5ème Chambre
ARRÊT N°-165
N° RG 21/04584 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R3LY
S.A.S. LERETRIF ROSSARD BATIMENT
C/
S.A.R.L. CARROSSERIE TOLERIE INDUSTRIELLE GROMY
Société THELEM ASSURANCES.
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 Mars 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. LERETRIF ROSSARD BATIMENT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
S.A.R.L. CARROSSERIE TOLERIE INDUSTRIELLE GROMY immatriculée au RCS de RENNES sous le n° 392 316 782, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Christophe BAILLY de la SELARL AVOLITIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Société THELEM ASSURANCES.
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuel PELTIER de la SELARL HORIZONS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
**************
Selon un devis du 30 octobre 2008, la société Gromy a vendu à la société Lerétrif Rossard Bâtiment une grue hydraulique de marque Palfinger à monter sur un camion benne de marque Man, pour un prix de 160 200 euros HT.
La grue a subi plusieurs dommages de 2009 à 2016, qui ont été pris en charge au titre de la garantie 'bris de machine' souscrite auprès de la société Thelem Assurances.
La société Lerétrif Rossard Bâtiment a entendu obtenir la mobilisation de cette garantie à la suite d'une avarie apparue en mars 2017, consistant en une rupture du châssis et de la fissuration de l'embase de la grue.
La société Thelem Assurances a refusé le bénéfice de la garantie.
Par assignation du 29 mars 2018, la société Lerétrif Rossard Bâtiment a fait citer la société Thelem Assurances devant le tribunal de grande instance de Rennes.
Sur assignation délivrée le 11 juin 2018, la société Thelem Assurances a attrait à la cause la société Carrosserie Tôlerie Industrielle Gromy.
Les deux instances ont été jointes.
Suivant ordonnance du 25 avril 2019, 1e juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder M. [Y] [G], avec mission d'examiner la grue, d'indiquer si elle présente des désordres, d'en indiquer la cause et de préciser notamment s'ils sont consécutifs à un phénomène accidentel, à une mauvaise utilisation, un défaut d'entretien ou une réparation défectueuse, ou à toute autre cause, de préciser le coût et la nature des travaux de remise en état qui s'imposent.
L'expert a déposé son rapport le 25 février 2020.
Par jugement du 11 mai 2021, le tribunal de Rennes a :
- déclaré la société Lerétrif Rossard irrecevable en sa demande de complément d'indemnisation au titre du remplacement du socle de la grue,
- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer de ce chef,
- dit que la société Thelem doit sa garantie bris de machine à la société Lerétrif Rossard à l'occasion du sinistre déclaré le 7 mars 2017,
- condamné la société Thelem à payer à la société Lerétrif Rossard la somme de 30 908,58 euros hors-taxes, outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017,
- dit que les intérêts courus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,
- débouté la société Thelem de son appel en garantie dirigé contre la société Gromy,
- débouté la société Gromy de ses demandes reconventionnelles,
- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Thelem à verser à la société Lerétrif Rossard la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Thelem à verser à la société Gromy la somme de
2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Thelem aux entiers dépens qui comprendront les frais et honoraires de M. [G],
- prononcé l'exécution provisoire du jugement.
