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03/05/2023 | FRANCE | N°20/00171

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 03 mai 2023, 20/00171


5ème Chambre





ARRÊT N°-150



N° RG 20/00171 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMJL













COMMUNE DU [Localité 1]

CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DU [Localité 1]



C/



Mme [R] [T]



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours













Copie exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MAI 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, C...

5ème Chambre

ARRÊT N°-150

N° RG 20/00171 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMJL

COMMUNE DU [Localité 1]

CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DU [Localité 1]

C/

Mme [R] [T]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Février 2023

devant Madame Virginie PARENT et Madame Virginie HAUET magistrats rapporteurs, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

COMMUNE DU [Localité 1] agissant en la personne de son maire en exercice

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DU [Localité 1] agissant en la personne de son Président

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

Madame [R] [T]

née le 12 Juin 1964 à [Localité 5]

Maison de [8]

[Localité 1]

Représentée par Me Barthélémy LE MARC'HADOUR de la SELARL JURISTES-OFFI CE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

Par acte du 1er avril 2010 intitulé 'bail de location de la Maison de la gardienne de la chapelle de [8]', la commune du [Localité 1] et son centre communal d'action sociale (CCAS) ont donné à bail à Mme [R] [T] le local dit '[4]' proche de la chapelle [8], site touristique de la commune du [Localité 1]. Cette location a été consentie moyennant un loyer mensuel de 150 euros pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction à la date anniversaire.

Au cours de l'année 2013, des travaux de rénovation et d'aménagement ont été réalisés par le bailleur.

Par avenant en date du 23 juin 2014, il a été convenu que le centre communal d'action sociale du [Localité 1] serait désormais bailleur unique.

En janvier 2015, le conseil d'administration du CCAS a décidé de fixer le loyer de la [4] à 350 euros par mois, tout en proposant à Mme [R] [T] de ne payer qu'un mois sur deux jusqu'à finition complète des travaux.

Mme [R] [T] a refusé la fixation de ce loyer.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 31 octobre 2017, le CCAS a notifié à Mme [R] [T] une décision de non-renouvellement du bail, avec effet au 1er avril 2019.

Par acte d'huissier du 15 mai 2018, Mme [R] [T] a fait assigner la commune du [Localité 1] et le CCAS devant le tribunal de grande instance de Lorient.

Par jugement en date du 4 décembre 2019, le tribunal de Lorient a:

- rejeté la demande tendant à la mise hors de cause de la commune du [Localité 1],

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en constatation de l'existence d'un bail commercial,

- constaté l'existence depuis le 1er avril 2012 d'un bail soumis au statut des baux commerciaux portant sur l'immeuble dit 'Maison de [8]' sur la commune du [Localité 1],

- débouté la commune du [Localité 1] et le CCAS de leurs demandes tendant à voir constater le non renouvellement du bail et ordonner l'expulsion de Mme [R] [T],

- ordonné avant dire-droit une expertise sur le montant du loyer,

- commis pour y procéder M. [X] [Y], [Adresse 3], avec mission de :

* se rendre sur les lieux après avoir convoqué les parties,

* entendre si nécessaire tout sachant,

* donner son avis, au regard de l'ensemble des critères indiqués à l'article L 145-33 du code de commerce, sur la valeur locative des locaux concernés,

- dit qu'en cas de difficultés techniques particulières pour répondre aux questions ci-dessus, l'expert pourra se faire assister d'un sapiteur,

- dit que le CCAS du [Localité 1] et la commune du [Localité 1] devront consigner, auprès du régisseur d'avances de recettes de ce tribunal, la somme totale de 2 000 euros à titre d'avances sur la rémunération de l'expert, et ce avant le 15 janvier 2020,

- dit que l'expert devra déposer son rapport dans le délai de 6 mois à compter de l'acceptation de sa mission,

- réservé les autres demandes et les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire,

- renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du 3 juillet 2020, date à laquelle les parties sont d'ores et déjà invitées à conclure si le rapport d'expertise est déposé.

