;
' Dire et juger le licenciement prononcé le 10 novembre 2017 sans cause réelle et sérieuse ;
' Condamner la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE à verser :
- 1 336,72 € Brut de rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire entre le 23 octobre et 10 novembre 2017, congés-payés inclus,
- 4.837,60 € Net d'indemnité légale de licenciement,
- 5.331,93 € Net d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),
- 533,19 € Brut de congés payés afférents,
- 17.000 € Net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' Intérêts au taux légal, outre l'anatocisme à compter de la saisine du Conseil pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes, outre l'anatocisme (articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du Code civil) ;
' Exécution provisoire pour lesquelles cette dernière n'est pas de droit ;
' Fixer la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 1.777,31 € bruts en application de l'article R. 1454-28 du Code du travail ;
' Condamner la partie défenderesse aux entiers dépens.
La cour est saisie de l'appel régulièrement formé par M. [W] [K] le 17 mars 2020 contre le jugement du 14 février 2020, par lequel le Conseil de prud'hommes de Nantes a :
' Dit que M. [K] est recevable dans son action en justice ;
' Ecarté les pièces n°19, 20, 23, 29 et 51 du dossier de la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE des débats ;
' Dit que le licenciement de M. [K] est justifié par une faute grave ;
' Débouté M. [K] de l'ensemble ses demandes salariales et indemnitaires formée à ce titre. ;
' Débouté M. [K] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Débouté la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 14 septembre 2022, suivant lesquelles M. [K] demande à la cour de :
' Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nantes du 14 février 2020 en ce qu'il :
- dit que M. [K] est recevable dans son action en justice,
- écarte les pièces n°19, 20, 23, 29 et 51 du dossier de la société SYGMATEL des débats,
' Ecarter des débats en appel les pièces adverses n°19, 20, 23, 29 et 51 produites par la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE en cause d'appel,
' Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nantes du 14 février 2020, en ce qu'il :
- dit que le licenciement de M. [K] est justifié par une faute grave,
et en conséquence,
- le déboute de l'ensemble de ses demandes salariales et indemnitaires formée à ce titre, ainsi que de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Dire le licenciement prononcé à l'encontre de M. [K] par la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE, le 10 novembre 2017, sans cause réelle et sérieuse ;
' Condamner, en conséquence, la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE à verser à M. [K] :
- 1.336.72 € bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire entre le 23 octobre et le 10 novembre 2017 : (588 + 627.20 + 121.52),
- 133.67 € bruts d'incidence sur congés payés,
- 4.887.60 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 5.331.93 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),
- 533.19 € bruts d'incidence sur congés payés,
-17.000 € nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' Condamner la même aux dépens de première instance et d'appel ;
' Débouter la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE de :
- son appel incident relatif à l'irrecevabilité de l'action de M. [K] sur le fondement de l'article L.1234-20 du code de du travail,
- ses demandes tendant au rejet des demandes de M. [K] sur le terrain de l'article L.1234-20 du code de du travail et à voir déclarer les demandes de M. [K] irrecevables et forcloses,
- ses demandes tendant à voir dire et juger le licenciement pour faute grave valide, à voir dire et juger la gravité des faits qui lui sont reprochés et à voir dire et juger que le licenciement est parfaitement fondé,
- sa demande de condamnation à l'encontre de M. [K] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- sa demande de condamnation de M. [K] aux dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 19 octobre 2022, suivant lesquelles la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE demande à la cour de :
' Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a écarté :
- la demande de la concluante relative à l'irrecevabilité de l'action de M. [K] sur le fondement de l'article L.1234-20 du Code du Travail, suite à la signature de son solde de tout compte,
- les pièces N° 19, 20, 23, 29 et 51 de la concluante ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal et liminaire,
' Rejeter les demandes de M. [K] sur le terrain de l'article L. 1234-20 du Code du Travail ;
' Déclarer ses demandes irrecevables et forcloses,
A titre subsidiaire,
' Dire et juger :
- son licenciement pour faute grave valide ;
- la gravité des faits qui lui sont reprochés ;
- que son licenciement est parfaitement fondé ;
En toute hypothèse,
Et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,
' Rejeter les demandes de M. [K] ;
' Condamner M. [K] à régler à la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
' Condamner le même aux dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non recevoir opposée par l'employeur :
En cause d'appel comme en première instance, l'employeur entend se prévaloir de l'effet libératoire de l'acceptation du solde de tout compte, au sens des dispositions de l'article L.1234-20 du Code du travail.
