8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°204
N° RG 18/07719 -
N° Portalis DBVL-V-B7C-PK37
SARL BRETAGNE WATER BLASTING
C/
M. [R] [S]
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Aurélie DUIGOU
- Me Sophie DENIEL
- Me Marie-Noëlle COLLEU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 Février 2023
En présence de Madame [A] [G], Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE et intimée à titre incident :
La SARL BRETAGNE WATER BLASTING dont le siège se trouvait [Adresse 11] aujourd'hui en liquidation judiciaire, prise en la personne de :
La S.E.L.A.R.L. de Mandataires Judiciaires FIDES agissant par Me [U] [D] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL BRETAGNE WATER BLASTING (BWB) - INTERVENANT
[Adresse 2]
[Localité 7]
Ayant Me Aurélie DUIGOU, Avocat au Barreau de BREST, pour Avocat constitué
INTIMÉ et appelant à titre incident :
Monsieur [R] [S]
né le 17 Mars 1985 à [Localité 10] (51)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant Me Sophie DENIEL de la SELARL DSE AVOCATS, Avocat au Barreau de BREST, pour Avocat constitué
INTERVENANTE FORCÉE, de la cause, appelante à titre incident :
L'Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :
[Adresse 3]
[Localité 5]
Ayant Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Avocat au Barreau de RENNES, pour conseil
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M. [R] [S] a été embauché par la société d'Isolation Brestoise dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 17 novembre 2008 en qualité d'Opérateur pour l'enlèvement de l'amiante puis de Chef d'équipe niveau III, échelon I, coefficient 215.
Le 1er février 2011, le contrat de travail de M. [S] a été transféré à la SARL BRETAGNE WATER BLASTING. M. [S] a exercé à compter du 1er septembre 2013 les fonctions de Conducteur de travaux, agent de maîtrise, catégorie 5, coefficient 305.
Par courriers des 2 et 8 décembre 2016, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 13 décembre 2016 avec mise à pied à titre conservatoire. L'entretien a été reporté au 20 décembre 2016.
Par courrier du 27 décembre 2016, la SARL BWB a notifié à M. [S] son licenciement.
Le 28 avril 2017, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Brest aux fins de condamnation de la SARL BWB à lui verser diverses sommes, définies ainsi que suit dans le dernier état de ses prétentions :
- 39.600 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.774,81 € à titre de rappels de prime d'ancienneté pour les seules années 2016 et 2017, sauf à parfaire pour les années antérieures non prescrites,
- 17.474,52 € bruts au titre des heures supplémentaires accomplies sur les périodes non prescrites,
- 1.747,45 € brut au titre des congés payés,
- 1.219,47 € brut à titre d'indemnité compensatrice des contreparties obligatoires en repos non accordés pour 2015 et 2016,
- 4.730,89 € à titre de complément d'indemnité de licenciement,
- 3.663,19 € brut à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,
- 366.31 € brut au titre des congés payés,
- 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
' remise des documents sociaux rectifiés et relevés de temps de travail sous astreinte,
' exécution provisoire.
La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par la société BWB le 30 novembre 2018 du jugement du 19 octobre 2018 par lequel le Conseil de prud'hommes de Brest a :
' dit que le licenciement de M. [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
' dit que l'ancienneté de M. [S] doit être comptée à partir de la date de son contrat initial soit le 17 novembre 2008,
' dit que l'entreprise n'a pas satisfait à son obligation concernant les entretiens annuels permettant d'évaluer chaque année la charge de travail et les conséquences de cette organisation sur la vie personnelle du salarié,
' condamné la SARL BWB à payer à M. [S] les sommes suivantes :
- 39.600 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2.535,87 € à titre de rappels de prime d'ancienneté,
- 253,58 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur la prime d'ancienneté,
- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles en vue de garantir la santé au travail (manquement à l'obligation concernant les entretiens annuels permettant d'évaluer chaque année la charge de travail),
- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' dit que les sommes allouées seront porteuses des intérêts de droit à compter de la demande en justice pour les montants à caractère salarial (date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 09 mai 2017), et à compter de la notification pour les dommages-intérêts, en vertu des dispositions de l'article 1231-7 du code civil,
' rappelé l'exécution provisoire de droit (article R 1454-28 du code du travail) à laquelle sera assorti le présent jugement et fixé le salaire moyen à la somme de 3.663,19 €,
' ordonné à la SARL BWB de remettre à M. [S] les documents sociaux rectifiés dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement,
' débouté M. [S] de sa demande de nullité de la convention de forfait annuel en jours,
' débouté les parties du surplus de leurs demandes,
' ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités,
' condamné la SARL BWB aux dépens, et y compris en cas d'exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d'huissier.