Le 21 juillet 2021, la société Lerétrif Rossard Bâtiment a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 15 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a :
- jugé irrecevable la demande en complément d'expertise de la société Lerétrif Rossard Bâtiment,
- débouté la société Carrosserie Tôlerie Industrielle Gromy de sa demande sur la mission d'expertise,
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Thelem Assurances au visa de l'article 564 du code de procédure civile,
- débouté la société Lerétrif Rossard Bâtiment de sa demande en frais irrépétibles,
- condamné la société Lerétrif Rossard Bâtiment aux dépens de l'incident.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 25 janvier 2023, la société Lerétrif Rossard Bâtiment demande à la cour de :
Confirmant le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 11 mai 2021,
- juger que la société Thelem Assurances doit sa garantie bris de machine du sinistre déclaré le 7 mars 2017,
- condamner la société Thelem Assurances à lui payer une indemnité de
30 908,58 euros HT, outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017,
- dire que les intérêts courus pour une année entière produiront eux-mêmes
intérêts,
- condamner la société Thelem Assurances à lui payer une indemnité de 848,58 euros HT, au titre de ses frais d'assistance technique,
- débouter la société Gromy de ses demandes reconventionnelles,
- condamner la société Thelem Assurances à lui payer une indemnité de
5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Thelem Assurances aux entiers dépens qui comprendront les frais et honoraires de M. [Y] [G],
Infirmant le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 11 mai 2021,
A titre principal,
- condamner la société Thelem Assurances à lui payer :
* une indemnité de 76 410 euros HT, au titre du coût du remplacement du socle de la grue, outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 et capitalisation des intérêts,
* une indemnité de 4 056 euros HT au titre de l'actualisation du devis Gromy en date du 24 mars 2017, outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 et capitalisation des intérêts,
* une indemnité de 1 551,52 euros HT au titre des travaux de remise en route du moteur selon devis Man du 23 juin 2021, outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 et capitalisation des intérêts,
- condamner la société Thelem Assurances à lui payer une indemnité de
103 744,71 euros HT, au titre de la location d'équipements de levage de substitution dans l'attente de l'indemnisation des dommages par la société Thelem Assurances outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 et capitalisation des intérêts,
- condamner la société Thelem Assurances à la garantir de toutes condamnations dont elle pourrait faire l'objet au profit de la société Gromy,
A titre subsidiaire,
- ordonner un complément d'expertise judiciaire confiée à M. [Y] [G] pour :
* constater contradictoirement l'état du socle de la grue,
* chiffrer le coût définitif des travaux de remise en état de l'engin de levage,
* proposer un chiffrage des préjudices de tous ordres subis par la société Lerétrif Rossard Bâtiment,
- surseoir à statuer sur la liquidation définitive des dommages et préjudices dans l'attente du rapport d'expertise judiciaire,
Y additant,
- condamner la société Thelem Assurances à lui payer une indemnité de
4 056 euros HT au titre de l'actualisation du devis de réparation Gromy en date du 24 mars 2017, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure d'avocat du 25 juin 2021 et capitalisation des intérêts,
- condamner la société Thelem Assurances à lui payer une indemnité de
1 551,52 euros HT au titre des travaux de remise en route du moteur demandés par la société Gromy, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure d'avocat du 25 juin 2021 et capitalisation des intérêts,
- condamner la société Thelem Assurances à lui payer une indemnité de
76 415 euros HT au titre du coût du remplacement du socle de la grue, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure d'avocat du 21 juillet 2017 et capitalisation des intérêts,
- condamner la société Thelem Assurances à lui payer une indemnité de
5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 1er février 2023, la société Thelem Assurances demande à la cour de :
A titre principal,
Réformer le jugement en ce qu'il :
* a dit qu'elle doit sa garantie 'bris de machine' à la société Lerétrif Rossard à l'occasion du sinistre déclaré le 7 mars 2017,
* l'a condamnée à verser à la société Lerétrif Rossard la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a condamnée à verser à la société Gromy la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a condamnée aux entiers dépens qui comprendront les frais et honoraires de M. [G],
