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15/05/2023 | FRANCE | N°20/01136

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 15 mai 2023, 20/01136


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°201



N° RG 20/01136 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QPSH













SAS DECATHLON FRANCE



C/



M. [L] [F]

















Réformation partielle













Copie exécutoire délivrée

le : 15 mai 2023



à :

- Me Audrey BALLU-GOUGEON

- Me Arnaud DEGIOVANNI

- Me Corentin PALICOT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 MAI 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, l...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°201

N° RG 20/01136 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QPSH

SAS DECATHLON FRANCE

C/

M. [L] [F]

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le : 15 mai 2023

à :

- Me Audrey BALLU-GOUGEON

- Me Arnaud DEGIOVANNI

- Me Corentin PALICOT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Février 2023

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SAS DECATHLON FRANCE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Charles PIOT substituant à l'audience Me Audrey BALLU-GOUGEON de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Avocats au Barreau de RENNES

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [L] [F]

né le 04 Novembre 1960 à [Localité 6] (56)

demeurant [Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Arnaud DEGIOVANNI, Avocat au Barreau de VANNES

.../...

INTERVENANT VOLONTAIRE :

L'Etablissement Public POLE EMPLOI BRETAGNE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Nicolas CHIAFFREDO substituant à l'audience Me Corentin PALICOT de la SELARL CABINET PALICOT, Avocats au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

Atteint d'une maladie génétique (maladie de Strumpell-Lorrain) le contraignant à se déplacer en fauteuil roulant depuis 2000, M. [L] [F] bénéficie d'une pension d'invalidité 2ème catégorie et s'est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé.

M. [L] [F] a été embauché par la société DECATHLON FRANCE dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à compter d'avril 2005, la relation contractuelle se poursuivant à compter du 25 juillet 2005 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel annualisé en qualité de Vendeur/hôte, classification employé, coefficient 130 de la Convention collective Nationale du commerce des articles de sport et d'équipement de loisirs.

En 2012, M. [L] [F] a été muté à sa demande au sein de l'établissement de [Localité 6].

A compter du 12 janvier 2015, M. [L] [F] a été placé en arrêt maladie, prolongé à plusieurs reprises sans pouvoir reprendre son poste.

Après avoir été reçu par la médecine du travail en mars 2016, M. [L] [F] a indiqué en avril 2016 que son placement en arrêt de travail était lié à une vexation consécutive à un commentaire affiché en salle de réunion faisant référence à son handicap, laissé par un client dont il aurait eu connaissance en début janvier 2015 et qui n'aurait été retiré que par ses soins faute d'initiative de l'employeur à ce titre.

A l'issue de la visite de reprise du 23 mars 2016, le médecin du travail a estimé que l'état de santé de M. [L] [F] n'était pas compatible avec une reprise, qu'il ne permettait pas de lui proposer des tâches existantes dans l'entreprise mais qu'un reclassement dans un poste adapté à son handicap était possible, que cet avis était à confirmer par une étude de poste.

Postérieurement à l'étude du poste et à l'issue de la visite de reprise du 11 avril 2016, le médecin du travail a conclu à une inaptitude de M. [L] [F] à exercer tout poste dans l'entreprise et à un possible reclassement adapté au handicap.

La SASU DECATHLON FRANCE a interrogé la médecine du travail sur les possibilités d'aménagements en vue du reclassement de M. [L] [F].

Le 20 mai 2016, M. [L] [F] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 30 mai 2016 auquel il a indiqué qu'il ne pourrait se rendre.

