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12/05/2023 | FRANCE | N°20/03090

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 12 mai 2023, 20/03090


2ème Chambre





ARRÊT N°226



N° RG 20/03090

N° Portalis DBVL-V-B7E-QXXS





(2)







Mme [M] [N] épouse [H]

M. [G] [X] [H]

S.A.R.L. LEMAAN



C/



CRCAM DU FINISTERE



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :




à :

- Me VERRANDO

- Me TESSIER







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 MAI 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de C...

2ème Chambre

ARRÊT N°226

N° RG 20/03090

N° Portalis DBVL-V-B7E-QXXS

(2)

Mme [M] [N] épouse [H]

M. [G] [X] [H]

S.A.R.L. LEMAAN

C/

CRCAM DU FINISTERE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me VERRANDO

- Me TESSIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Février 2023, tenue en double rapporteur par Monsieur Joel CHRISTIEN, Président de Chambre et Monsieur David JOBARD, Président de Chambre, sans opposition des parties

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Mai 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [M] [N] épouse [H]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Monsieur [G] [X] [H]

[Adresse 6]

[Localité 3]

S.A.R.L. LEMAAN

[Adresse 6] (Chez Mr [G] [X] [H])

[Localité 3]

Tous représentés par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Tous représentés par Me Mickael COHEN de la SELARLU CABINET COHEN, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU FINISTERE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Monsieur [T] [E]

ès qualité de mandataire de la SARL LEMAAN

[Adresse 1]

[Localité 2]

Tous représentés par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Tous représentés par Me Mickael COHEN de la SELARLU CABINET COHEN, plaidant, avocat au barreau de PARIS

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte sous-seing-privé en date du 4 janvier 2007, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère a consenti à la société Lemaan un prêt immobilier n° 68704984806 d'un montant de 150 000 euros.

 

Suivant acte sous-seing-privé en date du 29 novembre 2008, la banque a consenti à la société Lemaan un prêt immobilier n° 00240486301 d'un montant de 250 000 euros.

 

Ces prêts ont permis l'acquisition auprès de la société GDP Vendôme promotion de lots dans les résidences « [Adresse 7] » à [Localité 5] et « [Adresse 8] » à [Localité 9] en vue de leur location commerciale à des sociétés de gestion d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

 

Suivant acte d'huissier en date du 29 mai 2019, la société Lemaan ainsi que M. [G] [X] [H] et Mme [M] [N], son épouse, ont assigné la banque devant le tribunal de grande instance de Quimper.

 

Suivant jugement en date du 23 juin 2020, le tribunal de grande instance de Quimper devenu tribunal judiciaire de Quimper a :

 

Déclaré l'action recevable.

Débouté la société Lemaan et les époux [H] de leurs demandes.

Condamné la société Lemaan et les époux [H] aux dépens et à payer à la banque la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit qu'il serait fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit du conseil de la banque.

Débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire.

 

Suivant déclaration en date du 9 juillet 2020, les époux [H] et la société Lemaan ont interjeté appel.

Suivant jugement en date du 6 octobre 2020, le tribunal de commerce de Brest a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Lemaan et désigné Me [T] [E] en qualité de mandataire judiciaire.

 

Suivant conclusions en date du 24 décembre 2020, la banque a interjeté appel incident.

 

Suivant conclusions en date du 9 mars 2021, le mandataire judiciaire est intervenu volontairement à l'instance.

 

En leurs dernières conclusions en date du 9 mars 2021, la société Lemaan et les époux [H], ainsi que Me [T] [E] ès qualités, demandent à la cour de :

 

Vu les articles 1134 et suivants et 1147 et suivants du code civil,

 

Donner acte à Me [T] [E] de son intervention volontaire et la déclarer recevable.

Débouter la banque de ses demandes, fins et conclusions.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables et non prescrites les demandes de la société Lemaan et des époux [H].

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Lemaan et les époux [H] de leurs demandes et les a condamnés aux dépens ainsi qu'à payer à la banque la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure.

Statuant à nouveau,

Dire que la banque est responsable des préjudices subis par la société Lemaan et les époux [H].

La condamner à payer à la société Lemaan à titre de dommages et intérêts la somme de 144 174,13 euros s'agissant du bien immobilier acquis à [Localité 5] et la somme de 251 603,50 euros s'agissant du bien immobilier acquis à [Localité 9] outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La condamner à payer aux époux [H] la somme de 10 000 euros chacun au titre du préjudice moral.