Statuant à nouveau :
- débouter la société Lerétrif Rossard de toutes ses demandes à son égard à défaut de garantie d'assurance mobilisable,
- condamner la société Lerétrif Rossard à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Lerétrif Rossard aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise, et d'appel,
A titre subsidiaire, si la garantie est confirmée,
- réformer le jugement en ce qu'il :
* l'a condamnée à payer à la société Lerétrif Rossard la somme de
30 908,58 euros hors taxes, outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017,
Statuant à nouveau,
- limiter l'indemnité d'assurance à la somme de 30 060 euros HT (33 400 euros ' franchise de 3 340euros) excluant la somme de 848,58 euros HT qui doit être appréciée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Lerétrif Rossard des demandes formées contre elle sur le fondement de la responsabilité de l'assureur,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Lerétrif Rossard de sa demande de sursis à statuer au titre du socle de la grue,
- débouter la société Lerétrif Rossard de ses demandes nouvelles et donc irrecevables ou mal fondées portant sur :
* la somme de 4 056 euros HT au titre de l'actualisation du devis de réparation Gromy en date du 24 mars 2017,
* de la somme de 1 551,52 euros HT au titre des travaux de remise en route du moteur,
- réformer le jugement en ce qu'il :
* l'a déboutée de son appel en garantie dirigé contre la société Gromy,
Statuant à nouveau :
- condamner la société Gromy à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge à l'égard de la société Lerétrif Rossard,
- condamner la société Gromy à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Gromy aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise, et d'appel,
- débouter la société Lerétrif Rossard de sa demande de complément d'expertise judiciaire sauf à limiter la mission de l'expert comme suit :
* constater contradictoirement l'état du socle de la grue,
* dire s'il est affecté des défauts allégués et si ces défauts sont en lien avec ceux expertisés précédemment,
* chiffrer le coût des travaux de remise en état du socle de la grue,
En tout état de cause,
- débouter la société Lerétrif Rossard de son appel principal et de toutes ses demandes,
- débouter la société Gromy de son appel incident et de toutes ses demandes.
Par dernières conclusions notifiées le 1er février 2023, la société Gromy demande à la cour de :
- déclarer recevable son appel incident,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 11 mai 2021 aux termes duquel elle a été purement et simplement mise hors de cause et notamment en ce qu'il a :
* débouté la société Thelem Assurances de son appel en garantie dirigé contre elle,
* condamné la société Thelem Assurances à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Thelem Assurances aux entiers dépens qui comprendront les frais et honoraires de M. [G],
* débouté la société Lerétrif Rossard Bâtiment de sa demande indemnitaire au titre de la location d'un équipement de levage,
* dit que la société Thelem Assurances doit sa garantie bris de machine,
* condamné la société Thelem Assurances, et uniquement la société Thelem Assurances, à indemniser la société Lerétrif Rossard Bâtiment,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 11 mai 2021 en ce qu'il :
* l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles,
* a débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- débouter la société Thelem Assurances de son appel incident,
- en tout état de cause, débouter la société Thelem Assurances de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- prononcer sa mise hors de cause pure et simple,
- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de la requérante, ou de toute autre partie, à son encontre,
- débouter la société Thelem Assurances de sa demande de garantie dirigée à son encontre,
- condamner solidairement la société Lerétrif Rossard Bâtiment et la société Thelem Assurances à lui payer au titre des frais de gardiennage, la somme de 55 euros TTC par jour à compter du 7 mars 2017 ce jusqu'au jour de l'enlèvement effectif du camion, outre une somme de 2 145 euros par mois à compter du 7 mars 2017 ce jusqu'au jour de l'enlèvement effectif du camion,
- à défaut, condamner solidairement la société Lerétrif Rossard Bâtiment et la société Thelem Assurances à lui payer au titre des frais de gardiennage, la somme de 55 euros TTC par jour à compter du 17 janvier 2019 ce jusqu'au jour de l'enlèvement effectif du camion outre une somme de
2 145euros par mois à compter du 17 janvier 2019 ce jusqu'au jour de l'enlèvement effectif du camion,
