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03/04/2023 | FRANCE | N°19/08309

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 03 avril 2023, 19/08309


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°133



N° RG 19/08309 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-QLKO













SA MIDI AUTO [Localité 5]



C/



M. [H] [N]

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 0

3 AVRIL 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°133

N° RG 19/08309 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-QLKO

SA MIDI AUTO [Localité 5]

C/

M. [H] [N]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Février 2023

devant Messieurs Rémy LE DONGE L'HENORET et Philippe BELLOIR, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties,et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [Y] [I], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La SA MIDI AUTO [Localité 5] prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Ayant Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée par Me Matthieu PIGEON, Avocat au Barreau de VANNES substituant à l'audience Me Catherine TERRIAC, Avocat plaidant du Barreau de BRIVE

INTIMÉ :

Monsieur [H] [N]

né le 02 Mai 1962 à [Localité 1] (29)

demeurant [Adresse 4]

[Localité 1]

Ayant Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représenté par Me Anne-Cécile VEILLARD, Avocat au Barreau de VANNES, substituant à l'audience Me Sandrine CARON-LE QUERE, Avocat plaidant du Barreau de LORIENT

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 1990, M. [N] a été engagé en qualité de Vendeur par la société S.C.A.O., en dernier lieu, il exerçait les fonctions de vendeur de véhicules d'occasion, Agent de maîtrise, échelon 17, au sein de la SA MIDI AUTO [Localité 5], société ayant succédé à la société S.C.A.O. et appartenant au Groupe MIDI AUTO.

Les relations de travail entre les parties sont régies par la Convention collective nationale de l'automobile.

A compter du 5 janvier 2018, M. [N] s'est retrouvé en arrêt maladie.

Le médecin du travail a déclaré M. [N] inapte suivant avis du 20 mars 2018.

Suivant courrier du 28 mars 2018, la SA MIDI AUTO [Localité 5] indiquait à M. [N] que le médecin du travail avait confirmé la dispense de solution de reclassement à proposer au sein du Groupe MIDI AUTO et qu'il fallait engager une procédure de licenciement.

Par courrier du 16 avril 2018, la SA MIDI AUTO [Localité 5] a procédé au licenciement de M. [N] pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 5 novembre 2018, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Lorient aux fins de :

' Condamner la SA MIDI AUTO [Localité 5] à verser :

- 17.121,60 € brut de rappel de salaire sur 3 ans,

- 1.712,16 € brut de congés payés afférents,

- 10.898 € de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation en matière de contrepartie obligatoire pour les années 2015, 2016, 2017,

- 18.657 € de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 10.000 € de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de la Convention collective nationale de l'automobile et des art. L3121-33, L312l-38 du code du travail,

' Dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l'employeur,

' Condamner la SA MIDI AUTO [Localité 5] à verser :

- 59.000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 6.214,24 € brut d'indemnité compensatrice de préavis,

- 621,42 € brut de congés payés afférents,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour est saisie d'un appel formé le 24 décembre 2020 par la SA MIDI AUTO [Localité 5] à l'encontre du jugement du 25 novembre 2019, par lequel le conseil de prud'hommes de Lorient a :

' Dit et jugé que le licenciement de M. [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' Condamné la SA MIDI AUTO [Localité 5] à payer à M. [N] les sommes suivantes :

- 17.121,60 € brut au titre du rappel de salaire sur 3 ans,

- 1.712,16 € brut au titre des congés payés afférents,

- 10.898 € au titre des dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation en matière de contrepartie obligatoire pour les années 2015, 2016, 2017,

- 18.657 € au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 5.000 € au titre des dommages- intérêts pour non-respect des dispositions de la Convention collective nationale de l'automobile et des articles L.3121-33, L.3121-38 du code du travail,

- 59.000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 6.214,24 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 621,42 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Rappelé que l'exécution provisoire est de droit en application de l'article R.1454-28 du code du travail,

' Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [N] à la somme de 3.110 €,

' Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du jugement et celles à caractère salarial à compter du 07 novembre 2018,

' Ordonné le remboursement par la SA MIDI AUTO [Localité 5] des indemnités de chômage versées par Pôle Emploi dans la limite de 3 mois de salaires,

