La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2023 | FRANCE | N°21/07175

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 30 mars 2023, 21/07175


4ème Chambre





ARRÊT N° 90



N° RG 21/07175

N° Portalis DBVL-V-B7F-SGZG













BD / JPC















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président :

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président rendue le 17 janvier 2023



GREFFIER :



Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du...

4ème Chambre

ARRÊT N° 90

N° RG 21/07175

N° Portalis DBVL-V-B7F-SGZG

BD / JPC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président rendue le 17 janvier 2023

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Janvier 2023, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre, et Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère, magistrats tenant seules l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe, date indiquée à l'issue des débats : 16 Mars 2023, prorogée au 30 Mars 2023

****

APPELANTE :

S.A.R.L. ITCE (INGENIERIE TOUS CORPS D'ETATS)

pris en la personne de ses représentants légaux, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Marc LEON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

S.A.S. MDM NANTES (anciennement dénommée G.H.N)

prise en la personne de son représentant légal, domicilé en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Pauline VANDEN DRIESSCHE de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Vincent BERTHAULT de la SELARL HORIZONS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Exposé du litige:

Suivant contrat du 28 octobre 2016, la société GHN (Grand Hôtel de Nantes) présidée par M. [E], exploitant un hôtel [Adresse 1], dans lequel est survenu un important dégât des eaux a confié à la société Ingénierie Tous Corps d'Etats (ITCE) une mission de maîtrise d''uvre des travaux de rénovation de l'hôtel, suivant contrat du 28 octobre 2016.

Les honoraires étaient fixés à 10 % du coût des travaux confiés à la société, répartis à parts égales entre les phases de projet/DCE et de direction et comptabilité des travaux.

Le 14 décembre 2017, la société GHN a changé de président et de dénomination devenant la société MDM Nantes présidée par M. [Y].

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 11 mars 2019, la société ITCE a demandé à la société MDM Nantes le règlement d'une facture du même jour d'un montant de 30 971,52 euros, correspondant à 50 % de la rémunération de la mission totale.

La société ITCE a procédé à deux mises en demeure des 15 juillet et 4 septembre 2019.

Par courrier du 10 septembre 2019, la société MDM Nantes s'est opposée au paiement de ladite facture.

Par acte d'huissier du 26 mai 2020, la société ITCE a fait assigner la société MDM Nantes en paiement devant le tribunal de commerce de Nantes.

Par jugement en date du 6 septembre 2021, le tribunal de commerce de Nantes a :

- débouté la société ITCE de toutes ses demandes ;

- ordonné la résolution judiciaire du contrat de maîtrise d''uvre du 28 octobre 2016, à la date du jugement ;

- condamné la société ITCE à payer à la société MDM Nantes la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société MDM Nantes de ses demandes reconventionnelles supplémentaires ;

- condamné la société ITCE aux entiers dépens.

La société ITCE a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 novembre 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises le 23 décembre 2022, la société ITCE au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, demande à la cour de:

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- ordonner la production aux débats par la société MDM Nantes du protocole régularisé entre M. [B] [E] et le ou les cessionnaires de ses titres ;

- condamner la société MDM Nantes à lui payer la somme de 30971,52 euros, outre intérêts moratoires correspondant à 1,5 fois le taux d'intérêt légal à compter du 11 avril 2019, soit 30 jours après la date de la facture en date du 11 mars 2019 et application de l'article 1434- 2 du code civil ;

- faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner la société MDM Nantes à lui payer la somme de 7000 euros en réparation du préjudice financier subi ;

- débouter la société MDM Nantes de ses demande reconventionnelles ;

-condamner la société MDM Nantes à payer à la société ITCE la somme de 7000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

La société appelante rappelle qu'en application de l'article 1103 et 1104, les contrats tiennent lieu de loi entre les parties et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Elle soutient que les motifs retenus par le premier juge ne permettent pas de dispenser la société MDM Nantes de ses obligations, dès lors qu'elle justifie avoir exécuté les prestations mises à sa charge dans la première phase de sa mission, la phase Projet/Consultation des entreprises.

