8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°149
N° RG 20/01814 -
N° Portalis DBVL-V-B7E-QR7Q
Association UNEDIC- DÉLÉGATION AGS - CGEA DE [Localité 7]
C/
- Mme [J] [F]
- Me [I] [C] (Liquidation judiciaire de Mme [Y] [B] - Auto École)
Réformation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 11 AVRIL 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Février 2023
devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [S] [K], Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 11 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
L'Association UNEDIC- DÉLÉGATION AGS - CGEA DE [Localité 7] prise enla personne de son représentant légal et ayant son siège :
[Adresse 6]
[Localité 7]
Ayant Me Nathalie PEDELUCQ de la SELARL PEDELUCQ-BERNERY, Avocat au Barreau de LORIENT, pour Avocat constitué
INTIMÉS :
Madame [J] [F]
née le 16 Octobre 1963 à [Localité 5] (29)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
Ayant Me Roger POTIN, Avocat au Barreau de BREST, pour Avocat constitué
.../...
Maître [I] [C], Mandataire judiciaire, ès-qualités de mandataire liquidateur de Madame [Y] [B] (Auto École)
[Adresse 3]
[Localité 4]
INTIMÉE NON CONSTITUÉE
=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=
Suivant contrat de travail à durée déterminée à temps plein, Mme [J] [F] a été embauchée par Mme [B] à compter du 8 janvier 2013, en qualité de monitrice d'auto-école.
Le 3 octobre 2013, les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée.
A compter du 17 décembre 2018, Mme [F] a été mise placée en arrêt maladie.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 février 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Le 18 mars 2019, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Lorient aux fins de constater que les multiples manquements répétés de l'employeur justifiaient la rupture du contrat de travail aux torts de1'employeur.
Par jugement du 28 mars 2019, le Tribunal de grande instance de Lorient a ouvert une procédure de redressement judiciaire, laquelle a été en convertie liquidation judiciaire par jugement du 12 décembre 2019.
La cour est saisie d'un appel formé le 16 mars 2020 par l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de [Localité 7] à l'encontre du jugement prononcé le 24 février 2020 par lequel le conseil de prud'hommes de Lorient a :
' Dit et jugé que la prise d`acte de rupture de Mme [F] s`analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
' Condamné Mme [B] à payer à Mme [F] les sommes suivantes :
- 383,70 € net de rappel de salaires pour la période courant de mars 2016 à juin 2018,
- 2.661,24 € net de rappel de salaires pour la période courant d'août à novembre 2018,
- 1.278,86 € brut de rappel de salaires pour décembre 2018,
- 50 € net au titre des indemnités de transport,
- 886,15 € brut de rappel de salaires pour janvier 2019,
- 403,80 € brut de rappel de salaires pour février 2019,
- 3.474,63 € brut au titre de l`indemnité compensatrice de congés payés,
- 2.421,37 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 3. 186,02 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 318,60 € brut au titre de conges payés afférents,
- 11.000 € net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' Fixé l'ensemble des créances de Mme [F] au passif du redressement judiciaire de Mme [B],
' Déclaré le jugement à intervenir, opposable au CCEA de [Localité 7] en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus à l'article L.3253-17 du code du travail,
' Ordonné à Mme [B] la remise à Mme [F] du certificat de travail, du solde de tout compte, de l'attestation Pôle Emploi faisant état du réel motif de la rupture 'licenciement sans cause réelle et sérieuse', ainsi que ses bulletins de salaire pour novembre 2018 à février 2019 rectifiés,
' Le tout sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir,
' Dit que le Conseil se réserve la possibilité de liquider l'astreinte sur simple requête de Mme [F],
' Ordonné à Mme [B] la régularisation de la situation auprès des organismes sociaux (Caisse de retraite),
' Dit que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la signature de l'accusé de réception de la convocation initiale devant le Conseil de Mme [B], soit le 25 Mars 2019 et que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononce dit jugement à intervenir, soit le 24 février 2020,
' Dit que les intérêts seront capitalisés,
' Ordonné l'exécution provisoire du jugement, en application des articles 514 et suivants du code de procédure civile ;
' Fixé le salaire moyen mensuel à 1.593, 01 € brut,
' Condamné Mme [B] ou le mandataire judiciaire es qualités à verser à Mme [F] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' Débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
' Condamné Mme [B] aux entiers dépens, y compris les frais de l'huissier instrumentaire en cas d'exécution forcée du jugement.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 3 décembre 2020, suivant lesquelles l'Association UNEDIC - Délégation AGS-CGEA de [Localité 7] demande à la cour de :
' Recevoir le CGEA de [Localité 7] en sa procédure d'appel,
' Réformer le jugement rendu quant au chef de jugement ayant alloué à Mme [F] une somme de 11.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' Dire et juger que Mme [F] ne pourra prétendre à plus d'un mois et demi de rémunération au titre de son indemnisation, soit 2.389,51 € sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, s'agissant d'une entreprise de moins de onze salariés et en l'absence de préjudice,
' Déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA de [Localité 7] en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus à l'article L.3253-17 du code du travail,
' Statuer ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge du CGEA de [Localité 7].