Par jugement du 6 octobre 2020, le tribunal de commerce de Brest a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL BWB '; la société FIDES, représentée par Me [U] [D], a été désignée en qualité de liquidateur.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022 par lesquelles la SELARL FIDES es qualités de liquidateur de la société BWB demande à la cour de :
' infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Brest du 19 octobre 2018 en ce qu'il a :
- dit et jugé que la SARL BWB n'a pas satisfait à son obligation concernant les entretiens annuels permettant d'évaluer chaque année la charge de travail et les conséquences de cette organisation sur la vie personnelle du salarié,
- condamné la SARL BWB à verser à M. [S] la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles en vue de garantir la santé au travail,
- dit et jugé que le licenciement de M. [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la SARL BWB à verser à M. [S] la somme de 39.600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- ordonné le remboursement aux organismes intéressés des indemnités chômage du jour du licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités,
- condamné la SARL BWB à verser à M. [S] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Statuant à nouveau, sur l'appel principal,
A titre principal,
' dire et juger que le licenciement de M. [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,
' débouter M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
' dire et juger que la SARL BWB a respecté ses obligations en matière d'entretien annuel dans le cadre d'un forfait jours,
' débouter M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect des dispositions légales et conventionnelles en vue de garantir la santé au travail,
' débouter M. [S] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre des frais et dépens,
' condamner M. [S] à verser à la SARL BWB la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance,
A titre subsidiaire, Si la Cour devait confirmer que le licenciement de M. [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
' ramener le quantum des dommages et intérêts à de plus justes proportions,
Sur l'appel incident,
A titre principal,
' confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Brest en ce qu'il a validé la convention annuelle de forfait en jours,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour prononçait la nullité de la convention annuelle de forfait en jours,
' Débouter M. [S] de sa demande de rappel au titre des heures supplémentaires.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 4 mars 2022 suivant lesquelles M. [S] demande à la cour de :
' déclarer commun et opposable l'arrêt à intervenir au CGEA-AGS de [Localité 5],
' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de M. [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- dit que l'ancienneté de M. [S] devait être calculée à partir du 17 novembre 2008,
' fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL BWB au bénéfice de M. [S], des sommes de :
- 39.600 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2.535,87 € à titre de rappels de prime d'ancienneté au titre des périodes non prescrites, soit depuis avril 2014,
- 253,58 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur la prime d'ancienneté,
' recevoir M. [S] en son appel incident,
' infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes tendant à la nullité de la convention de forfait annuel en jours, et à des rappels de salaires et de paiement des contreparties obligatoires en repos,
' dire que la convention de forfait annuel en jours est nulle, ou subsidiairement inopposable,
' fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL BWB au bénéfice de M. [S], les sommes suivantes :
- 17.474,52 € brut à titre de rappels de salaires pour les heures supplémentaires accomplies depuis les périodes non prescrites,
- 1.747,45 € brut au titre des congés payés,
- 1.171,34 € brut à titre d'indemnité compensatrice des contreparties obligatoires en repos non accordés pour 2015 et 2016,
' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que M. [S] avait subi un préjudice en raison du non-respect des obligations légales et conventionnelles relatives à l'entretien annuel permettant d'évaluer chaque année la charge de travail et les conséquences de cette organisation sur la vie personnelle du salarié,
' réformer le jugement entrepris en ce qui concerne le montant des indemnités à payer à ce titre à M. [S] et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL BWB au bénéfice de M. [S] la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de ces dispositions légales et conventionnelles,
' condamner la SELARL FIDES, ès qualités, à remettre à M. [S], dans un délai de dix jours suivant notification de l'arrêt à intervenir, les bulletins de salaires et documents sociaux rectifiés, tenant compte des condamnations ci-dessus mentionnées, et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard,
' confirmer le jugement entrepris sur l'article 700 du code de procédure civile,
' fFixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL BWB au bénéfice de M. [S] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 25 novembre 2021, suivant lesquelles le CGEA de [Localité 5] demande à la cour de :
' déclarer son appel incident recevable et bien fondé,
' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de M. [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- dit que l'entreprise n'a pas satisfait à son obligation concernant les entretiens annuels permettant d'évaluer chaque année la charge de travail et les conséquences de cette organisation sur la vie personnelle du salarié,
- condamné la SARL BWB à payer à M. [S] les sommes suivantes :
- 39.600 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles en vue de garantir la santé au travail,
' confirmer le jugement pour le surplus,
' débouter M. [S] de ses demandes,
A titre subsidiaire,
' débouter M. [S] de toute demande excessive et injustifiée,
En toute hypothèse,
' débouter M. [S] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l'encontre de l'AGS,
' décerner acte à l'AGS de ce qu'elle ne consentira d'avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,
' dire que l'indemnité éventuellement allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'a pas la nature de créance salariale,
' dire que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail,
' dépens comme de droit.