Le 10 janvier 2020, la commune du [Localité 1] et le centre communal d'action sociale du [Localité 1] ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 21 octobre 2022, demandent à la cour de :

- réformer le jugement du 4 décembre 2019 en ce qu'il a :

* rejeté la demande tendant à la mise hors de cause de la commune du [Localité 1],

* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en constatation de l'existence d'un bail commercial,

* constaté l'existence depuis le 1er avril 2012 d'un bail soumis au statut des baux commerciaux portant sur l'immeuble dit "maison de [8]" sur la commune du [Localité 1],

* débouté la commune du [Localité 1] et le CCAS de leurs demandes tendant à voir constater le non-renouvellement du bail et ordonner l'expulsion de Mme [R] [T],

Et statuant à nouveau,

- prononcer la mise hors de cause de la commune du [Localité 1],

- déclarer irrecevable comme prescrite la demande de Mme [R] [T] tendant à la requalification de la convention en date du 1er avril 2010 en bail commercial,

- constater le non-renouvellement du contrat de location liant Mme [R] [T] au CCAS du [Localité 1] et ce, à effet au 1er avril 2019,

- ordonner l'expulsion de Mme [R] [T], ainsi que celle de tout occupant de son chef des locaux pris à bail, avec si besoin le concours de la force publique,

- débouter Mme [R] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due à compter du 1er avril 2019 à la somme de 260 euros par mois, correspondant à la valeur locative, et ce jusqu'à la libération effective des locaux,

- condamner Mme [R] [T] au paiement d'une indemnité d'occupation de 260 euros par mois à compter du 1er avril 2019 et jusqu'à libération effective des lieux,

Subsidiairement,

- fixer le loyer dû par Mme [R] [T] à la valeur locative de 260 euros par mois et condamner Mme [R] [T] au paiement de cette somme à compter du 1er janvier 2016 et jusqu'à l'expiration du bail,

- en conséquence, condamner Mme [R] [T] au paiement :

* d'une somme 1 320 euros au titre des arriérés de loyers de l'année 2016,

* d'une somme de 1 320 euros au titre des arriérés de loyers de l'année 2017,

* d'une somme de 1 320 euros au titre des arriérés de loyers de l'année 2018,

* d'une somme de 2 400 euros au titre des arriérés de loyers des mois de janvier à août 2019 inclus, date de la rédaction des présentes,

* d'une somme de 300 euros par mois pour la période s'écoulant entre la rédaction des présentes (mois de septembre 2019 y compris) et la date à laquelle la juridiction rendra sa décision,

* d'une somme de 450 euros par mois à titre de loyer jusqu'à la fin du bail,

- ordonner une compensation entre les sommes allouées à Mme [R] [T] à titre indemnitaire, suivant condamnations prononcées par le tribunal judiciaire de Lorient le 27 avril 2022, et les condamnations prononcées à l'encontre de Mme [R] [T] au titre des arriérés de loyers dus depuis le 1er janvier 2016,

- condamner Mme [R] [T] à payer la somme de 4 000 euros à la

commune du [Localité 1] et à payer la somme de 4 000 euros au CCAS au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [R] [T] aux entiers dépens dont distraction au

profit de la SELARL Chevallier & Associés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2023, Mme [R] [T] demande à la cour de :

- débouter la commune du [Localité 1] et le centre communal d'action social du [Localité 1] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 décembre 2019, notamment en ce qu'il a constaté l'existence depuis le 1er avril 2012, d'un bail soumis au statut des baux commerciaux du fait du maintien en sa possession, en tant que preneur, à l'issu d'un bail dérogatoire,

- rejeter les demandes formées à titre reconventionnel par la commune du [Localité 1] et par le centre communal d'action social du [Localité 1],

- condamner in solidum la commune du [Localité 1] et le centre communal d'action social du [Localité 1] à lui verser la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la commune du [Localité 1] et son CCAS aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour observe que, suite au jugement déféré, l'expert a déposé son rapport et que le tribunal judiciaire de Lorient par jugement du 27 avril 2022 a statué sur la demande de révision du loyer formée par le CCAS.