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 31 mars 2021, suivant lesquelles Mme [F] demande à la cour de :
' Déclarer Mme [F] recevable et bien fondée en ses demandes ;
' Débouter le CGEA de sa demande tendant à voir réformer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [F] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 11.000 € ;
' Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- condamné Mme [B] à verser à Mme [F] la somme de 11.000 € net au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- fixé la créance au passif du redressement judiciaire ;
Y ajoutant, compte tenu de la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire,
' Fixer la créance au passif de la liquidation judiciaire ;
' Déclarer l'arrêt à intervenir opposable au CGEA de [Localité 7] ;
' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 24 février 2020 ;
' Condamner la liquidation [B] [Y] à verser à Mme [F] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
' Fixer la créance au passif de la liquidation ;
' Condamner la liquidation [B] [Y] aux entiers dépens, y compris les frais de l'huissier instrumentaire en cas d'exécution forcée du jugement.
Me [I] [C], Mandataire Judiciaire ès-qualités de mandataire liquidateur de Madame [Y] [B], régulièrement assignée n'a pas constitué avocat devant la cour. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire à son égard.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2023.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Pour infirmation à ce titre, le CGEA estime le montant de 11.000 € alloué en première instance excessif au vu de l'indemnité minimale prévue, à savoir un mois de salaire brut et l'absence de préjudice.
Pour confirmation, Mme [F] réplique essentiellement qu'elle devait systématiquement réclamer ses bulletins de paie à son employeur, qu'elle était régulièrement contraint de rappeler à son employeur qu'il devait lui verser son salaire et qu'elle n'a jamais reçu ses salaires de septembre 2018 et de novembre 2018 à février 2019.
L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.
Suivant, l'article L.1235-3 alinéa 3 précité, en cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux sont moins importants.
En l'espèce, Mme [F] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de six années entières et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, s'agissant d'une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre un mois et demi et sept mois de salaire.
Au regard de l'ancienneté de Mme [F], de son âge lors de la rupture (56 ans), de ce qu'il a retrouvé un emploi comme moniteur auto-école à [Localité 5] dès le 1er avril 2019, du montant mensuel de son salaire brut (1.593,01€) et de la condamnation de l'employeur en première instance à des rappels de salaires non discutée à hauteur d'appel, il y a lieu de lui accorder la somme nette de 4.500 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient de fixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire.
Le jugement sera réformé de ce chef.
===
Sur la garantie du CGEA-AGS de [Localité 7]
Le présent arrêt sera déclaré opposable au CGEA-AGS de [Localité 7] dont les garanties s'appliqueront pour les sommes précitées dans les limites et plafonds prévus par les articles L. 3253-8, L.3253-17, D.3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.
Sur les frais irrépétibles
Le CGEA-AGS de [Localité 7] qui succombe partiellement en appel, doit être condamné à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris ;
FIXE la créance de Mme [J] [F] au passif de la liquidation judiciaire de l'auto-école [Y] [B] à la somme nette de 4.500 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
DÉCLARE la présente décision opposable l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de [Localité 7] en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, dans les limites du plafond des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,
DIT que l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de [Localité 7] ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail,
DIT que l'obligation de l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de [Localité 7] de faire l'avance de la somme correspondant au montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
CONDAMNE l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de [Localité 7] à payer à Mme [J] [F] la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de [Localité 7] aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.