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03/04/2023 | FRANCE | N°19/07540

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 03 avril 2023, 19/07540


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°138



N° RG 19/07540 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-QINR













M. [X] [H]



C/



SAS BOIS ET MATERIAUX

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 AVR

IL 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 21 O...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°138

N° RG 19/07540 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-QINR

M. [X] [H]

C/

SAS BOIS ET MATERIAUX

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Octobre 2022

devant Madame Gaëlle DEJOIE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Avril 2023, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 02 Février précédent, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [X] [H]

né le 13 Décembre 1967 à [Localité 6] (44)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Pierre-Henri MARTERET, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE

INTIMÉE :

La SAS BOIS ET MATERIAUX prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Sandrine VIVIER substituant à l'audience Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Estelle GOURNAY, Avocat au Barreau de RENNES, substituant à l'audience Me Marilia DURAND, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

M. [X] [H] a été embauché dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 2 juillet 2012 par la S.N.C. WOSELEY FRANCE BOIS ET MATERIAUX (RCS Rennes 318 649 043) en qualité de chauffeur, classé catégorie ouvrier, niveau 3 échelon G coefficient 135 de la classification du personnel ouvrier annexée à la convention collective nationale du négoce de bois d''uvre et produits dérivés.

Selon un avenant du 1er juillet 2013, M. [H] était affecté à l'agence de Missilac.

A compter du 1er décembre 2014 , le contrat de M. [H] a été transféré à la SAS BOIS & MATÉRIAUX (RCS Rennes 410 173 298), créée quelques mois plus tôt pour reprendre en location gérance une partie des agences RÉSEAU PRO, dont l'agence de [Localité 4].

Au cours des années 2014 et 2015, M. [H] la SAS BOIS ET MATÉRIAUX s'est vu notifier plusieurs avertissements qu'il n'a pas contestés.

Le 20 juillet 2016, M. [H] a adressé à la SAS BOIS ET MATÉRIAUX une demande de rappel de salaires au titre d'heures supplémentaires non rémunérées ni compensées par l'attribution de repos compensateurs.

Le 26 octobre 2016, M. [H] a notifié à la SAS BOIS ET MATÉRIAUX la prise d'acte de rupture de son contrat de travail notamment pour non paiement de ses heures supplémentaires, cette rupture prenant effet le 26 novembre 2016 compte tenu du préavis d'un mois.

Le 2 novembre 2016, la SAS BOIS ET MATÉRIAUX a accusé réception de la prise d'acte et contesté les griefs invoqués par M. [H].

M. [H] a saisi le 24 septembre 2018 le Conseil de Prud'hommes de SAINT NAZAIRE aux fins de voir essentiellement :

' qualifier la prise d'acte du 26 octobre 2016 en rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement irrégulier et sans cause réelle,

' condamner la société BOIS & MATÉRIAUX à régler à M. [H] les sommes de :

- 1.582,58 € à titre de rappel de salaire,

- 158,26 € au titre des congés payés sur rappel de salaire,

- l.639,34 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 163,93€ au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

-1.448,49 € nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 20.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,

- 9.836,04 € à titre d'indemnité en application de l'article 8223-1 du code du travail,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par M. [H] le 19 novembre 2019 du jugement du 4 novembre 2019 par lequel le Conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire a :

' dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail liant M. [H] à la société BOIS & MATÉRIAUX intervenue par lettre du 26 octobre 2016 s'analyse en une démission,

' débouté M. [H] de l'ensemble de ses demandes,

' condamné M. [H] à verser à la SAS BOIS MATÉRIAUX la somme de 1.639.34 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' débouté la SAS BOIS ET MATÉRIAUX de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' mis les dépens à la charge de M. [H].

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022 suivant lesquelles M. [H] demande à la cour de :

' réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Saint-Nazaire le 4 novembre 2019 en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail liant M. [H] à la société BOIS & MATÉRIAUX intervenue par lettre du 26 octobre 2016 s'analyse en une démission,

- débouté M. [H] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [H] à verser à la SAS BOIS & MATÉRIAUX la somme de 1.639,34 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- mis les dépens à la charge de M. [H],

' qualifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui liait M.[H] à la société BOIS & MATÉRIAUX, intervenue par lettre de M. [H] du 26 octobre 2016, de licenciement irrégulier et sans cause réelle,

' condamner la société BOIS & MATÉRIAUX à régler à M. [H] les sommes suivantes :

- 1.582,58 € brut à titre de rappel de salaire,

- 158,26 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire,

- 1.639,34 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-163,93 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