' Débouté M. [N] de ses demandes plus amples,

' Débouté la SA MIDI AUTO [Localité 5] de sa demande reconventionnelle,

' Condamné la SA MIDI AUTO [Localité 5] aux dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 17 janvier 2023, suivant lesquelles la SA MIDI AUTO [Localité 5] demande à la cour de :

' Recevoir la SA MIDI AUTO [Localité 5] en ses conclusions, les dire fondées et y faire droit ;

' Infirmer tous les chefs du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Lorient du 25 novembre 2019,

' Dire et juger le licenciement de M. [N] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

' Le débouter de ses demandes financières subséquentes, à savoir les sommes de :

- 59.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 6.214,24 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis (deux mois) et la somme de 621,42 € brut à titre de congés payés afférents,

' Constater que la demande présentée par M. [N] relative à la réalisation d'heures supplémentaires est, pour partie, frappée de prescription,

' Le débouter purement et simplement de sa demande de :

- rappel de salaire et indemnité compensatrice de congés payés s'y rapportant relative à la réalisation d'heures supplémentaires sur la période antérieure au 6 novembre 2015,

- dommages et intérêts pour contrepartie obligatoire en repos relative à l'année civile 2015,

En tout état de cause,

' Dire et juger M. [N] mal fondé dans ses demandes présentées à titre d'heures supplémentaires ;

' Le débouter de ses demandes financières subséquentes, à savoir :

- 17.121,60 € brut au titre d'un rappel de salaire sur 3 ans,

- 1.712,16 € € brut au titre des congés payés afférents,

- 10.898 € à titre des dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation en matière de contrepartie obligatoire en repos pour les années 2015, 2016 et 2017,

- 18.657 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 5.000 € à titre des dommages et intérêts pour non-respect des dispositions de la Convention collective nationale de l'automobile et des articles L. 3121-33 et L. 3121-38 du code du travail,

' Débouter M. [N] de sa demande de paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner M. [N] à verser à la SA MIDI AUTO [Localité 5] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 21 décembre 2022, suivant lesquelles M. [N] demande à la cour de :

' Confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

' Condamner la SA MIDI AUTO [Localité 5] à verser à M. [N] une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2023.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

1 - Sur les heures supplémentaires

Sur la prescription

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Au regard de la disposition précitée, c'est la date de rupture de son contrat de travail qui détermine rétroactivement quelles sont les créances salariales sur lesquelles cette action peut porter, c'est-à-dire uniquement celles nées au cours des trois années précédant la rupture. Le salarié doit saisir le juge avant l'expiration des trois ans suivant cette rupture.

En l'espèce, le licenciement est intervenu le 16 avril 2018. Ainsi pour être recevable, la demande du salarié au titre de rappels d'heures supplémentaires ne pouvait porter que sur les créances salariales dues à compter du 16 avril 2015.

M. [N] est donc recevable uniquement pour le paiement d'heures supplémentaires pour la période de 16 avril 2015 au 16 avril 2018. Le jugement est confirmé de ce chef.

S'agissant de l'opposabilité de la convention de forfait

L'article L. 3121-42 du code du travail dispose que 'Peuvent conclure une convention de forfait en heures sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail applicable aux conventions individuelles de forfait fixée par l'accord collectif :

1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.'

Aux termes de l'article 6-03 de la convention collective de l'automobile, il est distingué deux types de vendeur :

' a - Salariés chargés de prospecter et visiter la clientèle, et autres salariés itinérants

L'activité du salarié, qui s'exerce principalement hors des locaux de l'entreprise, est caractérisée par la difficulté de contrôler le nombre d'heures de travail nécessaire pour accomplir les missions qui lui sont confiées, ce nombre ne pouvant être prédéterminé puisque l'activité est soumise aux aléas de la durée des trajets et des délais d'attente. En outre, les exigences de la clientèle qui s'imposent à ces salariés rendent illusoire toute évaluation précise, a priori et a posteriori, des temps de travail.

