8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°172
N° RG 20/01957 et 20/01956 joints -
N° Portalis DBVL-V-B7E-QSJL
SPL. COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN
C/
M. [E] [N]
Absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Emmanuel DOUET
Me Julie DURAND
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 02 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Janvier 2023
devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
La Société Publique Locale (SPL) COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Comparante en la personne de Mme [S] [B], Directrice adjointe et Directrice des Ressources Humaines, suivant pouvoir et représentée par Me Emmanuel DOUET de la SELAS FIDAL, Avocat au Barreau de VANNES
INTIMÉ :
Monsieur [E] [N]
né le 13 Juin 1955 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Julie DURAND de la SELARL P & A, Avocat au Barreau de VANNES
M. [E] [N] a été embauché par la SAGEMOR, transformée depuis en SPL LA COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée principalement saisonniers en qualité de guide conférencier du site de [Localité 1], entre juillet 1988 et novembre 2001, mais également comme chargé de mission et commissaire d'exposition ou chargé de conception et de réalisation des actions commerciales.
A compter du 15 Janvier 2002, M. [E] [N] a été employé par la même société pour occuper des fonctions de chargé de mission et guide dans le cadre d'un contrat à (intermittent) à temps partiel annualisé.
Au terme d'un avenant du 20 mars 2003 à effet au 6 juin 2003, M. [E] [N] a été nommé responsable d'exploitation des sites mégalithiques de [Localité 1] et du [Localité 3], statut cadre coefficient 305, dans le cadre d'un forfait annuel en jours.
Le 25 Juin 2016, M. [E] [N] a été placé en arrêt maladie renouvelé à plusieurs reprises.
Le 19 Juin 2017, M. [E] [N] a fait l'objet d'une convocation à un entretien fixé au 29 Juin 2017 reporté au 31 Juillet 2017, avant d'être licencié par courrier du 29 Août 2017, pour absence prolongée obligeant à le remplacer définitivement.
Le 24 avril 2018, M. [E] [N] a saisi le Conseil de prud'hommes de VANNES aux fins de voir :
'Dire et juger la rupture du contrat de travail intervenue le 29 août 2017 comme abusive,
'Dire et juger le licenciement de M. [E] [N] sans cause réelle et sérieuse,
' Condamner la COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN à lui verser :
-107 500 € à titre de dommages et intérêts, tous préjudices confondus, en réparation du préjudice lié à la rupture abusive du contrat de travail,
- 4 000 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 1° du Code de procédure civile,
' Condamner la même société à supporter les entiers dépens de l'instance,
' Ordonner l'exécution provisoire.
La cour est saisie de l'appel formé par la SAPL COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN le 24 mars 2020, contre le jugement du 3 Mars 2020, par lequel le Conseil de Prud'hommes de VANNES a :
- Dit que le licenciement de M. [E] [N] dénué de cause réelle et sérieuse,
- Condamné la COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN à verser à ce dernier :
- 107 500 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondus,
- 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
Vu les écritures notifiées le 22 juin 2020 , par voie électronique au terme desquelles la SAPL COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN demande à la Cour de :
' Recevoir la SAPL COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN en son appel et le déclarer bien fondé,
Y faisant droit,
' Réformer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de VANNES du 3 Mars 2020,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
' Débouter M. [E] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire,
' Réduire considérablement le montant des dommages et intérêts octroyés à M. [E] [N].
En tout état de cause,
' Débouter M. [E] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
' Condamner M.[E] [N] à verser à la COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN SPL une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Vu les écritures notifiées le 21 septembre 2020, par voie électronique au terme desquelles M. [E] [N] demande à la Cour de :
' Déclarer la COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter,
' Déclarer M. [E] [N] recevable et bien fondé en toutes ses demandes,
fins et conclusions,
' Confirmer le jugement rendu le 3 mars 2020 par le Conseil de Prud'hommes de VANNES,
' Dire et juger la rupture du contrat de travail de M. [E] [N] intervenue le 29 août 2017 comme abusive,
' Dire et juger le licenciement de M. [N] sans cause réelle et sérieuse,
' Condamner la COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN à payer et porter à M. [N] la somme de 107 500 € à titre de dommages et intérêts, tous préjudices
confondus, en réparation du préjudice lié à la rupture abusive du contrat de travail :
- 82 500 € en réparation du préjudice pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 25 000 € en réparation du préjudice moral,
' Condamner la COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN à payer et porter à M. [N] la somme de 7 500 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 1° du Code de procédure civile (1 500 € pour les frais de première instance et 6 000 € pour l'appel),
' Condamner la même société à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ordonnance du 05 février 2021, le conseiller de la mise en état a débouté M. [E] [N] de l'incident tendant à voir déclarer la COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN SPL irrecevable pour défaut de qualité.
Au terme d'un avis de fixation du 5 octobre 2022, les parties ont été informées que la clôture de la procédure interviendrait le 5 janvier 2023 pour une audience fixée au 12 janvier 2013 et invitées à faire connaître leurs observations sur une éventuelle absence d'effet dévolutif de l'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Bien que régulièrement invitées à faire connaître leurs observations sur une éventuelle absence d'effet dévolutif de l'appel au terme d'un avis de fixation du 5 octobre 2022, les parties n'en ont pas adresser à la cour.
A l'audience, sans toutefois produire d'écriture à ce titre, la société soutient que si l'annexe contient les chefs du jugement, elle fait corps avec la déclaration d'appel, de sorte qu'il n'y a aucune difficulté, le texte ne prévoyant pas de sanction, la seule exigence étant de savoir sur quoi porte l'appel.
Pour sa part, le salarié intimé justifie son abstention par le fait que la société appelante n'avait pas déféré à l'interrogation de la cour.
Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°'2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Ainsi, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas. La déclaration d'appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.
Selon l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2022-245 du 25 février 2022, d'application immédiate, «'la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57 et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ('.) ».
L'article 1er de l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, applicable aux instances en cours, a complété l'article 3 de l'arrêté du 20 mai 2020 désormais rédigé comme suit':
« Le message de données relatif à l'envoi d'un acte de procédure remis par voie électronique est constitué d'un fichier au format XML destiné à faire l'objet d'un traitement automatisé par une application informatique du destinataire.
Lorsque ce fichier est une déclaration d'appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l'article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l'article 4 ».
Cet article dans sa rédaction issue de l'arrêté du 25 février 2022, dispose que :
« Lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document.
Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique ».
Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une déclaration d'appel, acte de procédure saisissant la juridiction d'appel et fixant les limites de sa saisine, doit en application de l'article 901 du code de procédure civile et à peine de nullité comporter notamment les chefs du jugement critiqués ; lorsque la communication électronique est imposée, la déclaration d'appel prend la forme d'un fichier XML devant obligatoirement comprendre les mentions des alinéas 1à 4 de l'article 901 du code de procédure civile'; lorsqu'un fichier PDF contenant une annexe est joint à la déclaration d'appel, celle-ci doit renvoyer expressément à ce fichier'; si celui-ci peut désormais contenir les chefs du jugement critiqués indépendamment du nombre de caractères nécessaires, il ne saurait ni contredire les mentions ni régulariser un éventuel défaut de la déclaration d'appel.
En l'espèce, la déclaration d'appel du 24 mars 2020 qui ne contient aucun renvoi à une quelconque annexe ou note jointe, mentionne que l'objet de l'appel est un 'appel total'.
L'annexe jointe à la déclaration, non expressément visée dans la déclaration d'appel ne saurait prévaloir sur l'acte d'appel qui doit se suffire à lui-même.
Le vice de forme affectant les actes d'appel n'ayant pas été rectifié par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelante pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1 du code de procédure civile et ne pouvant plus être régularisé à ce jour, la cour n'est donc saisie d'aucun litige ni donc d'aucune demande, ni à titre principal ni à titre incident.
Enfin, il sera rappelé que l'obligation prévue par l'article 901, 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être débouté de la demande formulée à ce titre et condamné à indemniser le salarié intimé des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
CONSTATE l'absence d'effet dévolutif de l'appel,
CONSTATE en conséquence que la cour n'est saisie d'aucune demande,
CONDAMNE la SAPL LA COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN à verser M. [E] [N] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAPL LA COMPAGNIE DES PORTS DU MORBIHAN aux dépens de l'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.