- 1.448,49 € nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 20.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,

- 9.836,04 € à titre d'indemnité en application de l'article 8223-1 du code du travail,

- 4.000,00 € à titre de article 700 du code de procédure civile,

' condamner la société BOIS & MATÉRIAUX à transmettre à M. [H] les documents suivants, sous astreinte de 100 € par jour de retard pour chaque document, passé un délai de huit jours suivant la notification de la décision à intervenir : bulletin(s) de paie correspondant au rappel de salaire, indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire, à l'indemnité compensatrice de préavis, à l'indemnité compensatrice de congés payés, à l'indemnité compensatrice de congés payés et à l'indemnité de licenciement'; attestation d'assurance chômage destinée à Pôle Emploi conforme à la décision à intervenir,

' dire et juger prescrite en application de l'article L.1471-1 du code du travail et en toute hypothèse (vu notamment l'article 35 de la CCN du négoce de bois d''uvre et de produits dérivés) mal fondée et abusive la demande de condamnation formée à l'encontre de M. [H] par la société BOIS & MATÉRIAUX à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' débouter la société BOIS & MATÉRIAUX de toutes ses demandes et de son appel incident portant sur les frais irrépétibles de première instance,

' en toute hypothèse, condamner la société BOIS & MATÉRIAUX à régler à M. [H] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel et la condamner aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 3 octobre 2022 suivant lesquelles la société BOIS ET MATÉRIAUX demande à la cour de :

' confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

' juger que la prise d'acte de M. [H] doit s'analyser en une démission,

' juger non fondées les demandes de M. [H],

' débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes,

' réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'article 700 et condamner M. [H] à payer une somme de 3.500, € à la société au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en première instance,

' condamner M. [H] à payer une somme de 3.500 € à la société au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,

' condamner M. [H] aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 6 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur les demandes de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires

M. [H] soutient pour infirmation que la société BOIS & MATÉRIAUX, qui ne conteste pas l'existence d'heures de travail de livraison avec un véhicule non pourvu d'un chronotachygraphe ni celle de préparation administrative des commandes, ne justifie pas des heures effectuées au-delà de celles enregistrées automatiquement pas le chronotachygraphe s'agissant des seules heures de conduite et ne fournit pas d'éléments qui viendraient contredire les relevés produits par le salarié, dont il résulte que lui reste due la somme de 1.582,58 € au titre des heures supplémentaires impayées, ouvrant droit à congés payés pour 10'%.

La SAS BOIS & MATÉRIAUX soutient pour confirmation que les décomptes qu'elle produit montrent que l'ensemble des heures supplémentaires dues à M. [H] lui ont été payées'; que les relevés d'heures qu'il a joint à ses dernières écritures n'ont pas été contradictoirement établis, puisqu'ils n'ont pas été signés par sa hiérarchie.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

En l'espèce, M. [H] produit':

- son courrier du 20 juillet 2016 (pièce n°5) la régularisation du paiement des «'197 heures supplémentaires non réglées réalisées sur la période de juillet 2013 à décembre 2014'» en demandant à son employeur de lui indiquer si ces heures donneraient lieu «'à repos compensateur ou seront rémunérées'»,

- la réponse de la SAS BOIS & MATÉRIAUX, accusant réception du courrier précédent et répondant le 25 juillet 2016 (pièce n°6)': « nous reviendrons'ultérieurement sur votre demande d'heures supplémentaires entre juillet 2013 et décembre 2014, faite de manière opportune dans ce courrier, lorsque nous aurons récupéré l'ensemble de vos feuilles de relevé d'heures'».

- son courrier non daté en réponse au précédent (conf également pièce n°20 de l'intimée) dans lequel il rappelle que les «'feuilles de relevés d'heures ont été transmises il y a fort longtemps'» et indique transmettre «'une nouvelle fois les feuilles d'heures pour la période de juillet 2013 à décembre 2014, ainsi que la période de janvier 2016 à juillet 2016'»,

- son courrier du 26 octobre 2016, de prise d'acte (pièce n°8), dans lequel il a précisé':

«'- pour les 200 heures supplémentaires réalisées depuis le 25 juillet 2013 jusqu'au 31 décembre 2014 je n'ai bénéficié d'aucun repos compensateur et n'ai reçu aucune rémunération

- pour les 151,5 heures supplémentaires réalisées en 2015, je n'ai bénéficié que de 53,5 heures de repos compensateur et d'aucune rémunération supplémentaire

- et pour les heures réalisées en 2016, je n'ai bénéficié à ce jour que mois de la moitié d'heures de repos compensateur'»,