- sur la demande de mise hors de cause de la commune du [Localité 1]

La commune du [Localité 1] sollicite sa mise hors de cause au motif que depuis un avenant du 23 juin 2014, elle n'est plus bailleur de Mme [T].

À raison, cependant, le tribunal a rejeté cette demande, les prétentions de Mme [T] portant sur la qualification du bail qui lui a été consenti le 1er avril 2010 par la commune du [Localité 1] et le CCAS.

- sur le bail liant les parties

Les appelants demandent à la cour de reconnaître que le bail du 1er avril 2010 est soumis au régime de droit commun et contestent toute application du statut des baux commerciaux, au motif principalement que Mme [T] ne peut justifier d'une clientèle propre, et donc de l'existence d'un fonds de commerce.

Ils font valoir que le bâtiment loué s'insère dans un ensemble immobilier architectural remarquable, délimité et relativement isolé, constitué par le site de la chapelle [8], lequel est distant de 1,5 km du centre du bourg du [Localité 1] ; ils notent que la route de [8] conduit uniquement à une aire de stationnement aménagée au coeur de la forêt à proximité immédiate de la chapelle et de ses dépendances et rappellent que la chapelle édifiée à partir de 1489 est un lieu d'étape des chemins bretons du pèlerinage vers [Localité 6] et que la [4], bien que louée, inscrite aux monuments historiques depuis 1928, est l'une de ses dépendances.

Selon eux, les personnes qui se rendent sur le site ont nécessairement pour motivation première de visiter la chapelle [8] et l'activité commerciale exploitée par Mme [T] dans la maison de gardien ne constitue pas, en elle-même un pôle d'attraction. Ils estiment donc que son activité est totalement dépendante de la proximité de la chapelle [8], de l'ensemble monumental qui l'entoure et singulièrement de son ouverture au public. Ils relèvent que l'expert confirme dans son rapport que la fréquentation du site coïncide principalement avec la saison touristique, la météo et l'ouverture au public de la chapelle. Il note que la chapelle est fermée le lundi en moyenne saison.

En conséquence, à défaut d'application du statut des baux commerciaux, ils entendent voir écartée par la cour toute application automatique de l'article L 145-5 du code de commerce, tel que prétendu par Mme [T].

Ils considèrent par ailleurs prescrite depuis le 1er avril 2012 et donc irrecevable, la demande de requalification du contrat en bail commercial. Ils relèvent que les parties n'ont nullement convenu que le bail du 1er avril 2010 modifié par avenant du 23 juin 2014 constituait un bail dérogatoire au sens de l'article L 145-5 du code de commerce.

Ils ajoutent qu'une prescription quinquennale est de même acquise, Mme [T] ayant saisi le tribunal par acte du 15 mai 2018.

Mme [T] s'oppose à ces demandes et soutient que les conditions d'application du statut des baux commerciaux sont réunies depuis le 1er avril 2010, mais que les parties ont entendu y déroger en prévoyant un bail d'une durée d'un an renouvelable, de sorte qu'à raison, le tribunal, selon elle, a retenu que le bail de 2010 était un bail dérogatoire.

Elle conteste le moyen opposé tiré de l'absence d'une clientèle propre ; elle indique que l'accès à son établissement n'est nullement limité ou entravé, que la jurisprudence développée sur ce point ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, en l'absence de fonds dominant, et qu'en tout état de cause, elle dispose d'une clientèle de randonneurs non attachée à la chapelle, et précise avoir développé, grâce à un effort permanent de communication, une clientèle propre à la Taverne [8], organisant tout au long de l'année des animations musicales diverses.

Elle approuve encore le tribunal en ce qu'il a considéré que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, résultant du seul effet de l'article L 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à la prescription biennale.

Pas davantage, selon elle, les appelants ne peuvent lui opposer une prescription quinquennale, rappelant que les dispositions de l'article L 145-5 précitées n'exigent aucune action judiciaire et qu'elle n'a donc introduit aucune action en requalification d'un bail.