Le 2 juin 2016, M. [L] [F] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 30 avril 2018, M. [L] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de LORIENT aux fins de voir :

A titre principal,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE à payer à M. [L] [F] les sommes suivantes :

- 24.864,96 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul de M. [L] [F],

- 10.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 2.072,08 € d'indemnité compensatrice de préavis,

- 207,20 € de congés payés sur préavis,

A titre subsidiaire,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE à payer à M. [L] [F] les sommes suivantes :

- 24.864,96 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l'origine de l'inaptitude imputable à l 'employeur,

- 2.072, 08 € d'indemnité compensatrice de préavis,

- 207,20 € de congés payés sur préavis,

A titre infiniment subsidiaire,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE à payer à M. [L] [F] les sommes suivantes :

- 24.864,96 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement,

- 2.072, 08 € d'indemnité compensatrice de préavis,

- 207,20 € de congés payés sur préavis,

En tout état de cause,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE à payer à M. [L] [F] les sommes suivantes :

- 10.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non respect par l'employeur de 1'obligation de sécurité et de résultat,

- 8.000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 5.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civil,

' Exécution provisoire du jugement à intervenir,

' Condamner la société défenderesse aux entiers dépens.

La cour est saisie de l'appel formé le 14 février 2020 par la SASU DECATHLON FRANCE contre le jugement en date du 20 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de LORIENT a :

' Dit que le licenciement de M. [L] [F] est nul consécutivement au harcèlement moral qu'i1 a subi,

' Condamné la SASU DECATHLON FRANCE à payer à M. [L] [F], les sommes de :

- 15.540,60 € à titre de dommages et intérêts soit 15 mois de salaires en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la situation d'harcèlement moral subie,

- 2.072,08 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 207,20 € brut au titre des congés payés afférents,

- 4.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de 1'exécution déloyale du contrat de travail,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

' Débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

' Condamné la SASU DECATHLON FRANCE aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 12 octobre 2020, suivant lesquelles la SASU DECATHLON FRANCE. demande à la cour de :

' Réformer le Jugement du Conseil de Prud'hommes de LORIENT, Section Commerce du 20 Janvier 2020, référencé sous le RG n° F 18/00082 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [L] [F] est nul consécutivement au harcèlement moral qu'il a subi,

- condamné la SASU DECATHLON FRANCE. à payer à M. [L] [F] les sommes de :

- 15.540,60 € à titre de dommages et intérêts soit 15 mois de salaires en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la situation d'harcèlement moral subie,

- 2.072,08 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 207,20 € brut au titre des congés payés afférents,

- 4.000 € à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SASU DECATHLON FRANCE aux entiers dépens,

Statuant de nouveau,

' Débouter M. [L] [F] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions.

Subsidiairement,

' Dire et juger les demandes indemnitaires injustifiées et disproportionnées,

' Minorer celles-ci,

En tout état de cause,

' Condamner M. [L] [F] au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

' Condamner le même aux entiers dépens.

Le 4 octobre 2022, la CARSAT Bretagne a notifié à M. [L] [F] sa retraite à compter du 1er décembre 2022.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 19 décembre 2022, suivant lesquelles M. [L] [F] demande à la cour de :

' Dire et Juger recevable et bien fondé M. [L] [F] en l'ensemb1e de ses demandes, fins et conclusions,

' Confirmer partiellement le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de LORIENT du 20 janvier 2020 en ce qu'il a :

- dit le licenciement de M. [L] [F] nul consécutivement à la situation d'harcèlement moral qu'il a subi

- condamné la SASU DECATHLON FRANCE au paiement de la somme de :

- 2.072,08 € brut à. titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 207,20 € brut au titre des congés payés afférents,

- 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure

civile,

- condamné la SASU DECATHLON FRANCE aux entiers dépens,

' Réformer partiellement le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Lorient du 20 janvier 2020 en ce qu'il a condamné la SASU DECATHLON FRANCE au paiement des sommes suivantes :

- 15.540,60 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement nul,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la situation d'harcèlement moral subie,

- 4.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail,

' Réformer partiellement le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de LORIENT du 20 janvier 2020 en ce qu'il a débouté M. [L] [F] de ses demandes en paiement suivantes :

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non- respect par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

Statuant de nouveau par l'effet dévolutif de l'appel,

A titre principal,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE au paiement de la somme de :