De ce fait, le travail peut être organisé :

- soit conformément aux dispositions de l'article 1-09 d) à g), selon les contraintes particulières de l'activité et le degré d'autonomie de l'intéressé ;

- soit dans le cadre d'un temps de travail individuel mesuré hebdomadairement.

b - Salariés affectés à un hall ou un magasin d'exposition

Cette activité d'accueil, de renseignement et/ou de négociation, sans activité particulière à l'extérieur, est réalisée dans le cadre d'un horaire de travail prescrit. En conséquence, l'employeur doit définir et mettre en oeuvre, pour cette catégorie de personnel, les modalités concrètes de mesure du temps de travail conformément aux dispositions de l'article 1-09 a). L'horaire de ce salarié est l'horaire collectif, ou un forfait conforme à l'article 1-09 d) ou e)'.

L'article 1-09 de la même convention auquel renvoie l'article 6-03 a) précise :

'Hormis les cas expressément prévus par la présente Convention collective, le décompte des heures de travail est obligatoire. Ce décompte est assuré soit par un système d'enregistrement automatique fiable et infalsifiable, soit par tout autre système imposé par l'employeur ou établi par le salarié lui-même sous la responsabilité de l'employeur'.

En l'espèce, le contrat de travail de M. [N], modifié en 2001, dispose en son article 2 relatif à la durée du travail que compte tenu de ses déplacements il 'bénéficie, à compter du 31 décembre 2001 d'une réduction effective de son temps de travail sous la forme d'une convention individuelle de forfait sur la base d'une durée annuelle de 1730 heures (1600 heures + 130 heures au titre de du contingent annuel légal d'heures supplémentaires, nonobstant le droit pour l'employeur de recourir au contingent conventionnel)'.

Cependant, hormis ces dispositions concernant la soumission de M. [N] à un forfait annuel en heures, il n'est pas produit le décompte des heures que l'employeur doit remettre au salarié et depuis le 1er juin 2009 n'est plus un salarié itinérant pour travailler exclusivement comme vendeur en magasin de véhicule d'occasion.

Il résulte de ces développements que le système de forfait en heures figurant au contrat de travail de M. [N], ne lui est pas opposable, de sorte qu'il est fondé à réclamer le règlement des heures supplémentaires qu'il estime avoir exécutées au delà de la durée légale du travail.

S'agissant des heures supplémentaires

Selon l'article L. 3121-10 du code du travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civile ; l'article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 %.

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut être inférieur à 10 %.

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [N] produit un document récapitulatif des horaires journaliers (pièce n°4), des photos des horaires d'ouverture de la concession (pièces n°5 et 6) et les tableaux de calculs de heures supplémentaires pour la période considérée (pièce n°28) sans que lui soient opposés d'autres éléments de nature à les remettre en cause.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont fait droit aux prétentions de M. [N], la décision entreprise étant confirmée en ce qui concerne les heures supplémentaires.

2 - Sur le repos compensateur

L'article L.3221-6 du code du travail dispose que 'dans les entreprises de plus de 20 salariés, les heures supplémentaires accomplies à l'intérieur du contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel ou réglementaires, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire.

La durée de ce repos est égale à 50% de chaque heure supplémentaire accomplie au-delà de quarante et une heure. Cette durée est portée à 100% pour chaque heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent'.

Toutefois, ces dispositions ne sont applicables qu'aux seules heures supplémentaires, l'article L 3123-19 du code du travail précité ne prévoyant aucune disposition relative au repos compensateur.

En application des articles L3121-11 et suivants, D3121-14-1 et suivants du code du travail, le contingent annuel d'heures supplémentaires est défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche. A défaut d'accord, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures par salarié. Au delà de ce contingent, les heures supplémentaires ouvrent droit à un repos compensateur équivalent ou à une majoration salariale.

En ce qui concerne la contre-partie en repos obligatoire, la SA MIDI AUTO [Localité 5] ne fait valoir en cause d'appel aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause la décision rendue par les premiers juges au terme d'une analyse approfondie des faits et d'une exacte application du droit par des motifs pertinents que la cour adopte ; la décision entreprise étant confirmée de ce chef.

3- Sur l'indemnité pour travail dissimulé

En vertu des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, le fait se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé.

En application de l'article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l'article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il résulte des dispositions ci-dessus rappelées que la charge de la preuve du caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi incombe au salarié qui l'invoque.