La condamner à payer à la société Lemaan et aux époux [H] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la société Lexavoué représentée par Me Marie Verrando.

 

En ses dernières conclusions en date du 12 juillet 2021, la banque demande à la cour de :

 

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

Vu les articles 564 et 567 du code de procédure civile,

Vu les articles 1347-1, 1348 et 1348-1 du code civil,

 

Débouter la société Lemaan et les époux [H] de leur appel et le dire mal fondé.

La recevoir en son appel incident et le dire bien-fondé.

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a jugé l'action des appelants non prescrite.

Ce faisant,

Dire que les demandes de la société Lemaan et des époux [H] sont irrecevables car prescrites.

Dire qu'elle n'a pas manqué à son obligation de conseil et de mise en garde.

Débouter la société Lemaan et les époux [H] de leurs demandes, fins et conclusions.

Débouter Me [T] [E] en qualité de mandataire judiciaire de la société Lemaan de ses demandes, fins et conclusions.

Admettre les créances suivantes au passif du redressement judiciaire de la société Lemaan :

 

Prêt habitat n° 68704984803 : 287 074,69 euros outre les intérêts au taux contractuel de 0,60 % à échoir et les intérêts de retard au taux de 3,60 % à échoir à compter du 6 octobre 2020.

Prêt habitat n° 68704984804 : 125 299,04 euros outre les intérêts au taux contractuel de 0,95 % à échoir et les intérêts de retard au taux de 3,95 % à échoir à compter du 6 octobre 2020.

Prêt habitat n° 68704984806 : 24 665,93 euros outre les intérêts de retard au taux de 3 % à échoir à compter du 6 octobre 2020.

Prêt habitat n° 68704984807 : 19 406,74 euros outre les intérêts de retard au taux de 3 % à échoir à compter du 6 octobre 2020.

Prêt habitat n° 00240486301 : 86 904,91 euros outre les intérêts au taux contractuel de 1,90 % à échoir et les intérêts de retard au taux de 4,90 % à échoir à compter du 6 octobre 2020.

 

Ordonner en tant que de besoin la compensation entre sa créance inscrite au passif du redressement judiciaire et l'éventuelle condamnation à des dommages et intérêts prononcée en faveur de la société Lemaan.

Condamner la société Lemaan et les époux [H] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société Lemaan et les époux [H] aux dépens.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION :

 

 

En préalable, il sera donné acte à Me [T] [E] en qualité de mandataire judiciaire de la société Lemaan de son intervention volontaire laquelle sera déclarée recevable.

 

Sur la prescription.

 

Les époux [H] expliquent que les investissements immobiliers se sont révélés désastreux puisque les baux commerciaux ont été résiliés après le transfert de l'activité d'EHPAD vers d'autres établissements que ceux de [Localité 5] et de [Localité 9]. Ils indiquent que c'est le transfert des autorisations d'exploitation en EHPAD qui leur a causé préjudice et que ce n'est que le 16 avril 2018 qu'ils ont pris connaissance de la possibilité pour les preneurs à bail de demander seuls le transfert de ces autorisations. Ils considèrent que le point de départ de la prescription doit être fixée à cette date.

 

La responsabilité de la banque est recherchée pour ne pas avoir alerté l'emprunteur sur les risques de l'investissement. Les premiers juges en ont déduit à bon droit que la date d'octroi des prêts ne pouvait constituer le point de départ de la prescription mais qu'il convenait de retenir la date de réalisation du dommage à savoir la date des autorisations de transfert des EHPAD vers d'autres établissements à partir du 16 avril 2018.

 

Sur le fond.

 

Les époux [H] font valoir qu'ils sont clients de la banque depuis plus de vingt ans et qu'elle leur a conseillé au début de l'année 2007 d'investir dans des produits immobiliers défiscalisés afin de se constituer un patrimoine et de bénéficier de revenus complémentaires. Ils affirment qu'après réalisation d'une étude patrimoniale, ils ont été incités à investir dans les produits proposés par la société GDP Vendôme promotion et à souscrire, au travers de la société Lemaan, les prêts litigieux. Ils soutiennent que la banque a joué un rôle particulièrement actif dans la réalisation des investissements de la société Lemaan auprès de la société GDP Vendôme à partir de 2005 et jusqu'en 2008, date à laquelle les investissements avaient atteint la somme de 964 074,37 euros hors-taxes. L'emprunteur reproche à la banque, en qualité de spécialiste des investissements immobiliers défiscalisés, de ne pas l'avoir mieux conseillé quant aux risques liés à l'exploitation des résidences de type EHPAD et quant à la possibilité pour les exploitants de transférer les agréments vers d'autres résidences. Il considère que la banque ne pouvait ignorer que le transfert des lits EHPAD vers d'autres résidences viderait de toute substance les investissements et constituait pour lui une information essentielle qui aurait pu le dissuader d'investir. La société Lemaan et les époux [H] indiquent que les différents prêts les ont exposés à un risque manifeste d'incapacité de remboursement au regard de leurs capacités financières. Ils considèrent que la banque a engagé sa responsabilité à cet égard.