La clôture de la procédure a été prononcée le 2 février 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires
* Quant à la validité et l'application de la convention de forfait jours
M. [S] fait valoir pour infirmation du jugement au soutien de sa demande principale d'annulation ou subsidiaire inopposabilité de la convention de forfait jours insérée dans son contrat de travail qu'il n'a jamais bénéficié d'un entretien annuel portant sur sa charge de travail, qu'il ne disposait pas d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps pour justifier le recours à un tel forfait, qu'il ne bénéficiait pas lors de la mise en place du forfait du coefficient minimal de 240 prévu pour son application aux agents de maîtrise'; que les relevés d'heures contresignés par son supérieur hiérarchique permettent de déterminer avec précision le nombre d'heures travaillées chaque semaine par M. [S] et justifient ses demandes de rappel de salaire pour les années 2014 à 2016, non atteintes par la prescription.
La SELARL FIDES es-qualités soutient pour confirmation que tant l'accord de branche que le contrat de travail prévoyait le principe d'un entretien annuel, que la convention annuelle de forfait en jours ne saurait donc encourir la nullité, que contrairement à ce qu'affirme M. [S], il est démontré qu'un entretien annuel a bien eu lieu tous les ans'; que M. [S] disposait d'une grande autonomie dans la gestion de son emploi du temps, notamment en raison des déplacements nécessaires sur les chantiers pour contrôler leur déroulement et leur état d'avancement'; que les demandes antérieures au 28 avril 2014 sont prescrites'; que M. [S] se contente de produire un tableau indiquant le total des heures qu'il aurait accomplies sans précision sur les modalités de décompte du temps de travail effectif, dans lequel il inclut manifestement ses temps de trajet, de sorte que les demandes présentées par M. [S] sont fausses et ne peuvent donc qu'être rejetées.
L'AGS CGEA fait valoir sur ce point que l'absence de mise en place d'entretiens annuels pour évaluer sa charge de travail ne permettrait à M. [S] de solliciter que l'inopposabilité de la convention de forfait et non sa nullité,'; que la liquidation judiciaire de la société BWB démontre avoir parfaitement respecté ses obligations en la matière puisque chaque année un entretien était bien organisé pour évaluer la charge de travail de l'ensemble des salariés, y compris concernant M. [S]'; qu'enfin, M. [S] est défaillant à justifier son rappel d'heures supplémentaires, dont il doit donc être débouté.
En droit, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail, dans le respect des principes généraux de protection de la sécurité et de la santé du travailleur. L'employeur doit en outre s'assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
Aux termes de l'article L.3121-39 du code du travail en sa rédaction applicable au litige :
«'La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.'»
Aux termes de l'article L.3121-46 du même code :
«'Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.'»
L'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie, modifié par l'avenant du 29 janvier 2000, indique en son article 14.2 relatif à l'organisation d'un forfait annuel en jours (pièce n°13 du salarié) :
«'Le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés. Afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises, l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n'a pas renoncé dans le cadre de l'avenant à son contrat de travail visé au deuxième alinéa ci-dessus. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur.
Le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait définie en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail.