- condamner solidairement la société Thelem Assurances, ou toute autre partie succombante, à lui payer la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner solidairement la requérante, ou toute autre partie succombante, à lui verser la somme de 8 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (correspondant aux frais exposés en appel)
- condamner solidairement la requérante, ou toute autre partie succombante, aux entiers dépens de l'instance,
- A titre subsidiaire, et si la cour devait ordonner un complément d'expertise judiciaire au contradictoire de la société Gromy,
- constater qu'indépendamment du prononcé d'un complément d'expertise, la (') peut, dès à présent, trancher les questions relatives à l'origine du sinistre et aux responsabilités encoures, ainsi que statuer sur la demande indemnitaire formulée par elle au titre des frais de gardiennage,
En conséquence, il est demandé à la cour de :
- prononcer sa mise hors de cause pure et simple,
- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de la requérante, ou de toute
autre partie, à son encontre,
- débouter la société Thelem Assurances de sa demande de garantie dirigée à son encontre,
- condamner solidairement la société Lerétrif Rossard Bâtiment et la société Thelem à lui payer, au titre des frais de gardiennage, la somme de 55 euros TTC par jour à compter du 7 mars 2017 ce jusqu'au jour de l'enlèvement effectif du camion, outre une somme de 2 145 euros par mois à compter du 7 mars 2017 ce jusqu'au jour de l'enlèvement effectif du camion,
- à défaut, condamner solidairement la société Lerétrif Rossard Bâtiment et la société Thelem à lui payer, au titre des frais de gardiennage, la somme de 55 euros TTC par jour à compter du 17 janvier 2019 ce jusqu'au jour de l'enlèvement effectif du camion outre une somme de 2 145 euros par mois à compter du 17 janvier 2019 ce jusqu'au jour de l'enlèvement effectif du camion,
- condamné solidairement la société Thelem Assurances, ou toute autre partie succombante, à lui payer la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner solidairement la requérante, ou toute autre partie succombante, à lui verser la somme de 8 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (correspondant aux frais exposés en appel),
- condamner solidairement la requérante, ou toute autre partie succombante, aux entiers dépens de l'instance,
Le cas échéant, il est demandé à la cour de :
- lui décerner acte de ce qu'elle formule toutes les protestations et réserves d'usage sur la demande de complément d'expertise présentée par la société Lerétrif Rossard Bâtiment,
- dire et juger que la provision à valoir sur la rémunération de l'expert sera
mise à la société Lerétrif Rossard Bâtiment.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la garantie et le préjudice.
Au soutien de son appel, la société Lerétrif Rossard Bâtiment précise que l'expert a attribué les désordres de fissuration à un phénomène accidentel qualifié d'endommagement par fatigue.
Elle évalue la réparation de ces fissures à la somme de 33 400 euros HT sans le remplacement de la grue dont la nécessité ne pourra être appréciée qu'au moment de la réalisation des travaux de la phase 1 (et dont le montant est de 59 180 euros HT).
Elle précise qu'après le jugement, elle s'est rapprochée de la société Gromy pour passer commande des travaux de réparation sur la base du devis du 24 mars 2017 et que la société Gromy lui a remis un devis du 17 juin 2021 d'un montant de 37 456 euros HT et a exigé qu'elle fasse réaliser la remise en route du moteur du camion par la société Man pour un prix de 1 551,52 euros HT.
La société Lerétrif Rossard Bâtiment entend invoquer la garantie souscrite auprès de la société Thelem Assurances.
Elle précise que le sinistre du 7 mars 2017 consiste en une rupture du châssis et une fissuration de l'embase de la grue, résultant du fonctionnement du matériel. Elle conteste toute utilisation fautive de la grue non respectueuse des préconisations du fabricant.
Elle explique que la rupture s'est produite subitement parce que le matériau avait atteint sa limite d'endurance.
Elle signale que les rapports de M. [X] ou du cabinet BCA cités par l'assureur lui sont inopposables.
Sur le montant des réparations, elle fait état de coûts supplémentaires au titre de la réactualisation du devis par la société Gromy et d'une prise en charge de la remise en route du moteur.
Elle sollicite un complément d'expertise sur le socle de la grue, dont l'examen suppose la dépose du faux châssis et de l'embase fissurée.
Elle expose que les travaux de la phase 1 ont été réalisés et que le remplacement du socle est devenu impératif.