S'il était toutefois retenu que son action est soumise à prescription, elle soutient que le point de départ de celle-ci est la date à laquelle elle a reçu la lettre du 31 octobre 2017 l'informant d'une décision du CCAS du 30 octobre 2017 de ne pas renouveler son bail avec pour conséquence une résiliation effective du bail au 1er avril 2019.

Elle demande en conséquence de confirmer le jugement qui a constaté l'existence d'un bail commercial depuis le 1er avril 2012.

Conformément à l'article L 145-1 du code de commerce, les conditions d'application du statut des baux commerciaux sont :

- un bail,

- un local ou un immeuble,

- un fonds commercial, industriel ou artisanal,

- une immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

L'article L 145-5 du code de commerce dans sa version applicable à la cause, dispose :

Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans.

Si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.

Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.

La question posée à la cour est de savoir si la convention liant les parties relève du statut des baux commerciaux et si les parties ont entendu déroger à ce statut en limitant la durée du bail à un an renouvelable ; en d'autres termes, il convient de déterminer si, comme soutenu par Mme [T], le bail du 1er avril 2010 est un bail dérogatoire au sens de l'article L 145-5 précité.

Les premiers juges ont retenu, à juste titre, que l'action entreprise par Mme [T] tendant à constater l'existence d'un bail soumis au statut des baux commerciaux depuis le 1er avril 2012 à l'issue d'un bail dérogatoire, n'était pas une action en requalification du bail et n'était donc soumise à la prescription biennale. La cour confirme le jugement en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée d'une prescription.

Le bail liant les parties en date du 1er avril 2010 porte sur la maison dite de [8] et le bailleur autorise Mme [R] [T] à exploiter en ce lieu une activité de commerce de petits souvenirs, de débits de boissons

( correspondant à la petite licence) et de confiserie et produits alimentaires type sandwiches. Mme [T] exploite son établissement sous l'enseigne ' la Taverne de [8]'.

S'agissant des conditions énumérées à l'article L 145-1 précité, seule l'existence d'un fonds de commerce est contestée par les appelantes.

L'existence du fonds de commerce est caractérisée essentiellement par sa clientèle, laquelle doit être autonome.

Il ressort d'une étude préalable à la restauration de la maison des gardiens et des abords de la chapelle de septembre 2010 que la maison dite [8] est une dépendance du site de la chapelle [8] sise sur la commune du [Localité 1], lequel comprend plusieurs édifices dont la chapelle [8], la chapelle [7], la maison du garde, et la tour clocher ; il est constant que le bien loué est un monument historique.

L'accès direct à la [4] est possible par la route et par un sentier piéton. Le bail ne fixe à Mme [T] aucune contrainte en terme d'horaires ou de jour d'ouverture.

Nonobstant l'implantation du bien loué dans ce site touristique, il ne peut être affirmé que la clientèle de la Taverne de [8] est liée aux seuls visiteurs de celui-ci.

L'accès piétonnier permet en effet à Mme [T] d'accueillir notamment des randonneurs, tel que relevé par l'expert qui note l'existence d'un parcours de randonnée de 12 km parcouru par des marcheurs pour lesquels la Taverne constitue un certain point de chute mérité.

Comme les conditions du bail d'ailleurs l'y autorisent, Mme [T] établit également organiser diverses manifestations au sein de son établissement, notamment musicales, faisant l'objet de diverses communications (annonces dans la presse, à la radio, par internet, affichage), susceptibles de toucher ainsi un large public, attiré non par le site, mais par les concerts.

Le bailleur ne démontre pas que Mme [T] est soumise à de quelconques contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité

L'existence d'une telle autonomie de clientèle est donc indiscutable en l'espèce ; ce moyen est écarté.

Les premiers juges retiennent donc à juste titre que le bail répond aux conditions posées par l'article L 145-1 du code de commerce.

Les parties ont toutefois entendu déroger au statut des baux commerciaux

en limitant la durée du bail à une année renouvelable par tacite reconduction.

En application des dispositions de l'article L 145-5 du code de commerce, et compte tenu du maintien dans les lieux du preneur sans opposition des bailleurs, il convient de constater, comme les premiers juges, la transmutation à la date du 1er avril 2012, du bail dérogatoire en bail commercial. Le jugement est confirmé de ce chef.