En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. À cet effet, l'employeur affichera dans l'entreprise le début et la fin de la période quotidienne du temps de repos minimal obligatoire visé à l'alinéa 7 ci-dessus. Un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir d'autres modalités pour assurer le respect de cette obligation.
Les modalités d'affectation, sur un compte épargne-temps, des journées ou demi-journées de repos non prises dans le courant de l'année sont déterminées au niveau de chaque entreprise ou établissement selon le régime de compte épargne-temps applicable.'»
En l'espèce, le contrat à durée indéterminée signé le 28 janvier 2011 à effet du 1er février 2011 organise en son article 5 un forfait annuel de 218 jours de travail pour M. [S] en raison de la nécessité de «'répondre à ses fonctions cinq jours par semaine, voire six si nécessaire'» et de sa qualité d'agent de maîtrise justifiant qu'il ne soit «'pas astreint à un horaire précis, mais doi[ve] répondre aux fonctions dont il a la responsabilité'». Ce contrat ne prévoit pas expressément l'organisation d'un entretien annuel individuel et n'indique aucune modalité selon laquelle pourrait être évoquée sa charge de travail ou toute difficulté dans l'organisation de son emploi du temps au regard du forfait.
L'avenant au contrat signé le 1er octobre 2013 (pièce n°4 de l'appelante) prévoit expressément (page 3) que «'chaque année, il sera organisé un entretien individuel avec la Direction. Les parties établiront un bilan de la charge de travail de l'année écoulée (application du calendrier prévisionnel, organisation du travail dans l'entreprise, amplitude des journées d'activité) et le contrôle du respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires. Cette entrevue portera également sur l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération. Monsieur [S] complétera ainsi un document récapitulant le nombre de jours travaillés et celui des journées ou des demi-journées de repos prises'».
L'employeur ne produit que le témoignage de M. [N], chargé d'affaires, selon lequel « Concernant l'entretien annuel avec Monsieur [S], il a eu lieu tous les ans avec Monsieur [K] [W], Monsieur [S] profitait de cette occasion pour demander soit une augmentation de salaire, une prime ou un changement de statut (voir les bulletins de salaire)'» (pièce n°10).
Cette attestation ne fait aucune référence à l'évocation lors de ces entretiens de la charge de travail du salarié et il n'est justifié par aucune autre pièce de l'organisation d'aucun entretien annuel sur l'ensemble des années concernées, ni du contenu de ses entretiens.
Il n'est en outre fait état par l'employeur d'aucune mesure particulière de suivi de la charge de travail du salarié au cours de l'exécution du contrat de travail dans le but de s'assurer régulièrement que cette charge restait raisonnable et permettait une bonne répartition de son temps de travail, ni de l'équilibre entre son activité professionnelle et sa vie privée, cette circonstance ne pouvant résulter du seul fait que M. [S] n'aurait pas lui-même alerté sa hiérarchie avant sa saisine du conseil de prud'hommes.
L'employeur ne justifie donc pas suffisamment avoir respecté les dispositions légales et conventionnelles encadrant le recours à un forfait annuel en jours.
La convention de forfait en jours est en conséquence inopposable au salarié, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres arguments soulevés par M. [S].
===
* Quant à l'existence et la quantité d'heures supplémentaires effectuées
D'autre part, il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
À l'appui de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, M. [S] verse aux débats :
- un tableau récapitulatif des heures supplémentaires effectuées sur la période de janvier 2013 à décembre 2016 (pièce n°17),
- le détail du calcul de ses demandes d'heures supplémentaires à compter de la semaine 16 de 2014 excluant la période antérieure prescrite (ses conclusions page 20),
- les relevés hebdomadaires de ses horaires sur les années 2014 à 2016 contresignés par son supérieur M. [N] (pièce n°22) et la note de service relative à la formalisation de ces relevés (pièce n°18).
La SELARL FIDES es-qualités, qui produit (en pièces n°12 à 32) des relevés identiques à ceux versés aux débats par le salarié, rétorque seulement que les relevés produits par M. [S] incluent ses déplacements professionnels dans le temps de travail effectif et sont donc faux, ainsi qu'il apparaît notamment pour l'année 2015 sur les semaines 24, 33, 37, 39, 42, 43, 45, 46, 47, 48, 50, 51, pour l'année 2016 sur les semaines 19, 20, 21, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 36, 37, 39, 43, 44, 46, 48.
