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11/05/2023 | FRANCE | N°21/00315

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 11 mai 2023, 21/00315


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°213/2023



N° RG 21/00315 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RIKH













S.E.L.A.S. EUROFINS LABAZUR BRETAGNE



C/



Mme [D] [B]

































Copie exécutoire délivrée

le : 11/05/2023



à : Maîtres

VERRANDO

CARON-LE QUERE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS




COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 MAI 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe R...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°213/2023

N° RG 21/00315 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RIKH

S.E.L.A.S. EUROFINS LABAZUR BRETAGNE

C/

Mme [D] [B]

Copie exécutoire délivrée

le : 11/05/2023

à : Maîtres

VERRANDO

CARON-LE QUERE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Février 2023

En présence de Madame [Z] [T], médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Mai 2023 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement dixé au 04 Mai 2023

****

APPELANTE :

S.E.L.A.S. EUROFINS LABAZUR BRETAGNE Prise en la personne de ses représentants légaux.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES, substituée par Maître Camille SUDRON, avocate au barreau de RENNES

Représentée par Me Carole CODACCIONI de la SCP FROMONT BRIENS, Plaidant, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Marion DE LA O, avocate au barreau de LYON

INTIMÉE :

Madame [D] [B]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Sandrine CARON-LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [D] [B] a été engagée le 1er juin 2010 par la Selarl laboratoire TY BIO en qualité de Technicienne, secrétaire, coursière dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.

La salariée est passée à temps complet en qualité de Technicienne, Préleveuse, secrétaire, coursière, avec le coefficient 250, à compter du 2 mai 2011. Les parties ont convenu de la reprise de son ancienneté à effet au 19 janvier 2010.

La relation de travail était régie par la convention collective du laboratoire d'analyses médicales extra hospitalier.

Par avenant du 6 novembre 2014, la Direction a fait évoluer les fonctions de Mme [B] à effet au 1er janvier 2015 vers un poste de Technicien A, statut assimilé Cadre, intitulé Responsable Missions Ressources Humaines, technicienne, préleveuse, secrétaire, coursière, avec un coefficient 300.

La société Laboratoires Ty Bio devenue la société Eurofins Labazur Cornouaille, a fusionné le 1er juillet 2018 avec la société Laboratoires Labazur Bretagne, prenant le nom de la SELAS Eurofins Labazur Bretagne.

Suite à la fusion regroupant 30 sites différents et plus de 300 salariés, l'employeur a décidé de retirer à la salariée des tâches en lien avec ses missions R.H, à l'exception de la gestion des plannings.

Mme [B] a écrit le 24 septembre 2018 à son employeur afin de lui faire part de ses inquiétudes depuis la réorganisation, au motif qu'elle 'n'apparaissait plus sur aucun planning, que ses tâches restaient floues: Technicienne et/ou Responsable missions R.H. Je ne sais pas où je vais'.

Le 13 mars 2019, Mme [B] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Au cours du mois d'avril 2019, les parties ont engagé des discussions sur une rupture conventionnelle du contrat de travail mais ne sont pas parvenues à un accord.

Le 4 juin 2019, le conseil de Mme [B] a dénoncé la dégradation des conditions de travail de sa cliente, se traduisant depuis la réorganisation par le retrait de ses attributions de Responsable de R.H., à l'exception de la gestion des plannings, et par une modification essentielle de son contrat que l'employeur ne pouvait pas lui imposer. Il a également évoqué les nombreuses pressions subies par la salariée, avec remise en cause de son travail et de sa rémunération, ainsi que la réalisation d'heures supplémentaires restées impayées.

En réponse le 19 juin 2019, la SELAS Eurofins Labazur Bretagne a contesté les griefs énoncés, en soutenant que la diminution des missions RH est intervenue à la demande de la salariée.

Lors de la visite de reprise du 29 juillet 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [B] inapte à son poste avec dispense de l'obligation de reclassement, l'état de santé de la salariée y faisant obstacle.

