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03/04/2023 | FRANCE | N°20/01530

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 03 avril 2023, 20/01530


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°143



N° RG 20/01530 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QRBQ













S.A.S. CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE



C/



M. [P] [I]

















Infirmation partielle











Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊ

T DU 03 AVRIL 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°143

N° RG 20/01530 -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QRBQ

S.A.S. CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE

C/

M. [P] [I]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Janvier 2023

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La S.A.S. CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu FOUQUET substituant à l'audience Me Nicolas BEZIAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Avocats au Barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur [P] [I]

né le 10 Février 1973 à [Localité 4] (44)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Madame [F] [O], défenseure syndicale, F.O. de [Localité 4], suivant pouvoir

M. [P] [I] a été engagé le 1er février 1998 par la société SECURITAS FRANCE dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité, employé niveau 3 coefficient 140 de la Convention collective Nationale des entreprises de prévention et sécurité.

Le 7 mai 2004 le contrat de travail de M. [P] [I] a été transféré à la société SÉCURITÉ PRÉVENTION GRAND OUEST, acquise puis absorbée par la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE le 1er janvier 2013.

M. [I] a déposé plainte le 8 juin 2018 pour avoir été agressé par des individus s'étant introduit sur son lieu de travail dans la nuit du 6 au 7 juin 2018.

M. [I] a été en arrêt de travail à compter du 13 juin, jusqu'au 8 août 2018.

Le 17 juin 2018, l'agent relevant M.[I] constate l'absence de celui-ci sur son lieu de travail pour les deux nuits précédentes, soit celles du 15 au 16 et du 16 au 17 juin 2018.

Le 18 juin 2018, la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE a adressé à M. [I] une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, reporté au 17 juillet 2018. à la demande de M. [I] qui ne s'y est pas présenté.

L'arrêt maladie de M. [P] [I] a été requalifié par le médecin traitant en accident du travail et prolongé jusqu'au 14 septembre 2018.

Le 30 juillet 2018, la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE a notifié à M. [I] son licenciement pour faute grave, caractérisé par son absence à compter du 15 juin 2018 à partir de 20 heures, sans en avoir avisé son employeur, ainsi que par ses propos injurieux prononcés à l'encontre de la personne chargée de l'astreinte maîtrise.

Le 18 mars 2019, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de voir :

' Condamner la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE à lui verser les sommes de :

- 40.700 € net de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 11.856,48 € net d'indemnité légale de licenciement,

- 4.065 € brut d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

- 406,50 € brut de congés payés,

A titre subsidiaire,

- 5.000 € net de dommages-intérêts pour préjudice distinct,

- 40.700 € net de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- 11.856 € net d'indemnité légale de licenciement,

- 4.065 € brut Indemnité compensatrice de préavis,

- 405,50 € brut de congés payés afférents,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Remise de l`attestation Pôle Emploi rectifiée, conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard,

' Exécution provisoire de l'intégralité du jugement à intervenir,

' Fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 2.032,54 € et le préciser dans la décision à intervenir,

' Intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil outre l`anatocisme,

' Condamné aux entiers dépens.

La cour est saisie de l'appel régulièrement formé le 4 mars 2020 par la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE contre le jugement du 25 février 2020, par lequel le conseil de prud'hommes de NANTES a :

' Dit que le licenciement de M. [I] est entaché de nullité,

' Reçu M. [I] en ses demandes de dommages intérêts pour licenciement prononcé pendant les périodes de suspension du contrat de travail, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, et de congés payés afférents,

' Condamné la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE, à lui verser :

- 12.195,24 € net au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 11.856,48 € net à titre d`indemnité légale de licenciement,

- 4.065 € brut à titre de préavis,

- 406,50 € brut au titre des congés payés afférents,

' Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine, soit le 18 mars 2019, pour les sommes à caractère salarial, et de la date de notification du présent jugement pour celles à caractère indemnitaire,

' Lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts, conformément à l'artic1e 1343 -2 du Code civil,

' Condamné la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE à verser à M. [I] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ,

' Ordonné à la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE de remettre à M. [I] l'attestation Pôle Emploi rectifiée, conforme au jugement., sous astreinte provisoire de 15 € par jour de retard du 45ème au 90ème jour suivant la notification du jugement,

' Ordonné l'exécution provisoire du jugement pour la totalité des condamnations à caractère salarial et à hauteur de la moitié des sommes allouées en ce qui concerne les condamnations à titre indemnitaire,

' Fixé le salaire de référence à la somme de 2.032,54 €,

' Condamné en outre d'office la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à monsieur [I] dans la limite de quinze jours d'indemnités,

' Débouté la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE de 1'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

' Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

' Laissé les éventuels dépens à la charge de la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 8 décembre 2022, suivant lesquelles la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE demande à la cour de :

' Réformer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a :

- dit et jugé le licenciement nul,

- condamné la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE au paiement de la somme de :

- 12.195,24 € net pour licenciement nul,

- 11.856,48 € net au titre de l'indemnité de licenciement,

- 4.065 € brut au titre du préavis,

- 406,50 € brut au titre de l'incidence sur congés payés afférents,

- 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société au paiement à POLE EMPLOI de la somme de 15 jours d'indemnités ARE,

- condamné la société aux dépens,

- condamné la société au paiement desdites sommes avec intérêts légaux et capitalisation,

- condamné la société à la remise de documents sociaux et de fin de contrat sous astreinte,

Statuant à nouveau,

' Dire et juger que le licenciement repose sur une faute grave,

' Débouter M. [I] de toute demande :

- indemnitaire au titre d'un licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse ou abusif et subsidiairement, le débouter de toute demande excessive excédant l'étendue du préjudice réellement prouvé,

- d'indemnité de licenciement et subsidiairement, de toute demande excessive,

- d'indemnité compensatrice de préavis et subsidiairement, de toute demande excessive,

- au titre de la remise de documents,

- au titre de l'intérêt au taux légal et de l'anatocisme,

- à titre d'astreinte,

- au titre de l'article 700 du Code de procédure civile tant au titre de la première instance que de l'instance d'appel,

' Condamner M. [I] à verser à la société la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 CPC au titre des deux instances,

' Condamner M. [I] à rembourser toute somme perçue en exécution du premier jugement, et ce avec intérêt légal et capitalisation des intérêts.

Vu les écritures notifiées par courrier recommandé avec avis de réception le 3 juin 2020, suivant lesquelles M. [I] demande à la cour de :

' Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de NANTES et de confirmer le licenciement comme entaché de nullité,

' Condamner la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE à payer les sommes suivantes :

- 11.856,48 € net au titre des indemnités légales de licenciement ( (2 032,54 € x 1/4) x 10 ans + (2 032,54 € x 1/3) x 10 ans = 11 856,48 € ),

- 4.065 € brut au titre des indemnités compensatrices de préavis (2 mois),

- 406,50 € brut au titre des congés payés afférents,

' Réformer le jugement pour le quantum des sommes allouées au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

' Condamner la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE à payer :

- 40.700 € net au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul (20 mois),

- 5.000 € net de dommages intérêts au titre du préjudice distinct,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 15 décembre 2022

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture :

Pour infirmation et bien fondé du licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de M. [P] [I], la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE fait essentiellement valoir que l'intéressé ne m'a jamais averti de son absence en violation des dispositions légales et du règlement intérieur, qu'il a laissé le site sans surveillance et de surcroît a eu un comportement inacceptable et injurieux à l'égard de la salariée chargée de la régulation des astreintes.

M. [P] [I] réfute l'argumentation de la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE, arguant du fait que l'employeur a été avisé de l'agression dont il a été victime, qui a fait l'objet d'une intervention des forces de police et du dépôt d'une plainte ainsi que d'un rapport sur la main courante mise en place par l'employeur.