Elle fait observer que les documents établis à cette occasion (descriptif complet et récapitulatif des offres) ont été adressés par courrier électronique du 24 janvier 2017 à la société CGBE, qui était son interlocuteur principal en qualité d'expert de la société maître d'ouvrage, ainsi qu'aux experts d'assurance ; que cette société a ultérieurement adressé en juin 2017 à M. [E] et à son conseil l'état des pertes et un tableau récapitulatif des dommages. Elle relève que ces documents n'ont pas donné lieu à la moindre remarque par le maître d'ouvrage directement ou par le biais de la société CGBE.

Elle estime que la société MDM Nantes ne peut invoquer un défaut de réception et de validation des listes d'entreprise pour refuser le paiement, ce d'autant qu'elle ne démontre aucun préjudice en lien avec cette situation. Elle considère qu'il n'était pas nécessaire que la société MDM valide en amont les devis des entreprises figurant dans le dossier de consultation et dans le récapitulatif des offres, la rédaction de ces documents ne dépendant pas d'une telle validation.

Elle ajoute qu'une restitution ou facturation tardive n'est pas de nature à la priver de sa rémunération et que la violation éventuelle des dispositions de l'article L441-9 du code de commerce est sanctionnée par une amende administrative et non la remise en cause des obligations contractuelles.

Concernant la résolution du contrat de maîtrise d''uvre, elle fait observer que les motifs soutenant la décision du tribunal sont incompréhensibles alors que la société MDM Nantes invoquait une disproportion manifeste entre la prestation réalisée et son prix. Elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat en justifiant la résolution et que la disproportion alléguée n'est pas démontrée, la fixation des honoraires sur la base du coût des travaux étant communément appliquée. Elle ajoute que l'article du contrat relatif aux honoraires établit l'existence de deux phases distinctes, puisqu'il y était prévu que la non exécution de la phase de direction et de comptabilité des travaux ne donnait pas lieu à facturation et donc que le facturation de la première phase ne dépendait pas de l'exécution de la seconde.

Elle soutient que le défaut de paiement lui a occasionné un préjudice en affectant sa trésorerie, ce qui justifie sa demande de dommages et intérêts et conteste le préjudice allégué par la société MDM Nantes en lien avec l'absence de prise en compte de cette facture dans la cession, dès lors que la personne morale est demeurée inchangée entre la société GHN et MDM.

Dans ses dernières conclusions transmises le 13 mai 2022, la société MDM Nantes demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* débouté la société ITCE de toutes ses demandes ;

* ordonné la résolution judiciaire du contrat de maîtrise d''uvre du 28 octobre 2016, à la date du jugement ;

*condamné la société ITCE à payer à la société MDM Nantes la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le réformer en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 5 000 euros et limiter à 3 000 euros la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté ses autres demandes ;

Et, statuant à nouveau,

- condamner la société ITCE à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts compte tenu de sa déloyauté contractuelle et de sa mauvaise foi ;

- condamner la société ITCE à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société ITCE aux entiers dépens ;

En tout état de cause,

- condamner la société ITCE à payer à la société Latelier la somme de 7000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la société ITCE aux dépens.

La société MDM Nantes demande la confirmation partielle du jugement. Elle fait valoir que la société ITCE ne lui a jamais présenté de facture avant le 11 mars 2019 et n'a jamais tenté de la contacter.

Elle rappelle qu'il appartient à la société ITCE de rapporter la preuve de sa créance.

Elle soutient que l'appelante n'a pas respecté ses obligations contractuelles s'agissant de la consultation des entreprises prévue à l'article 5, puisqu'elle ne lui a pas adressé la liste de trois entreprises par lot, pour validation, avant de diffuser le dossier de consultation auxdites entreprises. Elle ajoute que la sommation de communiquer sur ce point n'a pas été satisfaite et que l'appelante a indiqué qu'elle ne comptait pas y répondre. Elle en déduit que la société a travaillé sans prendre en compte ses souhaits travaillant uniquement avec la société CGBE, ce que la société a reconnu dans ses écritures de première instance en indiquant qu'elle n'avait pas poursuivi sa mission après le dossier de consultation des entreprises faute de validation des devis, ce qui constitue un aveu judiciaire. Elle relève qu'elle n'a pas non plus demandé de validation pour exécuter les phases successives de sa mission, contrairement à ce qui était prévu.