- le courrier de son employeur du 2 novembre 2016 (pièce n°10) «'pren[ant] acte de la rupture [du] contrat de travail mais contest[ant] les griefs invoqués'», reconnaissant un «'litige sur les heures supplémentaires'(...) à la fois sur leur réalité puisqu'elles ne correspondent pas toutes à des heures effectuées à la demande de votre hiérarchie (') mais également quand à (sic) leur décompte'» et ajoutant': «'Nous ne refusons donc pas de vous faire bénéficiez (sic) de repos compensateur de remplacement, mais sommes simplement en'désaccord sur les relevés d'heures que vous nous transmettez'»,

- le courrier du 14 décembre 2016 de la SA BOIS & MATÉRIAUX (pièce du salarié n°11) dans lequel elle fournit en réponse aux arguments de M. [H] le résultat non détaillé de son propre décompte, suivie du paiement en décembre 2016 des 230 heures non rémunérées correspondantes (pièce n°12), étant observé que l'employeur indique dans ses écritures (page 10) en se référant à sa pièce n°32 que son décompte, formulé comme ci-dessous, n'a pas été contesté par l'inspection du travail':

«'- 2013':

* 29.90 heures supplémentaires à 25'%

* 7.60 heures normales

- 2014':

* 84.14 heures supplémentaires à 25'%

*14.60 heures normales

- 2015':

* 60.43 heures supplémentaires à 25'%

*14.04 heures normales

- 2016':

* 8'.45 heures supplémentaires à 25'%

*11.32 heures normales'»

M. [H] produit de nouveau un tableau synthétique (pièce n°15) ainsi que le détail de ses relevés d'heures (pièces n°16, 17, 18 et 19) sur l'ensemble de la période comprise entre le 22 juillet 2013 (semaine 30) et le 25 août 2016 (semaine 34) indiquant, pour chaque jour, les horaires de début et de fin de sa journée de travail ainsi qu'une quantité d'heures supplémentaires par jour travaillé, en précisant les temps de pause, avec la mention des heures effectuées au total sur chaque semaine.

L'employeur conteste les décomptes ainsi versés sans décrire les anomalies ou incohérences qu'il serait susceptible d'y relever, en particulier en comparaison des relevés qu'elle produit (ses pièces n°28 et 31) sur lesquels il ne fait pas apparaître le décompte précis de manière hebdomadaire des heures effectivement accomplies par M. [H] (il en est de même sur le décompte de sa pièce n°32 adressé à la DIRECCTE), sans s'expliquer précisément sur les décomptes hebdomadaires produits par le salarié. Il se réfère ainsi aux relevés du chronotachygraphe qu'elle estime suffisants à caractériser le temps de travail effectif de M. [H], sans s'expliquer sur les heures effectuées au-delà des heures de conduite enregistrées en faisant seulement valoir, au seul motif que les heures de prise de poste coïncideraient «'à de nombreuses reprises'» entre les relevés d'heures de M. [H] et ceux du chronotachygraphe'(page 19 de ses écritures), qu'il «'ne fait aucun doute que M. [H] actionnait son chronotachygraphe pour la réalisation'» des tâches administratives ' non automatiquement enregistrées à défaut de manipulation volontaire du salarié. Les autres critiques de la société concernant la durée des pauses (pages 19 et 20 de ses écritures) dont elle se contente de relever qu'ils ne correspondent pas sur les relevés du chronotachygraphe avec les relevés fournis par M. [H], ne sont pas non plus pertinentes.

La société ne fournit pas dans ces conditions les éléments de réponse suffisants au regard de ceux produits par le salarié, sur la base desquelles elle a en décembre 2016 reconnu la réalité d'un grand nombre d'heures restées impayées depuis 2013 malgré la transmission régulière et ancienne par le salarié de ses relevés d'heures. Elle ne fournit pas le décompte précis des heures dont elle retient la réalisation ni aucun décompte rectifié sur la base de celui fourni par le salarié pour calculer les heures supplémentaires par semaine civile.

Dans ces conditions, les éléments fournis par le salarié sont suffisamment précis pour retenir un nombre plus important d'heures supplémentaires au regard de celles qui lui ont effectivement été réglées par la SAS BOIS & MATÉRIAUX, laissant un reliquat de 63,76 heures pour 2013 et 2014, de 23,53 heures pour 2015 et de 32,73 heures pour 2016.

La société sera donc condamnée à payer à M. [H] la somme de 1.582,58 € brute à titre de rappel de salaires, outre la somme de 158,25 € au titre des congés afférents.