En application de l'article L.3121-4 du code du travail en sa rédaction en vigueur durant l'exécution du contrat de travail :
«'Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.'»
En l'espèce, M. [S] justifie par ses écritures et pièces d'un nombre conséquent de déplacements notamment entre [Localité 7] et [Localité 12] ou [Localité 9], [Localité 8], [Localité 6] pour le compte de la société BWB aux fins de se rendre sur des chantiers, sans élément contraire de la part du liquidateur de l'employeur à leur égard, de sorte que rien ne permet d'exclure ces trajets du temps de travail effectif de M. [S].
Après examen de l'ensemble des éléments produits, la demande de rappel d'heures supplémentaires formée par M. [S] s'avère bien fondée, à hauteur de la somme totale de 17.474,72 € brut (incluant pour 2014 postérieurement au 28 avril la somme de 3.752,02 € brut, pour 2015 la somme de 7.445,55 € brut, pour 2016 la somme de 6.277,15 € brut), outre les congés payés à hauteur de 10'% soit pour la somme totale de 1.747,47 €.
Il sera fait droit à la demande de M. [S] de ce chef, au titre des heures supplémentaires et le jugement sera infirmé de ce chef.
* Quant à la contrepartie obligatoire en repos
M. [S] justifie au regard de ce qui précède avoir dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 de 52,75 heures en 2015 et de 4,50 heures en 2016.
Il est donc bien fondé à solliciter le paiement d'une indemnité au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaire à hauteur de 100% du taux horaire par heure excédant le contingent annuel soit pour un total de 1.171.34 € brut, incluant 1.073,46 € brut pour 2015 et 97,88 € brut pour 2016.
Le jugement sera également infirmé sur ce point.
*Quant à la demande de dommages et intérêts
Le Conseil de Prud'hommes de Brest dans le jugement attaqué a condamné la société BWB à verser à M. [S] la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en considérant que la société BWB n'avait pas respecté ses obligations relatives à l'entretien annuel que l'employeur doit mettre en place dans le cadre d'un forfait annuel en jours.
La SELARL FIDES es-qualités soutient pour infirmation que M. [S] se contente d'affirmer qu'il n'a pas eu d'entretien annuel dans le cadre de l'application de son forfait jours sans référence à l'existence d'un préjudice et alors qu'il sollicite à titre principal la nullité de sa convention annuelle de forfait jours, dont il ne peut par ailleurs demander l'application pour obtenir des dommages et intérêts en raison du non-respect de ses dispositions.
L'AGS-CGEA soutient qu'en tout état de cause, M. [S] ne fait état d'aucun préjudice.
M. [S] fait valoir pour infirmation du jugement sur le quantum des dommages et intérêts que le non-respect par l'employeur de ses obligations légales et conventionnelles relatives au suivi de son rythme de travail constitue un manquement de son employeur à son obligation de protection de la sécurité et de la santé du salarié.
M. [S], qui ne vise au soutien de sa demande que le certificat médical du Docteur [I] (sa pièce n°21) daté du 29 avril 2017 indiquant l' «avoir consulté ce jour, mais aussi à plusieurs reprises depuis décembre 2016» lui apparaissant nettement en « situation de stress avec des phénomènes anxieux, à priori (sic) consécutifs à un conflit professionnel passé'», ne justifie par aucun élément de l'existence d'un préjudice spécifique, distinct de ceux déjà réparés ci-dessus, découlant du non respect par l'employeur de ses obligations au titre de l'application du forfait jours et du contrôle de la charge de travail de son salarié.
Les autres pièces produites par M. [S] ne permettent pas d'établir plus précisément un manquement particulier de l'employeur à son obligation de sécurité ou protection de sa santé, pas plus que de relier un comportement fautif particulier de l'employeur à la dégradation de l'état de santé du salarié.
Le jugement sera infirmé sur ce point et M. [S] débouté de ce chef de demande.