Elle fait valoir que les extraits de mails versés aux débats relatifs aux pièces communiquées sont douteux, certains ne portant pas de date et que le mail de M. [E] du 2 janvier 2018 adressé à la société CGBE ne concerne que la prise en charge de la facture de cette dernière et non celle de la société ITCE qui n'avait adressé à cette date aucune facture.

Elle en déduit que son obligation à paiement n'est pas étabi, ni le préjudice financier supplémentaire invoqué par la société ITCE.

Concernant la résolution du contrat, se fondant sur l'article 1165 du code civil, elle soutient que celle-ci est justifiée, dès lors que le prix définitif n'était pas fixé dans le contrat de sorte, puisque les devis communiqués en 2019 fixant le coût des travaux n'ont pas été validés et que de fait le montant des honoraires ne peut être fixé. Elle ajoute que le montant des honoraires n'étaient défini qu'en cas de travaux confiés à ITCE.

Elle estime que le coût fixé unilatéralement par la société ITCE apparaît manifestement disproportionné avec la prestation effectivement effectuée, au regard du coût horaire prévu pour les travaux supplémentaires, ce qui justifie la résolution.

La société MDM Nantes estime avoir subi un préjudice du fait de l'envoi tardif de la facture puisque la prise en charge de cette facture n'a pu être discutée lors de la cession de l'hôtel en décembre 2017, ce qui aurait été le cas si elle avait été adressée par la société ITCE dès la fin de l'exécution de ses prestations ; qu'à tout le moins, elle a perdu une perte de chance de l'introduire dans la négociation.

L'instruction a été clôturée le 12 janvier 2023.

Motifs :

-Sur le paiement de la facture de la société ITCE :

En application de l'article 1353 du code civil, la partie qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

La société appelante justifie de la conclusion le 28 octobre 2016 avec la société GHN d'un contrat se rapportant à une mission de maîtrise d''uvre de la rénovation de l'hôtel exploité par cette dernière à la suite d'un dégât des eaux.

La circonstance que M. [E], président de la société GHN à la date de la signature du contrat, ait ultérieurement,en décembre 2017, cédé les parts qu'il détenait dans le capital de cette société à un tiers, quitté la présidence et que la dénomination de la société ait été modifiée pour devenir MDM Nantes est indifférente. Selon les extraits du BODACC produits, cette cession n'a pas eu de conséquence sur la poursuite de la personnalité morale de la société contractante initiale et donc sur celle des contrats et obligations que la société GHN avait souscrits auparavant avec des tiers.

La société intimée ne produit aucune pièce rapportant une preuve contraire et notamment que la cession aurait concerné le fonds de commerce d'hôtel et été réalisée au profit d'une société tierce. Il en résulte que la demande de production du protocole régularisé entre M. [E] et les cessionnaires de ses titres présentée par la société ITCE n'est pas justifiée et sera rejetée.

Selon l'article 4 du contrat, la mission de la société ITCE comprenait le relevé et la mise en plans des constructions existantes, l'établissement du dossier de projet et de consultation des entreprises, la consultation des entreprises, la participation aux réunions d'expertise, l'établissement des marchés des entreprises, le contrôle et la surveillance des travaux ainsi que l'assistance au maître d'ouvrage pour la réception. Le passage d'une phase à l'autre devait être rendu effectif par la validation de la phase précédente par le maître d'ouvrage.

L'article 5, spécifique à la consultation des entreprises, stipulait qu'une liste de 3 entreprises par lot serait établie par le maître d''uvre et validée par le maître de l'ouvrage, que le maître d''uvre avait à sa charge la diffusion du dossier de consultation auprès de ces entreprises.

Ces dispositions ne définissaient aucune modalité de validation par le maître de l'ouvrage des phases de mission exécutées par le maître d''uvre et notamment n'exigeaient aucune manifestation explicite de son accord.

La convention régularisée entre les parties avait pour objectif dans sa première partie de fournir au maître d'ouvrage une évaluation du coût des travaux de réfection nécessaires suite au sinistre. Les échanges de mails entre la société ITCE et la société CGBE, spécialisée dans l'expertise après sinistre, attestent que cette partie de mission de maîtrise d'oeuvre devait alimenter la fixation des pertes subies par l'exploitante de l'hôtel dont la société CGBE était chargée par la société GHN, dans la perspective des discussions avec les assureurs.