- 24.864,96 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul,

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la situation d'harcèlement moral subie,

- 8.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi moral subi,

A titre subsidiaire,

' Dire et Juger que le licenciement pour inaptitude de M. [L] [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse en raison de l'origine de l'inaptitude imputable à la SASU DECATHLON FRANCE,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE au paiement de la somme de :

- 24.864,96 € à de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l'origine de l'inaptitude imputable à l'employeur,

- 2.072,08 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 207,20 € brut au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

A titre très subsidiaire,

' Dire et Juger que le licenciement pour inaptitude de M. [L] [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse en raison du manquement de la SASU DECATHLON FRANCE à son obligation de reclassement,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE au paiement de la somme de :

- 24.864,96 € à de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement à l'obligation de reclassement,

- 2.072,08 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

- 207,20 € brut au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

En tout état de cause,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE au paiement de la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE aux entiers dépens en cause d'appel.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 18 janvier 2023, suivant lesquelles POLE EMPLOI BRETAGNE demande à la cour de :

' Recevoir POLE EMPLOI BRETAGNE en son intervention,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE à rembourser auprès de POLE EMPLOI les 4.260,24 € d'ARE versées à M. [L] [F] du 16 juillet 2016 au 14 janvier 2017,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE à verser à POLE EMPLOI la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

' Condamner la SASU DECATHLON FRANCE aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du19 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

* * *

* *

*

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral et ses conséquences non indemnitaires :

Pour infirmation et débouté de l'ensemble des prétentions de M. [L] [F] à ce titre, la SASU DECATHLON FRANCE fait valoir que le salarié ne rapporte pas la preuve de faits laissant supposer l'existence de harcèlement moral imputable à la société, aucune réitération ni fait concret imputable à M. [J], directeur de magasin arrivé un an plus tôt, ni la moindre attestation sur les griefs qu'il invoque à son encontre alors qu'il est produit de nombreuses attestations de collègues louant la bienveillance de l'intéressé.

La SASU DECATHLON FRANCE ajoute que le salarié produit beaucoup de pièces en lien avec son état de santé dont la dégradation n'est pas discutée mais ces éléments médicaux ne peuvent à eux seuls être de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, étant relevé que le médecin traitant comme le médecin du travail rapporte les dires du salarié, ce dernier les rapporte à son travail, qu'en l'occurrence, l'affichage incriminé ne concernait pas que M. [L] [F], que tous les avis clients sont affichés quatre fois par an, la référence au handicap n'est que descriptive, que cet avis a été retiré par la société, le salarié ne s'en plaignant qu'un an plus tard aux fins de rattacher cet événement à son inaptitude.

La SASU DECATHLON FRANCE soutient en outre que le salarié ne peut invoquer à ce titre un manquement à l'obligation de sécurité faute de l'avoir alerté préalablement, sachant que toutes les mesures utiles ont été prises à son égard, s'agissant notamment de l'acceptation de sa mutation ou de l'ergonomie de son poste de travail.

M. [L] [F] rétorque que son licenciement est nul dès lors qu'il résulte d'agissements constitutifs de harcèlement moral, que l'employeur n'a pris aucune mesure pour prévenir le harcèlement moral, qu'il présente effectivement des éléments laissant présumer l'existence de harcèlement moral à son encontre, qu'il a fait l'objet de faits répétés de la part de son directeur depuis son arrivée, le stigmatisant de nature à porter atteinte à sa santé, en ce compris un avertissement, que ce dernier lui a enjoint de se rendre dans la salle de repos pour consulter l'affichage de l'avis de client le concernant, assorti de commentaires du directeur sur ces avis dont l'un le mettait à l'index, qu'il a été contraint de procéder lui-même à l'enlèvement de cet affichage au bout d'une dizaine de jours.

