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03/05/2023 | FRANCE | N°20/00004

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 03 mai 2023, 20/00004


5ème Chambre





ARRÊT N°-151



N° RG 20/00004 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QLVR













SA ENEDIS



C/



Mme [V] [N]

Société MACIF CENTRE OUEST ATLANTIQUE



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MAI 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET...

5ème Chambre

ARRÊT N°-151

N° RG 20/00004 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QLVR

SA ENEDIS

C/

Mme [V] [N]

Société MACIF CENTRE OUEST ATLANTIQUE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Février 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SA ENEDIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Lucile ASSELIN de l'ASSOCIATION L.E.A - Avocats, Plaidant, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉES :

Madame [V] [N]

née le 12 Juillet 1953 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Vianney DE LANTIVY de la SELARL ARMEN, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Société MACIF CENTRE OUEST ATLANTIQUE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualités au siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Mikaël BONTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Mme [V] [N] est propriétaire d'une maison sise [Adresse 2]. Elle est assurée à ce titre auprès de la société MACIF. Un incendie a pris naissance le 14 février 2016 dans la chaufferie.

Une expertise amiable contradictoire a été organisée entre les demandeurs, la société Garnaud et son assureur (poseur de la chaudière), le cabinet Naudet mandaté par Enedis et la société Weishaupt (fabricant de la chaudière).

Aux termes du procès-verbal d'expertise, il a été constaté la rupture de neutre ayant généré une surtension, causant des dommages électriques, un incendie sur la carte électronique de la chaudière de marque Weishaupt et un préjudice matériel de 30 272,96 euros.

Par actes en date des 4, 5 et 7 juillet 2016, Mme [V] [N] et la société MACIF ont assigné la société Enedis, la société Garnaud et son assureur la société MMA, ainsi que la société Weishaupt en référé aux fins de voir désigner un expert judiciaire.

Par ordonnance en date du 4 août 2016, le président du tribunal de grande instance de Nantes a fait droit à cette demande d'expertise.

L'expert a déposé son rapport le 13 septembre 2018.

Par assignation en date du 8 janvier 2019, Mme [V] [N] et la société MACIF ont assigné la société Enedis aux fins d'être indemnisés de leurs préjudices.

Par jugement en date du 21 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Nantes a :

- condamné la société Enedis à régler à la société MACIF, subrogée dans les droits de Mme [V] [N], la somme de 18 028,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019,

- condamné la société Enedis à régler à Mme [V] [N] la somme de 12 244,46 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019,

- condamné la société Enedis à régler à la société MACIF et à Mme [V] [N] la somme de 1 500 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Enedis aux dépens comprenant les frais d'expertise,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Le 31 décembre 2019, la société Enedis a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 février 2021, elle demande à la cour de :

- dire et juger son appel recevable et bien fondé,

- en conséquence, réformer le jugement en ce qu'il :

* l'a considérée responsable des dommages subis par Mme [V] [N] suite au sinistre du 13 février 2016,

* l'a condamnée à régler la somme de 18 028,50 euros à la société MACIF et la somme de 12 244,46 euros à Mme [V] [N] avec intérêts légaux,

* l'a condamnée à régler à la société MACIF et Mme [V] [N] la somme de 1 500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise,

Statuant à nouveau :

- juger que la société MACIF et Mme [V] [N] ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la rupture de neutre et l'incendie qui a pris naissance dans la chaudière Weishaupt de Mme [V] [N],

- débouter la société MACIF et Mme [V] [N] de leur demande de condamnation à son égard au titre des dommages causés par l'incendie pour 23 394,93 euros TTC. A titre subsidiaire, en cas de condamnation, limiter ces dommages à la somme retenue par l'expert judiciaire, soit 18 339,12 euros,

- lui donner acte de ce qu'elle ne conteste pas devoir indemniser les dommages électriques subis par les appareils de Mme [V] [N] mais ce, tout au plus, à hauteur de leur valeur de remplacement (équivalent en l'espèce à la somme de 4 560,09 euros TTC) et non à hauteur de leur valeur à neuf,

- déduire de toute condamnation la franchise de 500 euros prévue par l'article 1er du décret n°2005-113 du 11 février 2005 tel que le prévoit l'article 1386-2 alinéa 2 du code civil (à présent numéroté 1245-1 alinéa 2 du même code) ;

En toute hypothèse :

- condamner in solidum la société MACIF et Mme [V] [N] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société MACIF et Mme [V] [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Par dernières conclusions notifiées le 6 janvier 2021, la société MACIF et Mme [V] [N] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes en toutes ses dispositions,

- débouter la société Enedis de toutes ses demandes fins et conclusions,

- condamner la société Enedis à leur payer la somme de 3 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la responsabilité de la société Enedis

La société Enedis ne conteste pas l'existence d'une rupture de neutre sur le raccordement sous concession de sa société en tête du poteau situé sur la parcelle de Mme [N] ni les dommages électriques causés aux appareils électroménagers de Mme [N].