Le salarié fait en outre valoir qu'il a adressé son arrêt de travail et avisé son employeur téléphoniquement, que ce dernier qui ne s'est pas préoccupé de son sort, ne pouvait ignorer qu'il n'avait pas pris son poste dès le premier soir, son téléphone de protection travailleur isolé n'ayant pas été activé.

Il résulte des articles'L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle fait obstacle au maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Une sanction déjà prononcée peut être rappelée lors d'un licenciement ultérieur, pour conforter les griefs fondant celui-ci, mais ce rappel n'est possible que si elle n'est pas antérieure de plus de trois ans.

L'article 10.1 du règlement Intérieur précise expressément que « tout membre du personnel dans l'impossibilité d'assurer son service ou ses fonctions, pour quelque cause que ce soit sauf cas de force majeur, est tenu d'en informer au plus tôt le service permanence ou sa hiérarchie en cas d'absence ou de retard (avant l'heure prévue de la prise de fonction et au plus tard dans les 48 heures) L'absence d'information dans les temps pouvant faire l'objet d'une sanction ».

Selon l'article L.1226-7 du code du travail, le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident du trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

Aux termes de l'article L.1226-9 du même code, au cours de la période de suspension, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail à durée indéterminée que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident.

L'article L.1226-13 du même code prévoit que toute résiliation du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions précédentes est nulle.

La rupture d'un contrat de travail intervient à la date à laquelle l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée notifiant la rupture.

La nullité du licenciement prononcé pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail emporte pour le salarié un droit à réintégration.

Si la rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de l'article L.1226-9 du code du travail est nulle, il n'en résulte pas pour le salarié l'obligation d'accepter la réintégration proposée par l'employeur, ni même de la demander.

Le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, en plus des indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise.

La lettre de licenciement du 30 juillet 2018 qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

(...)

'Le dimanche 17 juin 2018 à 07h50, votre collègue assurant votre relève a contacté l'astreinte maîtrise de l'agence de [Localité 4] afin de l'informer qu'il n'avait trouvé personne dans le PC à sa prise de service. Vous étiez à titre de rappel planifié la nuit sur ce site puisque votre vacation était prévue de 20h00 (samedi 16 juin 2018) à 08h00 (dimanche 17 juin 2018). Il a également précisé lors de son appel à l'astreinte maîtrise avoir consulté la main courante du site, et s'être rendu compte que celle-ci n'était en réalité pas complétée pour les nuits du vendredi 15 juin 2018 de 20h00 à 06h00 et le samedi 16 juin 2018 de 20h00 à 08h00. Or vous étiez l'agent planifié pour ces deux vacations de nuits.

Le dimanche 17 juin 2018, après avoir vérifié auprès de notre télésurveillance qu'ils n'avaient pas enregistré vos prises et fins de service pour ces deux vacations, l'astreinte maîtrise a tenté de vous joindre à 09h45 pour recueillir vos explications sur ces absences à votre poste de travail pour lesquelles elle n'avait pas été avisée. En effet, vous n'avez pas pris la peine d'aviser ni votre agence de rattachement, ni votre responsable, ni l'astreinte maîtrise. Elle n'a pas réussi à vous joindre dans un premier temps. Elle vous a rappelé alors à 11h20, voici la retranscription de votre échange téléphonique précisément «Bonjour M. [I], c'est [B] de Challancin », vous lui avez répondu « Oui et Alors '», elle vous a demandé 'Vous étiez planifié ce weekend, je voulais savoir pourquoi vous n'avez pas pris votre poste ''. Vous lui avez répondu Je suis en arrêt de travail » et vous lui avez raccroché au nez (durée de l'appel 17 secondes).