M. [L] [F] entend préciser que le médecin du travail a expressément noté qu'il était en souffrance, que la dégradation de son état de santé était en rapport avec la violence de ce message, de sorte que le maintien de cet affichage est constitutif du harcèlement moral à l'origine de son inaptitude.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En application des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail.

Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

L'article L.1152-4 du même code oblige l'employeur à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ;

L'article 26 de la Charte sociale européenne dispose que :

« En vue d'assurer l'exercice effectif du droit de tous les travailleurs à la protection de leur dignité au travail, les Parties s'engagent, en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs :

[...]

2. à promouvoir la sensibilisation, l'information et la prévention en matière d'actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements ».

Il suit de ces dispositions que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment de harcèlement moral ; l'absence de faute de sa part ou le comportement fautif d'un autre salarié de l'entreprise ne peuvent l'exonérer de sa responsabilité à ce titre ; les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique ne peuvent caractériser un harcèlement moral que si elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L.1152-3 du code du travail, un licenciement intervenu dans ce contexte est nul.

En l'espèce, il est établi que début janvier 2015, lors de son arrivée sur son lieu de travail, M. [L] [F] a été invité par M. [J] directeur de magasin DECATHLON, à se rendre en salle de pause pour prendre connaissance des commentaires des clients affichés, dont une remarque le concernant. Il est également établi qu'au delà des feuillets comprenant ces commentaires dont un seul faisait référence à une personne précise, en l'occurrence à raison de son handicap, l'affichage comportait une mention en gros caractères 'nos clients nous parlent. Lisez, je ne sais pas quoi dire'.

Il n'est pas discuté que cet affichage est resté en place en salle de repos pendant plusieurs jours et n'a été retiré qu'à l'initiative de M. [L] [F] qui se sentait stigmatisé par le commentaire négatif permettant de l'identifier.

Le seul fait de communiquer les avis de consommateurs qu'ils soient positifs ou négatifs, aux salariés pour leur permettre de réfléchir à leur pratique professionnelle n'est pas en soi critiquable, de sorte que les développements du salarié relatifs à la réalité de cette communication sont dénués de portée.

En revanche, le fait de les afficher dans une salle de repos, alors que seul l'un d'entre eux désigne un salarié précis du fait de la référence à son handicap et le fait de maintenir cet affichage en place dans cette salle de repos dont ce n'est pas l'office, avec le commentaire précité prend nécessairement pour l'intéressé un caractère stigmatisant, caractérisant de surcroît dans les circonstances rapportées à tout le moins un manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral.

Il est par ailleurs constant que M. [L] [F] qui a été placé en arrêt de travail dès le 12 janvier 2015 n'a plus été en mesure de reprendre son poste, qu'il a été déclaré inapte et il ressort tant des certificats de son médecin traitant, du psychiatre et d'un interne en médecine générale ainsi que des avis du médecin du travail, en particulier celui du 27 janvier 2015 produits au débat que M. [L] [F] présentait un état dépressif en rapport avec le travail.

Nonobstant les faits antérieurs invoqués par le salarié, l'affichage réalisé et son maintien dans les circonstances rapportées jusqu'à son arrachage par le salarié, pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ayant eu pour effet de dégrader les conditions de travail et d'altérer son état de santé ainsi que de compromettre son avenir professionnel.

Il appartient par conséquent à l'employeur de démontrer que ces agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement sachant que l'absence de faute de sa part ou le comportement fautif d'un autre salarié de l'entreprise ne peuvent l'exonérer de sa responsabilité à ce titre, de sorte que les attestations produites par l'employeur concernant les qualités managériales reconnues à M. [J] sont dénuées de portée à cet égard et ce, indépendamment de leur non conformité invoquée aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile.

Pour justifier l'affichage et son maintien, l'employeur produit les attestations de Mme [I] relatives à la transmission quatre fois par an d'un document Excel récapitulant tous les avis clients reçus aux directeurs pour communication à leur équipe, l'employeur estimant que le commentaire faisant référence à M. [L] [F] ne lui était pas imputable, que sa publication n'avait pas pour objet de mettre à mal volontairement l'intéressé, que le directeur du magasin s'est contenté de reprendre et d'afficher tous les commentaires.