La société ITCE produit aux débats divers documents qu'elle a établis en lien avec la phase projet/dossier de consultation des entreprises, à savoir, la liste des entreprises consultées comportant trois entreprises par lots dont certaines ont été barrées, le cahier des clauses administratives particulières, le dossier de consultation des entreprises comprenant les plans, le descriptif quantitatif des travaux, documents du 24 janvier 2017 ( pièces 2,3,4 ), le récapitulatif des offres daté du 18 avril 2017 rectifié par le maître d''uvre. Ce dernier inclut les différents devis des entreprises proposées par le maître d''uvre et aboutit à un coût de travaux de 516191,92€ HT soit 567811,11€ TTC.

La société appelante produit en outre des mails qui établissent la transmission de ces documents par la société ITCE à la société CGBE. La société MDM Nantes relève que le message retransmis en pièce 12 entre les deux sociétés ne portent pas de date. Toutefois, ce message non daté a été expédié par la société ITCE (M. [X]) à la société CGBE (M. [R]) et contient la réexpédition d'un message diffusé entre deux membres de la société ITCE du 24 janvier 2017 relatif au descriptif complet des travaux , document qui porte cette même date. Les échanges de mails en pièce 13 sont quant à eux datés. Ils révèlent que M. [R] a adressé le 19 avril 2017 à une autre salariée de la société CGBE (Mme [L]) le message obtenu de la société ITCE lui communiquant le récapitulatif des devis, document datant précisément du 18 avril précédent et qui supposait que le descriptif et les plans aient été réalisés et adressés aux entreprises.

Il est établi que la société CGBE a adressé un mail le 9 juin 2017 au conseil de la société GHN, maître d'ouvrage, avec copie à M. [E] toujours son président communiquant un lien de téléchargement de l'état des pertes puis un tableau des dommages, fichiers qui comprenaient nécessairement l'évaluation des travaux de réfection déterminée par la société ITCE.

Il se déduit de ces éléments que la société ITCE a effectivement établi les différents documents produits aux dates qu'ils mentionnent et que le maître de l'ouvrage était informé des prestations accomplies par la société ITCE même si cette dernière ne lui a pas adressé directement de pièces, ce dès avant la cession par M. [E] de ses titres en décembre 2017. Contrairement à ce que soutient la société intimée, ils démontrent également que le maître d'ouvrage avait implicitement validé les différentes phases de la mission projet/consultation des entreprises qui a été menée à son terme.

Aucune pièce ne permet de suspecter que la société maître d'ouvrage, GHN puis MDM Nantes a critiqué l'exécution des différentes phases de cette première partie de la mission confiée à la société ITCE. Il n'est pas non plus démontré que le travail accompli par cette dernière était inexploitable et la société MDM Nantes ne justifie pas des conditions d'indemnisation des travaux de réfection, ni du coût effectif de leur exécution, ne prétendant pas que l'hôtel est demeuré sans réfection après le sinistre de dégât des eaux.

La société MBM Nantes relève à juste titre qu'elle n'a pas reçu de facture avant le 11 mars 2019. Toutefois, cette circonstance, voire même de possibles irrégularités de la société ITCE dans la tenue de ses documents comptables ne constituent pas des fautes contractuelles de nature à remettre en cause une créance détenue contre l'intimée.

L'argumentation de celle-ci tendant à voir considérer que la phase projet/consultation ne pouvait donner lieu à un paiement d'honoraires que si les travaux étaient ensuite confiés au maître d''uvre ne peut être suivie.

L'article 7 du contrat stipule en effet que les honoraires étaient répartis à parts égales entre la phase projet/dossier de consultation des entreprises, d'une part et celle de direction et comptabilité des travaux, d'autre part. En outre, il était précisé qu'en cas de non exécution de la phase direction et comptabilité, celle-ci ne ferait pas l'objet d'une facturation, ce dont il résulte qu'il était envisagé par les parties que la mission puisse être arrêtée à la phase de conception qui devait alors être seule facturée, le contrat de louage n'étant pas présumé à titre gratuit.

L'indication par l'appelante de ce que les devis proposés n'ont pas été acceptés pour entreprendre l'exécution des travaux ne peut, dans ces conditions, constituer un aveu de ce que la première partie de la mission n'a pas été exécutée.