En réponse, la société Thelem Assurances soutient que la fissure du faux châssis est survenue dans l'emprise immédiate d'une précédente réparation, que l'apparition d'une nouvelle fissure était inévitable et qu'ainsi la garantie du bris accidentel ne peut être mobilisée. Elle considère que cette fissuration résulte d'une utilisation persistante aux limites de l'utilisation maximale autorisée.
Elle signale que les grues de location utilisées par la société Lerétrif Rossard Bâtiment sont prévues pour des capacités de levage maximales supérieures à la grue assurée. Elle affirme que les éléments de protection sur la charge ont été volontairement shuntés par l'utilisateur.
Elle entend verser aux débats les expertises de M. [X] et du cabinet BCA qui sont, pour elle, opposables puisqu'elles ont été librement débattue
À titre subsidiaire, la société Thelem Assurances indique qu'après l'exécution du jugement, la société Lerétrif Rossard Bâtiment était en situation de faire exécuter les travaux justifiant ou non si le remplacement du socle était nécessaire. Elle précise que le complément d'expertise sollicité ne peut porter sur les éléments déjà examinés par l'expert.
Elle qualifie de nouvelles, et donc irrecevables, les demandes de la société Lerétrif Rossard Bâtiment au titre de l'actualisation de la demande au titre du nouveau devis de la société Gromy et des frais de remise en état du moteur.
Elle rappelle que le montant de l'indemnité d'assurance est apprécié au jour du sinistre.
La société Thelem Assurances demande la garantie de la société Gromy qui a, selon elle, réalisé une soudure sans les précautions qui s'imposaient.
Au titre de l'objet de la garantie, l'article 1 des conditions particulières du contrat précise :
Outre les événements prévus aux dispositions générales, nous garantissons les dommages subis par un matériel mobile agricole, de chantier ou de manutention, après la réception et/ou les essais de mise en exploitation et résultant :
1.1 d'incendie, explosion, chute de la foudre,
1.2 d'action de l'eau ou de liquide de toute nature ayant une origine accidentelle et externe du matériel,
(....)
1.4 de dommages résultant du fonctionnement du matériel, y compris lorsqu'ils surviennent en cours de circulation de celui-ci par ses propres moyens,
(...)
L'article 2 des conditions générales prévoit que : la garantie du présent contrat s'applique exclusivement aux machines, installations techniques, matériels et appareils énumérés aux conditions particulières.
L'article 3 du formulaire des dispositions générales de l'assurance prévoit au titre des événements assurés :
La garantie s'applique, sous réserve des exclusions prévues à l'article 5, aux bris accidentels des biens assurés résultant directement :
a) de causes internes telles que : défaut de conception ou de matière, vice de construction, erreur de montage, déréglage, vibration, survitesse, phénomène de résonnance, tension anormale, échauffement et fatigue moléculaire, choc thermique, manque d'eau, coup de feu, cour d'eau, coup de bélier, défaillance des dispositifs de sécurité, de contrôle ou de régulation,
b) de causes humaines telles que : erreur d'utilisation, maladresse, fausse manoeuvre, négligence, malveillance de personne ou de tiers,
c) de causes externes telles que : chute, choc, obstruction, pénétration de corps étrangers, chute d'appareils de navigation aérienne, franchissement du mur du son, (...).
Le contrat définit le bris comme la rupture, la cassure, la déformation ou plus généralement toute destruction ou détérioration du matériel garanti survenant subitement et de façon imprévisible.
M. [G], expert judiciaire, n'a pas relevé de fissures, autres que celles objets de l'expertise, ni de déformation permanente de la structure, ni d'anomalie particulière au niveau de l'orientation de la grue à vide.
Il a constaté des fissures au niveau du faux châssis.
Il n'a pas relevé de défaut de graissage des pièces ni fuite hydraulique. Il a considéré qu'il n'y avait pas de défaut d'entretien.