Cependant et nonobstant l'intention pédagogique de la transmission de ces avis, l'employeur ne justifie par aucun élément objectif la nécessité d'afficher ainsi ces avis dans une salle de repos et partant de les soumettre sans aucun filtre à l'ensemble des salariés, sachant qu'il ne pouvait ignorer qu'un seul d'entre eux était précisément identifiable et qu'il a au surplus assorti d'un commentaire que l'intéressé, seul identifiable pouvait prendre pour lui.

Il sera observé que l'employeur ne soutient à aucun moment que ce type d'affichage des avis qu'il recevait quatre fois par an, était habituel en salle de repos.

Il résulte des développements qui précèdent que M. [L] [F] a effectivement été victime de harcèlement moral de la part de son employeur qui a en outre manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral à son égard.

Il ressort en outre de ces mêmes développements et des pièces produites que l'inaptitude de M. [L] [F] à son poste de travail est la conséquence directe des faits de harcèlement et de manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral, de sorte que le licenciement intervenu dans ces circonstances est nécessairement nul.

Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris de ces chefs.

Sur les conséquences indemnitaires :

- Quant au harcèlement moral :

Pour infirmation et débouté du salarié, la SASU DECATHLON FRANCE expose que les arguments invoqués par le salarié pour solliciter la réparation du préjudice moral allégué ne permettent pas d'y faire droit dans la mesure où le certificat médical produit se contente de rapporter ses propos et ne permet pas d'en établir la réalité.

M. [L] [F] réfute l'argumentation de la SASU DECATHLON FRANCE, arguant de ce que le certificat du spécialiste établit le caractère délétère des conséquences du harcèlement subi sur l'évolution de sa pathologie de plus en plus invalidante.

En l'espèce, l'existence du harcèlement moral subi par le salarié est établi et il en résulte un préjudice qu'il appartient à la cour d'évaluer souverainement au regard des éléments produits et des débats quand bien même s'agissant d'un préjudice moral, il en résulte nécessairement une appréciation subjective. Au regard des circonstances caractérisant le harcèlement moral et des conséquences induites au point que le salarié s'est retrouvé dans l'impossibilité de reprendre son emploi avant son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le préjudice moral résultant du harcèlement subi, doit être évalué à la somme de 10.000 €, le jugement entrepris étant réformé de ce chef.

- Quant aux conséquences du licenciement nul :

Pour infirmation et débouté du salarié, la SASU DECATHLON FRANCE soutient essentiellement que M. [L] [F] ne rapportant aucun élément sur ses recherches d'emploi, ne justifie pas du préjudice dont il demande réparation.

M. [L] [F] fait valoir que licencié en juin 2016, il n'a pas retrouvé de travail, que contrairement au reproche formulé par l'employeur, il a recherché à se reconvertir sans succès après formation, faute d'avoir obtenu la subvention sollicitée, qu'il perçoit une faible retraite et rencontre des difficultés financières importantes dès lors qu'il n'était pas en mesure de retrouver un travail.

En application des articles L.1152-3 et L.1235-3 du code du travail, si le licenciement est nul et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur, en plus des indemnités de rupture, une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale aux six derniers mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise.

En l'espèce, M. [L] [F] dont le degré d'employabilité est faible compte tenu de son âge et de son handicap justifie de ses difficultés en dépit de la formation suivie et de son projet d'une activité de tourisme vert destinée aux personnes handicapées qu'il n'est pas parvenu à développer, à retrouver une activité professionnelle et partant des difficultés financières induites par la perte de son emploi.