Le 14 août 2019, l'employeur a convoqué Mme [B] à un entretien préalable au licenciement fixé au 26 août. Le 29 août 2019, la salariée s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Mme [B] a signalé dès le 17 septembre 2019 et dans le mois suivant, des anomalies dans les documents de fin de contrat.

Parallèlement, la SELAS Eurofins Labazur Bretagne a informé la salariée qu'elle avait touché un trop-perçu de salaires de 1 366,09 euros, dont elle lui demandait le remboursement.

Mme [B], considérant que son inaptitude est due à des manquements de son employeur, a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper par requête en date du 9 décembre 2019 afin de voir dire que son licenciement pour inaptitude s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Eurofins Labazur Bretagne à lui verser des indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour violation de l'obligation de sécurité ainsi que pour envoi tardif et erronés des documents de fin de contrat.

La SELAS Eurofins Labazur Bretagne, considérant que le licenciement de Mme [B] était fondé, a conclu au débouté de Mme [B], ou subsidiairement à la limitation de l'indemnité au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à deux mois de salaire en application de l'article L.1235-3 du code du travail, et au rejet des autres demandes. L'employeur a présenté des demandes reconventionnelles en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, pour procédure abusive et en remboursement de la somme de 1366,09 euros indûment perçue.

Par jugement en date du 18 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Quimper a :

- Dit que le licenciement de Mme [B] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné la SELAS Eurofins Labazur Bretagne à payer à Mme [B] les sommes suivantes:

- 20 966,00 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 5 241,64 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 524,10 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonné à la SELAS Eurofins Labazur Bretagne de remettre à Mme [B] un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement et ce, pendant 90 jours.

- Dit que le conseil de prud'hommes connaîtra de la liquidation de l'astreinte ;

- Débouté Mme [B] du surplus de ses demandes ;

- Condamné Mme [B] à payer à la SELAS Eurofins Labazur Bretagne la somme de 1 366,09 bruts au titre du paiement de l'indu ;

- Ordonné la compensation ;

- Débouté la SELAS Eurofins Labazur Bretagne du surplus de ses demandes ;

- Mis les dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance à la charge de la partie défenderesse, y compris ceux dus au titre d'une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 08 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d'huissiers de justice.

La SELAS Eurofins Labazur Bretagne a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 15 janvier 2021.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 08 mars 2022, la SELAS Eurofins Labazur Bretagne demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu'il a :

' dit que le licenciement de Mme [B] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' condamné la SELAS Eurofins Labazur Bretagne à payer à Mme [B] les sommes suivantes:

- 20 966 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 5 241,64 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 524,10 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' ordonné à la SELAS Eurofins Labazur Bretagne de remettre à Mme [B] un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement et ce, pendant 90 jours.

' dit que le conseil de prud'hommes connaîtra de la liquidation de l'astreinte;

' débouté la SELAS Eurofins Labazur Bretagne du surplus de ses demandes;

' mis les dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance à la charge de la partie défenderesse, y compris ceux dus au titre d'une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 8 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d'huissier de Justice.

Et statuant à nouveau :

- Débouter Mme [B] de son appel incident et toutes ses demandes;

- Condamner Mme [B] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 18 janvier 2022, Mme [B] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

' Jugé que le licenciement de Mme [D] [B] s'analyse en un licenciement sans cause réelle

' Et condamné la SELAS Eurofins Labazur Bretagne aux sommes suivantes:

- 5 241,64 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 524,10 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Ordonné à la SELAS Eurofins Labazur Bretagne de remettre à Madame [D] [B] :

- Un bulletin de salaire ;

- Un certificat de travail ;

- Une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document

- Infirmer le jugement en ce qu'il :

' a condamné la SELAS Eurofins Labazur Bretagne à 20 966 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' l'a déboutée de sa demande de demandes et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité d'un montant de 10 000 euros net ;

' l'a déboutée de sa demande de transmission tardive des documents d'un montant de 1 000 euros net.