L'expert a noté une utilisation optimale du matériel, c'est à dire toujours aux limites des capacités maximales de l'appareil tout en restant à l'intérieur du tableau de charges prévu par le constructeur. Les observations de l'assureur sur la puissance de la grue de location utilisée par la société Lerétrif Rossard Bâtiment aux lieu et place de la grue endommagée ne sont pas probantes, l'assureur confondant l'appellation commerciale de la grue avec sa capacité de levage.
L'expert a constaté l'existence de réparations par soudures antérieures. Il explique que les procédés de soudage entraînent un réchauffement et un refroidissement du métal, occasionnant une zone affectée thermiquement et que ce genre de réparation est inapproprié.
Il conteste toute mauvaise utilisation ou utilisation en surcharge, car il n'y a pas de déformation plastique, permanente sur la colonne, la flèches et les télescopes (mettant à néant les observations d'un technicien de la société Dekra réalisées lors d'un contrôle réglementaire de sécurité du matériel).
M. [G] a conclu à un endommagement par fatigue. L'expert précise, en reprenant les explications de M. [X], que si les contraintes dans les bras étaient proches de la limite d'élasticité des aciers de ces bras, c'est que la grue travaillait continuellement dans des conditions de charges limites, sans toutefois dépasser les limites de charges autorisées.
Il considère que la présence de fissures dans les bras et le châssis illustrent des mécanismes de fatigue, que les essais de traction répétés empêchent le métal de revenir à sa position d'équilibre, conduisent à un écrouissage localisé provoquant une fissure.
Pour l'expert, les fissures constituent une détérioration du matériel survenue subitement et de manière imprévisible.
Ainsi le dommage résulte du fonctionnement du matériel et procède d'un phénomène accidentel.
Les observations de M. [S] [X], invoquées par l'assureur, n'ont aucun rapport avec les dommages présents ; elles ont été formulées dans le cadre d'une autre instance dans un litige qui ne concernait pas la société Lerétrif Rossard Bâtiment. Elles ne sont pas prises en compte. Il en est de même du rapport de la société BCA [Localité 6] qui reprend, entre autre, les conclusions de M. [X] et fait état d'acte qu'il n'a pas constaté (sur le fait que les fils du limiteur de capacité de la grue auraient été coupés notamment).
Ainsi au regard des dispositions contractuelles précitées, à défaut de justifier d'une exclusion de garantie (portant sur les dommages consécutifs à des utilisations n'entrant pas dans le cadre normal d'exploitation des matériels assurés), la garantie 'bris de machine' est acquise à la société Lerétrif Rossard Bâtiment.
Le jugement est confirmé à ce titre.
La société Thelem demande la garantie de la société Gromy au titre de sa responsabilité délictuelle. Elle indique que la réparation de la société Gromy n'a pas été réalisée sous le contrôle du constructeur et qu'une réparation par soudage conduit à faire réapparaître une nouvelle fissuration près du cordon de soudure.
La société Gromy conteste toute responsabilité dans la survenance des désordres.
Il a été dit que selon les conclusions de l'expert, que la cour s'approprie, les fissures sont consécutives à un phénomène de fatigue qualifié d'accidentel.
L'expert a précisé que les fissures n'étaient pas dues à un défaut d'entretien ni à des réparations défectueuses de la part de la société Gromy. En réponse à un dire, l'expert a clairement indiqué : ce n'est pas l'intervention de la société Gromy qui est à l'origine des fissures quelles qu'elles soient. Ce qu'a fait la société Groy a permis de ralentir le développement, l'évolution des fissures. Ce qu'a fait la société Gromy n'a pas eu d'effet négatif sur le comportement de la structure de l'ensemble.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société Thelem de son appel en garantie contre la société Gromy.
* Sur les demandes nouvelles.
La société Lerétrif Rossard Bâtiment réclame le paiement d'une somme de 37 456 euros HT au titre d'un devis du 17 juin 2021 et la prise en charge d'une somme de 1 551,52 euros HT pour la remise en état du moteur.