Cependant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges et nonobstant l'absence de signature dudit solde de tout compte, l'effet libératoire invoqué ne peut porter qu'à l'égard des sommes qui y figurent et ne peut donc avoir d'effet à l'égard d'une action en contestation du licenciement.
Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande concernant les pièces n°19, 20, 23, 29 et 51 de la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE :
M. [W] [K] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a écarté des débats les pièces n°19, 20, 23, 29 et 51 de la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE au motif que les attestations concernées ne seraient pas conformes aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile et qu'elles seraient dactylographiées.
Cependant, il doit être rappelé qu'en matière prud'homale la preuve est libre et qu'il appartient au juge d'apprécier souverainement la valeur probante des éléments produits au débat, y compris s'agissant de témoignages indirects.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris de ce chef et de débouter M. [W] [K] de la demande tendant à voir écarter des débats lesdites attestations.
Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave :
Pour infirmation et absence de cause réelle et sérieuse, M. [W] [K] fait valoir que la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE avait connaissance des faits imputés depuis mai 2017 et n'a engagé la procédure qu'en novembre 2017, qu'elle invoque une enquête engagée à compter du 24 octobre, concomitamment à la mise à pied, sans pour autant avoir procédé à l'audition de tous les salariés planificateurs, que les quatre témoins invoqués ne sont pas directement concernés, qu'il n'a pas lui-même été informé de sa mise en cause ou entendu en violation de ses droits à la défense alors que l'accord interprofessionnel préconise la mise en oeuvre d'une enquête contradictoire et de la médiation.
M. [W] [K] qui estime que Mme [U] convoitait son poste ajoute que la preuve des faits imputés incombe à l'employeur qui ne justifie d'aucun fait précis, d'aucun détail concernant le dénigrement allégué, se contentant de faits rapportés concernant ce qui a été qualifié par une salariée de fonctionnement de cour d'école .
La SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE réfute l'argumentation de M. [W] [K], arguant de ce qu'il n'est pas fondé à prétendre qu'il a été porté atteinte à ses droits à la défense, que le recours préalable à la médiation n'est pas une obligation, que les témoins des faits se sont plaints sans plus de précision sur les faits réels, que les faits de harcèlement du mois de mai ont été portés à sa connaissance en octobre, qu'ils ont consisté en la stigmatisation de trois salariés, qu'en dépit d'une réunion pour les faire cesser le 12, ils se sont poursuivis jusqu'au 19 octobre, amenant l'employeur à convoquer le salarié, qui n'a fourni aucune explication et ne justifie pas de la jalousie alléguée de Mme [U], que la sévérité de la sanction est justifiée dès lors qu'il n'était pas possible de le maintenir en poste pendant le préavis alors qu'il faisait pleurer les salariées par des moqueries les ayant conduit à démissionner.
Il résulte des articles'L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle fait obstacle au maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
En application des dispositions de l'article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut , à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ;
Mais l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période ;
Par ailleurs, une sanction déjà prononcée fait obstacle au prononcé d'une seconde sanction pour les mêmes faits ; la première peut être rappelée lors d'un licenciement ultérieur, pour conforter les griefs fondant celui-ci, mais ce rappel n'est possible que si elle n'est pas antérieure de plus de trois ans ;
Il résulte notamment de ces principes que seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent être pris en compte à condition qu'ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure, exclusion faite de faits relevant éventuellement du même comportement s'ils n'ont pas été invoqués, exclusion faite plus encore de faits relevant d'un autre comportement, spécialement s'ils sont antérieurs de plus de deux mois
La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :
[...]
"Nous avons à vous reprocher les faits suivants:
Il s'avère que depuis le mois de mai dernier, vous participez avec 2 autres de vos collègues à une 'campagne de dénigrement et d'harcèlement' sur des membres de l'équipe administrative de l'Agence de [Localité 5] au sein du service du Centre d'Appels:
- des remarques humiliantes,
- des allusions vexatoires portant :
- sur leurs personnes (comportement, apparence physique,...)