Le dimanche 17 juin 2018 à 11h31, vous avez rappelé l'astreinte, vous lui avez demandé « Comment ça se fait que vous ne vous en rendez compte que maintenant ' Je ne suis pas venu ni vendredi, ni samedi ». Elle vous a alors répondu que la télésurveillance l'en avait informé le matin du dimanche 17 juin 2018 à la date de la relève. Vous lui avez répondu précisément 'non, non, mais je suis en arrêt de travail, allez-vous faire enculer !'.

Ces faits traduisent de graves manquements de votre part que nous souhaitons vous préciser ci-après.

Vous avez en effet délibérément enfreint le règlement intérieur de la Société mais également le Code de déontologie qui régit notre Profession, qui vous est donc applicable en tant qu'agent de sécurité Mobile.

En premier lieu, en n'informant pas de vous-même votre employeur de votre absence, en n'avisant à aucun moment la télésurveillance pour une mise en relation avec l'astreinte, afin d'aviser de votre absence et que la Société puisse donc procéder à votre remplacement sur votre poste de travail, et ce, pendant deux jours consécutifs, vous n'avez pas respecté les termes de l'article 10.1 du règlement Intérieur ' Retards et Absences : en effet, vous n'êtes pas sans savoir que cet article prévoit que : « tout membre du personnel dans l'impossibilité d'assurer son service ou ses fonctions, pour quelque cause que ce soit sauf cas de force majeur, est tenu d'en informer au plus tôt le service permanence ou sa hiérarchie en cas d'absence ou de retard (avant l'heure prévue de la prise de fonction et au plus tard dans les 48 heures) L'absence d'information dans les temps pouvant faire l'objet d'une sanction. Or vous n'avez à aucun moment pris la peine d'informer votre hiérarchie ou la permanence de votre absence à votre poste de travail, puisque c'est finalement lors d'un appel passé par l'astreinte maîtrise à vous-même que vous avez daigné finalement indiquer que vous étiez en fait en arrêt de travail '

Ces faits sont graves et intolérables, dans la mesure où d'une part ils nuisent à l'organisation de l'entreprise et peuvent entraîner des pénalités financières de la part du client puisque la prestation pour laquelle le client nous rémunère n'est pas assurée, et d'autre part Ils traduisent un manquement grave de votre part à vos obligations contractuelles.

Notre client est susceptible de nous manifester son mécontentement par l'octroi de pénalités financières Importantes, voire à terme par le retrait du marché. Il est en effet en droit d'attendre de la part des agents que nous plaçons à son service plus de sérieux et de professionnalisme dans l'exécution de leur mission.

Ces faits sont graves et intolérables. Vous n'êtes pas sans ignorer les conséquences que votre manque de professionnalisme peut produire (pénalités financières du client, intrusions et effractions sur les sites de nos clients, insécurité du site, etc...), au-delà de toute considération disciplinaire.

Ces manquements sont d'autant plus regrettables puisqu'ils interviennent dans le cadre de l'exercice de votre fonction d'agent de sécurité mobile par laquelle vous devez faire preuve de vigilance accrue à tous les niveaux.

Votre manque de professionnalisme est inconcevable.

D'autre part, en tenant des propos injurieux à l'encontre de l'astreinte maîtrise, vous avez bafoué une fois de plus le règlement Intérieur en vigueur au sein de la Société : l'article 9.9 - Respect des personnes prévoit que 'chaque salarié doit se montrer avenant, faire constamment preuve de politesse, de disponibilité, et d'amabilité à l'égard de l'ensemble de ses interlocuteurs, et ce, a fortiori dans le cadre de notre entreprise de service, il est en outre tenu de faire preuve du plus grand respect vis-à-vis d'autrui. il doit donc s'abstenir de toute attitude ou acte insultant ou injurieux à l'égard des autres salariés, il doit de même s'abstenir de se livrer, à l'encontre de ces mêmes personnes, à toute plaisanterie blessante ou violence susceptible de provoquer des accidents matériels ou corporels'.