La première somme constitue une réactualisation du préjudice (37 456 euros au lieu de 33 400 euros) et ne peut constituer une demande nouvelle.
La demande au titre de la remise en état du moteur relève du principe de la réparation intégrale du préjudice.
En conséquence, la fin de non-recevoir de la société Thelem Assurances est rejetée.
* Sur les réparations.
L'article 6 des conditions générales précise en son paragraphe sur les frais de réparation : ils consistent dans le coût normal, apprécié au jour du sinistre, de remise en état du matériel en son état antérieur au sinistre.
Le conseil de la société Gromy communique un courrier officiel dans lequel il fait observer que la société Palfinger France a considéré qu'il n'était pas envisageable de réparer les nombreuses fissures sur le faux châssis et sur le socle de la grue. Le devis de réparation correspondant s'élève à 91 698 euros TTC ou 76 415 euros HT.
Cette somme n'est pas discutée dans les écritures de la société d'assurance.
En conséquence, sans qu'il ne soit besoin de désigner un expert, il convient de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Thelem Assurances à payer à la société Lerétrif Rossard Bâtiment la somme de 30 908,58 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017,
- condamner la société Thelem Assurances à payer à la société Lerétrif Rossard Bâtiment la somme de 76 415 euros HT au titre du remplacement du socle de la grue avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 (avec capitalisation),
- condamner la société Thelem Assurances à payer à la société Lerétrif Rossard Bâtiment la somme de 4 056 euros HT au titre de l'actualisation du devis de la société Gromy du 24 mars 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 (avec capitalisation),
- condamner la société Thelem Assurances à payer à la société Lerétrif Rossard Bâtiment la somme de 1551,52 euros HT au titre des travaux de remise en état du moteur, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 (avec capitalisation).
- Sur la location d'un équipement de levage de substitution.
La société Lerétrif Rossard Bâtiment explique que le refus de la société Thelem l'a obligée à louer du matériel de levage dans l'attente de son indemnisation. Elle invoque une mauvaise exécution du contrat d'assurance.
L'assureur indique que les factures produites par la société Lerétrif Rossard Bâtiment correspondent à des grues d'une capacité variant de 35 à 90 tonnes, de sorte qu'il est impossible de déterminer si elles ont été louées pour le remplacement de l'équipement endommagé. Elle conteste le coût des chauffeurs et de l'entretien.
C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont dit que l'assureur avait contesté légitimement sa garantie en s'appuyant sur les considérations techniques de son expert, qui est intervenu dans des délais raisonnables. La poursuite de cette contestation après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire ne peut être emprunte de mauvaise foi ou être considérée comme fautive car elle nécessitait une décision judiciaire.
La société Lerétrif Rossard Bâtiment est déboutée de cette demande.
Le jugement est confirmé à ce titre.
- Sur les frais d'assistance technique.
La société Lerétrif Rossard Bâtiment demande la confirmation du jugement.
La société Thelem Assurances estime que ces frais relèvent de l'article 700 du code de procédure civile et ne relèvent pas du contrat d'assurance.
S'agissant de frais occasionnés à l'occasion d'une instance, la somme de 848,58 euros est comprises dans les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement est infirmé à ce titre.
- Sur les frais de gardiennage de la société Gromy.
La société Carrosserie Tôlerie Industrielle Gromy réclame le paiement d'une somme de 73 150 euros au titre du gardiennage du matériel depuis le 7 mars 2017, sur le fondement de l'article 1947 du code civil.
Elle signale que la présence du véhicule lui a fait perdre un emplacement de parking et provoque une gêne.
Elle réclame le paiement du gardiennage ainsi que le paiement des opérations de vérification et de démarrage du véhicule (pour 2 145 euros TTC).
À titre subsidiaire, elle considère qu'elle dispose d'une action directe contre l'assureur en application de l'article L 124-3 du code des assurances.