- mais également sur la qualité de leur travail (par exemple : modalités d'accomplissement, vitesse d'exécution des tâches,...).
Vous vous êtes plus particulièrement acharné sur l'une de vos collègues.
Sous prétexte de conseils, vous avez distillé de façon quotidienne et insistante, par téléphone ou face-à-face, des conseils et observations désagréables et négatifs sur sa façon de travailler (traitement des mails, transfert des appels, qualité du travail exécuté etc...).
Ces reproches incessants et répétés ont :
- généré une perte de confiance en elle,
- et atteint sa concentration et son état de santé.
Vous avez fait naître au sein de votre service du Centre d'Appels une très mauvaise ambiance, que vous avez-vous-même honnêtement et spontanément relevé.
Ce comportement répétitif a été accompagné de remarques portant sur la pérennité de son emploi au sein de la société, remarques que nous pouvons qualifier de menaces, ce qui n'est pas tolérable.
Vous avez joué de votre ancienneté au sein du service pour prendre une position dominante sur votre collègue en la rabaissant continuellement et insidieusement et en remettant en cause la qualité de son travail.
De plus depuis le mois de septembre, vos agissements ont fait naître chez vos collègues un sentiment pesant d'être épiés et surveillés sur leurs moindres faits et gestes, en relevant leurs soi-disantes erreurs ou leur demandant d' 'y aller molo' et provoquant de ce fait un repli sur soi.
Ainsi, le 12 octobre dernier, la Direction Générale et la Direction de l'établissement avaient informé l'ensemble du personnel de l'Agence de la connaissance d'agissements inacceptables au sein de celle-ci et avaient demandé que cela cesse immédiatement.
Malgré cela nous avons, à nouveau, été alertés le 19 octobre sur le fait que ces comportements n'avaient pas cessé mais qu'ils s'étaient même amplifiés par la recherche incessante de ce qui se disait entre les collaborateurs et la Direction.
Comme votre nom était clairement cité dans les responsables de ces comportements inadmissibles et répétitifs, nous avons donc procédé le 24 octobre à votre mise à pied conservatoire afin de mener notre enquête interne : tous les faits ont été confirmés y compris par des attestations écrites.
Depuis la date du 12 octobre jusqu'à votre mise à pied à titre conservatoire, vous avez questionné vos collègues pour connaître la teneur des entretiens qu'elles ont pu avoir avec la Direction de l'établissement en amplifiant ainsi le sentiment de stress et de malaise au sein de cette équipe.
Au lieu de tenir compte de l'avertissement oral de la Direction du 12 octobre, vous avez continué voire amplifié la pression que vous mettiez sur vos collègues de travail.
Votre comportement a fortement dégradé les conditions de travail de vos collègues avec même des répercussions négatives sur leur état de santé.
Ces faits constitutifs d'actes de harcèlement ne pouvant être tolérés au sein de notre entreprise, constituent un manquement grave à vos obligations contractuelles et engendrent un risque à l'égard de la santé des personnes victimes de vos agissements.
Par ailleurs, ils font peser un risque pénal sur notre entreprise et ses représentants légaux.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise ne peut être envisagé.'
[...]
***
- Quant à la prescription :
L'employeur produit l'attestation de M. [N] Directeur de l'établissement qui indique que les faits n'ont été portés à sa connaissance que le 10 octobre 2017 et l'attestation de Mme [M] DRH qui fait état de son interpellation par Mme [X] qui lui aurait évoqué son malaise du fait qu'un soir à la suite de la réunion du 12 octobre 2017, elle aurait été attendue sur le parking par M. [W] [K] qui lui aurait demandé ce qu'elle pouvait connaître des événements de harcèlement, qu'elle s'en serait sentie agressée.
Cependant l'attestation de Mme [G] à laquelle fait référence l'attestation de M. [N] non seulement ne met pas en cause M. [W] [K] mais la mise en garde par une autre salariée au travers de propos relevant de rumeurs mais surtout n'évoque pas la dénonciation dont fait état M. [N] et n'apporte aucune précision de date, autrement que le rajout manuscrit en rouge par un tiers de sa période d'embauche.
