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11/05/2023 | FRANCE | N°20/01865

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 11 mai 2023, 20/01865


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°212/2023



N° RG 20/01865 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QSCY













ACTION LOGEMENT SERVICES SAS



C/



Mme [L] [F]

























Copie exécutoire délivrée

le : 11/05/2023



à : Maîtres

[K]

[C]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 M

AI 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors ...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°212/2023

N° RG 20/01865 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QSCY

ACTION LOGEMENT SERVICES SAS

C/

Mme [L] [F]

Copie exécutoire délivrée

le : 11/05/2023

à : Maîtres

[K]

[C]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Février 2023

En présence de Madame MEUNIER, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

ACTION LOGEMENT SERVICES SAS Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marie-Laure TREDAN de la SCP C/M/S BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉE :

Madame [L] [F]

née le 13 Août 1976 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sabrina GUERIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me DOCOCHE, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Action Logement Services, créée par l'ordonnance n° 2016-1408 du 20 octobre 2016 relative à la réorganisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction , était chargée à compter du 1er janvier 2017 de reprendre les biens, droits et obligations des organismes collecteurs agréés préexistants ayant fait l'objet d'une fusion.

Mme [L] [F] a été engagée le 24 avril 2017 par la SAS Action logement services en qualité de Responsable des Ressources Humaines, catégorie Cadre niveau A coefficient 360, affectée à la Direction régionale Bretagne :

- dans le cadre d'un contrat à durée déterminée pour une période de 12 mois, jusqu'au 23 avril 2018, afin de faire face à 'un accroissement temporaire d'activité consécutif à la mise en oeuvre de la réforme d'Action Logement'.

- suivi d'un avenant daté du 20 avril 2018 d'une durée de 6 mois jusqu'au 23 octobre 2018.

Son salaire était fixé à la somme de 2 600 euros brut par mois.

Les dispositions conventionnelles applicables étaient celles de la convention nationale des sociétés financières.

La relation de travail a pris fin à l'échéance normale prévue, soit le 23 octobre 2018.

Par courrier du 24 janvier 2018, le conseil de Mme [F] a informé l'employeur que la salariée envisageait une action en requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au motif que son poste correspondait à l'activité normale et permanente de l'entreprise et que le délai de carence entre deux contrats CDD n'était pas respecté compte tenu du recrutement récent d'un autre salarié sur le même poste.

L'employeur a répondu le 11 février 2019 que le poste occupé par Mme [F] a été définitivement supprimé dans le cadre d'une réorganisation interne à effet à février 2019, qu'aucun CDD n'occupe désormais ce poste de RRH de la Région Bretagne et qu'il n'avait pas de caractère permanent lors du recrutement de Mme [F].

Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 5 mars 2019 afin de voir prononcer la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et d'obtenir les indemnités subséquentes à la requalification et à la rupture de la relation de travail.

La SAS Action Logement Services a conclu au rejet des demandes de Mme [F] et a sollicité le versement d'une indemnité de procédure.

Par jugement en date du 24 février 2020, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Requalifié le contrat à durée déterminée de Mme [F] en contrat à durée indéterminée et dit qu'elle a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné la société Action logement services à payer à Mme [F] les sommes suivantes :

- 2 600 euros d'indemnité de requalification de contrat,

- 1 950 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 7 800 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 780 euros pour les congés payés,

- 5 200 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné à la société Action logement services le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [F] dans la limite de 3 mois,

- Débouté la société Action logement services de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- La condamne aux dépens y compris les frais éventuels d'exécution.

***

La SAS Action logement services a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 17 mars 2020.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 03 novembre 2020, la SAS Action logement services demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

' Requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Mme [F] en contrat à durée indéterminée ;

' Dit que Mme [F] avait fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' Condamné la Société Action logement services à verser à Mme [F] les sommes suivantes :

- 2 600 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 1 950 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 7 800 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 780 euros pour les congés payés,

- 5 200 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau,

- Débouter Mme [F] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner Mme [F] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 4 août 2020, Mme [F] demande à la cour de :

À titre principal,

- Confirmer intégralement le jugement,

- Condamner la Société Action logement services au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, et ce compris les frais d'exécution.

À titre subsidiaire,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de requalification pour non-respect du délai de carence,

- Condamner la Société Action Logement Services à lui verser les sommes suivantes

- 2 600 euros au titre de l'indemnité de requalification

- 1 950 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 7 800 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 780 euros pour les congés payés,

- 5 200 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner la même aux entiers dépens, en ce compris les frais d'exécution.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 31 janvier 2023 avec fixation de l'affaire à l'audience du 20 février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée

La société Action Logement Services critique le jugement qui a fait droit à la demande de requalification de la salariée au motif que l'emploi confié dans le cadre du contrat de travail à durée déterminée correspondait à l'activité normale de l'entreprise, alors que le recrutement temporaire de Mme [F] n'avait été effectué que pour faire face à l'ampleur de la réorganisation, que ce besoin de renfort ne s'est pas pérennisé après la réforme de la société Action Logement Services.

