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11/04/2023 | FRANCE | N°20/00119

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 11 avril 2023, 20/00119


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°144



N° RG 20/00119 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QMDV













SARL LES VIVIERS DE SAINT-COLOMBAN ET DE KEROMAN



C/



Mme [D] [G]

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RE

NNES

ARRÊT DU 11 AVRIL 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :
...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°144

N° RG 20/00119 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QMDV

SARL LES VIVIERS DE SAINT-COLOMBAN ET DE KEROMAN

C/

Mme [D] [G]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Février 2023

devant Messieurs Rémy LE DONGE L'HENORET et Philippe BELLOIR, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame Nathalie MIGNEAU, Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SARL LES VIVIERS DE SAINT-COLOMBAN ET DE KEROMAN prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Mikaël BONTE, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Bruno NOINSKI de la SELARL A2C AVOCATS, Avocat au Barreau de LORIENT, pour conseil

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [D] [G]

née le 24 Septembre 1995 à [Localité 1]

demeurant Lieu-dit [Adresse 2]

[Adresse 2]

Ayant Me Nathalie PEDELUCQ de la SELARL PEDELUCQ-BERNERY, Avocat au Barreau de LORIENT, pour postulant et Me Philippe BERRY de la SELARL CABINET PHILIPPE BERRY, Avocat au Barreau de PARIS, pour conseil

Mme [D] [G] a été embauchée au sein de la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN dans le cadre d'un contrat durée indéterminée à temps plein, à compter du 22 mars 2017 pour exercer les fonctions d'employée en préparation et livraison de la marchandise aux clients.

Dans une lettre du 20 juillet 2018, Mme [G] a sollicité le paiement d'heures supplémentaires effectuées et a dénoncé des faits de harcèlement moral en lien avec les propos dont elle estimait avoir été victime.

Le 21 juillet 2018, le médecin traitant de Mme [G] lui a prescrit un arrêt de travail compte tenu de son état de santé.

Dans une lettre du 24 juillet 2018, la SARL VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN a contesté les propos de Mme [G].

Par lettre recommandée du 6 novembre 2018, Mme [G] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Le 3 décembre 2018, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Lorient d'une demande tendant au paiement d'heures supplémentaires et au prononcé de la prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur avec les effets d'un licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La cour est saisie d'un appel formé le 8 janvier 2020 par la SARL VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN à l'encontre du jugement prononcé le 13 décembre 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de Lorient a :

'Débouté Mme [G] de sa demande à voir reconnaître un harcèlement moral ;

' Dit que la prise d'acte de rupture de contrat de travail de Mme [G] aux torts exclusifs de l'employeur est justifiée,

' Dit et jugé que la prise d'acte de rupture de contrat de travail de Mme [G] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Constaté l'existence des heures supplémentaires effectuées par Mme [G] ;

' Condamné la SARL VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

- 1.699,30 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 169,93 € brut pour les congés payés afférents au préavis,

- 743,44 € au titre de l'indemnité de licenciement légale,

- 3.398,60 € brut correspondant à 2 mois de salaires au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.472,85 € brut pour les heures supplémentaires du 22 mars au 2 juillet 2017,

- 147,29 € brut pour les congés payés afférents,

- 1.813,31 € brut pour les heures supplémentaires du 1er mars au 20 juillet 2018,

- 181,33 € brut pour les congés payés afférents,

- 1.500 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dit que les intérêts au taux légal courront à compter de la réception de la convocation en bureau de jugement par la société à savoir le 6 novembre 2018,

' Ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution ;

' Condamné la SARL VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 19 janvier 2021, suivant lesquelles la SARL VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN demande à la cour de :

' La déclarer recevable et bien fondée en son appel,

' Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Lorient en ses entières dispositions ;

Statuant à nouveau,

' Juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail initiée par Mme [G] produit les effets d'une démission,

' Débouter Mme [G] de :

- l'ensemble de ses demandes à caractère indemnitaire et salarial en découlant,

- sa demande de rappel salaire pour heures supplémentaires,

- sa demande au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral et des sommes prétendument réglées au titre de la mutuelle santé,

- du surplus de ses demandes,

- de son appel incident comme irrecevable et encore non fondé et partant, la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

' Condamner Mme [G] à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner la même aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 19 octobre 2020, suivant lesquelles Mme [G] demande à la cour de :

' Constater que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur était justifiée,

' Constater l'existence d'heures supplémentaires effectuées par Mme [G] ;

' Dire que la rupture du contrat de travail de Mme [G] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de rupture de contrat de travail de Mme [G] aux torts exclusifs de l'employeur est justifiée,