- Condamner la SELAS Eurofins Labazur Bretagne à 23 587 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamner la société Eurofins Labazur Bretagne au paiement de la somme de

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité

- La condamner à 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour envoi tardif et erroné des documents de fin de contrat et solde de tout compte

- La condamner à 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 31 janvier 2023 avec fixation de l'affaire à l'audience du 13 février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Le licenciement d'un salarié pour inaptitude est déclaré sans cause réelle et sérieuse lorsque l'inaptitude résulte directement des manquements fautifs de l'employeur à ses obligations.

Le conseil de prud'hommes, ayant considéré que l'employeur avait modifié unilatéralement les attributions de la salariée issues de l'avenant du 1er janvier 2015, sans l'accord exprès de cette dernière, et qu'il avait manqué à ses obligations en dégradant ses conditions de travail, a jugé que le licenciement prononcé pour inaptitude de Mme [B], souffrant d'un état dépressif en raison des manquements de la société Labazur Bretagne, devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Eurofins Labazur Bretagne qui demande l'infirmation du jugement, conteste avoir modifié de manière unilatérale le contrat de travail de Mme [B], laquelle a exercé régulièrement, avant et après la fusion du 1er juillet 2018, les deux types d'activité prévues dans l'avenant du 1er janvier 2015 correspondant à des missions de technicienne et à des missions de Ressources Humaines; que ses 'missions' R.H. cantonnées à la gestion des plannings de sites, occupaient la salariée 10 jours par mois en juin 2018 et après la fusion, de 8 à 14 jours par mois avant qu'elle ne sollicite elle-même le 16 novembre 2018 la diminution de ses tâches R.H. Il précise que la salariée n'a subi aucune modification de sa rémunération ni de sa qualification, et qu'il s'agissait seulement d'un changement de ses conditions de travail, que l'employeur peut faire évoluer dans le cadre de son pouvoir de direction.

L'appelant critique le jugement lequel s'est fondé uniquement sur les attestations de pure complaisance établies par d'anciennes collègues pour en déduire que Mme [B] avait subi une rétrogradation, sans analyser les missions effectives de la salariée.

Mme [B] soutient à l'inverse avoir constaté une dégradation de ses conditions de travail lorsque l'employeur a décidé de manière unilatérale après la fusion de lui retirer ses attributions de Responsable Missions R.H., à l'exception de la gestion des plannings, et de la cantonner à des tâches de technicienne; qu'elle a mal vécu cette rétrogradation et a été soumise dans le même temps à un rythme de travail ingérable du fait de cette réorganisation, que son état de santé s'est dégradé du fait du surmenage et de la remise en cause par l'employeur de sa rémunération et de sa classification.

Elle fait valoir que la société a en réalité procédé à une restructuration sans mise en place d'un licenciement collectif pour motif économique et à une modification unilatérale des contrats de travail d'un certain nombre de cadres dans le but évident de les pousser vers la sortie à bas coût.

A l'appui de sa demande, Mme [B] verse aux débats :

- le contrat de travail du 1er juin 2010 et l'avenant du 12 avril 2011 avec passage à temps complet, sur le poste de Technicienne, Préleveuse, secrétaire, coursière, au coefficient 250, sur la base d'un salaire horaire de 12,38 euros.

- l'avenant du 6 novembre 2014 à effet au 1er janvier 2015 lui confiant des fonctions de Responsable Missions Ressources Humaines, Technicienne, Préleveuse, Secrétaire, Coursière au coefficient 300, statut assimilé Cadre, sur la base d'un salaire horaire de 15,65 euros. Il comporte en annexe les fiches détaillées des cinq fonctions exercées, décrivant les responsabilités, les droits et les services concernés.

- un courriel du 21 juin 2018 de M.[G], Président de la société Eurofins, apportant des précisions à Mme [J], Directrice R.H., sur les conséquences de la future fusion des laboratoires et sur l'allègement probable de certaines tâches de Mme [B] sur le plan des Resssources Humaines.

- la transmission par Mme [B] à la Responsable des R.H. de la société Eurofins de sa fiche de fonction de Responsable de Missions Ressources Humaines ( pièce 5), en vigueur avant le projet de réorganisation, ayant pour missions :

- organiser les plannings,

- faire la liaison entre le secteur technique, le service qualité et le service R.H.,

- organiser le processus R.H. en collaboration avec la RRH et les biologistes.