M. [L] [F] justifie en outre de l'impact de son licenciement sur le calcul du montant de sa retraite qu'il perçoit à hauteur de 656,34 € outre un versement Agirc Arco de 247,60 € outre les allocations au titre de son handicap, de sorte qu'au regard de son ancienneté, les éléments produits permettent d'évaluer le préjudice direct résultant de son licenciement à la somme de 20.000 €,le jugement entrepris étant réformé dans cette limite.

Le licenciement étant nul, le salarié peut donc prétendre aux indemnités compensatrice de préavis et de congés afférents pour les sommes non autrement contestées, le jugement entrepris étant confirmé de ces chefs.

- Quant au manquement à l'obligation de sécurité et à l'exécution déloyale du contrat de travail :

Pour infirmation en ce qui concerne l'obligation de sécurité et réformation en ce qui concerne l'exécution déloyale du contrat de travail, M. [L] [F] soutient pour l'essentiel que l'employeur n'a adapté son poste de travail à son handicap et que l'étude dont il fait état se rapporte au poste qu'il occupait à [Localité 7] avant d'être muté mais que rien n'a été fait postérieurement à son arrivée à [Localité 6].

L'employeur objecte qu'il a fait droit à la demande de mutation du salarié, qu'une étude de l'ergonomie de son poste de travail a été réalisée et qu'il n'a jamais fait état de plainte pendant l'exécution de son contrat de travail.

En application des dispositions de l'article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.

En application de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des

circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L.4121-3 du même code précise que l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement. Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

En l'espèce, il sera observé que si l'employeur ne répond pas à l'argument du salarié concernant le fait que l'étude d'ergonomie concernait son poste de [Localité 7], il n'en demeure pas moins que l'intéressé développe la même argumentation concernant l'exécution déloyale et le manquement à l'obligation de sécurité sans démontrer la réalité d'un préjudice distinct concernant chacun des préjudices invoqués.

Au regard des éléments précédemment relevés concernant notamment le manquement à l'obligation de prévention du harcèlement et de l'absence de justification de l'aménagement du poste de travail du magasin de [Localité 6], il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a évalué le préjudice subi à hauteur de la somme de 4.000 € mais en considérant qu'il s'agit d'une évaluation globale du préjudice à ces deux titres.

- Quant à la réparation du préjudice moral distinct :

Ainsi que le soutient l'employeur et hormis les éléments précédemment retenus pour indemniser les préjudices déjà retenus, le salarié n'apporte aucun élément déterminant permettant d'apprécier la réalité d'un préjudice moral distinct de ceux déjà indemnisés.

Il y a lieu en conséquence de débouter le salarié de la demande formulée à ce titre.

Sur le remboursement ASSEDIC

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur fautif, est de droit ;

En l'espèce, POLE EMPLOI fait valoir qu'il a versé la somme de 4.260,24 € d'ARE à M. [L] [F] du 16 juillet 2016 au 14 janvier 2017 et en sollicite le remboursement, de sorte que ce remboursement sera ordonné tel qu'il est dit au dispositif ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié intimé et PÔLE EMPLOI des frais irrépétibles qu'ils ont pu exposer pour assurer leur défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

RÉFORME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SASU DECATHLON FRANCE à payer à M. [L] [F] :

- 20.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 10.000 € net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

DIT que la somme de 4.000 € net allouée à titre de dommages et intérêts répare le préjudice résultant du manquement à l'obligation de sécurité et l'exécution déloyale du contrat de travail,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

CONDAMNE la SASU DECATHLON FRANCE à rembourser à POLE EMPLOI la 4.260,24 € d'ARE versées à M. [L] [F] du 16 juillet 2016 au 14 janvier 2017,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SASU DECATHLON FRANCE à payer à M. [L] [F] 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SASU DECATHLON FRANCE à verser à POLE EMPLOI la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

DÉBOUTE la SASU DECATHLON FRANCE de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la SASU DECATHLON FRANCE aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/01136
Date de la décision : 15/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-15;20.01136 ?
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