8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°148
N° RG 20/01808 -
N° Portalis DBVL-V-B7E-QR7G
Association UNEDIC - DÉLEGATION AGS-CGEA DE RENNES
C/
- M. [H] [S]
- Me Armelle CHARROUX (Liquidation judiciaire de Mme [P] [Z] - Auto École)
Réformation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 11 AVRIL 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Février 2023
devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame Natacha BONNEAU, Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 11 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
L'Association UNEDIC - DÉLEGATION AGS-CGEA DE RENNES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :
[Adresse 7]
[Localité 3]
Ayant Me Nathalie PEDELUCQ de la SELARL PEDELUCQ-BERNERY, Avocat au Barreau de LORIENT, pour Avocat constitué
INTIMÉS :
Monsieur [H] [S]
né le 11 Février 1992 à [Localité 8] (29)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
Ayant Me Roger POTIN, Avocat au Barreau de BREST, pour Avocat constitué
.../...
Maître Armelle CHARROUX, Mandataire judiciaire, ès-qualités de mandataire liquidateur de Madame [P] [Z] (Auto-École)
[Adresse 4]
[Localité 5]
INTIMÉE NON CONSTITUÉE
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Suivant contrat de travail à durée déterminée à temps plein, M. [H] [S] a été embauché par Mme [Z] à compter du 24 avril 2014, en qualité de moniteur d'auto-école.
Le 23 février 2015, les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée.
A compter du 7 janvier 2019, M. [S] a été mis en arrêt maladie.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 février 2019, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Le 18 mars 2019, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Lorient aux fins de constater que les multiples manquements répétés de l'employeur justifiaient la rupture du contrat de travail aux torts de1'employeur.
Par jugement du 28 mars 2019, le Tribunal de grande instance de Lorient a ouvert une procédure de redressement judiciaire, laquelle a été en convertie liquidation judiciaire par jugement du 12 décembre 2019.
La cour est saisie d'un appel formé le 16 mars 2020 par l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de Rennes à l'encontre du jugement prononcé le 24 février 2020 par lequel le conseil de prud'hommes de Lorient a :
' Dit et jugé que la prise d'acte de rupture de M. [S] s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
' Condamné Mme [Z] à payer à M. [S] les sommes suivantes :
- 704,52 € net de rappel de salaires pour la période de janvier 2017 à octobre 2018 (sauf septembre),
- 158,42 € net de rappel de salaires pour septembre 2018,
- 3.030 € brut de rappel de salaires pour novembre et décembre 2018,
- 1.017,48 € brut de rappel de salaires pour janvier 2019,
- 332,67 € brut de rappel de salaires pour février 2019,
- 2.359,05 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 1.799,02 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 3.030 € brut au titre de 1'indemnité compensatrice de préavis,
- 303€ brut au titre des congés payés afférents,
- 7.500 € net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' Fixé l'ensemble des créances de M. [S] au passif du redressement judiciaire de Mme [Z],
' Déclaré le jugement à intervenir, opposable au CCEA de Rennes en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L.3253-15 et suivants du code du travail et les plafonds prévus l'article L.3253-17 du code du travail,
' Ordonné à Mme [Z] de remettre à M. [S] un certificat de travail, un solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi, ainsi que ses bulletins de salaire pour septembre 2018, novembre 2018 à février 2019 rectifiés,
' Le tout sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir,
' Dit que le Conseil se réserve la possibilité de liquider l'astreinte sur simple requête de M. [S],
' Ordonné à Mme [Z] la régularisation de la situation auprès des organismes sociaux (Caisse de retraite),
' Ordonné à la même de remettre à M. [S] un bulletin de paie rectifié et une attestation Pôle Emploi rectifiée faisant état du réel motif de la rupture 'licenciement sans cause réelle et sérieuse',
' Condamné Mme [Z] ou le mandataire judiciaire ès qualités, à verser à M. [S] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' Dit que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts à taux légal à compter de l'accusé de réception de la saisine initiale du conseil de prud'hommes de Lorient par Mme [Z], soit le 25 mars 2019 et que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à intervenir, soit le 24 février 2020,
' Dit que les intérêts seront capitalisés,
' Ordonné l'exécution provisoire en application des articles 514 et suivants du code de procédure civile,
' Fixé dans le jugement à intervenir le salaire moyen mensuel à 1.515 € brut,
' Débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
' Condamné Mme [Z] aux entiers dépens, y compris les frais de l'huissier instrumentaire en cas d'exécution forcée du jugement.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 3 décembre 2020, suivant lesquelles l'Association UNEDIC - Délégation AGS-CGEA de Rennes demande à la cour de :
' Recevoir le CGEA de Rennes en sa procédure d'appel,