Vous n'avez également pas respecté le Code de déontologie applicable à notre Profession, en plusieurs articles d'ailleurs :

L'article R.631-8 Respect et Loyauté 'les acteurs de la sécurité privée font preuve entre eux de respect et de loyauté. Dans cet esprit, ils recherchent le règlement amiable de tout litige'L'article R.631-7 attitude professionnelle : 'en toute circonstance, les acteurs de la sécurité privée s'interdisent d'agir contrairement à la probité, à l'honneur, et à la dignité. Ils font preuve de discernement et d'humanité. Ils agissent avec professionalisme (...)'

Il est inacceptable que vous vous permettiez de tels actes. En aucun cas, vous ne pouvez adopter un tel comportement Insultant vis-à-vis d'un autre salarié, et ce, quel qu'en soit le motif.

Il est intolérable que vous vous permettiez de régler vos problèmes relationnels en privilégiant la violence verbale.

De plus, ce n'est malheureusement pas la première fois que nous sommes confrontés à des manquements de votre part puisque nous avons déjà été confrontés à des précédents vous concernant. Vous avez fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de cinq jours notifiée en date du 25 septembre 2015 pour des faits similaires. Cependant vous ne semblez nullement en avoir tenu compte !

La gravité des fautes qui vous sont reprochées empêche votre maintien dans l'entreprise, fût-ce même pendant la durée d'un préavis. C'est la raison pour laquelle nous vous notifions par le présent courrier votre licenciement pour faute grave.'(...)

En l'espèce, il est établi que M. [P] [I] a été victime d'une agression sur le site dont il assurait la surveillance mobile dans la nuit du 6 au 7 juin 2018, que par courrier du 12 octobre 2018, la CPAM de Loire Atlantique a notifié à l'intéressé sa décision de reconnaissance du caractère professionnel de cette agression pour laquelle, M. [I] avait établi une main courante sur le recueil établi à cette fin et déposé plainte le 8 juin 2018, qu'après avoir repris son poste les nuits des 11 au 12 juin et du 12 au 13 juin, il ne s'est pas représenté sur son lieu de travail le 13 juin 2018 au soir.

Il est également établi que ce n'est qu'à la suite de la découverte par un autre agent le 17 juin 2018 de l'absence de mention pour les deux nuits précédentes que l'employeur a eu connaissance de la défection du salarié et l'a fait appeler par l'astreinte à laquelle il a indiqué être en arrêt de travail.

L'arrêt de travail initial pour maladie établi le 13 juin 2018 et adressé en lettre simple, que l'employeur soutient avoir reçu avec retard, n'est pas produit au débat, de sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier la date du cachet de réception de ce courrier par l'employeur et par conséquent de vérifier si le salarié l'aurait adressé tardivement, au delà les 48 heures de l'article 10.1 du règlement Intérieur de la société.

Il est par ailleurs reproché au salarié de ne pas avoir averti sa hiérarchie de son impossibilité de reprendre son poste et d'avoir placé la société dans une situation difficile au regard de ses obligations contractuelles à l'égard de son client.

Or, l'employeur invoque à l'encontre du salarié plusieurs antécédents disciplinaires dont un seul pouvait l'être puisqu'antérieur de moins de trois ans, lui infligeant une mise à pied de cinq jours pour avoir à tort sollicité l'intervention de l'astreinte maîtrise sans passer par le numéro d'urgence, de sorte qu'en dépit de ce précédent, il doit être admis que dans les circonstances rapportées, le salarié ait omis d'alerter immédiatement sa hiérarchie, se contentant de lui adresser son arrêt de travail.

En outre, le salarié souligne à juste titre, que non seulement l'absence de mise en service du téléphone de protection travailleur isolé n'a suscité aucune réaction de la télésurveillance de la société mais également qu'avant le 17 juin 2018, la relève n'a pas signalé l'absence de prise de poste des 15 et 16 juin 2018.

