5ème Chambre
ARRÊT N°-122
N° RG 19/08330 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QLMS
Mme [LU] [XE] veuve [ZR]
M. [YR] [XE]
Mme [I] [XE] épouse [XR]
M. [PT] [XE]
C/
Mme [J] [F]
M. [BP] [GI]
Mme [B], [I], [BD] [HV]-[XE]
Mme [U], [M], [LU] [HV]-[XE]----
SA LA MEDICALE DE FRANCE
Organisme CPAM DU [Localité 31]
Mutuelle MALAKOFF MEDERIC
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 Février 2023
ARRÊT :
réputé contradictoire, prononcé publiquement le 29 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Madame [LU] [XE] veuve [ZR]
née le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 35]
[Adresse 16]
[Localité 28]
Représentée par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Monsieur [YR] [XE]
né le [Date naissance 25] 1970 à [Localité 28]
[Adresse 29]
[Adresse 29]
Représenté par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Madame [I] [XE] épouse [XR]
née le [Date naissance 24] 1979 à [Localité 28]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
Représentée par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Monsieur [PT] [XE]
né le [Date naissance 25] 1975 à [Localité 28]
[Adresse 30]
[Adresse 30]
Représenté par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
INTIMÉS :
Madame [J] [F]
[Adresse 5]
[Localité 28]
Représentée par Me Marie-laure DE MENOU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
SA LA MEDICALE DE FRANCE
[Adresse 27]
[Adresse 27]
Représentée par Me Marie-laure DE MENOU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [BP] [GI]
né le [Date naissance 13] 1947 à [Localité 33]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représenté par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Madame [B], [I], [BD] [HV]-[XE]
née le [Date naissance 17] 1998 à [Localité 28]
[Adresse 30]
[Localité 28]
Représentée par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Madame [U], [M], [LU] [HV]-[XE]
née le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 28]
[Adresse 30]
[Localité 28]
Représentée par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Madame [JH], [KH], [FI] [HV] épouse [XE]
née le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 41]
[Adresse 30]
[Localité 28]
Représentée par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Madame [JH], [KH], [FI] [HV] épouse [XE] ès qualités de représentante légale de ses deux enfants mineurs [E], [TF], [FI] [HV]-[XE], née le [Date naissance 9] 2006 à [Localité 28], et [G], [UF], [D] [HV]-[XE], né le [Date naissance 22] 2008 à [Localité 28]
née le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 41]
[Adresse 30]
[Localité 28]
Représentée par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Monsieur [GV], [OG] [XR] ès qualités de représentant légal de ses deux enfants mineurs [L], [LU], [KU] [XE]-[XR], née le [Date naissance 12] 2007 à [Localité 38], et [WS], [H], [D] [XE]-[XR], né le [Date naissance 10] 2009
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 36]
[Adresse 21]
[Adresse 21]
Représenté par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Monsieur [GV], [OG] [XR]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 36]
[Adresse 21]
[Adresse 21]
Représenté par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Madame [MU], [K], [RT] [O]-[XE]
née le [Date naissance 11] 1998 à [Localité 39]
[Adresse 29]
[Adresse 29]
Représentée par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Monsieur [CW], [D], [UF] [O]-[XE]
né le [Date naissance 18] 1996 à [Localité 39]
[Adresse 29]
[Adresse 29]
Représenté par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Monsieur [Y], [VS], [T] [O]-[XE]
né le [Date naissance 14] 2001 à [Localité 32]
[Adresse 29]
[Adresse 29]
Représenté par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Madame [R], [NG], [LU] [O] épouse [XE]
née le [Date naissance 15] 1969 à [Localité 37] (Niger)
[Adresse 29]
[Adresse 29]
Représentée par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Madame [R], [NG], [LU] [O] épouse [XE] ès qualités de représentante légale de son enfant mineur [S], [DW], [G] [O]-[XE], né le [Date naissance 19] 2003 à [Localité 40] (devenu majeur)
née le [Date naissance 15] 1969 à [Localité 37] (Niger)
[Adresse 29]
[Adresse 29]
Représentée par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Organisme CPAM DU [Localité 31] AGISSANT POUR LE COMPTE DE LA CPAM DU [Localité 34] [Adresse 26], ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Mutuelle MALAKOFF MEDERIC ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat
[Adresse 20]
[Adresse 20]
***********
Le 18 mai 2015, M. [D] [XE], âgé de 67 ans, a consulté le docteur [US] [P], médecin généraliste, en raison de fourmillements au niveau des mains et de la survenue intermittente depuis plusieurs semaines d'une douleur thoracique droite à l'effort pour environ 500 mètres de marche avec sensation de dyspnée.