De la même manière, en dépit de la profusion de leur énumération, aucun des éléments rapportés par Mme [S] citée par M. [N] et évoqué par Mme [G], n'est précis ni daté et à aucun moment, la salariée ne fait référence à la date à laquelle elle aurait porté ces faits à la connaissance de son employeur, seul un rajout en rouge par un tiers sur la référence à une période de quatre mois évoque le mois de mai.
Ces éléments sont insuffisamment précis et probants pour établir la date à laquelle les faits auraient été commis et ont été portés à la connaissance de l'employeur et il doit être souligné que la lettre de licenciement fait état d'une enquête interne pour justifier la mise à pied, alors que dans le corps des conclusions de la société intimée, il est soutenu qu'aucune enquête n'était nécessaire dès lors que les témoignages des trois salariées harcelées été suffisants.
De la même manière, le très long témoignage de Mme [U] [P] qui rapporte toute une série de faits survenus en juillet 2017 sans plus de précision et pour certains mettant en cause M. [W] [K], s'agissant de remarques ou de reproches formulés à haute voix, ne permettent pas de dater avec précision ces faits, la seule référence à son départ en vacances étant à cet égard insuffisante.
Il en est de même de la connaissance des faits rapportés à l'employeur, la salariée indiquant seulement 'si [V] [N] ne m'avait pas interrogé, j'aurais gardé cela pour moi'.
Le témoignage de Mme [B] en ce qui concerne M. [W] [K] ne relate qu'un échange au cours duquel la salariée lui a indiqué ne pas supporter l'ambiance de cour d'école et lui reproche d'en savoir plus qu'il ne le prétend. La salariée rapporte également la manifestation d'un mécontentement par M. [W] [K] à l'égard d'une tâche réalisée par Mme [U] [P] mais sans plus de précision permettant de considérer un tel fait comme traduisant la poursuite des faits reprochés au salarié.
Il ne peut pas plus être tiré argument du témoignage de Mme [X] pour considérer que les faits allégués se soient poursuivis au delà de la réunion du 12 octobre 2017, le fait que M. [W] [K] directement mis en cause ait cherché à recueillir des informations concernant les faits qui pouvaient lui être imputés, ne peut en soi être considérer comme susceptible de caractériser un harcèlement de sa part et ce, nonobstant le ressenti de la personne interrogée.
Compte tenu des développements qui précèdent, il y a lieu de déclarer prescrits les faits imputés à M. [W] [K] et par conséquent d'infirmer le jugement entrepris et ainsi, déclarer le licenciement de M. [W] [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
===
Sur les conséquences de la rupture :
Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte d'une ancienneté de 10 ans pour un salarié âgé de 38 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à l'égard de l'intéressé qui a retrouvé dès février 2018 un emploi en contrat à durée déterminée qui s'est poursuivi dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée légèrement mieux rémunéré, ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 15.000 € net à titre de dommages-intérêts ;
Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.
Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, ou si l'inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.
Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents ainsi qu'au rappel de salaire et de congés payés sur la période de mise à pied, tel qu'il est dit au dispositif, pour les sommes non autrement contestées.
Sur le remboursement ASSEDIC
En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées
Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu'il est dit au dispositif ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer leur défense en cause d'appel.
* * *
* *
*
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME partiellement le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
DÉBOUTE M. [W] [K] de sa demande de rejet de pièces,
DÉCLARE le licenciement de M. [W] [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE à payer à M. [W] [K] :
- 15.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1 336.72 € brut à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire ;
- 133.67 € brut au titre des congés afférents ;
- 5 331.93 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 533.19 € brut au titre des congés afférents ;
- 4 887.60 € net à titre d'indemnité légale de licenciement ;
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE à payer à M. [W] [K] 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
ORDONNE le remboursement par la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [W] [K] dans les limites de quatre mois en application de l'article L 1235-4 du code du travail.
CONDAMNE la SAS SYGMATEL ELECTRONIQUE aux entiers dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.