En l'espèce, nonobstant l'absence de portée des arguments invoqués par l'employeur, le seul fait que le salarié était vendeur en magasin de véhicule d'occasion et qu'il travaillait donc sous le contrôle de son employeur ne peut à lui seul, en l'absence de réclamation du salarié à ce titre pendant l'exécution de son contrat de travail, permettre de retenir le caractère intentionnel exigé par les dispositions précitées.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris de ce chef.

4 - Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect des dispositions de la convention collective

M. [N] se plaint de ce que le non-respect par l'employeur des dispositions de la convention collective lui a causé un préjudice en faisant valoir qu'il a été amené à effectuer d'importantes semaines de travail.

Ces éléments d'appréciation, justifiés par les pièces produites et non discutées, sont de nature à établir que M. [N] s'est trouvé à plusieurs reprises privé d'un temps de repos suffisant qui lui a causé un préjudice certain en raison du trouble apporté dans sa vie personnelle. Il lui sera alloué la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts, le jugement devant être réformé sur le quantum.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur l'obligation de sécurité

M. [N] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse aux motifs que son inaptitude est la conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, expliquant qu'il accomplissait des heures supplémentaires et ne bénéficiait pas de la contrepartie obligatoire en repos ainsi que du management humiliant de l'employeur.

La SA MIDI AUTO [Localité 5] réplique, en substance, que M. [N] illustre les méthodes de ses supérieurs hiérarchiques, qu'il qualifie d'humiliantes et dont il affirme qu'elles sont à l'origine de l'inaptitude prononcée, au moyen uniquement de deux pièces. L'employeur ajoute que les pièces médicales sont insuffisantes.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l'article L 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Lorsque l'inaptitude du salarié a pour origine un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement, prononcé pour ce motif, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, s'agissant des heures supplémentaires, il est établi par le présent arrêt que M. [N] a accompli des heures supplémentaires sans contrepartie de repos depuis de nombreuses années. Or, le médecin du travail a examiné le salarié alors qu'il effectuait déjà 42 heures de travail hebdomadaires et n'a fait aucune observation à ce sujet, de sorte que le salarié n'établit pas que le volume anormal de travail pendant plusieurs années ait un lien avec l'inaptitude constatée.

S'agissant des méthodes humiliantes des supérieurs hiérarchiques, il sera observé que M. [N] produit à ce sujet :

- une note du directeur, M. [O], non datée et adressée à tous les vendeurs qui a pour objet de préparer la visite à venir de M. [F], en insistant auprès de tous les vendeurs de la concession, pour qu'ils veillent à bien se conformer aux exigences du constructeur et aux méthodes de travail du Groupe, en ce qui concerne la partie administrative de leur métier et ce qui conclut de la manière suivante 'Sachant que je me suis entouré de gens à mon image, je sais que je peux compter sur vous, mais comme le disait ma grand-mère [C]' un homme avertit en vaux deux et si tu n'es pas d'accord c'est une balle entre les deux yeux' (pièce n°19) ;

- un état annoté (pièce n°18) par M. [U], Responsable des véhicules d'occasion de la concession, relatif aux réalisations de chaque vendeur des concessions de [Localité 7], [Localité 6], [Localité 5], et [Localité 3] du Groupe MIDI AUTO pour les mois de septembre et décembre 2014 en comparaison des écarts avec les mois de septembre et décembre 2013 où pour M. [N] il est indiqué les commentaires suivants :

* sur le premier tableau 'inadmissible Maxi 2 mois, Pour Réagir après cette date, mise en place d'une procédure',

* sur le deuxième tableau 'il faut arrêter les dégâts'.

Force est de constater que la note de service non datée de l'employeur ne stigmatise pas M. [N] pas plus qu'un autre salarié et qu'elle traduit seulement les prérogatives d'un employeur demandant à ses collaborateurs de se conformer aux consignes de travail existantes avec une conclusion empreinte de maladresse et non d'humour au second degré comme le prétend l'employeur.

Par ailleurs, l'état annoté du mois de décembre 2014 ne peut constituer la cause d'une inaptitude prononcée presque 4 ans après au mois de mars 2018, d'autant plus que le dossier médical de la médecine du travail produit par le salarié (pièce n°24), établit que lors de sa visite médicale du 12 janvier 2015 avec le docteur [L], M. [N] n'évoque pas ce management humiliant pas plus que lors de son entretien infirmier avec Mme [R] le 28 novembre 2017.