Le 20 mai 2015, M. [D] [XE] a consulté son médecin traitant, le docteur [IV] [A], du fait de la persistance et de l'aggravation des symptômes.
M. [D] [XE] a consulté son cardiologue, le docteur [J] [F], le 21 mai 2015, la consultation ayant été avancée. Le docteur [J] [F] a réalisé un examen clinique ainsi qu'un électrocardiogramme puis a programmé une échographie cardiaque ainsi qu'une scintigraphie myocardique couplée à une épreuve d'effort.
Le 22 mai 2015, le docteur [J] [F] a effectué une échographie-doppler cardiaque.
Le 23 mai 2015, M. [D] [XE] a consulté son médecin traitant en signalant à nouveau des douleurs.
Dans la nuit du 24 au [Date décès 23] 2015, M. [D] [XE] a présenté plusieurs récidives de douleurs thoraciques qui se sont prolongées dans la matinée. Le SAMU a été appelé le [Date décès 23] 2015 vers 16 heures, l'équipe médicale constatant, à son arrivée sur place, l'apparition d'un bloc de branche droit complet et d'un infarctus antérieur étendu.
M. [D] [XE] est décédé, le [Date décès 23] 2015 à 18 heures, d'un infarctus du myocarde massif transmural antérieur et secondairement de la constitution d'une thrombose de l'artère interventriculaire antérieure sur les lésions préexistantes.
Une mesure d'expertise médicale a été confiée au docteur [X] [OT] par ordonnance de référé rendue le 24 mars 2016 à la requête de Mme [LU] [ZR] veuve de M. [D] [XE], ainsi que de M. [YR] [XE], M. [PT] [XE] et Mme [I] [XE], ses enfants, et au contradictoire de Mme [F], M. [P] et Mme [A].
Le docteur [X] [OT] a déposé un pré-rapport le 27 octobre 2016 puis a répondu aux dires des parties les 28 et 29 janvier 2017 ainsi que le 13 mars 2017.
Par actes délivrés les 9 et 15 mars 2018, les consorts [XE] ont assigné devant le tribunal de Rennes Mme [J] [F], la société La Médicale de France, son assureur, la CPAM et la société Malakoff Médéric aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du 3 septembre 2019, le tribunal de Rennes a :
- rejeté la demande de contre-expertise formée par Mme [F] et la SA La Médicale de France,
- dit que Mme [J] [F] a commis une faute au sens de l'article L.1142-1 du Code de la santé publique dans la prise en charge de M. [D] [XE], caractérisée par un retard au diagnostic, de nature à engager sa responsabilité professionnelle,
- déclaré en conséquence Mme [J] [F] responsable de la perte de chance de survie de M. [D] [XE] et tenue de la réparation du préjudice en résultant, à hauteur de 95 %,
- fixé l'indemnisation des préjudices de M. [D] [XE] de la manière suivante:
° 65,55 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
° 28 500 euros au titre des souffrances endurées,
- rejeté la demande au titre du préjudice esthétique temporaire,
- condamné en conséquence in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], M. [YR] [XE] et Mme [R] [O] épouse [XE], agissant en leur nom et en leur qualité d'administrateurs légaux de leur enfant mineur [S] [O]- [XE], M. [Y] [O]- [XE], M. [CW] [O]- [XE], Mme [MU] [O]- [XE], Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [GV] [XR], agissant en leur nom et en leur qualité d'administrateurs légaux de leurs enfants mineurs, [L] et [WS] [XE]-[XR], M. [PT] [XE] et Mme [JH] [HV] épouse [XE], agissant en leur nom et en leur qualité d 'administrateurs légaux de leurs enfants mineurs, [E] et [G] [HV]-[XE], Mme [U] [HV]-[XE], Mme [B] [HV]-[XE] et M. [BP] [GI], la somme de 28 565,55 euros au titre du préjudice successoral,
- condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 8 273,68 euros au titre des frais d'obsèques,
- condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 950 euros au titre des frais divers,
- condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE] la somme de 656,45 euros au titre des dépenses de santé,
- condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [GV] [XR], en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fille [L] [XE]-[XR], la somme de 261,25 euros au titre des dépenses de santé,
- condamné in solidum Mm [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 28 401,66 euros au titre de sa perte de revenus,
- condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser :
* la somme de 28 500 euros à Mme [LU] [ZR] veuve [XE] au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 14 250 euros à M. [YR] [XE] au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 14 250 euros Mme [I] [XE] épouse [XR] au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 14 250 euros à M. [PT] [XE], au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 4 750 euros à M. [YR] [XE] et Mme [R] [O] épouse [XE], au titre du préjudice d'affection de M. [S] [O]-[XE],
* la somme de 4 750 euros à M. [Y] [O]- [XE], au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 4 750 euros à M. [CW] [O]- [XE] au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 4 750 euros à Mme [MU] [O]-[XE] au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 4 750 euros à Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [GV] [XR], au titre du préjudice d'affection de [L] [XE] [XR],
* la somme de 4 750 euros à Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [GV] [XR], au titre du préjudice d'affection de M. [WS] [XE] [XR],
* la somme de 4 750 euros à M. [PT] [XE] et Mme [JH] [HV] épouse [XE], au titre du préjudice d'affection d'[E] [HV]-[XE],
* la somme de 4 750 euros à M. [PT] [XE] et [JH] [HV] épouse [XE], au titre du préjudice d'affection d'[G] [HV]-[XE],
* la somme de 4 750 euros à Mme [U] [HV]-[XE], au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 4 750 euros à Mme [B] [HV]-[XE], au titre de son préjudice d'affection
* la somme de 950 euros Mme [R] [O] épouse [XE], au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 950 euros M. [GV] [XR] au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 950 euros à Mme [JH] [HV] épouse [XE], au titre de son préjudice d'affection,
* la somme de 475 euros à M. [BP] [GI], au titre de son préjudice d'affection,
- condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à payer la somme de 3 000 euros à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], M. [YR] [XE] et Mme [R] [O] épouse [XE], agissant en leur nom et en leur qualité d'administrateurs légaux de leur enfant mineur [S] [O]- [XE], M. [Y] [O]- [XE], M. [CW] [O]- [XE], Mme [MU] [O]- [XE], Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [GV] [XR], agissant en leur nom et en leur qualité d'administrateurs légaux de leurs enfants mineurs, [L] et [WS] [XE]-[XR], M. [PT] [XE] et Mme [JH] [HV] épouse [XE], agissant en leur nom et en leur qualité d 'administrateurs légaux de leurs enfants mineurs, [E] et [G] [HV]-[XE], Mme [U] [HV]-[XE], Mme [B] [HV]-[XE] et M. [BP] [GI], sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Le 26 décembre 2019, Mme [LU] [XE] veuve [ZR], M. [YR] [XE], Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [PT] [XE] ont interjeté appel de cette décision.