- dit et jugé que la prise d'acte de rupture de contrat de travail de Mme [G] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constaté l'existence des heures supplémentaires effectuées par Mme [G],

- condamné la SARL VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN à lui payer les sommes suivantes :

- 1.699,30 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 169,93 € brut pour les congés payés afférents au préavis,

- 743,44 € au titre de l'indemnité légale,

- 3.398,60 € brut correspondant à 2 mois de salaires au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.472,85 € brut pour les heures supplémentaires du 22 mars au 2 juillet 2017,

- 147,29 € brut pour les congés payés afférents,

- 1.813,31 € brut pour les heures supplémentaires du 1er mars au 20 juillet 2018,

- 181,33 € brut pour les congés payés afférents,

- 1.500 € brut pour les frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande de voir reconnaître un harcèlement moral,

Y ajoutant,

' Condamner la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN au paiement de la somme de 1.642.56 € au titre des charges supportées au titre de la couverture complémentaire des frais de santé 2017 et 2018,

En toutes hypothèses,

' Condamner la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN aux entiers dépens,

' Dire que les intérêts au taux légal courront à compter de l'introduction de l'instance,

' Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2023.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

En l'absence de convention individuelle de forfait en jours, le salarié est soumis aux règles de droit commun de calcul de la durée du travail et peut donc solliciter le paiement des heures supplémentaires qu'il aurait accomplies.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [G] réclame la somme de 1.472,85 € brut pour les heures supplémentaires du 22 mars au 2 juillet 2017 et de 1.813,31 € brut pour les heures supplémentaires du 1er mars au 20 juillet 2018 correspondant au montant des heures supplémentaires réalisées non rémunérées, la salariée étant placée en congé maternité entre ces deux périodes.

Au soutien de sa demande, Mme [G] produit :

- un tableau récapitulatif des heures supplémentaires effectuées au titre de la période du 22 mars 2017 au 20 juillet 2018 comprenant par semaine les informations relatives aux heures d'arrivée, les heures de départ, le temps de travail quotidien, le temps de travail hebdomadaire, les HS de la 36ème à la 39ème heure, HS au delà de la 39ème heure, les HS de la 36ème à la 39ème heure maj 25 % et HS au delà de la 39ème heure maj 50 % (pièce n°6) ;

- un mail du 20 juillet 2018 adressé au gérant de la société dans lequel elle indique 'vous m'avez contrainte, à plusieurs reprises, à effectuer des enlèvements de marchandises à la STAFF à [Localité 4] avant 4 H 15 du matin et également au port de pêche de [Localité 4] avant 4 H du matin, en m'imposant d'être de retour à l'entreprise avant 6 H, sans compensation financière. Même chose en ce qui concerne mes horaires d'embauche qui ne respectent pas mon contrat de travail. A plusieurs reprises je m'en suis plainte sans réponse. (...) Pour finir, vous m'obligez à travailler plus de 40 H par semaine sans procéder au règlement des heures supplémentaires, ni même me demander mon accord' (pièce n°7-1).

En premier lieu et en application des règles probatoires rappelées ci dessus, il n'appartient pas à Mme [G] de rapporter la preuve de ses heures supplémentaires accomplies.

En second lieu, si l'employeur auquel il incombe d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, critique les éléments avancés par la salariée, il n'en fournit aucun de nature à justifier les horaires qui, selon lui, auraient réellement été suivis par Mme [G] alors qu'il lui appartient d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail.

En troisième lieu, l'absence de doléance de la part de la salariée au cours de l'exécution du contrat de travail est inopérante pour écarter les demandes de Mme [G] en l'absence de tout autre élément chiffré de discussion à l'encontre des décomptes produits par celle-ci.

Au vu des éléments produits par les parties, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que Mme [G] a effectué des heures supplémentaires conformément au décompte chiffré produit et non autrement discuté par l'employeur.

Le jugement du conseil de prud'hommes est confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral

A titre liminaire, il sera rappelé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Si Mme [G] développe dans les motifs de ses dernières conclusions du 19 octobre 2020 un moyen relatif à des dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, elle ne formule, dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, aucune demande chiffrée à ce titre se bornant seulement à demander l'infirmation du 'jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande de voir reconnaître un harcèlement moral'. Partant, la cour ne peut que confirmer le jugement ayant débouté Mme [G] de ce chef de demande puisqu'elle ne saurait statuer sur une demande non énoncée au dispositif des écritures de l'appelant.

***

Sur le paiement de la somme au titre de la couverture complémentaire des frais de santé

Mme [G] soutient qu'en application de l'obligation de sécurité pesant sur la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN, l'employeur devait faire bénéficier ses salariés de la couverture d'une mutuelle santé. Elle conteste le fait que l'employeur lui a adressé des documents aux fins de souscription à son profit d'une mutuelle.

La SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN réplique que la couverture de remboursement des frais de santé prévue à l'article L. 911-7 du code de la sécurité sociale ne constitue pas une des mesures prévues par l'article L. 4121-1du code du travail définissant l'obligation de sécurité de l'employeur. Il ajoute que Mme [G] fait partie des salariés qui n'ont pas souhaité adhérer à la mutuelle.

La cour rappelle que depuis le 1er janvier 2016, les entreprises doivent offrir à l'ensemble de leurs salariés une couverture complémentaire frais de santé obligatoire qui garantit un niveau minimal de remboursement des frais engagés par le salarié à l'occasion de la maladie, de la maternité ou de l'accident. Cette couverture minimale dénommée 'panier de soins minimal' comprend la prise en charge totale ou partielle des dépenses énumérées par les dispositions des articles L.911-7 et D. 911-1 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, outre qu'il ne s'agit pas d'un manquement à l'obligation de sécurité, il résulte des pièces versées que l'employeur ne démontre pas qu'il a communiqué à la salariée qui le conteste le bulletin d'affiliation à la complémentaire SAMBO Assurances Mutuelles.

Mme [G] justifiant avoir acquitté seulement la somme de 821,28 € au titre de la complémentaire santé auprès de l'organisme Suravenir Assurances au titre de l'année 2018 (pièce 3-1), la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN, qui ne justifie pas avoir proposé au salarié l'adhésion à une couverture collective, sera condamnée à rembourser au salarié la somme de 821,28 € à titre de remboursement.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la prise d'acte

Pour infirmation de la décision entreprise, la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN conteste les manquements invoqués par Mme [G]. Elle considère que la salariée a démissionné de son poste.

Mme [G] soutient en substance que la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN a commis des manquements graves empêchant la poursuite de la relation de travail. Elle invoque à ce titre le non paiement des heures supplémentaires, l'absence de garantie complémentaire et du harcèlement moral.

Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur qui empêchent la poursuite du contrat. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Enfin, lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon les circonstances, si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire.

Mme [G] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 6 novembre 2018 dans laquelle elle reprochait à son employeur le non-paiement de ses heures supplémentaires, l'absence de garantie complémentaire santé et du harcèlement moral.

La société conteste ces faits et considère que la prise d'acte de Mme [G] doit entraîner les effets d'une démission.

Ainsi qu'il a été vu ci-dessus, l'employeur n'a pas versé à la salariée les heures supplémentaires qui lui étaient dues entre le22 mars au 2 juillet 2017 et le1er mars au 20 juillet 2018. Ce manquement ayant pour effet de porter atteinte à la rémunération de la salariée, caractérise un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. La prise d'acte de la rupture est dès lors justifiée et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les indemnités liées à la rupture du contrat

Le salarié dont la rupture du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse a droit aux indemnités de rupture.

Mme [G] sollicite, d'une part, la somme de 1.699,30 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 169,93 € de congés payés afférents et, d'autre part, les sommes de 743,44 € au titre de l'indemnité légale et de 3.398,60 € brut correspondant à 2 mois de salaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au préalable, la salariée avait au moment de la prise d'acte une ancienneté de 1 an et 7 mois. Sa rémunération mensuelle brute, déterminée à partir des bulletins de paye produits, est fixée, dans la limite de la demande, à la somme de 1.699, 30 € brut. De même, la société employait à titre habituel moins de 11 salariés.

En premier lieu, l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, dispose que lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis et que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l'article.

En l'occurrence, pour une ancienneté de 1 an, l'indemnité minimale s'élève à 0,5 mois de salaire brut et l'indemnité maximale est de 2 mois.

Au regard de l'ancienneté de Mme [G], de son âge lors de la rupture (23 ans), de ce qu'il n'est versé aux débats aucun élément relatif à sa situation personnelle postérieure à la rupture et du montant mensuel de son salaire brut, il y a lieu de lui accorder la somme de 1500 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera réformé de ce chef.

En second lieu, la salarié est en droit d'obtenir 1.699,30 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 169,93 € de congés payés afférents et, d'autre part, les sommes de 743,44 € au titre de l'indemnité légale. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante, qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser la salariée des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN à verser à Mme [D] [G] les sommes suivantes :

- 1.500 € net à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

- 821,28 € à titre de remboursement de la garantie complémentaire santé ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN à verser à Mme [D] [G] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

DÉBOUTE la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL LES VIVIERS DE SAINT COLOMBAN ET DE KEROMAN aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00119
Date de la décision : 11/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-11;20.00119 ?
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