- un échange de courriels du 24 septembre 2018 de Mme [B] avec M.[G] ( pièce 6) concernant les inquiétudes de la salariée sur son avenir de technicienne et/ou celui de Responsable Missions R.H. ' je ne sais pas où je vais' depuis la fusion et la réorganisation des services. M.[G], lui répond alors que 'c'était également flou pour lui puisqu'il fallait restructurer les R.H mais qu'il souhaiterait idéalement qu'elle soit positionnée mi-temps technique et mi-temps R.H.'

- un échange de courriels des 16 et 19 novembre 2018 entre Mme [B] et M.[G] ( pièce 7) au cours duquel la salariée lui indique ' ne pas trouver sa place dans la réorganisation' , ne pas souhaiter continuer sur ce poste invoquant 'son incapacité d'assumer son poste à [Localité 4] , à [Localité 3] et les

plannings.' Elle fait également état de 'la fragilité de son poignet ne lui permettant pas de tenir la cadence attendue.' Elle sollicite du dirigeant qu'il revoit l'organisation de ses postes afin de l'aider ' je ne vais pas bien, je suis abattue' . L'employeur réplique alors que ce repositionnement doit s'accompagner 'd'une remise en cause des acquis de la salariée en terme de qualification et de taux horaire.', ce à quoi la salariée a manifesté son désaccord ' je ne vois pas en quoi mes qualifications sont remises en cause et mon taux horaire non plus. Vous ne l'avez pas fait pour d'autres salariés'. Les parties ont alors convenu d'un entretien le 20 novembre 2018 dont l'issue est ignorée.

- le témoignage de Mme [J], ancienne collègue et Responsable des ressources humaines jusqu'au 31 octobre 2018, selon laquelle Mme [B] avait pour missions, avant la fusion avec Labazur Bretagne, la gestion des plannings de l'ensemble des sites sauf [Localité 6], le suivi du temps de travail des salariés

( décomptes d'heures mensuels, suivi des congés, des absences), le suivi des formations, le suivi des habilitations des salariés, le pilotage du processus R.H., la gestion des visites médicales, la réalisation des circuits d'intégration; que le contenu de ses missions a été modifié au moment de la fusion avec Labazur Bretagne, du fait de la réduction du périmètre de ses fonctions au niveau R.H..

Mme [J] précise que cette réorganisation a provoqué plusieurs départs de salariés dont elle-même dans le cadre d'une rupture conventionnelle, en raison de la modification unilatérale par le nouvel employeur des conditions de travail.

- le témoignage de Mme [H], ancienne Technicienne devenue Responsable Pôle technique ayant quitté l'entreprise le 31 décembre 2019, rapportant qu'elle était la suppléante de Mme [B] sur certaines missions en tant que Responsable Missions R.H.( gestion des plannings, des circuits d'intégration, des non-conformités et actions d'amélioration) et participait aux revues périodiques du processus R.H. pilotées par Mme [B]. À la suite de la fusion, via la réorganisation de nos activités, la nouvelle Direction a modifié les postes de travail de façon unilatérale, se traduisant par la réduction et la suppression de certaines missions et responsabilités, comme Mme [B] au niveau R.H.. Plusieurs personnes concernées par les modifications de poste ont quitté l'entreprise.

- un échange de courriels le 7 mars 2019 entre Mme [B] et Mme [V], Responsable R.H. , sollicitant l'intervention de Mme [B] comme technicienne pour remplacer une collègue et laissant le soin à Mme [B] de s'en occuper pour la suite .(pièce 24)

- le compte rendu de la réunion de la DUP du 7 août 2018 ( pièce 28) consultée sur le projet de réorganisation envisagée après la fusion, ne comportant pas de licenciement économique, faisant apparaître que Mme [B] conserve des missions essentiellement techniques, à l'exception d'une mission R.H. de gestion des plannings évaluée à 7 heures par semaine à 0.2 ETP. Cette réorganisation impliquait une réduction globale des effectifs sans départs contraints ( - 4,5 ETP) pour 14,96 ETP répartis sur les 29 sites de la société.