Par ailleurs, s'il ne résulte des pièces produites aucun élément permettant de considérer que l'employeur ait été rendu destinataire de la plainte déposée le 8 juin 2018 par M. [P] [I], il doit être observé que l'intéressé a relaté avec précision avec des repères chronologiques sur le registre de main courante mis à sa disposition par l'employeur, l'ensemble des faits survenus entre 19h55 correspondant au début de l'agression et 2h45 correspondant à l'heure de départ des militaires du PSIG, sans susciter la moindre interrogation de la part de l'employeur, y compris après l'appel du salarié ayant constaté les absences de l'intéressé les nuits précédentes, mis à part sur la réalité des faits dans le cadre de la déclaration avec réserve de l'accident du travail à la CPAM.

Dans les circonstances rapportées et dans le silence de l'employeur à ce titre, le grief imputé à ce titre au salarié concernant le défaut d'information de son employeur, n'est pas établi.

En revanche, les propos crus et inélégants adressés à la salariée qui l'interrogeait sur son absence par téléphone, avant de raccrocher, ne sont pas discutés.

En effet, il est établi que le dimanche 17 juin 2018 à 11h31, M. [P] [I] a rappelé l'astreinte pour lui demander ' Comment ça se fait que vous ne vous en rendez compte que maintenant ' Je ne suis pas venu ni vendredi, ni samedi' et ajouté à la suite de sa réponse "non, non, mais je suis en arrêt de travail, allez-vous faire enculer !".

Dans ces conditions et nonobstant les troubles post traumatiques invoqués par le salarié et l'établissement postérieur d'un diagnostic évoquant une hypothèse d'évolution de l'humeur vers un schéma de bi-polarité, le manquement imputé au salarié est établi, le milieu professionnel considéré imposant au salarié confronté à des situations susceptibles de dégénérer, de se maîtriser et de faire preuve entre eux de respect et de loyauté, ce que ne caractérisent pas les propos tenus.

A cet égard, l'employeur rappelle à juste titre que le salarié a déjà fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de 5 jours le 25 septembre 2015 concernant des faits similaires survenus le 18 août 2015 et le 27 août 2015, au cours desquels M. [P] [I] a fait preuve d'énervement à l'égard d'un autre salarié, en le traitant de 'con' , en lui disant 'ferme ta gueule' et en mentionnant sur la main courante ' bravo l'artiste... tu as déconné, c'est évident' mais surtout utilisé des propos à connotation scatologique à l'adresse de Mme [R] [M], Directrice d'agence, lors d'un échange téléphonique avec Mme [X] concernant sa convocation à un entretien préalable dans les termes suivants : 'tu lui diras qu'elle me fait chier'.

La réitération d'un tel comportement à l'égard de ses interlocuteurs ou interlocutrices qu'il s'agisse de collègues ou de membres de sa hiérarchie, alors qu'il avait fait l'objet d'une mise à pied de cinq jours à ce titre, confère à ce manquement imputé au salarié qui n'en a pas tenu compte, un degré de gravité faisant obstacle à la poursuite de son contrat de travail.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer le licenciement fondé sur une faute grave et de débouter M. [P] [I] des demandes formulées à ce titre.

Sur le préjudice distinct :

En l'espèce, le salarié formule une demande à ce titre au terme du dispositif de ses écritures mais sans aucun développement à l'appui des prétentions formulées à ce titre. Il y a lieu par conséquent de le débouter de cette demande.

Sur la demande de remboursement de la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE :

Le présent arrêt constitue, pour la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE, un titre suffisant pour obtenir restitution par M. [P] [I] de toutes les sommes perçues en exécution du jugement infirmé, il n'y a donc pas lieu d'ordonner un tel remboursement, la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE étant déboutée de la demande formulée à ce titre.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties doivent par conséquent être déboutées de leurs demandes formulées à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DÉBOUTE M. [P] [I] de l'ensemble de ses demandes,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

DÉBOUTE la SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE de sa demande de remboursement,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE M. [P] [I] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/01530
Date de la décision : 03/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-03;20.01530 ?
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