Mme [F] demande la confirmation du jugement dès lors que:

- les missions qui lui ont été confiées sous couvert d'un surcroît d'activité dans un contexte de restructuration relevaient davantage d'un poste ' classique' de Responsable des Ressources Humaines qu'à des tâches précises et temporaires liées à la restructuration en elle-même,

- des annonces d'emploi pour un poste strictement similaire au sien ont été diffusées avant son départ de sorte qu'il a été pourvu dès le début janvier 2019 dans le cadre d'un poste à durée déterminée de 12 mois.

- chaque région administrative de la société Action Logement Services étant dotée d'un Responsable des R.H., l'employeur ne fournit aucune explication cohérente au fait que la région Bretagne serait dépourvue d'un poste pérenne.

L'article L 1242-2 dispose qu'un contrat de travail à durée déterminée quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Selon l'article L 1242-2, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants:

1° Remplacement d'un salarié (..)

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise

3° Emplois à caractère saisonnnier(..)

L'existence du cas de recours du contrat de travail à durée déterminée doît être appréciée à la date de la conclusion de celui-ci et en cas de renouvellement, à la date de la signature de l'avenant. La preuve de la réalité du cas de recours repose sur l'employeur.

Si le motif du recours lié à'un accroissement temporaire d'activité consécutif à la mise en oeuvre de la réforme d'Action Logement' est suffisamment précis lors de la conclusion du contrat le 15 mars 2017, la société Action Logement Services ne produit pas la moindre pièce se rapportant aux tâches confiées à la salariée en lien avec la réorganisation et la fusion des anciens organismes collecteurs, l'employeur se bornant à lister dans le contrat une liste des missions classiques inhérentes à un poste de Responsable des Ressources Humaines. L'employeur se limite à verser aux débats divers documents de nature générale concernant la réorganisation effective depuis le début de l'année 2017 sans qu'il soit possible d'en déduire la réalité d'un accroissement d'activité de l'entreprise au niveau du service Ressources Humaines à l'époque du recrutement de Mme [F] en avril 2017. Il résulte des pièces produites par la salariée que la majeure partie des missions qui lui étaient confiées correspondaient à une activité normale et permanente d'un Responsable des Ressources Humaines. Mme [F], ayant quitté l'entreprise le 23 octobre 2018 à l'échéance normale de son contrat, se fonde sur le recrutement quasi immédiat d'une salariée Mme [Z], dès le 7 janvier 2019 pour exercer des fonctions identiques aux siennes auprès de la direction régionale de la Bretagne et sur la motivation similaire de son contrat de travail temporaire de 12 mois ' en lien avec la mise en oeuvre de la réforme d'Action Logement'. Le fait que ce contrat de travail ait été rompu le 6 février 2018, de manière anticipée durant la période d'essai, soit quelques semaines après que le conseil de Mme [F] ait avisé l'employeur de sa demande en requalification et dénoncé le non-respect du délai de carence entre deux contrats à durée déterminée, est indifférent au présent litige. En effet, les premiers juges ont relevé de manière pertinente à la lecture du compte rendu du CHSCT du 16 octobre 2018, que l'employeur interrogé sur la légalité du recrutement en cours d'un nouveau Responsable Ressources Humaines ' sans respecter le délai de carence à l'égard de Mme [F]', avait répondu que ' le choix était fait avec la Direction nationale de ne pas laisser la région sans RRH' et que dans l'intervalle, l'interim serait assuré par M.[T], secrétaire général Grand Ouest et R.H. de proximité de la région Pays de la Loire. Ces éléments ne font que confirmer que les missions confiées à Mme [F] lors de son recrutement comme Responsable Ressources Humaines à titre temporaire correspondaient en réalité à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, et que le contrat à durée déterminée a été conclu avec l'intimée en méconnaissance des dispositions de l'article L 1242-1 du code du travail.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont fait droit à la demande de la salariée en requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée en application de l'article L 1245-1 du code du travail. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de requalification

Aux termes de l'article L 1245-2 alinéa 2 du code du travail, en cas de requalification , il est accordé au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire correspondant au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction.

La relation de travail ayant pris fin le 23 octobre 2018, il sera alloué à Mme [F] à ce titre, compte tenu du montant de son dernier salaire ( 2 600 euros brut), de son ancienneté ( 18 mois) et des circonstances de l'espèce, une indemnité de 2 600 euros, par voie de confirmation du jugement.

Sur les conséquences de la rupture du contrat

En raison de la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée avec effet au 23 octobre 2018, la rupture de la relation de travail étant imputable à l'employeur doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ouvre droit à Mme [F] au paiement de :

- la somme de 7 800 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis représentant trois mois de salaire en vertu des dispositions conventionnelles,

- la somme de 780 euros pour les congés payés afférents,

- la somme de 5 200 euros, justement appréciée par les premiers juges au vu des éléments de l'espèce, au titre de l'indemnité de licenciement selon les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, plafonnant l'indemnité à deux mois de salaire.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes et les dépens

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [F] les frais non compris dans les dépens en cause d'appel. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur qui sera condamné aux entiers dépens d'appel, sera en conséquence débouté de sa demande d'indemnité de procédure fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

et y ajoutant :

- Condamne la SAS Action Logement Services à payer à Mme [F] la somme de 2 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Déboute la SAS Action Logement Services de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne la SAS Action Logement Services aux dépens de l'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/01865
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;20.01865 ?
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