- le courrier de son médecin traitant sollicitant un avis spécialisé sur l'aptitude de Mme [B] à reprendre son travail, dans un contexte de dépression débutée en mars 2019 à la suite de changements de ses conditions de travail dans l'entreprise, dans un contexte de surmenage global ( avec deux jeunes enfants, un gite familial en cours de création), avec décompensation et conflit durable. Elle tenait des propos suicidaires. Elle bénéficiait depuis cette date d'un traitement anxiolytique et antidépresseur.

- l'avis du médecin du travail du 29 juillet 2017 concluant à l'inaptitude de la salariée dont l'état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise.

Il ne peut pas être imposé au salarié d'exécuter des tâches qui ne relèvent pas de sa qualification et de son emploi. L'adjonction ou le retrait de tâches ne doivent pas constituer un déclassement et le salarié ne peut pas se voir imposer , de manière unilatérale par l'employeur, des fonctions qui transforment sa qualification et son niveau de responsabilité.

Il résulte des pièces produites que:

- avant le 1er janvier 2015, Mme [B] exerçait des fonctions essentiellement techniques en tant que Technicienne de laboratoire d'analyses médicales auxquelles s'ajoutaient des tâches accessoires de secrétariat, ce qui justifiait sa classification en Technicien de catégorie B au coefficient 250;

- dans l'avenant à effet au 1er janvier 2015, la salariée s'est vue attribuer en tant que Responsable Missions Ressources Humaines une qualification supérieure de Technicien de catégorie A avec un statut assimilé Cadre, bénéficiant d'une revalorisation de son coefficient ( 300) et de son salaire horaire ( 15,65 euros).

- à partir de la réorganisation à effet courant second semestre 2018, la salariée a été affectée à un poste de Technicienne d'analyse, en conservant des missions Ressources Humaines, limitées à la gestion des plannings sur la base d'une journée par semaine, équivalente à 0.2 ETP. Elle a conservé le statut Assimilé Cadre.

- l'employeur ne justifie pas de l'établissement d'une fiche du nouveau poste occupé par la salariée après la réorganisation.

Comme l'a retenu à juste titre le conseil des prud'hommes, l'employeur ne pouvait pas décider, sans l'accord de la salariée, de lui retirer alors qu'elle occupait un poste de Responsable Missions Ressources Humaines et qu'elle bénéficiait de la qualification correspondante, la majeure partie des attributions définies dans sa fiche de fonction , annexée à l'avenant du 6 novembre 2014. Les dispositions contractuelles correspondaient à cette époque à une promotion de la salariée, bénéficiant d'une revalorisation de son coefficient hiérarchique ( 300) et de son salaire porté à 2 373,64 euros par mois sur une base horaire de 15,65 euros ( au lieu de 12,38 euros, soit 1 877,67 euros par mois), en contrepartie de ses responsabilités et d'une certaine autonomie en lien avec ses nouvelles Missions Ressources Humaines. Dans ses courriels du 16 novembre 2018, l'employeur avait parfaitement connaissance de la rétrogradation imposée à la salariée après la réorganisation des postes de travail au sein de l'entreprise lorsqu'il lui a annoncé sa volonté de 'remettre en cause sa qualification et de réduire son taux horaire', avec la reprise d'un poste essentiellement technique de Technicienne de laboratoire et des tâches annexes R.H. de gestion de planning qu'il a limitées à une journée par semaine. Même si l'employeur allègue avoir finalement maintenu le montant du salaire de Mme [B], ce dont il s'abstient de justifier, il n'était pas fondée à procéder, sans l'accord exprès de la salariée qui ne se présume pas et ne peut pas résulter de la seule poursuite de la relation de travail aux nouvelles conditions fixées par l'employeur, à la modification du contrat de travail en retirant à l'intéressée les tâches conformes à sa qualification, qu'elle effectuait précédemment au regard des dispositions contractuelles.

