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10/04/2023 | FRANCE | N°22/06470

France | France, Cour d'appel de Rennes, Contestations honoraires, 10 avril 2023, 22/06470


Contestations Honoraires





ORDONNANCE N° 33



N° RG 22/06470

N° Portalis DBVL-V-B7G-TIBC













Société ATELIER CONFECTION CHAUVET



C/



S.E.L.A.R.L. [L] & ASSOCIES































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES
>

ORDONNANCE DE TAXE

DU 10 AVRIL 2023







Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 13 Mars 2023



ORDONNANCE :



Contr...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 33

N° RG 22/06470

N° Portalis DBVL-V-B7G-TIBC

Société ATELIER CONFECTION CHAUVET

C/

S.E.L.A.R.L. [L] & ASSOCIES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 10 AVRIL 2023

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Mars 2023

ORDONNANCE :

Contradictoire,

prononcée à l'audience publique du 10 Avril 2023, date indiquée à l'issue des débats

****

ENTRE :

Société ATELIER CONFECTION CHAUVET

prise en la personne de sa gérante Mme [F] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me François DRAGEON de la SELARL DRAGEON & ASSOCIES, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

ET :

S.E.L.A.R.L. [L] & ASSOCIES, représentée par Me [U] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée à l'audience par Me Jean-Eloi DE BRUNHOFF, avocat au barreau de NANTES, substituant Me [U] [K]

****

EXPOSE DU LITIGE :

Entre 2018 et 2021, Mme [F] [I] a confié la défense de ses intérêts à Me Bernard Rineau , membre de la Selarl Rineau & Associés, avocat au barreau de Nantes, dans plusieurs dossiers la concernant personnellement.

En février 2020, elle a chargé Me [L] de la défense des intérêts d'une société qu'elle dirige, la société Atelier Confection Chauvet, dans un litige l'opposant à la société BNP.

Aucune convention d'honoraire n'a été signée. La Selarl [L] a communiqué ses conditions tarifaires.

Diverses provisions ont été réclamées par l'avocat et payées à concurrence de la somme globale de 14 640 euros TTC par la société Atelier Confection Chauvet.

Le 11 janvier 2022, la Selarl [L] a réclamé à Mme [I], pour les dossiers la concernant personnellement, un solde de 11 480 euros TTC qu'elle a proposé de prélever sur les fonds encaissés en Carpa.

Contestant devoir cette somme, Mme [I] a saisi, par lettre recommandée reçue au secrétariat de l'ordre le 20 janvier 2022, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes d'une demande de taxe des honoraires du ' cabinet [L] & Associés '.

Dans le cadre de cette procédure, la Selarl [L] & Associés a sollicité, le 8 mars 2022, reconventionnellement la condamnation de la société Atelier de Confection Chauvet à lui régler un solde de 2 760 euros TTC.

Par ordonnance du 18 mai 2022, le bâtonnier a prorogé de quatre mois le délai pour statuer.

Par décision du 19 septembre 2022, le bâtonnier du barreau de Nantes a notamment fixé les honoraires de Me [U] [L] dans le dossier Atelier de Confection Chauvet à la somme de 17 400 euros TTC et a condamné cette société à verser à [U] [L], après déduction des provisions versées, la somme de 2 760,04 euros TTC.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 22 octobre 2022, la société Atelier de Confection Chauvé a formé un recours contre cette ordonnance intimant '[L] & Associés'.

Aux termes de ses dernières écritures (6 mars 2023) développées à l'audience, la société Atelier de Confection Chauvet nous demande de :

- ordonner la jonction des trois procédures RG n° 22/06469, RG n° 22/6470 et RG n° 22/6471,

in limine litis :

- annuler purement et simplement les trois décisions du 19 septembre 2022 pour violation du principe du contradictoire,

évoquant au fond et réformant les décisions entreprises :

- dire et juger que Me [U] [L] ne peut être créancier et en conséquence le dire irrecevable à agir contre la société Atelier de Confection Chauvet et le débouter de toutes ses demandes, fins et moyens,

- constater que les trois décisions implicites de rejet des demandes reconventionnelles de la Selarl [L] & Associés en date du 19 septembre 2022 sont définitives en l'absence d'appel de cette dernière dans le délai de quatre de quatre mois (renouvelé) de la saisine de Mme le Bâtonnier et sont donc entrées en force de chose jugée,