* * *
Sur le licenciement
Pour infirmation à ce titre, la SELARL FIDES es-qualités soutient principalement que :
- l'exercice de l'activité principale de la société BWB, le désamiantage, était subordonné à l'obtention d'une certification délivrée par un organisme certificateur, certification validée tous les ans sur la base d'un « audit siège » réalisé par l'organisme certificateur et de 3 «audits chantiers » inopinés'; que M. [S], informé «'le 29 novembre (sic)'» en sa qualité de conducteur de travaux, qu'un audit interne allait être réalisé dont il devait être le garant, a contesté cette instruction auprès d'un supérieur hiérarchique dans des termes traduisant une faute professionnelle justifiant une sanction disciplinaire'; que M. [S] a également fait preuve d'insubordination à l'égard de son supérieur et a donc manqué à ses obligations contractuelles en ne saluant pas son supérieur hiérarchique, en adoptant un comportement agressif à son égard, en tenant des propos inadaptés et irrespectueux, en contestant ses décisions, en refusant de suivre les instructions et en exerçant un chantage injustifié.
L'AGS - CGEA s'associe aux arguments développés par les organes de la procédure et aux pièces communiquées qui démontrent la réalité des manquements reprochés au salarié et soutient à titre subsidiaire que le salarié ne justifie d'aucun préjudice légitimant l'octroi de la somme qu'il réclame à titre d'indemnisation des conséquences de son licenciement, qu'aucun justificatif sur la situation de M. [S] n'est produit, que celui-ci a retrouvé rapidement un emploi au sein de la Société [V] TP, que le montant des dommages et intérêts sollicités, qui ne saurait en tout état de cause excéder la somme de 6 mois de salaires, devra être réduit.
Pour confirmation, M. [S] fait principalement observer que les faits ne sont pas établis à son encontre et que les éléments produits par le représentant de l'employeur ne justifient pas le licenciement.
Par application de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement du 27 décembre 2016 (pièce n°6 de l'appelante) est ainsi rédigée':
« Vous occupez au sein de la société les fonctions de conducteur de travaux depuis le 1 er septembre 2013.
En qualité d'encadrant et de chef d'équipe, il vous appartient de faire preuve d'exemplarité tant dans la réalisation des fonctions qui vous sont confiées que dans votre comportement.
Or, vous avez adopté un comportement très éloigné de vos obligations professionnelles.
Le lundi 28 novembre 2016, vous étiez en déplacement sur [Localité 12].
Vous vous êtes présenté à l'agence à 17 heures.
Monsieur [N], chargé d'affaires, était présent ce jour-là en visite à l'Agence.
Vous avez fait preuve d'un total mépris à son égard, puisque Monsieur [E] a témoigné que vous n'avez même pas daigné le saluer.
Vous vous êtes ensuite vivement emporté au sujet des congés payés mais également au sujet d'un opérateur que vous aviez décidé de renvoyer sur l'agence de [Localité 7].
Monsieur [N] vous a indiqué que ce renvoi sur [Localité 7] n'était ni justifié, ni opportun.
En effet, afin de respecter les délais d'exécution du chantier, il était indispensable que l'effectif soit au complet.
Vous avez alors, sur un ton agressif et menaçant, fait du chantage en indiquant que s'il n'était pas renvoyé c'était vous qui partiez.
Votre attitude n'est pas tolérable et incompatible avec les fonctions de conducteur de travaux (qui vous imposent d'avoir un comportement exemplaire) et il vous appartient de surcroît d'avoir une attitude respectueuse et adaptée envers votre supérieur hiérarchique.
De plus, le lendemain, vous avez été prévenu qu'un audit chantier interne allait être réalisé par Monsieur [F].
Vous avez répondu à Monsieur [E] « je n'en ai rien à foutre ».
Nous vous rappelons que les audits internes sont nécessaires afin de vérifier que les règles et procédures de sécurité relatives aux travaux amiante sont bien respectées.
Le respect strict des consignes est en effet indispensable pour préserver la santé et la sécurité des salariés sur les chantiers.
Il est également indispensable pour permettre à la société d'obtenir et conserver sa certification auprès de QUALIBAT, certification sans laquelle elle ne peut exercer son activité.
Nous ne pouvons donc admettre que vous vous en désintéressiez surtout en votre qualité de conducteur de travaux et que vous l'exprimiez dans des termes particulièrement déplacés.
Aussi, au regard de votre comportement, nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse
Votre préavis d'une durée de trois mois débutera à compter de la première présentation du présent courrier.