 

La banque fait valoir que si les prêts ont été souscrits dans un but de défiscalisation en qualité de loueur en meublé professionnel, cela ne ressort pas des actes de prêt et que la société Lemaan a réalisé les investissements sur les conseils de la société GDP Vendôme promotion qui est un professionnel de la défiscalisation. Elle indique que les prêts immobiliers sont des prêts classiques et qu'elle n'a dispensé aucun conseil en vue d'un investissement immobilier particulier. Elle ajoute que la société Lemaan et les époux [H] avaient une expérience certaine en matière d'investissement.

 

La banque dispensatrice de crédit, qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires de ses clients pour apprécier l'opportunité des opérations auxquelles ils procèdent, est tenue, en cette seule qualité, non d'une obligation de conseil envers les emprunteurs, sauf si elle en a pris l'engagement, mais seulement d'une obligation d'information sur les caractéristiques des prêts qu'elle leur propose de souscrire afin de leur permettre de s'engager en toute connaissance de cause.

 

La société Lemaan et les époux [H] ne démontrent aucunement que la banque a participé, même de manière marginale, au choix de l'emprunteur sur le type d'investissement et les projets immobiliers retenus, qu'elle a initié le montage, qu'elle l'a commercialisé ou encore qu'elle a agi objectivement comme partenaire du promoteur. La seule pièce produite est un bilan patrimonial établi par la banque en 2003 duquel il ressort que les époux [H] n'étaient pas intéressés par de nouveaux investissements en immobilier locatif. Il ne ressort pas des pièces produites aux débats que c'est sur les conseils ou par l'intermédiaire de la banque que la société Lemaan et les époux [H] ont réalisé les investissements litigieux.

 

Il ne peut être reproché par ailleurs à la banque un manquement à son devoir de mise en garde contre un risque d'endettement excessif alors que la société Lemaan, sa co-contractante, était une société spécialisée dans l'investissement locatif depuis le 22 mars 2005, qu'elle avait déjà réalisé selon ses propres explications des investissements à hauteur de la somme de 612 173,74 euros hors taxes à la date des prêts litigieux et qu'elle ne pouvait pas être considérée comme un emprunteur profane.

 

Les demandes de la société Lemaan et des époux [H] doivent être rejetées. Le jugement attaqué sera confirmé en toutes ses dispositions.

 

La demande de la banque tendant à voir admettre certaines créances au passif du redressement judiciaire de la société Lemaan est sans objet et sera rejetée comme telle puisque ses prétentions dans le cadre de la présente instance ne tendent pas à la condamnation de l'emprunteur au remboursement des prêts litigieux mais seulement au rejet de ses prétentions, aucune compensation n'étant possible du fait de leur rejet effectif, et alors qu'elle précise avoir déjà déclaré le 25 novembre 2020 ses créances dans le cadre de la procédure collective.

 

Il  n'est pas inéquitable de condamner la société Lemaan et les époux [H] à payer à la banque la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

 

La société Lemaan et les époux [H], parties succombantes, seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Lexavoué représentée par Me Marie Verrando.

 

PAR CES MOTIFS :

 

La cour,

 

Donne acte à Me [T] [E] en qualité de mandataire judiciaire de la société Lemaan de son intervention volontaire et la déclare recevable.

 

Confirme le jugement rendu le 23 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Quimper en toutes ses dispositions.

 

Y ajoutant,

 

Condamne la société Lemaan, M. [G] [X] [H] et Mme [M] [N], son épouse, à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

Condamne la société Lemaan, M. [G] [X] [H] et Mme [M] [N], son épouse, aux dépens de la procédure d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Lexavoué représentée par Me Marie Verrando.

 

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/03090
Date de la décision : 12/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-12;20.03090 ?
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