- le débouter de toutes ses demandesplus amples ou contraires,

réformant pour le surplus :

- condamner la Selarl [L] & Associés à lui payer la somme de 14 640 euros,

- dire et juger que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt à intervenir,

si par impossible les décisions devaient ne pas être annulées, les réformant :

- dire et juger que Me [U] [L] ne peut être créancier et en conséquence le dire irrecevable à agir contre la société Atelier Confection Chauvet et le débouter de toutes ses demandes, fins et moyens,

- constater que les trois décisions implicites de rejet des demandes reconventionnelles de la Selarl [L] & Associés en date du 19 septembre 2022 sont définitives en l'absence d'appel de cette dernière dans le délai de quatre de quatre mois (renouvelé) de la saisine de Mme le Bâtonnier et sont donc entrées en force de chose jugée,

- le débouter de toutes ses demandesplus amples ou contraires,

réformant pour le surplus :

- condamner la Selarl [L] & Associés à lui payer la somme de 14 640 euros,

- dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt à intervenir,

en toutes circonstances :

- condamner la Selarl [L] & Associés à la société Atelier Confection Chauvet une somme de 3 000 euros au titre et par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens de l'instance.

Elle fait, en premier lieu, valoir que ses droits n'ont pas été respectés puisque ses conclusions du 19 septembre 2022 et ses dernières pièces ont été rejetées par le bâtonnier alors même que précédemment Me [L] avait été dispensé de communiquer les centaines de pièces qu'il produisait, elle même étant invitée par le bâtonnier à venir les consulter sur place dans des conditions au demeurant non précisées et sollicite l'annulation de la décision rendue au visa de l'article 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la CEDH.

Elle relève que la décision n'évoque que Me [L] en personne et non sa structure d'exercice qui est pourtant celle avec laquelle elle a contracté et en tire la conséquence que l'avocat personnellement ne peut être son créancier. Elle ajoute que si des demandes reconventionnelles ont été présentées par la Selarl [L] & Associés, celles-ci doivent être considérées comme ayant été définitivement rejetées, faute de recours.

Au fond, elle relève l'absence de convention d'honoraires et le caractère imprécis et non détaillé des factures qui ont été établies. Elle conteste tant le mode de calcul du taux horaire de l'avocat (rappelant combien sa situation personnelle est modeste) que le temps que ce dernier dit avoir consacré au dossier et son imputation à tel ou tel intervenant. Elle s'interroge sur une éventuelle surfacturation au regard de la multiplication de micro items invérifiables. Estimant non probants les éléments produits, elle sollicite la restitution de l'intégralité des honoraires versés. Elle s'étonne de ce qu'après avoir réduit significativement les taux horaires pratiqués par la Selarl [L] & Associés, le bâtonnier aboutit à un résultat quasiment équivalent à la facturation ce qui démontre le peu de sérieux de son travail.

Elle s'oppose aux demandes incidentes de l'avocat et à sa demande exorbitante fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures (8 mars 2023) développées oralement à l'audience, la Selarl [L] & Associés nous demande de :

- joindre les procédures référencées au rôle général sous les numéros 22/06469, 22/06470 et 22/06471,

- débouter la société Atelier Confection de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- réformer la décision du bâtonnier du 19 septembre 2022, seulement en ce qu'elle a condamné la société Atelier Confection Chauvet à payer la somme de 2 760 euros TTC au profit de Me [U] [L], au lieu de la Selarl [L] & Associés,

et statuant à nouveau sur les chefs critiqués :

- taxer les honoraires de la Selarl [L] & Associés envers la société Atelier Confection Chauvet à la somme de 17 400 euros TTC,

- constater que cette société a procédé au règlement de la somme de 14 640 euros TTC,

- condamner la société Atelier Confection Chauvet à lui payer la somme de 2 760 euros TTC,

- condamner la société Atelier Confection Chauvet à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance, en ce compris les frais de signification de la convocation et de la décision à intervenir.

Le Selarl [L] & Associés rappelle, en premier lieu, que Mme [I] est une femme d'affaires à la tête de quatre sociétés qui l'a saisie à compter de l'année 2017 de plusieurs dossiers personnels ou concernant certaines de ses sociétés. Elle précise qu'elle lui a adressé divers messages pour lui exprimer sa satisfaction.