En revanche, elle réfute le fait qu'une telle rupture de neutre ait pu engendrer un départ d'incendie sur la carte électronique de la chaudière de marque Weishaupt. Elle critique le rapport d'expertise judiciaire qu'elle décrit comme incertain et ajoutant aux textes normatifs. Elle fait valoir que la rupture de neutre est un événement anormal mais qui peut être qualifié de prévisible et que de ce fait, le fabricant doit protéger ses appareils contre ce risque. Elle soutient qu'une rupture de neutre ne peut pas causer d'incendie sur des appareils conformes aux normes mais constitue le révélateur d'une anomalie d'un appareil électrique non protégé de manière conforme. Elle en déduit que le lien de causalité entre la rupture de neutre et l'incendie n'est pas établi car nécessairement rompu par l'implication de l'appareil défectueux.

Mme [N] et la société MACIF sollicitent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Ils soutiennent que la responsabilité de la société Enedis doit être retenue en ce que la rupture de neutre entraîne des surtensions en l'espèce de 400V qui peuvent provoquer des incendies. Ils indiquent que l'expert judiciaire a relevé que la surtension durable de plusieurs jours avait provoqué l'incendie. Ils ajoutent que l'expert a fait réaliser des investigations par un laboratoire d'analyses qui a confirmé l'absence de défaut des composants électriques de la chaudière. Ils rappellent que la société Enedis est tenue d'une obligation de résultat et qu'elle échoue à s'exonérer de sa responsabilité en ne rapportant pas la preuve d'une force majeure ou d'une cause extérieure. Ils arguent qu'aucune défaillance des composants ou de la carte électronique de la chaudière n'a été mise en avant par l'expertise et que l'article 19 de la norme NF EN 6035 rappelle qu'un appareil électrique n'est pas supposé résister à une tension largement supérieure à la norme. Ils ajoutent, en tant que de besoin, qu'à supposer que la chaudière ait été insuffisamment protégée, cela n'exonère pas la société Enedis de sa responsabilité au visa de l'article 1245-13 du code civil.

Aux termes des dispositions de l'article 1245 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Aux termes des dispositions de l'article 1245-2 du code civil, l'électricité est considérée comme un produit.

Selon les dispositions de l'article 1245-3 du même code, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

La victime doit prouver, outre l'existence d'un dommage, le défaut du produit et un lien de causalité entre le défaut et le dommage. Le producteur doit établir un fait exonératoire prévu par les articles 1245-10 et 1245-12 du code civil pour s'exonérer de sa responsabilité.

Il est établi par l'expert, et non contesté par les parties, que le 14 février 2016, un voisin a senti une odeur de brûlé dans la propriété de Mme [N] et a constaté qu'un incendie s'est déclaré sur la carte électronique de la chaudière Weishaupt et que le 16 février 2016, il a été constaté une rupture de neutre, sur le réseau Enedis, qui a occasionné une surtension pouvant être égale aux tensions composées de l'ordre de 400V, ce qui a provoqué des dommages électriques.

L'expert judiciaire a indiqué que 'la varistance présente à l'entrée de la carte électronique de la chaudière Weishaupt a subi une destruction complète due à la surtension durable occasionnée par la rupture de neutre sur le réseau Enedis, celle-ci ayant entraîné un passage de la tension simple 230V à la tension composée entre phase de 400V pour des équipements fonctionnant en monophase 220-230V.'

S'agissant de la cause de l'incendie, l'expert indique que 'le mécanisme le plus probable de départ de feu est le suivant :

- rupture de neutre,

- apparition d'une surtension sur la ligne d'alimentation à l'entrée de la carte électronique de la chaudière,

- la surtension rend la varistance électriquement passante (conformément à sa fonction), et la varistance limite la tension à sa valeur de seuil, tandis que le courant dans les pistes d'alimentation devient important,

- la durée trop longue de la surtension développe dans la varistance une énergie qui excède ses capacités de dissipation, ce qui provoque sa destruction (non pas parce qu'elle serait défectueuse ou de piètre tenue, mais parce qu'elle est alors dans des conditions de fonctionnement abusives), la pastille est percée (varistance), il se produit très probablement des étincelles,

- les conditions locales conduisent à la mise à feu'.