' Réformer le jugement quant au chef de jugement ayant alloué à M. [S] une somme de 7.500 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' Dire et juger que M. [S] ne pourra prétendre à plus d'un mois de rémunération au titre de son indemnisation, soit 1.515 € sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, s'agissant d'une entreprise de moins de onze salariés et en l'absence de préjudice,
' Déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA de Rennes en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus à l'article L. 3253-17 du code du travail,
' Statuer ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge du CGEA de Rennes.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 31 mars 2021, suivant lesquelles M. [S] demande à la cour de :
' Déclarer M. [S] recevable et bien fondée en ses demandes,
' Débouter le CGEA de sa demande tendant à voir réformer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [S] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 7.500 €,
' Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- condamné Mme [Z] à verser à M. [S] la somme de 7.500 € net au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixé la créance au passif du redressement judiciaire,
Y ajoutant, compte tenu de la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire,
' Fixer la créance au passif de la liquidation judiciaire,
' Déclarer l'arrêt à intervenir opposable au CGEA de RENNES,
' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 24 février 2020,
' Condamner la liquidation de Mme [Z] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
' Fixer la créance au passif de la liquidation,
' Condamner la liquidation de Mme [Z] aux entiers dépens, y compris les frais de l'huissier instrumentaire en cas d'exécution forcée de la décision.
Me Armelle CHARROUX, Mandataire Judiciaire ès-qualités de mandataire liquidateur de Madame [P] [Z], régulièrement assignée n'a pas constitué avocat devant la cour. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire à son égard.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2023.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Pour infirmation à ce titre, le CGEA estime le montant de 7.500 € alloué en première instance excessif au vu de l'indemnité minimale prévue, à savoir un mois de salaire brut et l'absence de préjudice.
Pour confirmation, M. [S] réplique essentiellement qu'il devait systématiquement réclamer ses bulletins de paie à son employeur, qu'il était régulièrement contraint de rappeler à son employeur qu'il devait lui verser son salaire et qu'il n'a jamais reçu ses salaires de septembre 2018 et de novembre 2018 à février 2019.
L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.
Suivant, l'article L.1235-3 alinéa 3 précité, en cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux sont moins importants.
En l'espèce, M. [S] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de quatre années entières et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, s'agissant d'une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre un mois et cinq mois de salaire.
Au regard de l'ancienneté de M. [S], de son âge lors de la rupture (26 ans), de ce qu'il a retrouvé un emploi comme moniteur auto-école à [Localité 6] dès le 27 février 2019, du montant mensuel de son salaire brut (1.521,25 €) et de la condamnation de l'employeur en première instance à des rappels de salaires non discutée à hauteur d'appel, il y a lieu de lui accorder la somme nette de 3.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient de fixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire.
Le jugement sera réformé de ce chef.
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Sur la garantie du CGEA-AGS de Rennes
Le présent arrêt sera déclaré opposable au CGEA-AGS de Rennes dont les garanties s'appliqueront pour les sommes précitées dans les limites et plafonds prévus par les articles L. 3253-8, L.3253-17, D.3253-2 et D. 3253-5 du code du travail.
Sur les frais irrépétibles
Le CGEA-AGS de Rennes qui succombe partiellement en appel, doit être condamné à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris ;
FIXE la créance de M. [H] [S] au passif de la liquidation judiciaire de l'auto-école [P] [Z] à la somme nette de 3.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
DÉCLARE la présente décision opposable l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de Rennes en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, dans les limites du plafond des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,
DIT que l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de Rennes ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du code du travail,
DIT que l'obligation de l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de Rennes de faire l'avance de la somme correspondant au montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
CONDAMNE l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de Rennes à payer à M. [H] [S] la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE l'Association UNEDIC-Délégation AGS-CGEA de Rennes aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.