Le jugement entrepris sera en conséquence réformé sur ce point.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Pour infirmation à ce titre, M. [H] reprend l'argumentation relative aux nombreuses heures de travail effectuées non rémunérées en faisant valoir que la SAS BOIS & MATÉRIAUX disposait tant des fiches de pointage que des enregistrements du chronotachygraphe sur lesquels elle a décidé de se baser exclusivement, de sorte que rien ne pouvait justifier que des heures de travail réalisées par M. [H] ne lui soient pas réglées et n'apparaissent pas sur les bulletins de paie qui lui étaient délivrés avant la rupture du contrat de travail.

La société rétorque sur ce point pour confirmation que le salarié ne démontre pas l'existence d'un élément intentionnel dont la charge de la preuve lui revient.

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Selon l'article L.8221-5 du même code en sa rédaction applicable au présent litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

«'1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'»

En l'espèce, il a été précédemment retenu que des heures supplémentaires ont été effectuées par M. [H] sans avoir été rémunérées par l'employeur, alors même que ce dernier était en possession, depuis le début de la relation contractuelle, des relevés précis sur la base desquels le calcul devait être opéré.

Outre que le volume d'heures supplémentaires retenu plus haut est équivalent à celui revendiqué par M. [H], celui-ci justifiant de plusieurs alertes écrites de sa part avec une demande adressée à l'employeur durant l'exécution de son contrat de travail, en juillet 2016, à laquelle il n'a été partiellement fait droit qu'en décembre 2016, après courrier de M. [H] informant l'employeur de sa prise d'acte avec exposé de griefs incluant celui tenant au défaut de paiement de toutes ses heures de travail.

Ces éléments suffisent à caractériser précisément une intention, de la part de l'employeur, de se soustraire aux dispositions légales relatives à l'organisation de son travail. Dans ces circonstances, l'élément intentionnel de l'infraction de travail dissimulé résulte des pièces du dossier et l'infraction de travail dissimulé est donc caractérisée au sens des dispositions légales précitées.

Le jugement entrepris sera infirmé à ce titre, la SAS BOIS & MATÉRIAUX étant condamnée en application de l'article L. 8223-1 du code du travail à payer à M. [H] une indemnité correspondant à six mois de salaire soit la somme non autrement contestée de 9.836,04 €.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat

Pour infirmation sur ce point et indemnisation des conséquences de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [H] vise notamment les griefs tenant aux points examinés ci-dessus concernant l'absence de rémunération de toutes ses heures supplémentaires, ainsi que le refus d'attribution des périodes de repos sollicitées pour la récupération d'une partie de ces heures et la notification d'un avertissement injustement infligé.

La SAS BOIS & MATÉRIAUX rétorque qu'elle n'a pas commis de fautes justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail'; qu'alors que les faits qu'il reproche à son employeur sont particulièrement anciens, M. [H] a précipité la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, sans attendre la position définitive de sa société sur sa demande de rappel de salaires'; que cette précipitation s'explique sans nul doute par un souhait de changement de M. [H], lequel a déménagé en Corse'; qu'il apparaît donc que la prise d'acte de M. [H] était guidée par une volonté de changement d'environnement personnel et non contrainte par les prétendus manquements de la société'; que la prise d'acte de M. [H] n'est pas fondée et doit donc s'analyser en une démission'; que M. [H] reste donc redevable du montant de l'indemnité compensatrice du préavis qu'il n'a pas exécuté.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, ceux d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Il est rappelé que M. [H] a précisément sollicité par écrit le 20 juillet 2016 le paiement ou la compensation en repos de 197 heures non encore rémunérées datant de 2013 et 2014, à laquelle la SAS BOIS & MATÉRIAUX n'a pas répondu pendant la durée d'exécution du contrat, avant de reconnaître l'existence en décembre 2016 de plus de 230 heures restées impayées dont elle a accordé le règlement à son salarié seulement après la prise d'acte par celui-ci de la rupture du contrat et en lui opposant alors une réponse aux griefs formulés.

La rémunération est un élément essentiel du contrat de travail et ne peut être modifiée qu'avec l'accord du salarié. Il s'ensuit qu'en omettant, pendant plusieurs années, malgré la connaissance des relevés d'heures qu'elle avait sollicités de son salarié, de lui verser l'intégralité de sa rémunération, puis en persistant dans ce refus après demande expresse de régularisation de la part de M. [H], la SAS BOIS & MATÉRIAUX a commis un manquement grave à ses obligations envers le salarié, rendant impossible la poursuite du contrat à durée indéterminée selon les conditions convenues, ce qui justifie en conséquence la prise d'acte de M. [H] sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs avancés par le salarié.