Elle s'en remet à justice sur le moyen de nullité mais observe qu'elle a bien communiqué à Mme [I] qui en avait déjà connaissance de très nombreuses pièces.

Elle rappelle que c'est bien elle - Selarl [L] & Associés - et non Me [L] qui a conclu devant le bâtonnier et formé des demandes reconventionnelles contre la société Atelier Confection Chauvet et que si la décision a été rendue au profit de Me [L], il s'agit d'une erreur dont elle sollicite la rectification.

Au fond, elle conteste la méthode suivie par le bâtonnier qui a diminué les taux horaires pratiqués et a méconnu le principe suivant lequel les honoraires sont fixés librement comme ce fût le cas en l'espèce. Elle rappelle, pour chaque dossier, les diligences effectuées telles qu'elles ressortent du logiciel de gestion du temps qu'elle emploie.

À l'audience, les parties ont été invitées à s'expliquer sur la recevabilité de la demande de la Selarl [L] et Associés à l'encontre de la société Atelier de Confection Chauvet.

La société Atelier de Confection Chauvet a demandé que la nullité de la procédure soit prononcée et l'irrecevabilité de la demande de l'avocat. Ce dernier s'en est remis à justice admettant qu'il y avait une difficulté.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité de la décision du bâtonnier :

La procédure prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, y compris dans sa phase initiale, devant le bâtonnier, doit respecter le principe de la contradiction. Les parties doivent se communiquer mutuellement leurs pièces et le bâtonnier doit veiller à ce que la communication a bien eu lieu dans le respect des droits de chacun.

En l'espèce, il résulte de l'ordonnance critiquée que le bâtonnier a dispensé la Selarl [L] & Associés de communiquer la totalité de ses pièces en considération de leur volume pour les déposer à l'ordre où Mme [I], qui était supposée 'détenir tous ces éléments' a été autorisée - sans plus de précision - à les consulter.

Ce faisant le bâtonnier n'a pas respecté le principe du contradictoire.

Par ailleurs, saisi d'une demande 'reconventionnelle' (sic) concernant un tiers (à la supposer recevable), en l'espèce la société Atelier de Confection Chauvet, il ne ressort ni de l'ordonnance ni des pièces versées au débats que le bâtonnier ait respecté à son égard les dispositions de l'article 175 al 3 du décret précité et ait recueilli ses observations (et non celles de Mme [I]) alors même qu'il a statué sur cette demande et condamné la société concernée.

Ce faisant, le bâtonnier a, là encore, méconnu le principe du contradictoire.

La décision rendue ne peut donc qu'être annulée en ce qu'elle a condamné la société Atelier de Confection Chauver à régler telle somme à Me [L] (qui, au demeurant, n'était pas le créancier, mais la société dans laquelle il exerce son activité professionnelle).

L'ordonnance étant annulée, il convient, en application de l'article 562 al 2 du code de procédure civile, d'évoquer et de statuer sur la demande de la Selarl [L] & Associés à l'encontre de la société Atelier de Confection Chauvet.

Sur la recevabilité de la demande :

La demande de la Selarl [L] à l'encontre de la société Atelier de Confection Chauvet n'est évidemment pas une demande reconventionnelle au sens de l'article 64 du code de procédure civile mais une demande contre un tiers qui ne pouvait être jointe à la procédure initiée par Mme [I] à raison des dossiers qu'elle avait personnellement confiés à l'avocat, quand bien même celle-ci est-elle la dirigeante de droit de cette société.

Il appartenait à la Selarl [L] & Associés, après mise en demeure infructueuse caractérisant un litige, de saisir le bâtonnier aux fins de taxe.

Cette demande sera donc déclarée irrecevable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Partie succombante, la Selarl [L] & Associés supportera la charge des dépens.

Elle devra verser à la société Atelier de Confection Chauvet une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement,

Annulons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes du 19 septembre 2022 en ce qu'elle a condamné la société Atelier de Confection Chauvet.

Déclarons irrecevable la demande 'reconventionnelle' de la Selarl [L] & Associés à l'encontre de la société Atelier de Confection Chauvet.

Condamnons Selarl [L] & Associés aux dépens.

La condamnons à verser à la société Atelier de Confection Chauvet une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Contestations honoraires
Numéro d'arrêt : 22/06470
Date de la décision : 10/04/2023
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-10;22.06470 ?
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