L'inaptitude physique de Mme [B] trouvant son origine au vu des pièces produites, notamment médicales, mais aussi des échanges de courriels de la salariée exprimant son mal-être et son désarroi en lien avec le retrait de ses responsabilités R.H. Ressources Humaines, sa retrogradation dans un contexte de réorganisation de l'entreprise et de réduction des effectifs sans départs contraints, dans un manquement imputable à l'employeur qui a procédé à une modification unilatérale du contrat de travail, le licenciement doit s'analyser comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, par voie de confirmation du jugement.

Sur les conséquences du licenciement

Mme [B], bénéficiant d'une reprise d'ancienneté remontant au 19 janvier 2010, âgée de 36 ans au moment du licenciement, justifie avoir trouvé entre le 9 octobre 2019 et le mois de mai 2020, un emploi de contractuelle dans l'enseignement lui procurant un revenu variant en fonction des remplacements, de 919 à 1 980 euros par mois. Elle démontre que c'est son mari, et non pas elle, qui est à l'origine de la création d'une activité de location de gîtes établie à proximité de leur domicile familial.

La salariée dont le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, est fondée à obtenir l'indemnité compensatrice de préavis, équivalente à deux mois de salaire, correspondant à la somme, non contestée en son montant, de 5 241,64 euros outre les congés payés afférents, par voie de confirmation du jugement.

L'employeur fait valoir à juste titre que la salariée ne justifiait pas d'une ancienneté de 9 années complètes, après déduction des périodes d'arrêt de travail de droit commun.

En application de l'article L 1235-3 du code du travail, plafonnant l'indemnité allouée à la salariée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, entre 3 et 8 mois de salaire, la cour dispose des éléments nécessaires au regard de l'âge, de l'ancienneté ( 8 ans) de la salariée, de sa capacité à retrouver un emploi, permettant d'évaluer cette indemnité à la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi, par infirmation du jugement sur le quantum.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

En application de l'article L4121-1 du code du travail, le chef d'entreprise est tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de l'assurer.

Il doit le faire notamment par des actions de prévention des risques professionnels, par la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Mme [B] produit aux débats, notamment  :

- divers courriels échangés notamment au cours du mois de novembre 2018 avec son employeur afin de lui faire part de ses inquiétudes depuis la réorganisation des postes depuis la fusion des sites au motif qu'elle ' n'apparaissait plus sur aucun planning,que ses tâches restaient floues: Technicienne et/ou Responsable missions R.H. Je ne sais pas où je vais', insistant sur sa souffrance morale ' abattue', 'je ne vais pas bien'' la fragilité de mon poignet ne me permettra pas de tenir la cadence attendue en lien avec le 'nouveau poste à [Localité 4], à [Localité 3] en plus de la charge des plannings.'

- des échanges de courriels avec la Responsable R.H de la société Eurofins en mars 2019 sollicitant Mme [B] pour assurer le remplacement d'une technicienne absente ' je vous laisse traiter de la faisabilité, je n'ai pas de solution pour dimanche', avant de lui indiquer ' j'ai trouvé une solution car vous ne pouviez pas traiter mais je ne reprends pas la main pour gérer le remplacement et le planning'.

-un courrier de son médecin traitant confirmant la réalité d'une dépression débutée en mars 2019 , et justifiant un traitement par anxilotytique et anti dépresseur à la suite des changement de conditions de travail dans l'entreprise et dans un contexte de surmenage global avec deux jeunes enfants, la création d'un gite familial.

- le courrier de son conseil du 4 juin 2019 alertant l'employeur sur les difficultés rencontrées par Mme [B] dans l'exécution de ses fonctions en lien avec la réorganisation et la fusion , à l'origine d'une modification de ses conditions de travail qui lui ont été imposées, générant de la souffrance et un surmenage à l'origine de son arrêt de travail prolongé et d'un traitement sous anti dépresseur. Elle évoque de nombreuses pressions et remise en cause de son travail et de son salaire.