Le jugement entrepris sera donc infirmé, la prise d'acte devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément à la demande de M. [H].

Sur les conséquences financières de la rupture du contrat

Au vu des pièces versées et nonobstant le montant des heures supplémentaires ci-dessus examinées, les parties s'accordent sur un salaire de référence s'élevant à 1.639,34 € brut par mois.

Aux termes de l'article 35 de la convention collective nationale du négoce de bois d'oeuvre et de produits dérivés du 17 décembre 1996':

« 1. En cas de rupture du contrat de travail, sauf faute grave ou force majeure, un préavis est dû par la partie qui prend l'initiative de la rupture. Le non-respect de ce préavis réciproque implique le paiement de l'indemnité compensatrice.

2. La durée de ce préavis normal est calculée sur la base de l'horaire de l'établissement ou du service. Elle est de :

- 1 mois pour les employés ou ouvriers. En cas de rupture du contrat de travail du fait de l'employeur, sauf en cas de faute grave ou lourde, cette durée est portée à deux mois après deux ans d'ancienneté (...)'»

Il ressort des éléments versés aux débats que M. [H], après son courrier de prise d'acte du 26 octobre 2016, a effectué un mois de préavis, de sorte qu'à l'issue de la rupture intervenue du fait de l'employeur s'agissant d'une rupture prononcée aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il lui reste due une indemnité compensatrice du mois de préavis non effectué soit la somme de 1.639,34 € brut, augmentée des congés payés pour 163,93 €, le jugement étant réformé en conséquence.

M. [H] a droit également à l'indemnité conventionnelle de licenciement, pour la somme non autrement contestée de 1.448,49 €, le jugement entrepris étant réformé en conséquence.

Par application de l'article L.1235-3 du code du travail selon sa rédaction applicable au présent litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Ces dispositions sont applicables en raison de l'ancienneté de 49 ans de M. [H] dans la SAS BOIS & MATÉRIAUX, qui compte plus de dix salariés.

M. [H] fait état de ses difficultés après la rupture du contrat de travail pour retrouver une situation professionnelle et produit les contrats à durée déterminée conclus pour des emplois similaires en contrepartie de salaires compris entre 1.500 et 2.200 € bruts mensuels, le premier à effet du 7 février 2017 pour 6 mois, le deuxième à effet du 26 février 2018 pour 3 mois, le dernier à effet du 18 septembre 2018 pour 9 jours (pièces n°20 à 22).

Compte tenu du salaire de référence et des conséquences morales et financières, pour le salarié, de la rupture du contrat intervenue dans les circonstances rapportées, il conviendra de lui allouer à ce titre la somme de 14.000 €, le jugement entrepris étant donc également réformé sur ce point.

Au regard de ce qui précède, la demande de la SAS BOIS & MATÉRIAUX aux fins de condamnation de M. [H] au paiement d'une indemnité compensatrice d'un mois de préavis n'est pas fondée, la société devant être déboutée de ce chef de demande et le jugement infirmé sur ce point.

Sur la remise des documents sociaux

Cette demande de M. [H] est fondée en son principe, en ce qu'elle vise à la remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision, sans toutefois qu'une astreinte soit nécessaire. Il conviendra d'y faire droit dans cette limite.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la SAS BOIS & MATÉRIAUX à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à M. [H] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de trois mois d'indemnités.

===

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SAS BOIS & MATÉRIAUX de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

DIT que la prise d'acte par M. [H] de la rupture du contrat de travail du 26 octobre 2016 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS BOIS& MATÉRIAUX à payer à M. [H] les sommes de':

- 1.582,58 € brut à titre de rappel des heures supplémentaires entre 2013 et 2016,

- 158,26 € au titre des congés payés sur rappel de salaire,

- 9.836,04 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 1.639,34 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 163,93 € au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

- 1.448,49 € nets à titre d'indemnité de licenciement,

- 14.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE la remise à M. [H] par la SAS BOIS & MATÉRIAUX des documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision,

CONDAMNE la SAS BOIS & MATÉRIAUX à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées le cas échéant à M. [H] à compter du jour de la rupture du contrat de travail dans la limite de trois mois d'indemnités,

CONDAMNE la SAS BOIS & MATÉRIAUX à payer à M. [H] la somme de 3.000€ au titre des frais irrépétibles,

DÉBOUTE la SAS BOIS & MATÉRIAUX de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS BOIS & MATÉRIAUX au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/07540
Date de la décision : 03/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-03;19.07540 ?
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