Les honoraires étaient déterminés ou à tout le moins déterminables au sens de l'article 1163 du code civil. En effet, le contrat les fixait à 10% d'un montant qui, cependant, ne peut être celui des travaux confiés à la société ITCE comme l'indique le contrat puisque cette dernière pouvait ne pas intervenir en phase d'exécution, comme rappelé ci-dessus. Il s'en déduit que l'intention commune des parties était de fixer la rémunération du maître d''uvre à 10% du coût estimé des travaux sur la base des devis justifiés, mode de fixation usuel des honoraires de maîtrise d''uvre, soit en l'espèce 30971,51€TTC  pour la phase projet/consultation des entreprises.

En conséquence, la société ITCE justifie d'une créance contre la société MDM Nantes qui sera condamnée à lui verser cette somme. Le contrat prévoyait un paiement des factures dans un délai maximum de 30 jours. La condamnation sera assortie de l'intérêt de 1,5 fois le taux d'intérêt légal prévu au contrat à compter du 11 avril 2019. Les intérêts échus seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil. Le jugement est réformé.

-Sur la demande indemnitaire de la société ITCE :

La société ITCE sollicite une somme de 7000€ de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier. Toutefois, elle ne produit aucune pièce, notamment relative à sa trésorerie démontrant la réalité d'un préjudice autre que celui résultant du retard de paiement compensé par les intérêts et pénalités de retard. Cette demande sera rejetée.

-Sur la demande de résolution du contrat :

Le tribunal a prononcé la résolution du contrat au motif que les conditions qui existaient fin 2016 et qui ont été le fondement du contrat ont disparu, en précisant qu'elle n'était pas la suite d'un abus de la société ITCE, ce qui ne peut constituer un motif de résolution du contrat.

La société MDM Nantes invoque l'article 1165 du code civil, selon lequel dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord entre les parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation. En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat.

Or, il a été vu que le prix de la prestation de la société ICTE était fixé par le contrat avant son exécution. Par ailleurs, la société MDM Nantes qui prétend qu'il existe une disproportion manifeste entre le montant demandé et la valeur de la prestation effectuée ne fournit pas d'éléments de comparaison du coût d'opérations de maîtrise d''uvre de même nature et de même ampleur au soutien de cette allégation. Cet argument ne peut prospérer.

La résolution au sens de l'article 1226 du code civil suppose une inexécution grave par le débiteur de son obligation, laquelle n'est pas caractérisée en l'espèce de la part de la société ITCE. Cette demande ne peut être accueillie. Le jugement est réformé.

En revanche, il est manifeste que la convention de maîtrise d''uvre de la société ITCE ne s'est pas poursuivie dans la phase d'exécution des travaux sans que la société MDM Nantes ne fournisse d'explication sur ce point. Les termes du contrat envisageaient cette possibilité et la société ITCE n'en tire aucune conséquence.

-Sur la demande indemnitaire de la société MDM Nantes :

Elle invoque le fait que si la créance de la société ITCE avait été communiquée dans un délai usuel, elle aurait pu être prise en compte lors de la cession de l'hôtel. Or, comme rappelé plus haut, au regard de l'opération de cession de titres en cause, cette créance pouvait uniquement avoir des conséquences sur la valeur de ceux-ci. Ainsi que le relève la société ITCE, aucune cession n'est intervenue entre les sociétés GHN et MDM Nantes qui constituent la même entité juridique. Cette demande est en conséquence rejetée et le jugement confirmé.

-Sur les demandes annexes :

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont infirmées.

La société MDM Nantes sera condamnée à verser à la société ITCE une indemnité de 7000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Elle supportera les dépens de première instance et d'appel .

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société ITCE et la société MDM Nantes de leur demandes de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de production du protocole régularisé entre M. [E] et les cessionnaires des titres,

Condamne la société MDM Nantes à payer à la société ITCE la somme de 30971,51€TTC, avec intérêts égaux à 1,5 fois le taux d'intérêt légal à compter du 11 avril 2019 et capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Rejette la demande de résolution du contrat,

Condamne la société MDM Nantes à verser à la société ITCE la somme de 7000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la société MDM Nantes aux dépens de première instance et d'appel,

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/07175
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.07175 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award