2ème Chambre
ARRÊT N°225
N° RG 20/01780
N° Portalis DBVL-V-B7E-QR4H
(2)
M. [U] [G]
Mme [R] [V]
C/
S.A.R.L. VIVRE ENERGIE
SA COFIDIS
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me MAILLET
- Me DEMIDOFF
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 12 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Février 2023
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 12 Mai 2023, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [U] [G]
né le 24 Octobre 1975 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Madame [R] [V]
née le 19 Avril 1977 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Tous représentés par Me Simon MAILLET de la SCP BENBRAHIM-LAMBERT-MAILLET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
INTIMÉES :
S.A.R.L. VIVRE ENERGIE représentée par son liquidateur, Maître [S] [Y], mandataire judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 5]
Assignée par acte d'huissier en date du 28/05/2020, délivré à étude, n'ayant pas constitué
SA COFIDIS venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Xavier HELAIN de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, plaidant, avocat au barreau de l'ESSONNE
* * *
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant bon de commande en date du 1er août 2017, M. [U] [G] et Mme [R] [V] ont commandé dans le cadre d'une opération de démarchage à la société Vivre énergie la fourniture et l'installation de vingt panneaux photovoltaïques et d'un chauffe-eau thermodynamique pour un prix de 32 900 euros. L'opération a été financée par la souscription d'un prêt auprès de la société Cofidis.
Suivant jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 30 août 2018, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Vivre énergie. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actifs le 19 juillet 2019.
Suivant acte d'huissier en date du 23 novembre 2018, les consorts [G]-[V] ont assigné Me [S] [Y] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vivre énergie et la société Cofidis devant le tribunal d'instance de Saint-Nazaire.
Suivant jugement en date du 27 novembre 2019, le tribunal a :
Dit n'y avoir lieu à expertise.
Prononcé l'annulation du contrat de vente.
Constaté l'annulation de plein droit du contrat de prêt.
Condamné solidairement les consorts [G]-[V] à payer à la société Cofidis la somme de 32 900 euros sous déduction des mensualités payées outre les intérêts au taux légal à compter de la décision.
Condamné la société Cofidis à payer aux consorts [G]-[V] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamné la société Cofidis aux dépens.
Ordonné l'exécution provisoire.
Suivant déclaration en date du 13 mars 2020, les consorts [G]-[V] ont interjeté appel.
Suivant conclusions en date du 31 août 2020, la société Cofidis a interjeté appel incident.
En leurs dernières conclusions en date du 9 novembre 2020, les consorts [G]-[V] demandent à la cour de :
Réformer le jugement en ce qui les a condamnés solidairement à payer à la société Cofidis la somme de 32 900 euros sous déduction des mensualités payées outre les intérêts au taux légal à compter de la décision.
Statuant à nouveau,
Rejeter la demande de la société Cofidis tendant à leur condamnation au remboursement du capital emprunté.
Condamner la société Cofidis à leur rembourser la somme de 32 900 euros.
Sur l'appel incident de la société Cofidis.
Condamner la société Cofidis à leur payer la somme de 44 340,60 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier.
La condamner à leur payer la somme de 6 435 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du coût de la dépose des panneaux et de la remise en état de la toiture.
Rejeter toute demande plus ample ou contraire.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Cofidis à leur payer la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamner à leur payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamner aux dépens.
En ses dernières conclusions en date du 31 août 2020, la société Cofidis demande à la cour de :
À titre principal,
Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Déclarer les consorts [G]-[V] irrecevables et subsidiairement mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter.
La dire recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions.
Y faisant droit,
Condamner solidairement les consorts [G]-[V] à reprendre l'exécution du contrat de prêt conformément aux stipulations contractuelles.
Lui donner acte de ce qu'elle s'engage à leur rembourser la somme de 25 793,18 euros perçue dans le cadre de l'exécution provisoire.
Subsidiairement,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions notamment en ce qu'il a condamné solidairement les consorts [G]-[V] à lui payer la somme de 32 900 euros au titre de la restitution du capital emprunté leur donnant acte dudit remboursement dans le cadre de l'exécution provisoire pour un montant de 25 793,18 euros.
En toute hypothèse,
Condamner solidairement les consorts [G]-[V] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les condamner solidairement aux dépens.
Me [S] [Y], partie intimée par les consorts [G]-[V], n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la fin de non-recevoir.
La société Cofidis fait valoir que les consorts [G]-[V] n'ont pas intimé la société Vivre énergie prise en la personne d'un mandataire ad hoc. Elle rappelle que la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actifs le 19 juillet 2019. La banque soutient que les consorts [G]-[V] ne peuvent plus invoquer la nullité des contrats de vente et de crédit et qu'en conséquence leurs demandes sont irrecevables.
La cour ne peut cependant qu'observer que les consorts [G]-[V] ont limité leur appel aux seuls chefs du jugement concernant leurs rapports avec la banque sans remettre en cause les dispositions ayant prononcé l'annulation du contrat de vente.