- sur le non renouvellement du bail, la demande d'expulsion et la demande d'indemnités d'occupation

Les conditions du droit au renouvellement du bail sont définies aux articles L 145-8 et suivants du code de commerce.

En l'espèce, en présence d'un bail commercial à effet au 1er avril 2012, le bailleur ne peut se prévaloir d'un non renouvellement du bail notifié à Mme [T] le 1er avril 2019, hors d'une échéance triennale.

La cour confirme le rejet de ces prétentions du CCAS du [Localité 1].

- sur les loyers

Le CCAS du [Localité 1] sollicite de la cour la fixation du loyer à la valeur locative, soit à la somme de 260 euros et la condamnation de Mme [T] au paiement d'une somme de 10 200 euros due au titre d'arriéré de loyers de 2016 à août 2019 (soit 1 320 euros par an pour 2016, 2017 et 2018, 2 400 euros pour 2019 jusqu'en août), outre 300 euros par mois de septembre 2019 au jour de l'arrêt à intervenir, puis 450 euros par mois jusqu'à la fin du bail.

Mme [T] oppose à ces demandes l'autorité de la chose jugée et donc l'irrecevabilité de celles-ci. Elle indique que ces demandes ont été présentées devant le tribunal judiciaire de Lorient et ont été rejetées par jugement du 27 avril 2022.

Elle ajoute que la demande de révision du loyer est soumise aux dispositions des articles L 145-37 et suivants du code de commerce et les articles R 145-20 et suivants du même code, que le bailleur ne peut se dispenser du respect de ces formalités d'ordre public, qu'une telle demande relève de la compétence exclusive du Président du tribunal et que le bailleur n'a jamais saisi le juge des loyers en ce sens.

L'article 122 du code de procédure civile dispose :

Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 123 du même code prévoit :

Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

En l'espèce, les parties soumettent à la cour un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lorient le 27 avril 2022, non frappé d'appel.

Devant ce tribunal, la commune du [Localité 1] et le CCAS ont demandé à titre reconventionnel, à défaut de constater le non renouvellement du bail, de fixer le loyer dû par Mme [T] à 260 euros par mois, et au motif que Mme [T] n'a réglé que 150 euros par mois, de la condamner au paiement d'une somme de 1 320 euros par an pour les années 2016, 2017 et 2018, 3 120 euros par an pour les années 2019 et 2020 et 260 euros par mois jusqu'à la fin du bail.

Le tribunal, relevant notamment que la demande de révision de loyer ainsi formulée ne respectait pas les dispositions légales, a rejeté l'intégralité de ces demandes.

Force est d'admettre que ces demandes se heurtent à l'autorité de chose jugée au sens de l'article 1355 du code civil ; il convient donc de constater l'irrecevabilité des prétentions identiques formées par le CCAS du [Localité 1] devant la cour.

La demande de compensation entre les sommes allouées par le jugement du 27 avril 2022 à Mme [T] ne saurait donc, à défaut de toute créance du CCAS du [Localité 1] sur celle-ci au titre d'un arriéré de loyer basé sur une nouvelle fixation du loyer, être accueillie. La cour rejette cette demande.

- sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement déféré sur ce point sont confirmées.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [T]. La commune du [Localité 1] et le CCAS du [Localité 1] sont condamnés à lui verser une somme de

2 000 euros de ce chef. Le prononcé d'une condamnation in solidum de ce chef n'est pas justifié par Mme [T].

La commune du [Localité 1] et le CCAS sont condamnés aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevables la demande en fixation du loyer à la somme de 260 euros par mois et la demande de condamnation de Mme [T] au titre d'arriérés de loyers présentées par le CCAS du [Localité 1] ;

Déboute le CCAS du [Localité 1] de sa demande de compensation et en paiement au titre de frais irrépétibles ;

Condamne la commune du [Localité 1] et le CCAS du [Localité 1] à payer à Mme [R] [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la commune du [Localité 1] et le CCAS du [Localité 1] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00171
Date de la décision : 03/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-03;20.00171 ?
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