Les pièces produites par le salarié ne permettent pas de caractériser un lien entre le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur ou les conditions de travail dénoncés par M. [N] et son inaptitude, étant souligné que l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 20 mars 2018 ne fait pas ressortir un tel lien, et étant rappelé que le médecin traitant peut rapporter les dires de son patient et constater son état médical, mais non se prononcer sur l'origine de celui-ci, dès lors qu'il est extérieur à l'entreprise.

En l'état de ces éléments, il n'est pas caractérisé que l'inaptitude soit consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de juger par infirmation du jugement entrepris que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne rend pas le licenciement de M. [N], sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'obligation de reclassement

Le salarié expose que l'employeur ne lui a fait aucune proposition de reclassement, se reposant exclusivement sur l'avis du médecin du travail. Il affirme que l'employeur n'a pas effectué de recherche au sein du groupe.

L'employeur réplique qu'il rentre dans les deux cas légaux de dispense de l'obligation de recherche de reclassement à la charge de l'employeur mis en place par le législateur depuis le 1er janvier 2017.

L'article L. 1226-2 du code du travail dispose que lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4 à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L'article L.1226-2-1 du même code dispose que lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. (...)

En l'espèce, le médecin du travail, le docteur [K], a émis un avis d'inaptitude à l'égard de M. [N] à l'occasion de la visite du 20 mars 2018 libellé comme suit :

'Inapte au poste de travail ; LE MAINTIEN DU SALAIRE A SON POSTE DE TRAVAIL EST PREJUDICIABLE A SA SANTE ET FAIT OBSTACLE A TOUT RECLASSEMENT DANS L'EMPLOI.

Confirmation de l'inaptitude au poste de vendeur automobile et à toute activité au sein de la société MIDI AUTO après étude du poste de travail, des conditions de travail et entretien avec l'employeur en date du 20 mars 2018. Mise à jour de la fiche d'entreprise en cours. Art. R 4624642 du Code du travail.'

Au visa des textes précités, le médecin du travail a coché sur l'avis du 20 mars 20218 les deux cas de dispense, à savoir :

- 'Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'

- 'L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi/dans l'emploi'

La SA MIDI AUTO justifie avoir sollicité le médecin du travail le 26 mars 2018 par lettre recommandée avec accusé réception en ces termes : '(...) Si nous avons pris bonne note de votre avis et, notamment, de la dispense de recherche de solutions de reclassement au sein de la société MIDI AUTO [Localité 5] (vous avez, en effet, coché les cas de dispense de l'obligation de reclassement prévus par la loi), nous voudrions savoir si cette dispense vaut également vis à-vis des autres sociétés du groupe MIDI AUTO auquel nous appartenons'.

Le médecin du travail a précisé dans un courrier du même jour, en réponse à cette demande tendant à savoir si l'employeur était bien dispensé de son obligation de reclassement : 'je vous confirme que la dispense de recherche de solutions de reclassement au sein de la société MIDI AUTO [Localité 5], est valable pour les autres sociétés du groupe MIDI AUTO'.

Les préconisations faites par le médecin du travail dispensaient la SA MIDI AUTO [Localité 5] de son obligation de reclassement à l'égard de M. [N] au sein de la société et du groupe auquel elle appartient.

Dès lors, l'employeur n'a pas manqué à son obligation de reclassement.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; l'employeur, qui succombe en partie en appel, doit être débouté de la demande formulée à ce titre et condamné à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

JUGE le licenciement de M. [H] [N] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

JUGE que la SA MIDI AUTO [Localité 5] n'a pas manqué à son obligation de reclassement ;

DÉBOUTE M. [H] [N] de ses demandes financières relatives aux dommages et intérêts pour licenciement abusif, à l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

DÉBOUTE M. [H] [N] de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

CONDAMNE la SA MIDI AUTO [Localité 5] à verser à M. [H] [N] la somme de 1.500 € à titre des dommages et intérêts pour non-respect des dispositions de la convention collective nationale de l'Automobile ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SA MIDI AUTO [Localité 5] à verser à M. [H] [N] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

DÉBOUTE la SA MIDI AUTO [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA MIDI AUTO [Localité 5] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/08309
Date de la décision : 03/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-03;19.08309 ?
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