Nous vous informons que nous vous dispensons d'effectuer votre préavis qui vous sera néanmoins rémunéré aux échéances habituelles ».
La SELARL FIDES es-qualités verse au soutien de son argumentation':
- une attestation de M. [E] (sa pièce n°7) indiquant': « le lundi 28 novembre 2016, [R] [S] en déplacement sur [Localité 12] s'est présenté à l'agence vers 17 heures. J'ai déjà été surpris par son manque de politesse puisqu'il n'a pas adressé de bonjour à Monsieur [N], directeur de BWB en visite sur [Localité 12]. Pour une raison inexpliquée, il a commencé à s'énerver lorsqu'il a parlé des congés et surtout lorsqu'il a fait part à Monsieur [N] qu'il souhaitait renvoyer un opérateur sur l'agence de [Localité 7]. Monsieur [N] a décidé que ce renvoi n'était pas motivé de la part de Monsieur [S]. Ce dernier a alors voulu exercer un chantage en exprimant sur un ton agressif que s'il était pas renvoyé (sic) c'est lui qui partirait. Le lendemain matin j'ai prévenu M. [S] que M. [P] [F] venait réaliser un audit. M. [S] m'a répondu 'je n'en ai rien à foutre' »';
- une attestation de M. [K], également chargé d'affaires (pièce n°8) décrivant M. [S] le 28 novembre 2016 qui «'rentre dans le bureau ['] sans dire bonjour, s'énerve avec Monsieur [N] au sujet des déplacements des opérateurs et chefs d'équipe ainsi que des congés. Les réponses pourtant justifiées ne lui convenant pas, il quitte alors le bureau en claquant la porte et en criant : vous n'avez qu'à vous démerder avec votre chantier de merde...»';
- une attestation de M. [L], opérateur amiante, (pièce n°9) indique avoir « été témoin du manque de respect de Monsieur [S] envers Monsieur [N] » sans plus de précision';
- l'attestation de M. [N] (pièce n°10 susvisée) indiquant «'M. [S] m'a bien manqué de respect le 28 novembre 2016 en présence de salarié (sic) de l'entreprise et ce n'était pas la première fois. Également j'atteste qu'il ne m'a pas salué à mon arrivée'», étant observé que cette dernière phrase entre en contradiction avec les témoignages précédents puisqu'elle suggère que M. [N] serait arrivé après M. [S]'; M. [N] indique un peu plus loin que «'M. [S] s'est également emporté envers moi'» sans davantage de précision';
Aucune de ces éléments ne caractérisent de comportement «'agressif'» ou «'menaçant'» ou de «'chantage'» de la part de M. [S], dont le seul fait de «'s'emporter'» sans plus de précision n'étant pas de nature à caractériser une attitude «'intolérable'» ou «'incompatible'avec les fonctions de conducteur de travaux » ainsi que le mentionne l'employeur dans la lettre de licenciement.
Il convient de relever qu'aucune des pièces auxquelles se réfère l'appelante ne fait état d'un quelconque refus de M. [S] de prendre part à un audit et les termes employés dans sa réponse à M. [E] précités, s'ils présentent un caractère déplacé dans le cadre professionnel ne peut suffire à démontrer le «'désintérêt'» du salarié à la procédure d'audit et de certification, même sans tenir compte du contexte décrit par M. [S] qui expose (page 14 de ses écritures) avoir exactement indiqué ceci à l'annonce de la date de l'audit : « Il me faut un coup de main, j'en ai rien à foutre, je ne peux pas être partout : à l'arrière du bateau, gérer les équipes et ça en plus ».
Les autres éléments auxquels se réfère l'appelante (en pages 12 13 de ses conclusions), qui sont sans rapport avec les termes de la lettre de licenciement, ne peuvent motiver la mesure contestée (pièce n°9 susvisée dans laquelle M. [L] affirme que M. [S] lui aurait demandé de «'faire un courrier comme quoi il n'a jamais mis les ouvriers en danger et qu'il n'a jamais tenu tête à Monsieur [N]'», attestation en pièces n°36 et 37 de MM. [M] et [S] selon laquelle M. [S] leur aurait «'proposé oralement d'intégrer sa nouvelle entreprise [V] », attestation en pièce n°38 de M. [Y] disant avoir «'reçu plusieurs reprise (sic) des coups de téléphone de Monsieur [R] [S]' mais sans réponse de ma part », courrier du conseil de la société en pièce n°39, attestations en pièces n°35, 40, 41 de MM. [J], [D] et faisant état de faits postérieurs au licenciement.