Dès lors que la matière n'est pas indivisible, et qu'ils ne sollicitent pas la remise en cause des dispositions du jugement entrepris ayant statué dans leurs rapports avec la société Vivre énergie, les consorts [G]-[V] n'avaient pas à prendre l'initiative d'intimer devant la cour le mandataire ad hoc de cette société.
C'était en effet à la société Cofidis, si elle entendait conclure à l'infirmation du jugement ayant prononcé l'annulation du contrat de vente, qu'il appartenait de reporter l'appel sur le mandataire ad hoc de la société Vivre énergie.
La fin de non-recevoir opposée aux consorts [G]-[V] sera par conséquent écartée.
Sur le fond.
Comme indiqué ci-dessus, si la société Cofidis entendait conclure à l'infirmation du chef du jugement ayant prononcé l'annulation du contrat de vente, c'est à elle qu'il appartenait de reporter l'appel sur le mandataire ad hoc de la société Vivre énergie dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile.
Celle-ci ne l'ayant pas fait, il s'ensuit que la disposition du jugement ayant prononcé l'annulation du contrat de vente est devenue définitive.
Les consorts [G]-[V] font observer à juste titre que la cour reste valablement saisie des demandes dirigées contre la société Cofidis.
Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Il n'est pas contesté que le prêt consenti par la société Cofidis est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services. En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Vivre énergie a emporté annulation de plein droit du contrat accessoire de prêt conclu avec la société Cofidis.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de prêt.
Les consorts [G]-[V] soutiennent que la société Cofidis a commis une faute en procédant à la libération des fonds sans vérifier la régularité du contrat principal. La société Cofidis conteste toute faute.
Il est de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente, il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation.
Les irrégularités formelles apparentes du bon de commande, que le premier juge par une disposition définitive du jugement entrepris a sanctionné par l'annulation du contrat principal, auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas libérer les fonds avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès des consorts [G]-[V] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier.
En versant les fonds entre les mains du vendeur sans procéder à des vérifications complémentaires, la société Cofidis a commis une faute susceptible de la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital prêté. Celle-ci fait valoir que la dispense de remboursement est subordonnée à la démonstration par les emprunteurs de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute qui lui est reprochée.
Les consorts [G]-[V] produisent aux débats un rapport d'expertise extrajudiciaire établi par la société LTE le 2 septembre 2019 qui conclut à la non-conformité de l'installation. Le coût de mise aux normes de l'installation est chiffré à la somme de 2 000 euros HT. Le rapport confirme que l'installation a bien été raccordée au réseau par la pose d'un compteur Linky. Il n'a pas été constaté d'infiltrations d'eau.
Il en résulte que les consorts [G]-[V] disposent d'une installation raccordée au réseau, que le fournisseur ne viendra jamais reprendre du fait de sa liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire n'ayant formulé aucune demande en ce sens alors qu'il pouvait encore le faire, et dont rien ne démontre qu'elle ne serait pas en état de fonctionner sous réserves de la réalisation de travaux de mise aux normes.
Si les consorts [G]-[V] soutiennent que l'installation est susceptible de générer des infiltrations en toiture, il n'est pas justifié de la réalité d'un tel désordre. En toute hypothèse, il n'a pas été produit de devis permettant d'évaluer le coût des réparations nécessaires. Par ailleurs, s'il se plaignent d'un manque de rentabilité de l'installation, il n'est pas démontré que le vendeur s'était engagé sur un objectif chiffré de production d'électricité.
La demande de dispense de remboursement du prêt par les emprunteurs est fondée sur la faute de la banque. La contestation relative à leur préjudice, lequel résulte de l'obligation de restitution des prestations reçues de part et d'autre, du fait de l'annulation du contrat de prêt en dehors de toute faute de leur part, sans perspective d'obtenir la restitution du prix par le vendeur en liquidation judiciaire, et sans bénéficier en contrepartie de la livraison d'une installation photovoltaïque exempte de désordres, n'est que partiellement fondée. Il n'est pas démontré que les causes de nullité non ratifiées du bon de commande aient pu causer un préjudice aux emprunteurs autre que celui tenant au coût des travaux de mise aux normes évalués à la somme de 2 000 euros HT.
Après réformation du jugement, il convient donc de condamner les consorts [G]-[V] à restituer le capital prêté sauf à déduire le coût des travaux de mise aux normes évalués à la somme de 2 200 euros TTC, soit la somme de 30 700 euros.
Il n'est pas inéquitable de condamner la société Cofidis à payer aux consorts [G]-[V] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
La société Cofidis, partie succombante à titre principal, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement rendu le 27 novembre 2019 par le tribunal d'instance de Saint-Nazaire en ce qu'il a condamné solidairement M. [U] [G] et Mme [R] [V] à payer à la société Cofidis la somme de 32 900 euros sous déduction des mensualités payées outre les intérêts au taux légal à compter de la décision.
Statuant à nouveau,
Condamne solidairement M. [U] [G] et Mme [R] [V] à payer à la société Cofidis la somme de 30 700 euros sous déduction des mensualités payées outre les intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris.
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la société Cofidis à payer à M. [U] [G] et Mme [R] [V] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
Condamne la société Cofidis aux dépens de la procédure d'appel.
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT