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14/04/2023 | FRANCE | N°21/07990

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre del'expropriation, 14 avril 2023, 21/07990


Chambre de l'Expropriation





ARRÊT N° 4



N° RG 21/07990 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SKJ5













M. [C] [Z]

Mme [R] [A] épouse [Z]

M. [N] [Z]

M. [I] [Z]

M. [M] [Z]

M. [F] [Z]



C/



S.A.S. SETUR INGENIERIE AUDIT CONSEIL

VILLE DE [Localité 34]

L'ETAT

MONSIEUR LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES

















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositio

ns, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à : Me Grenard

Me Garnier

Me Fleischl





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 AVRIL 2023





COMPOS...

Chambre de l'Expropriation

ARRÊT N° 4

N° RG 21/07990 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SKJ5

M. [C] [Z]

Mme [R] [A] épouse [Z]

M. [N] [Z]

M. [I] [Z]

M. [M] [Z]

M. [F] [Z]

C/

S.A.S. SETUR INGENIERIE AUDIT CONSEIL

VILLE DE [Localité 34]

L'ETAT

MONSIEUR LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Grenard

Me Garnier

Me Fleischl

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats, et Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Décembre 2022, devant Monsieur Fabrice ADAM, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [U], commissaire du gouvernement représentant la direction régionale des finances publiques du département d'Ille et Vilaine,

ARRÊT :

réputé contradictoire, prononcé publiquement le 14 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [C] [Z]

né le 07 Avril 1933 à [Localité 27], de nationalité française, retraité

[Adresse 29]

[Localité 34]

Madame [R] [A] épouse [Z]

née le 25 Juin 1932 à Hanoï (Vietman), de nationalité française, retraitée

[Adresse 29]

[Localité 34]

Monsieur [N] [Z]

né le 15 Septembre 1958 à [Localité 33], de nationalité française, cadre bancaire

2 Pliant

[Localité 19]

Monsieur [I] [Z]

né le 13 Décembre 1961 à [Localité 33], de nationalité française, médecin

[Adresse 10]

[Localité 15]

Monsieur [M] [Z]

né le 16 Décembre 1962 à [Localité 33], de nationalité française, directeur administratif et financier

[Adresse 2]

[Localité 18]

Monsieur [F] [Z]

né le 24 Mars 1965 à [Localité 33], de nationalité française, avocat

[Adresse 20]

[Localité 15]

Représentés par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

S.A.S. SETUR INGENIERIE AUDIT CONSEIL, immatriculée au RCS de [Localité 32] sous le n° 418 896 429, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social,

[Adresse 3]

[Localité 14]

Représentée par Me Charlotte GARNIER de la SELARL GUILLOTIN, LE BASTARD ET ASSOCIES, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Anne Gaëlle POILVET de la SELARL GUILLOTIN, LE BASTARD ET ASSOCIES, plaidant, avocat au barreau de SAINT BRIEUC

Commune de [Localité 34], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 28]

[Localité 34]

Représentée par Me Jean FLEISCHL de la SARL MARTIN AVOCATS, plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES

en présence de M. [K] [L], adjoint au maire et de Mme [G] [D], directrice des affaires juridiques

L'ETAT, représenté par le préfet d'Ille-et-Vilaine

[Adresse 11]

[Localité 13]

non représenté

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [C] [Z] et Mme [R] [A] épouse [Z], d'une part, et Messieurs [N], [I], [M] et [F] [Z], d'autre part, (ci-après les consorts [Z]) étaient respectivement usufruitiers et nus propriétaires indivis de diverses parcelles sises à [Localité 34], [Adresse 30], d'une superficie de 14 ha 75 a 48 ca. Ces parcelles ont été déclarées, après enquêtes publique et parcellaire et, par arrêté préfectoral du 7' novembre 2013, cessibles au profit de la commune de [Localité 34] dont le conseil municipal avait approuvé, en 2007, la création d'une zone d'aménagement concertée.

Une ordonnance d'expropriation a été rendue le 7 juillet 2014, après que le juge de l'expropriation d'Ille et Vilaine a fixé, par jugement du 15 novembre 2013, le montant des indemnités revenant aux expropriés à la somme de 792'033,75 euros dont 713 359,84 euros au titre de l'indemnité principale.

Début 2014, les consorts [Z] et la commune de [Localité 34] se sont rapprochés et se sont engagés à ne pas exercer de recours contre ces décisions de justice, les expropriés renonçant, en outre, au recours qu'ils avaient formé contre l'arrêté préfectoral du 26 avril 2013 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la [Adresse 35] dans le périmètre duquel se trouvaient leurs parcelles.

Cependant cet arrêté a été annulé par arrêt 'devenu définitif après rejet le 23 mars 2018 du pourvoi par le conseil d'État' de la cour administrative d'appel de [Localité 31] du 18 avril 2017 rendu sur le recours d'autres expropriés, décision que la commune de [Localité 34] leur a notifiée le 12 avril 2018.

Par mémoire adressé au greffe du tribunal et signifié à la ville de [Localité 34] le 11 juin 2018, les consorts [Z] ont saisi, au visa de l'article L' 223-2 du code de l'expropriation, le juge de l'expropriation de département d'Ille et Vilaine aux fins qu'il constate le défaut de base légale de l'ordonnance portant transfert de leur propriété au profit de la commune de [Localité 34] et en tire les conséquences de droit.

La commune de [Localité 34] a appelé en cause l'État, représenté par le préfet d'Ille et Vilaine, et la société Setur Ingénierie Conseil.

Le transport sur les lieux s'est déroulé le 12 octobre 2020 et, par jugement rendu le 22' novembre 2021, le juge de l'expropriation a rejeté comme étant irrecevable la demande des consorts [Z] et laissé les dépens à la charge de la commune de [Localité 34].

Pour ce faire, le tribunal a considéré que l'action se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction intervenue entre les parties les 7 et 14 février 2014 aux termes de laquelle les consorts [Z], expropriés, s'étaient engagés à n'exercer aucun recours contre l'ordonnance d'expropriation et avaient renoncé au bénéfice des dispositions de l'article L 12-5 al 2 du code de l'expropriation.

Les consorts [Z] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 décembre 2021, intimant la commune de [Localité 34], l'État pris en la personne du préfet d'Ille et Vilaine, la société Setur Ingénierie Audit Conseil et le commissaire du gouvernement (DRFP-France Domaine).

Aux termes de leurs dernières écritures (22 novembre 2022 notifiées le même jour), M.' [C] [Z] et Mme [R] [A] épouse [Z] et Messieurs [N], [I], [M] et [F] [Z] demandent à la cour de ':

- réformer le jugement du 22 novembre 2021 et en conséquence,

à titre principal' :

- juger leur action recevable, au besoin après avoir juger nulle et de nul effet la renonciation anticipée au bénéfice de l'action ouverte par l'alinéa 2 de l'article L 12-5 du code de l'expropriation,

à titre subsidiaire ':

- juger nulle et de nul effet la renonciation anticipée au bénéfice de l'action ouverte par l'alinéa 2 de l'article L 12-5 du code de l'expropriation,

en toute hypothèse' :

- constater ou, si mieux n'aime la cour, juger que l'ordonnance en date du 7 juillet 2014 portant transfert de propriété des parcelles cadastrées section [Cadastre 21], [Cadastre 23], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 12] et [Cadastre 25], [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 1], 42, 43, 44, 45, 104, 142, 107 et 83 est dépourvue de base légale et en conséquence nulle et de nul effet,

- constater ou, si mieux n'aime la cour, juger que les biens expropriés ne sont pas en état d'être restitués,

- condamner la ville de [Localité 34] à leur payer une indemnité de 5 '813 '326,89 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'expropriation irrégulière, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2014, date de l'ordonnance d'expropriation,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la ville de [Localité 34] à leur payer une indemnité de 10 '000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la ville de [Localité 34] aux entiers dépens,

- débouter la ville de [Localité 34] de ses demandes, fins et conclusions.

À l'appui de leurs demandes, les consorts [Z] rappellent que la déclaration d'utilité publique ayant été annulée, l'ordonnance d'expropriation est privée de base légale et donc nulle et soutiennent que la fin de non recevoir que leur oppose la commune de [Localité 34], tirée de la renonciation à exercer tous recours contre cette ordonnance, est radicalement inopérante, soutenant avoir qualité et intérêt pour agir, ce d'autant que le courrier du 7 février 2014 ne contient aucune renonciation à exercer l'action indemnitaire ouverte par l'article L 12-5 (devenu L 223-2) du code de l'expropriation, qu'une telle renonciation ne peut se présumer et, en tout état de cause, être valable avant que le droit ne soit né ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Ils ajoutent, subsidiairement, qu'à supposer même qu'ils aient renoncé à exercer l'action ouverte par le texte sus-visé, cette renonciation est nulle, faute de cause licite au sens de l'article 1131 ancien du code civil, l'article L 12-5 étant une disposition d'ordre public. Ils relèvent que l'action prévue par le texte précité ne constitue pas un recours contre l'ordonnance d'expropriation, mais une action indemnitaire ouverte à raison du fait que cette ordonnance se trouve, de plein droit, privée de base légale en raison d'un recours (dont ils ignoraient l'existence à la différence de la commune de [Localité 34] qui s'est abstenue de les en informer) exercé par un tiers.

Ils soutiennent que leur action n'est pas forclose ayant bien été exercée dans les deux mois de la notification qui leur a été faite par l'expropriante de la décision de la cour administrative d'appel.

La restitution étant, en l'espèce, impossible en raison des opérations qui ont été conduites (67 maisons édifiées, 29 terrains lotis et aménagés, construction d'immeubles, réalisation d'équipements (routes, chemins, bassins de rétention, déchetterie,...), ils sollicitent des dommages et intérêts calculés suivant la valeur actuelle des terrains équipés selon leur situation et l'état d'avancement d'aménagement de la ZAC et selon les méthodes habituellement utilisées en matière d'expropriation, après déduction de l'indemnité d'expropriation versée mais non du coût des travaux d'aménagement.

Ils demandent à la cour de retenir les valeurs que l'expert qu'ils ont consulté, M. [Y], propose soit 110 euros hors taxe et hors droits/m² pour les terrains situés en zone UEb (47' 914 m²) et 20 euros hors taxe et hors droits/m² pour les terrains situés en zone UA (43 '682 m²), soit ramené à la totalité de la superficie expropriée un prix moyen de 41,73 euros/m².

Aux termes de ses dernières écritures (2 décembre 2022 notifiées le 5 décembre 2022), la commune de [Localité 34] demande à la cour de' :

à titre principal' :

- rejeter l'appel des consorts [Z] et confirmer le jugement au motif que l'action en constatation du défaut de base légale est irrecevable puisqu'elle est exercée en méconnaissance de l'accord transactionnel intervenu entre les parties et débouter les consorts [Z] de toutes leurs demandes et conclusions,

à titre subsidiaire,

- déclarer l'action irrecevable pour méconnaissance de l'accord transactionnel et pour forclusion,

- juger que la valeur actualisée des terrains ne diffère pas du montant de l'indemnité principale de dépossession payée aux consorts [Z] et, à défaut, réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité réclamée,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'État et à la société Setur Ingénierie Audit Conseil,

- en toute hypothèse, mettre à la charge des consorts [Z] une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens,

- et suggère à la cour de condamner les consorts [Z] au payement d'une amende civile.

La commune de [Localité 34] soutient que la demande des consorts [Z] est irrecevable comme méconnaissant l'accord transactionnel résultant des échanges épistolaires de leurs conseils respectifs dont il résulte que les expropriés se sont désistés de l'action en contestation de la déclaration d'utilité publique dont ils avaient saisi le tribunal administratif et ont renoncé à tout recours à l'exception du droit de rétrocession prévu par l'article 12-6 du code de l'expropriation, les autres conditions (dont l'action prévue à l'article 12-5) étant acceptées. Elle prétend qu'en tout état de cause, l'action en constatation de défaut de base légale est un recours contre l'ordonnance d'expropriation qui entre dans la catégorie des recours que les consorts [Z] ont renoncé à exercer.

Elle conteste aux appelants la possibilité d'invoquer la nullité de l'accord transactionnel, faute de l'être par voie d'exception et dans le délai de prescription. Elle relève que cette demande présentée pour la première fois dans le deuxième jeu de conclusions méconnaît le principe de concentration des prétentions de l'article 910-4 du code de procédure civile et est donc irrecevable. Elle ajoute qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel au sens de l'article 566 du même code, soulignant que cette demande ne tend ni à faire écarter les prétentions adverses et ne constitue pas davantage un complément nécessaire à la demande. Elle soutient que la renonciation à exercer cette action est enfin parfaitement valable, l'article 12-5 ancien du code de l'expropriation n'étant pas un texte d'ordre public et les consorts [Z] ayant renoncé à poursuivre leur recours en annulation de la déclaration d'utilité publique dont l'action fondée sur l'article 12-5 n'est que la conséquence.

Elle prétend que l'action est forclose faute d'avoir été introduite dans les deux mois de la notification de la décision annulant la DUP puisqu'elle n'a été enregistrée au greffe que le 11 juillet 2019, soit postérieurement au terme du délai qui a expiré le 25 juin 2018.

Au fond, elle admet que la restitution est impossible compte tenu des travaux effectués et de la cession de nombreuses parcelles qui ont été bâties.

Elle conteste l'argumentation soutenue qui exonère les consorts [Z] du coût d'aménagement de la ZAC ce qui revient à lui faire supporter deux fois ce coût et qui procure à ces derniers un enrichissement sans cause. Elle en conclut qu'il n'y a pas lieu de leur allouer une indemnité complémentaire.

Subsidiairement, elle conteste tant les superficies retenues (les espaces communs ayant été pris en compte pour une surface inférieure à la réalité) que le chiffrage indemnitaire dont elle estime qu'il ne peut excéder la somme de 2' 822 '059,23 euros. Elle précise que s'agissant de dommages et intérêts, ils ne peuvent donner lieu à indemnité de remploi. Elle s'oppose enfin à l'octroi d'intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance rappelant que ceux-ci ne peuvent courir qu'à compter de la mise en demeure (article 1231-6 du code de l'expropriation ' sic).

Elle sollicite que le jugement soit déclaré commun à l'État et à la société Setur Ingénierie Audit Conseil dont elle envisage de rechercher la responsabilité.

La société Setur Ingénierie Audit Conseil demande, aux termes de ses écritures (29 novembre 2022 notifiées le 30 novembre 2022) à la cour de ':

- confirmer le jugement du 22 novembre 2021,

y additant ':

- débouter les consorts [Z] et tous succombants de toutes leurs demandes, fins et conclusions, plus amples et contraires aux présentes,

- condamner les consorts [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [Z] aux dépens.

Elle estime que le jugement critiqué a bien analysé la situation, l'action en constatation de perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation constituant un recours contre celle-ci ainsi que le prévoit l'article L 223-1 du code de l'expropriation, et les consorts [Z] ayant renoncé à exercer un tel recours (tout recours) ainsi qu'il ressort des échanges entre les parties, formant accord transactionnel.

Aux termes de ses écritures (31 mai 2022, notifiées les 7 et 8 juin 2022), le commissaire du gouvernement demande à la cour de confirmer le jugement du 22 novembre 2021.

À titre principal, le commissaire du gouvernement conclut au rejet de la demande, en l'état de l'accord transactionnel trouvé le 7 février 2014, les parties s'étant engagées à n'exercer aucun recours contre l'ordonnance d'expropriation et les consorts [Z] s'étant engagés à se désister de leur recours contre la DUP ce qu'ils ont fait et ce dont le tribunal administratif leur a donné acte.

Subsidiairement, il s'interroge sur la possibilité de restituer certaines parcelles et sollicite que celles-ci soient désignées.

Plus subsidiairement, il rappelle que le montant de l'indemnité doit correspondre à la valeur réelle de l'immeuble au jour de la décision constatant l'absence de restitution sous la seule déduction de l'indemnité déjà perçue augmentée des intérêts au taux légal et observe qu'une superficie de 18 '067 m² se trouve en zone naturelle dont la valeur n'a pas été modifiée et que seul le surplus, soit 129 '481 m² doit être indemnisé à un prix moyen de 45 euros par m² dont à déduire la somme de 700' 054 euros correspondant à l'indemnité versée. Il estime donc le montant de l'indemnité éventuellement due à la somme de 5 '126 '591 euros.

L'État, pris en la personne du préfet d'Ille et Vilaine, avisé de la déclaration d'appel conformément aux dispositions des articles R 311-24 du code de l'expropriation et 936 du code de procédure civile auquel il renvoie, et destinataire des conclusions des appelants n'a pas conclu dans le délai de l'article R 311-26 du code de l'expropriation.

SUR CE :

Sur l'irrecevabilité de la demande à raison de l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction conclue entre la commune de [Localité 34] et les consorts [Z] ':

La transaction alléguée résulte non d'un acte formellement rédigé mais d'un échange de correspondances entre les conseils de l'expropriante et des expropriés.

Afin de pouvoir en examiner la portée, il convient de rappeler ici la teneur de cet échange ':

- courrier de Me [W], conseil de la ville de [Localité 34], en date du 24 janvier 2014 : «'Je vous indique que la ville de [Localité 34] accepte 'en toutes ses dispositions' le jugement rendu le 15' novembre 2013, sous réserve que les consorts [Z] renoncent au bénéfice, le cas échéant, des dispositions des articles L 12-5 al 2 et L 12-6 du code de l'expropriation, et va, par mon intermédiaire faire procéder à sa signification aux consorts [Z].

En l'état, je vous saurai gré de bien vouloir me confirmer officiellement l'acceptation par les consorts [Z], de leur renonciation aux dispositions évoquées supra, que les consorts [Z] renoncent à tout recours, notamment contre l'arrêté de cessibilité et l'ordonnance d'expropriation, (et) régulariser un mémoire de désistement du recours en annulation dirigé contre l'acte déclaratif d'utilité publique pendant devant le tribunal administratif...'»,

- courrier de Me Bois, conseil des consorts [Z], en date du 7 février 2014 ': «'Si la ville de [Localité 34] accepte le jugement du 15 novembre 2013 en toutes ses dispositions, les consorts [Z] n'exerceront aucun recours contre ce même jugement, l'arrêté de cessibilité et l'ordonnance d'expropriation, se désisteront à bref délai de leur requête contre l'arrêté préfectoral de DUP du 26 avril 2013 (instance 1302370). Par contre, ils n'accepteront pas la nouvelle condition inscrite dans votre courriel officiel du 24 janvier 2014 et relative à la renonciation au droit de rétrocession prévu à l'article L 12-6 du code de l'expropriation...'»,

- courrier de Me [W] du 14 février 2014 ': «'note prise que les consorts [Z] n'exerceront aucun recours contre le jugement du 15 novembre 2013, l'arrêté de cessibilité et l'ordonnance d'expropriation, se désisteront à bref délai de leur recours contre l'arrêté préfectoral déclaratif d'utilité publique du 26 avril 2013. Je vous indique que la ville de [Localité 34] consent à ce que les consorts [Z] ne renoncent pas au bénéfice, le cas échéant, des dispositions de l'article L 12-6 du code de l'expropriation. En l'état, il ne subsiste plus de difficulté...'»,

courrier de Me Bois du 20 février 2014' : «'' je vous confirme que les consorts [Z] renoncent à exercer tout recours contre le jugement rendu le 15 novembre 2013 par le juge de l'expropriation, renoncent à exercer tout recours contre l'ordonnance d'expropriation et l'arrêté préfectoral de cessibilité, se désistent dans la procédure 1302370-1 au tribunal administratif de Rennes concernant l'arrêté de DUP du 26 avril 2013. Copie du mémoire en désistement est joint au présent courrier...'».

Par ordonnance du 5 novembre 2014 rendue dans le dossier 13-02370, le président du tribunal administratif de Rennes a donné acte du désistement de la requête de M. et Mme [C] [Z] et autres.

Cependant, d'autres requérants, M. et Mme [B] [S], avaient par requête du 27 juin 2013 (dossier13-02378) contesté l'arrêté préfectoral déclaratif d'utilité publique du 26 avril 2013 et ont obtenu gain de cause, le tribunal administratif de Rennes ayant annulé cet arrêté par jugement du 11 décembre 2015, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 18 avril 2017, lui même devenu définitif après rejet, par arrêt du Conseil d'État rendu le 23 mars 2018, du pourvoi formé par la ville de [Localité 34].

C'est à la suite de cet arrêt que par courrier recommandé adressé le 13 avril 2018, la ville de [Localité 34] a informé les expropriés dont les consorts [Z] de la décision ainsi rendue et des dispositions des articles R 223-1 à 3 du code de l'expropriation prises en application de l'article L 223-2 du même code (anciennement L 12-5 al 2). Usant de la faculté ouverte par ce texte et cette notification, les consorts [Z] ont, nonobstant la transaction ci-dessus relatée, saisi le juge de l'expropriation en indemnisation.

Aux termes de ce dernier texte, «'En cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale et demander son annulation. Après avoir constaté l'absence de base légale de l'ordonnance portant transfert de propriété, le juge statue sur les conséquences de son annulation'».

L'article 2044 du code civil prévoit que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

L'article 2045 alinéa 1er ajoute que, pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction.

Les articles 2048 et 2049 précisent que les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.

Enfin l'article 2052 énonce que «'la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet'».

En l'espèce, il s'évince des courriers officiels en date des 24 janvier, 7, 14 et 20 février 2014 échangés par leurs conseils respectifs et rappelés ci-dessus que les consorts [Z] et la commune de [Localité 34] ont formalisé, conformément à l'article 2044 du code civil, une transaction par laquelle les deux parties se sont engagées à des concessions réciproques.

Le point litigieux porte sur la question de savoir dans quelle mesure les consorts [Z] ont renoncé au bénéfice de l'action ouverte par l'article L. 12-5 alinéa 2 du code de l'expropriation.

Aux termes de leur courrier du 20 février 2014, ils ont stipulé renoncer «'à exercer tout recours contre l'ordonnance d'expropriation...'» (laquelle ne sera rendue qu'ultérieurement, le 7'juillet 2014) et se désister de la procédure 13-02370 par laquelle ils contestaient l'arrêté de DUP du 26 avril 2013.

Il ressort, en outre, de la négociation de cette transaction et, en particulier des courriers officiels du 24 janvier du 7 février 2014, que':

* la commune de [Localité 34] a accepté de faire des concessions en contrepartie de la renonciation des consorts [Z] «'au bénéfice, le cas échéant, des dispositions des articles L. 12-5 et L. 12-6 du code de l'expropriation'».

* les consorts [Z] n'ont formulé aucune objection s'agissant de l'article L. 12-5 mais se sont, en revanche, opposés à toute renonciation au droit de rétrocession prévu par l'article L. 12-6.

L'emploi de l'expression «'le cas échéant'» - qui signifie, selon le dictionnaire de l'Académie française, «'s'il y a lieu'» - renvoie à une éventualité, en l'espèce, totalement improbable pour les consorts [Z], s'agissant de l'article L 12-5, compte tenu tant de leur désistement de l'action en annulation de l'arrêté préfectoral qu'ils avaient engagée, que de leur renonciation à exercer un recours contre l'ordonnance d'expropriation, mais, en revanche, possible s'agissant de l'article L 12-6, la commune de [Localité 34] pouvant renoncer à la réalisation de l'opération d'urbanisme envisagée. Dans ce contexte, il doit être considéré qu'en l'état de ces éléments et des informations portées à leur connaissance, ils ont renoncé au bénéfice de l'action prévue par le texte précité (article L 12-5) en ce qu'elle est la conséquence d'initiatives de leur part tendant à la contestation de la procédure d'utilité publique et/ou de l'arrêté de cessibilité et/ou de l'ordonnance d'expropriation.

Il en va, en revanche, différemment de l'action en cours au moment de la négociation de la transaction ' et qui aurait pu (et du '), à ce titre, être intégrée par la commune de [Localité 34] dans le champ de cette négociation ' et intentée par un tiers, comme tel était le cas en l'espèce de l'action engagée le 27 juin 2013 par les époux [S], et qui a finalement abouti à l'annulation de la déclaration d'utilité publique.

L'existence de cette action, pourtant parfaitement connue de la commune comme de son conseil (qui assurait sa défense devant les juridictions administratives ainsi qu'il ressort de la lecture tant du jugement du tribunal administratif que de l'arrêt de la cour administrative d'appel) a été sciemment tue par la commune de [Localité 34] (qui ne fournit à cet égard strictement aucune explication), laquelle oppose pourtant et avec une certaine déloyauté aux consorts [Z] la renonciation au bénéfice de l'action ouverte par l'article L. 12-5 précité.

Or, ce n'est qu'au jour où cette action a été portée à leur connaissance que ces derniers auraient éventuellement pu valablement renoncer à l'application de l'article L. 12-5 du code de l'expropriation en ce qu'il en est la conséquence du succès.

Dans ces conditions, il convient de considérer que le consentement des consorts [Z] n'était pas éclairé s'agissant de la renonciation à une action introduite par un tiers et dont ils ignoraient, ainsi qu'ils le font observer à juste titre, l'existence même en raison du silence de sa contractante qui n'a manifestement pas voulu l'introduire dans le champ de la transaction.

Il résulte de ce qui précède que, conformément aux articles 2045, 2048 et 2049 du code civil, les consorts [Z] n'entendaient renoncer au bénéfice de l'action ouverte par l'article L. 12-5 du code de l'expropriation que de ce qui était relatif au différend qui y a donné lieu et qui s'y trouve compris, c'est-à-dire à l'expropriation des parcelles dont ils étaient propriétaires et les recours y afférents, à l'exception de tout autre recours existant intenté par d'autres propriétaires de parcelles différentes et ignoré d'eux pour les raisons exposées.

En l'espèce, les consorts [Z] ont acquis un droit du fait du succès de l'action des époux [S] qui ont obtenu l'annulation par les juridictions administratives de l'arrêté préfectoral déclaratif d'utilité publique.

N'étant donc pas liés à cet égard par la transaction antérieurement conclue avec la commune de [Localité 34] et dont les termes définitifs ressortent du courrier officiel du 20 février 2014, l'action prévue par l'article L 223-2 (anciennement L 12-5) du code de l'expropriation est ouverte aux consorts [Z] en ce qu'elle est la conséquence du recours exercé avec succès par les époux [S].

Il s'ensuit que les consorts [Z] sont recevables à intenter l'action indemnitaire prévue par l'article L 223-2 (anciennement L 12-5) du code de l'expropriation.

Sur l'irrecevabilité de la demande des consorts [Z] en raison de sa tardiveté ':

L'article R 223-2 du code de l'expropriation énonce que': «'à peine d'irrecevabilité de sa demande tendant à faire constater le manque de base légale de l'ordonnance d'expropriation, l'exproprié saisit le juge dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision définitive du juge administratif annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité. Si l'exproprié n'a pas été partie à la procédure devant la juridiction administrative, le délai de deux mois court à compter de la réception de la lettre d'information prévue à l'article R 223-3'».

Ce dernier texte dispose que «'Pour les expropriés qui n'avaient pas la qualité de partie à l'instance devant le juge administratif ayant décidé l'annulation de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, le délai de deux mois mentionné à l'article R. 223-2 ne court qu'à compter de la date à laquelle ils sont informés de cette annulation par l'expropriant. L'information incombant à l'expropriant est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification. La lettre d'information vise les articles R. 223-1 à R. 223-3'».

La notification prévue par le second de ces textes aux consorts [Z] a été faite les 14 ([C] et [R] [Z], [I] et [F] [Z]), 21 ([M] [Z]) et 25 ([N] [Z]) avril 2018, date des accusés de réception.

Le délai de recours a donc expiré, en fonction des expropriés, les 14, 21 et 25 juin 2018 à 24h (article 641 al 2 du code de procédure civile).

La commune de [Localité 34] tire argument, pour soutenir la forclusion du délai, d'une erreur de frappe de la requête d'appel des consorts [Z] qui indique 11 avril 2019 au lieu de 2018 (année confirmée par l'année d'enrôlement du dossier au tribunal (RG n° 18/00044) dont le jugement contient à cet égard également une erreur dans l'exposé du litige puisqu'il fait état d'un enregistrement au greffe le 11 juillet 2019...

Or, il ressort des pièces produites et de l'examen du dossier de première instance que le juge de l'expropriation a été saisi par mémoire remis au greffe de ce magistrat par acte d'huissier le 11' juin 2018, ce mémoire étant délivré simultanément à la commune de [Localité 34] et au commissaire du gouvernement (actes de Me [H] [J]).

Le recours, ayant donc été exercé avant l'expiration du délai de deux mois prévu par le texte précité, n'est pas tardif et est donc recevable.

Sur la demande d'indemnisation des consorts [Z] ':

Il convient, vu l'annulation de l'arrêté déclaratif d'utilité publique du 26 avril 2013, de constater le défaut de base légale de l'ordonnance d'expropriation rendue le 7 juillet 2014 au profit de la commune de [Localité 34], déclarant expropriées pour cause d'utilité publique les parcelles sises à [Localité 34] anciennement cadastrées section [Cadastre 21], [Cadastre 24], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 12] et [Cadastre 25], [Cadastre 16], 40, [Cadastre 1], 42, 43, 44, 45, 104, 142, 107 et 83, dire que cette ordonnance est nulle et de nul effet et en tirer les conséquences de droit.

L'article R 223-6 du code de l'expropriation dispose à cet égard que' :

«'...I. ' Si le bien exproprié n'est pas en état d'être restitué, l'action de l'exproprié se résout en dommages et intérêts.

II. ' S'il peut l'être, le juge désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble dont la propriété est restituée. Il détermine également les indemnités à restituer à l'expropriant. Il statue sur la demande de l'exproprié en réparation du préjudice causé par l'opération irrégulière. Il précise que la restitution de son bien à l'exproprié ne peut intervenir qu'après paiement par celui-ci des sommes mises à sa charge, après compensation...'».

Il ressort des pièces produites aux débats et il n'est pas contesté par la commune de [Localité 34] que l'opération d'aménagement prévue a été en grande partie réalisée, que les parcelles expropriées ont été divisées, regroupées et pour certaines à nouveau divisées, qu'une partie significative des terrains n'appartient plus à la commune et a été revendue à des tiers pour être construits (67 maisons d'habitations avaient d'ores et déjà été édifiées en mars 2020, 29 terrains étaient lotis et aménagés et en instance de construction, plusieurs immeubles collectifs étaient construits, en cours ou en instance de construction, cf. photographies jointes au rapport [Y], versé aux débats par les consorts [Z]), que le surplus est aménagé en voiries publiques, espaces verts, déchetterie, quatre bassins de rétention,...

Aucune des parties ne soutient que les biens expropriés, même pour partie, seraient en état d'être restitués aux consorts [Z]. Le commissaire du gouvernement s'interroge à juste titre mais ne fournit aucun élément concret et ni ne formule la moindre proposition à cet égard.

La demande de ces derniers doit donc être résolue en dommages et intérêts.

Les règles applicables en la matière sont clairement définies par la jurisprudence qui précise qu'un bien irrégulièrement exproprié, qui ne peut être restitué en nature, entraîne pour l'exproprié le droit à des dommages-intérêts correspondant à la valeur actuelle du bien, sous la seule déduction de l'indemnité principale de dépossession perçue au moment de l'expropriation majorée des intérêts depuis son versement (3e Civ., 17 novembre 2010, n° 09-16797, Bull. 2010, III, n° 203; 3e Civ., 7'juin 2011, n° 10-21141'; 3e Civ, 6 décembre 2018, n° 17-25718).

Il convient de rappeler que les tènements expropriés représentent une superficie de 147' 548'm² classés au plan local d'urbanisme actuellement en cours' :

- pour partie, à raison de 69' 859 m², en zone UEb correspondant aux développements urbains à vocation principale d'habitat (individuels et petits collectifs),

- pour partie, à raison de 58 '940 m², en zone UA correspondant aux sites accueillant principalement des activités industrielles, artisanales, commerce de gros et entrepôts,

- pour partie, à raison de 277 m², en zone NP, correspondant aux zones naturelles sensibles,

- pour partie, à raison de 18 '138 m², en zone NE, correspondant à des zones naturelles dont la sensibilité est moins marquée,

le total étant différent de 334 m² mais qu'il soit possible d'expliquer cette différence.

Il résulte du plan établi par le géomètre [V], versé aux débats par la commune de [Localité 34], et du rapport de M. [Y], produit par les consorts [Z], que les espaces communs représentent une superficie globale d'environ
1: Il existe des différences à la marge quant aux superficies extraites du rapport [Y] et du tableau de M. [V], en raison d'affectations marginales différentes voire de certains oublis par exemple : parcelle [Cadastre 21] par M. [V])

57' 158 m² qui comprend non seulement les espaces naturels (18 '415 m²) mais encore la voirie et autres équipements communs (34' 555 m²) hors déchetterie (10 '833 m²). Sur cette superficie, la voirie et autres équipements représentent en zone UEb une superficie de 22' 657'm² (parcelles [Cadastre 22], [Cadastre 6], 214p, [Cadastre 26], [Cadastre 4], 216, 200, 198 et [Cadastre 5]) et en UA une superficie de 11 '898'm² (parcelles CK n°'262p, 230, 261, 225, 224p, 255p, 221p et CL n° 83).

Abstraction faite des terrains situés en zones naturelles (NP et NE) dont la valeur n'a pas évolué depuis le jugement fixant les indemnités d'expropriation (0,80 euro/m²), les autres terrains, qui sont situés en zone constructibles du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 34] et qui sont desservis tant par des voies de circulation que par l'ensemble des réseaux, doivent être estimés en tant que terrains à bâtir.

Se fondant sur le rapport de M. [Y], les demandeurs sollicitent une indemnisation sur la base de 110 euros/m² pour les terrains situés en zone UEb (47 914 m²) et de 20 euros/m² pour les terrains situés en zone UA (43 '682 m²) soit une indemnité de 6' 144' 700 euros soit une valeur unitaire moyenne de 41,74 euros/m² pour une superficie de 147 '214 m². En fait, cette valeur moyenne n'a pas grande signification dans la mesure où elle inclut dans le calcul les terrains situés en zone naturelle (par hypothèse exclus puisque leur valeur n'a pas évolué). En excluant les terrains situés en zone naturelle, la valeur moyenne revendiquée s'élève en fait à (6 144 700/91 596) 67,08 euros/m².

La commune de [Localité 34] retient très subsidiairement une valeur médiane de cession de 40,38'euros / m² (3 '729' 052 euros pour 92 '349 m²) calculée à partir d'une valeur de 70,76 euros/m² pour le terrain situé en secteur UBe (95 euros/m² pour le terrain à vacation pavillonnaire et 46,53'euros/m² pour le terrain à vocation social (collectif ') et de 10 euros/m² pour la valeur du terrain d'activité (secteur UA).

Le commissaire du gouvernement propose subsidiairement une valeur moyenne de 45'euros/m² pour une surface de 129 '481 m² (soit une somme de 5' 826' 645 euros).

Pour être comparées utilement, ces données doivent avoir un dénominateur identique. S'agissant des superficies, il convient de retenir celles proposées par les demandeurs (qui sont légèrement inférieures à celles retenues par la commune de [Localité 34]).

Consorts [Z]

Commune de [Localité 34]

Commissaire du Gvt

indemnité

estimée

6 144 700 euros

3 729 052 euros

5 826 645 euros

Superficie hors NP/NE

129 076 m²

129 076 m²

129 076 m²

Valeur m²/129076

47,60 euros/m²

28,89 euros/m²

45,14 euros/m²

Superficie hors espaces communs

91 596 m²

91 596 m²

91 596 m²

Valeur m²/91956

67,08 euros/m²

40,71 euros/m²

63,61 euros/m²

À l'appui de leur demande, les appelants citent les termes de comparaison suivants' :

- R 1 (pièce n° 11) ': vente du 18 janvier 2018, Zac La Roncinière, terrain à bâtir (maison individuelle) de 673 m² moyennant le prix HT de 63 935 euros soit une valeur de 95 euros HT/m² (et non de 113 euros/m² comme indiquée par les consorts [Z] qui est la valeur TTC),

- R 2 (pièce n° 12 ': vente du 1er mars 2019, Zac La Roncinière, terrain à bâtir (maison individuelle) de 353 m² moyennant le prix HT de 35 300 euros soit une valeur de 100 euros HT/m² (et non de 119 euros/m² comme indiquée par les consorts [Z] qui est la valeur TTC),

- R3 (pièce n° 13)' : vente du 12 février 2019, Zac La Roncinière, terrain à bâtir (maison individuelle) de 295 m² moyennant le prix HT de 33 630 euros soit une valeur de 114 euros HT/m² (et non de 135 euros/m² comme indiquée par les consorts [Z] qui est la valeur TTC),

- R4 (pièce n° 14)' : vente du 22 février 2018, Zac La Roncinière, terrain à bâtir (maison individuelle) de 479 m² moyennant le prix HT de 56 522 euros soit une valeur de 118 euros HT/m² (et non de 140 euros/m² comme indiquée par les consorts [Z] qui est la valeur TTC),

- R5 (pièce n° 15) ': vente du 27 novembre 2018, [Adresse 35], terrain à bâtir (commerce, artisanat, industrie) de 917 m² moyennant le prix de 17 423 euros HT soit une valeur de 19 euros HT/m²,

- R6 (pièce n° 16) ': vente du 27 novembre 2018, [Adresse 35], terrain à bâtir (commerce, artisanat, industrie) de 3 316 m² moyennant le prix de 63 004 euros HT soit une valeur de 19 euros HT/m².

Ces six ventes sont tout à fait pertinentes puisqu'elles concernent des terrains situés dans le périmètre de la ZAC et qui appartenaient avant l'expropriation aux époux [Z]. Il convient toutefois d'ajouter que seul doit être pris en considération le prix HT, le vendeur n'ayant pas vocation à conserver la TVA.

Ces derniers font également état d'autres transactions (cinq dont trois concernant des terrains à bâtir destinés à l'habitat et deux des terrains destinés à l'activité) mais situés dans d'autres secteurs de la commune et, par voie de conséquence, moins pertinents.

La commune de [Localité 34] cite vingt et un termes de comparaison' :

- C1 (pièce n° 23) ': vente du 13 juillet 2017, [Adresse 35], terrain à bâtir (habitat collectif) de 2 524 m² moyennant le prix de 117 430 euros HT (soit 46,53 euros/m²),

- C2 (pièce n° 24) ': vente du 1er octobre 2015, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 318 m² moyennant le prix HT de 30 210 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C3 (pièce n° 24) ': vente du 19 octobre 2015, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 324 m² moyennant le prix HT de 30 780 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C4 (pièce n° 24) ': vente du 23 novembre 2015, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 446 m² moyennant le prix HT de 42 370 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C5 (pièce n° 24) ': vente du 1er décembre 2015, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 548 m² moyennant le prix HT de 52 060 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C6 (pièce n° 24) ': vente du 7 décembre 2015, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 389 m² moyennant le prix HT de 36 955 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C7 (pièce n° 24)' : vente des 14 et 15 décembre 2015, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 348 m² moyennant le prix HT de 33 060 euros soit une valeur de 95 euros HT / m²,

- C8 (pièce n° 24) ': vente des 20 et 21 janvier 2016, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 502 m² moyennant le prix HT de 47 690 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C9 (pièce n° 24) ': vente du 26 mai 2016, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 603 m² moyennant le prix HT de 57 285 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C10 (pièce n° 24) ': vente du 27 mai 2016, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 350 m² moyennant le prix HT de 33 250 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C11 (pièce n° 24) ': vente des 25 et 26 mai 2016, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 403 m² moyennant le prix HT de 38 285 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C12 (pièce n° 24)' : vente des 23 et 24 août 2016, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 362 m² moyennant le prix HT de 34 390 euros soit une valeur de 95 euros HT / m²,

- C13 (pièce n° 24)': vente des 14 et 15 décembre 2016, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 375 m² moyennant le prix HT de 35 625 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C14 (pièce n° 24)' : vente du 23 janvier 2017, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 376 m² moyennant le prix HT de 35 720 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C15 (pièce n° 24) ': vente des 8 et 10 février 2017, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 429 m² moyennant le prix HT de 40 755 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C16 (pièce n° 24)' : vente du 3 mars 2017, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 457 m² moyennant le prix HT de 43 415 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- ( C17 (pièce n° 24) ': vente du 18 avril 2017, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 423 m² moyennant le prix HT de 40 185 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C18 (pièce n° 24)' : vente du 16 mai 2017, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 443 m² moyennant le prix HT de 42 085 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C19 (pièce n° 24)' : vente du 21 décembre 2017, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 353 m² moyennant le prix HT de 33 535 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C20 (pièce n° 24) ': vente du 18 juillet 2019, [Adresse 35], terrain à bâtir (maison individuelle) de 393 m² moyennant le prix HT de 37 335 euros soit une valeur de 95 euros HT/m²,

- C21 (pièce n° 25) ': vente du 21 mai 2019, [Adresse 35] / ZAC de Plague, terrain à bâtir (activité) de 4 513 m², moyennant le prix HT de 45 130 euros, soit une valeur de 10 euros HT/m².

Ces vingt et un termes de comparaison sont également tout à fait pertinents puisque situés dans la [Adresse 35]. À l'exception du dernier terme qui concerne un terrain limitrophe, situé au sud est de la ZAC et qui appartenait à un tiers, tous dépendaient du fonds exproprié.

Le commissaire du gouvernement ne cite aucun terme de comparaison.

Au regard de ces éléments, il convient de retenir pour les terrains à bâtir destinés à la construction d'immeubles collectif une valeur de 46,50 euros/m² (correspondant au seul terme cité), pour les terrains à bâtir destinés à la construction de maisons individuelles une valeur de 98 euros/m² (qui tient compte de la valeur dominante mais également des quelques ventes intervenues dans le périmètre de la ZAC à un prix supérieur) et pour les terrains d'activité une valeur moyenne de 15 euros HT/m² (au regard des trois termes produits).

L'indemnité due aux consorts [Z] doit donc être évaluée à la somme de (6 938*46,50 + 40 976*98 + 43 682*15) 4 993 495 euros pour 129 076 m² soit une valeur moyenne de 38,68 euros HT/m² (hors terrains situés en zone naturelle) ou de 54,51 euros/m² hors espaces communs (91 596 m²). À cette somme doit être ajoutée la valeur inchangée des terrains situés en zone naturelle soit 13 306 euros. L'indemnité théorique totale s'élève donc à la somme de 5 '006 '801 euros.

L'indemnité due correspond à cette indemnité minorée du montant de l'indemnité principale perçue lors de l'expropriation (713 '359,84 euros) et des intérêts au taux légal arrêtés au jour de l'arrêt (217 '266,52 euros) puisque le jugement déclarait la demande irrecevable, soit au total de la somme de 930 '626,36 euros.

La commune de [Localité 34] sera, en conséquence, condamnée à verser aux consorts [Z] à titre d'indemnité la somme de 4 '076' 174,64 euros.

Les consorts [Z] réclament, en outre, les intérêts au taux légal sur cette somme depuis le jugement d'expropriation ainsi qu'une indemnité de remploi.

La demande afférente aux intérêts ne peut qu'être rejetée puisque les biens ont été estimés suivant leur valeur actuelle en fonction de transactions récentes produites par les parties.

La demande relative à l'indemnité de remploi doit également être rejetée. D'une part, la somme allouée dans le cadre des dispositions de l'article R 223-6 de l'expropriation a pour objet de compenser le caractère irrégulier de l'appropriation par la collectivité publique de leur bien et revêt un caractère indemnitaire exclusif de toute indemnité de remploi. D'autre part, les consorts [Z], en leur qualité d'expropriés, ont déjà perçu, en 2014, dans le cadre de l'expropriation, une indemnité de remploi qui leur a permis de financer les dépenses nécessaires à la reconstitution de leur patrimoine et donc à l'acquisition d'un bien comparable à celui exproprié. Il n'existe dès lors aucune raison de leur allouer une seconde indemnité de ce chef.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à la société Setur Ingénierie Audit Conseil et à l'Etat, représenté par le préfet d'Ille et Vilaine.

Sur les dépens et les frais irrépétibles ':

La commune de [Localité 34], partie succombante, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Elle devra, en outre, verser aux consorts [Z], unis d'intérêts, une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

Statuant par arrêt rendu publiquement et réputé contradictoirement ':

Vu les articles L 223-2 et R 223-1 et suivants du code de l'expropriation, 2044 et suivants du code civil :

Infirme le jugement rendu par le juge de l'expropriation du département d'Ille et Vilaine le 22 novembre 2021 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau' :

Rejette les fins de non recevoir opposées par la commune de [Localité 34] et déclare recevables les demandes de M.'[C] [Z] et Mme [R] [A] épouse [Z] et Messieurs [N], [I], [M] et [F] [Z].

Condamne la commune de [Localité 34] à verser à M.'[C] [Z], à Mme [R] [A] épouse [Z] et à Messieurs [N], [I], [M] et [F] [Z] une indemnité de 4' 076 '174,64 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Ordonne la capitalisation des intérêts par périodes annuelles à compter de la présente décision.

Déboute M. [C] [Z], Mme [R] [A] épouse [Z] et Messieurs [N], [I], [M] et [F] [Z] du surplus de leurs demandes.

Déclare le présent arrêt opposable à la société Setur Ingénierie Audit Conseil et à l'Etat représenté par le préfet d'Ille et Vilaine.

Condamne la commune de [Localité 34] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne la commune de [Localité 34] à verser à M. [C] [Z], à Mme [R] [A] épouse [Z] et à Messieurs [N], [I], [M] et [F] [Z], unis d'intérêts, une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette les demandes de ce chef de la commune de [Localité 34] et de la société Setur Ingénierie Audit Conseil.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre del'expropriation
Numéro d'arrêt : 21/07990
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;21.07990 ?
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