Au vu de l'ensemble de ces éléments d'appréciation, la seule faute reprochée à M. [S] qui soit caractérisée n'est pas d'une gravité telle qu'elle ait rendu à elle seule impossible la poursuite de son contrat de travail.
C'est ainsi par une juste appréciation de ces faits, dont les débats en cause d'appel n'ont pas altéré la pertinence, que les premiers juges ont retenu le caractère «'démesuré et inadapté'» et donc disproportionné de la sanction de licenciement prononcée dans un tel contexte à l'égard de ce salarié sans antécédent disciplinaire en huit années d'ancienneté dans l'entreprise.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera également confirmé s'agissant du quantum de toutes les sommes allouées à M. [S] au titre des conséquences financières du licenciement, non autrement contestées par la SELARL FIDES qui se contente de relever que les nouvelles dispositions issues des ordonnances du 22 septembre 2017 encadrent le montant des dommages et intérêts qui ne pourrait être supérieur à 8 mois de salaire, alors que ces dispositions ne sont pas applicables au licenciement prononcé en décembre 2016, étant observé d'une part que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'ancienneté du salarié devait s'apprécier à compter du contrat de 2008 transféré au sein de la société BWB, d'autre part que le montant de l'indemnité due à M. [S] au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être calculée sur en incluant au salaire des 6 derniers mois le montant des sommes allouées au titre des heures supplémentaires au regard de ce qui précède.
Il y a lieu de fixer les créances correspondantes au passif de la liquidation judiciaire de la société BWB le jugement étant infirmé en ce qu'il a prononcé la condamnation de l'employeur à leur paiement.
Sur la garantie de l'AGS
La garantie de l'AGS s'exercera dans la limite des plafonds légaux, s'agissant des sommes dues tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat.
La décision est de plein droit opposable à l'AGS.
Sur le remboursement des indemnités chômage
Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la SELARL FIDES, représentée par Me [B] [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société BWB, à rembourser les indemnités de chômage versées par Pôle Emploi à M. [S] à compter du jour du licenciement, dans la limite de six mois.
Sur la remise des documents sociaux
La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe. Il y sera donc fait droit, sans pour autant qu'une astreinte soit nécessaire pour en assurer l'exécution.
Sur les frais irrépétibles
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs' et en ce qu'il lui a alloué 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles en vue de garantir la santé au travail';
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé des condamnations à l'encontre de la SARL BRETAGNE WATER BLASTING,
Statuant à nouveau,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SARL BRETAGNE WATER BLASTING les créances de M. [R] [S] aux sommes suivantes':
- 17.474,72 € brut au titre des heures supplémentaires sur les années 2014, 2015 et 2016,
- 1.747,47 € au titre des congés payés,
- 1.171.34 € brut au titre de la compensation obligatoire en repos en 2015 et 2016,
- 39.600 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2.535,87 € à titre de rappels de prime d'ancienneté,
- 253,58 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur la prime d'ancienneté';
CONFIRME le jugement pour le surplus,'
Y ajoutant,
PRONONCE l'inopposabilité de la convention de forfait jours à M. [R] [S]';
ORDONNE la remise par la SELARL FIDES es-qualités de liquidateur judiciaire de la société BRETAGNE WATER BLASTING, des documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision';
CONDAMNE la SELARL FIDES, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société BRETAGNE WATER BLASTING, à rembourser les indemnités de chômage versées par Pôle Emploi à M. [S] à compter du jour du licenciement, dans la limite de six mois';
DÉCLARE la présente décision opposable à l'AGS ' CGEA délégation de [Localité 5]';
CONDAMNE la SELARL FIDES es-qualités de liquidateur judiciaire de la société BRETAGNE WATER BLASTING, à payer à M. [R] [S], la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
DÉBOUTE la SELARL FIDES es-qualités de liquidateur judiciaire de la société BRETAGNE WATER BLASTING, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la SELARL FIDES es-qualités de liquidateur judiciaire de la société BRETAGNE WATER BLASTING, aux dépens d'appel';
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.