La société Lerétrif Brossard Bâtiment souligne que le camion grue est immobilisé depuis le 7 mars 2017 au sein des établissements Gromy et qu'elle doit louer du matériel de levage.
La société Lerétrif Rossard Bâtiment indique que le contrat de dépôt n'a jamais été formalisé et tarifé et que ce contrat n'est pas l'accessoire d'un contrat d'entreprise. Elle signale que le véhicule est stationné à l'extérieur, au fond d'un parking, et qu'il ne gêne pas l'activité de la société Gromy. Elle considère que ce dépôt doit être gratuit.
Elle rappelle que, si le jugement est réformé sur ce point, la société Thelem Assurances a généré la situation de blocage et doit la garantir.
La société Thelem Assurances estime que ces frais ne sont pas contractuellement justifiés et qu'ils ne font pas l'objet de garantie.
L'assureur déclare que ces frais ne sont pas liés à une de ses fautes mais sont liés à une stratégie de l'assuré cherchant à aggraver son préjudice en créant artificiellement une charge financière. Il souligne l'absence de tout contrat.
Il n'est pas contesté que le matériel se situe au sein de la société Gromy depuis le mois de mars 2017.
Il n'est pas plus discuté l'absence de tout document contractuel tant sur le principe d'un dépôt que sur son coût.
La société Gromy ne justifie d'aucun contrat d'entreprise, ou d'aucune réparation.
Elle ne verse au dossier aucune pièce pouvant justifier le montant de la somme journalière de 55 euros par jour.
Elle ne démontre aucunement la réalisation des opérations de vérifications et de démarrage du moteur telles que réclamées.
La demande de la société Gromy au visa de l'article L 124-3 du code des assurances n'est pas justifiée, puisqu'il ne s'agit pas d'une action en responsabilité contre la société Lerétrif Rossard Bâtiment.
La société Carrosserie Tôlerie Industrielle Gromy est déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 55 euros par jour et d'une somme de 2 145 euros par mois à compter du 7 mars 2017 ou, à titre subsidiaire, à compter du 17 janvier 2019. Le jugement est confirmé à ce titre.
- Sur les autres demandes.
L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
Cette mauvaise foi ou malice n'est pas démontrée dans le cas présent et la mauvaise appréciation de ses demandes par la société Thelem Assurances ne constitue pas un abus. La société Gromy est déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive. Le jugement est confirmé à ce titre.
Succombant principalement en appel, la société Thelem Assurances est déboutée de sa demande en frais irrépétibles et est condamnée à payer à la société Lerétrif Rossard Bâtiment la somme de 5 000 euros et à la société Carosserie Tôlerie Industrielle Gromy la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Rejette la fin de non-recevoir de la société Thelem Assurances sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions concernant :
- la somme due au titre du remplacement du socle de la grue,
- la somme due au titre de l'actualisation du devis de la société Gromy,
- la somme due au titre des travaux de remise en état du moteur,
- les frais d'assistance technique ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Thelem Assurances à payer à la société Lerétrif Rossard Bâtiment la somme de 76 415 euros HT au titre du remplacement du socle de la grue avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 (avec capitalisation) ;
Condamne la société Thelem Assurances à payer à la société Lerétrif Rossard Bâtiment la somme de 4 056 euros HT au titre de l'actualisation du devis de la société Gromy du 24 mars 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 (avec capitalisation) ;
Condamne la société Thelem Assurances à payer à la société Lerétrif Rossard Bâtiment la somme de 1551,52 euros HT au titre des travaux de remise en état du moteur, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 (avec capitalisation) ;
Juge que les frais d'assistance technique d'un montant de 848,58 euros HT font partie des frais irrépétibles ;
Y ajoutant,
Déboute la société Thelem Assurances de sa demande en frais irrépétibles;
Condamne la société Thelem Assurances à payer à la société Lerétrif Rossard Bâtiment la somme de 5 000 euros et à la société Carrosserie Tôlerie Industrielle Gromy la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Thelem Assurances aux dépens.
La greffière La présidente