Par ces éléments concordants, contrairement à ce que soutient la société appelante, Mme [B] établit des éléments de fait caractérisant des conditions de travail dégradées susceptibles d'engager l'obligation de sécurité de l'employeur, tenu notamment au contrôle régulier du temps de travail et de la charge de travail de ses salariés.

Il incombe dès lors à la société Labazur Bretagne de rapporter la preuve qu'elle a pris toutes les mesures nécessaires, y compris préventives, pour assurer la préservation de la santé mentale et physique de sa salariée.

En l'espèce, l'employeur ne produit aucune fiche du nouveau poste confié à Mme [B] depuis la réorganisation permettant d'évaluer sa charge de travail et la ventilation de ses différentes attributions en tant que technicienne de laboratoire et de gestion des planning, qu'il avait évalué dans son projet initial soumis à la DUP à 1 journée par semaine ( 0,2 ETP). Il ne justifie d'aucune action concrète pour répondre aux alertes de la salariée qui lui ont été adressés entre septembre et novembre 2018 sur sa souffrance et son mal-être, à l'exception d'un entretien organisé le 20 novembre 2018 sur lequel il se garde de préciser l'issue.

La société appelante ne produit aucun compte rendu d'entretien annuel d'évaluation de la salariée et ne justifie pas davantage avoir analysé et contrôlé la charge de travail de celle-ci.

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est ainsi établi et le préjudice que Mme [B] justifie avoir subi du fait de cette carence doit être réparé par la condamnation de la société à lui payer la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement, qui a écarté cette demande en l'absence de preuve tangible du préjudice, sera infirmé sur ce point.

Sur les dommages-intérêts pour envoi tardif des documents de fin de contrat

Mme [B] présente une demande de dommages-intérêts en ce qu'elle a reçu les documents de fin de contrat le 13 septembre 2019, alors que le licenciement a été prononcé le 29 août 2019, et qu'elle a dû multiplier les démarches pour obtenir des rectifications légitimes, portant notamment sur son ancienneté, le certificat de travail mentionnant un début de contrat au 1er janvier 2015 alors qu'il s'agissait du 1er janvier 2010.

Toutefois, la salariée qui a formulé ses critiques sur les mentions figurant sur le solde de tout compte et les documents de fin de contrat recus le 13 septembre 2019, au vu de l'échange des courriels avec le service R.H. de l'entreprise, ne précise pas à quelle date elle a reçu les documents rectifiés que l'employeur s'est engagé à lui faire parvenir dès le 17 septembre 2019 ( courriel de Mme [X] pièce 15). Il résulte de ces éléments que la salariée ne démontre pas le préjudice en lien avec l'envoi des documents de fin de contrat, dont le caractère tardif n'est pas davantage caractérisé.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté cette demande. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes et les dépens

Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'office d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage payées à la salariée et ce à concurrence de six mois. Le jugement qui a omis de statuer de ce chef sera complété sur ce point.

Il convient d'ordonner à l'employeur de délivrer à la salariée les documents de fin de contrat conformes aux dispositions du présent arrêt sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte. Le jugement sera donc infirmé uniquement en ce qu'il a fixé une astreinte.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [B] les frais non compris dans les dépens. L'employeur sera condamné à lui payer à la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile

L'employeur sera condamné aux entiers dépens d'appel et dès lors débouté de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Infirme le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a fixé les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 20 966 euros au profit de la salariée, qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et qu'il a assorti d'une astreinte la délivrance des documents de fin de contrat.

- Confirme les autres dispositions du jugement.

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

- Condamne la Selas Eurofins Labazur Bretagne à payer à Mme [B] les sommes suivantes :

- 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,

- 2 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

- Dit n'y avoir lieu à prévoir une astreinte pour la délivrance des documents de fin de contrat.

- Ordonne le remboursement par la Selas EUROFINS LABAZUR BRETAGNE aux organismes intéressés comme Pôle Emploi, organisme les ayant servies, les indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

- Déboute la société EUROFINS LABAZUR BRETAGNE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne la société EUROFINS LABAZUR BRETAGNE aux dépens de l'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/00315
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.00315 ?
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