S'agissant du lien de causalité entre la rupture de neutre et l'incendie, l'expert judiciaire a fait référence au rapport du laboratoire IC 2000 du 6 janvier 2018 qui a relevé 'l'absence de surintensité en aval de la varistance, le fusible présent sur la carte électronique n'ayant pas fondu, ce qui exclut une surintensité sur la carte électronique elle-même comme pouvant être à l'origine du sinistre'. L'expert a ajouté 'de même, le rapport du laboratoire ne permet pas de mettre en lumière un éventuel défaut sur des composants électroniques ayant pu provoquer un défaut résistif et par voie de conséquence une surintensité' de sorte qu'il n'a pas été mis en avant par l'expertise l'existence d'une quelconque non-conformité des éléments de la chaudière. L'expert n'a pas ajouté aux textes normatifs contrairement à ce que soutient l'appelante et est précis dans ses conclusions. Au vu de ces éléments, le lien de causalité entre la rupture de neutre et la survenance de l'incendie de la carte électronique de la chaudière est ainsi établi.

L'expertise citée par les appelantes en pièce n°19 ordonnée dans le cadre d'un autre litige et portant sur des appareils électroménagers n'est pas de nature à remettre en cause les constatations de l'expert notamment sur l'absence de défaut des composants électroniques de la chaudière en cause.

De plus, la société Enedis ne rapporte pas la preuve que le non-respect des normes de sécurité anti-incendie étaient applicables aux éléments de la chaudière ni que cette non conformité a été la cause de l'incendie.

De surcroît, à supposer même établie la défaillance d'un appareil, elle n'exonérerait pas la société Enedis de son entière responsabilité à l'égard des intimées, eu égard à son obligation de résultat de sécurité en vertu de l'article 1245-13 du code civil qui dispose que la responsabilité du producteur envers la victime n'est pas réduite par le fait d'un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la société Enedis est responsable des dommages subis par Mme [N] et doit en supporter la réparation intégrale, le jugement étant confirmé.

- Sur la réparation des préjudices

La société Enedis accepte de prendre en charge les dommages électriques causés à certains appareils mais elle sollicite que le quantum soit fixé à la valeur de remplacement des différents appareils soit la somme de 4 560,09 euros et non à la valeur neuve en arguant que cela conférerait un enrichissement de Mme [N] en violation du principe de la réparation civile. Elle précise que la valeur de remplacement permet à la victime de se rééquiper sur le marché de l'occasion.

Les intimés demandent de voir appliquer le principe de la réparation intégrale soit la somme de 30 272,96 euros retenue dans le procès-verbal des opérations d'expertise en distinguant la somme due à l'assureur au titre de la subrogation de celle restée à charge de Mme [N].

A titre préliminaire, il convient de relever que le principe du recours subrogatoire de la société MACIF au titre des dispositions de l'article L.121-12 du code des assurances n'est pas contesté.

Il est constant que la réparation doit avoir pour effet de replacer la victime du dommage dans la situation où elle se serait trouvée si le sinistre ne s'était pas produit. Il n'y a, dès lors, pas lieu de faire droit à la demande de limiter l'indemnisation du préjudice à la valeur de remplacement des biens

À cet égard, il ne saurait être exigé de la victime qu'elle établisse qu'elle n'est pas en mesure de trouver des biens équivalents sur le marché de l'occasion.

L'évaluation des dommages a été établie contradictoirement par le procès-verbal de constatations du 13 mai 2016, et il en résulte que la valeur à neuf des appareils s'élève à 30 272,96 euros.

Contrairement à ce que soutient la société Enedis, il n'est pas démontré que Mme [N] aurait pu trouver sur le marché de l'occasion du matériel de nature à remplacer ses biens endommagés par des appareils équivalents permettant ainsi de la replacer exactement dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant que ne surviennent les dommages dont la société Enedis est responsable.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement qui a condamné la société Enedis à verser la somme de 18 028,50 euros à la MACIF Centre Ouest Atlantique subrogée dans les droits de Mme [N] et la somme de 12 244,46 euros à Mme [N], la répartition de ces sommes n'étant pas contestée par les parties sauf à déduire le montant de la franchise de 500 euros prévue à l'article 1er du décret n°2005-113 du 11 février 2005 et par l'article 1245-1 alinéa 2 du code civil comme le sollicite à bon droit l'appelante.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en son appel, la société Enedis sera condamnée à verser la somme de 2 000 euros chacune à Mme [N] et à la société MACIF au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et sera tenue aux entiers dépens d'appel. Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf à déduire des condamnations le montant de la franchise de 500 euros ;

Y ajoutant,

Condamne la société Enedis à verser à Mme [V] [N] et à la société MACIF Centre Ouest Atlantique la somme de 2 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la société Enedis aux dépens d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00004
Date de la décision : 03/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-03;20.00004 ?
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