Par actes en date des 30 juin 2020, 7 juillet 2020 et 13 septembre 2020, Mme [F] et la SA La Médicale de France ont fait signifier à M. et Mme [PT] [XE] (en leur nom et ès-qualités), à M. et Mme [YR] [XE] (ès-qualités) et à M. et Mme [XR] (ès-qualités) une assignation en appel provoqué.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 2 janvier 2023, Mme [LU] [ZR] épouse [XE], M. [YR] [XE], Mme [I] [XE] épouse [XR], M. [PT] [XE], Mme [R] [O] épouse [XE], Mme [R] [O] épouse [XE] ès-qualités de représentante légale de [S] [O]-[XE], M. [Y] [O]-[XE], M. [CW] [O]-[XE], Mme [MU] [O]-[XE], M. [GV] [XR], M. [GV] [XR] ès-qualités de représentant légal de [L] et [W], Mme [JH] [HV] épouse [XE], Mme [JH] [HV] épouse [XE] ès-qualités de [E] et [G], Mme [U] [HV]-[XE], et M. [BP] [GI] demandent à la cour de :
- dire et juger Mme [LU] [XE] veuve [ZR], M. [YR] [XE], Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [PT] [XE] recevables et bien fondés en leur appel,
Sur la demande tendant à voir ordonner une nouvelle expertise,
- rejeter la demande de Mme [J] [F] et de la SA La Médicale de France tendant à voir ordonner une nouvelle expertise confiée à un cardiologue,
En conséquence,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a rejeté la demande de contre-expertise formée par Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France,
Sur l'indemnisation,
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a :
* condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 8 273,68 euros au titre des frais d'obsèques,
* condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 950 euros au titre des frais divers,
* condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 28 401,66 euros au titre de sa perte de revenus,
* fixé l'indemnisation des préjudices de M. [D] [XE] de la manière suivante :
° 65,55 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
° 28 500 euros au titre des souffrances endurées,
* condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE] la somme de 28 401,66 euros au titre de sa perte de revenus,
* condamné in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser :
° la somme de 28 500 euros à Mme [LU] [ZR] veuve [XE] au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 14 250 euros à M. [YR] [XE] au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 14 250 euros Mme [I] [XE] épouse [XR] au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 14 250 euros à M. [PT] [XE], au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 4 750 euros à M. [YR] [XE] et Mme [R] [O] épouse [XE], au titre du préjudice d'affection de M. [S] [O]-[XE],
° la somme de 4 750 euros à M. [Y] [O]- [XE], au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 4 750 euros à M. [CW] [O]- [XE] au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 4 750 euros à Mme [MU] [O]-[XE] au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 4 750 euros à Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [GV] [XR], au titre du préjudice d'affection de [L] [XE] [XR],
° la somme de 4 750 euros à Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [GV] [XR], au titre du préjudice d'affection de M. [WS] [XE] [XR],
° la somme de 4 750 euros à M. [PT] [XE] et Mme [JH] [HV] épouse [XE], au titre du préjudice d'affection d'[E] [HV]-[XE],
° la somme de 4 750 euros à M. [PT] [XE] et [JH] [HV] épouse [XE], au titre du préjudice d'affection d'[G] [HV]-[XE],
° la somme de 4 750 euros à Mme [U] [HV]-[XE], au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 4 750 euros à Mme [B] [HV]-[XE], au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 950 euros Mme [R] [O] épouse [XE], au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 950 euros M. [GV] [XR] au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 950 euros à Mme [JH] [HV] épouse [XE], au titre de son préjudice d'affection,
° la somme de 475 euros à M. [BP] [GI], au titre de son préjudice d'affection.
Statuant à nouveau :
- condamner in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 9 331,98 euros au titre des frais d'obsèques,
- condamner in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 1 862 euros + 19 078,80 euros au titre des frais divers,
- confirmer la base du revenu net global annuel imposable du foyer était de 50 796 euros,
- fixer le taux d'autoconsommation de M. [D] [XE] à 20 %,
- et en conséquence, condamner in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 233 264,97 euros au titre de sa perte de revenus,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il retient l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire du 21 au [Date décès 23] 2015,
- condamner in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 69 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- condamner in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 50 000 euros au titre des souffrances endurées,
- en tout état de cause, dire et juger que l'indemnisation à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE] au titre des souffrances endurées par M. [D] [XE] ne saurait être inférieure à 30 000 euros,
Sur le préjudice d'affection,
- débouter Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France de leurs demandes formées au titre du préjudice d'affection,
- dire et juger qu'il y a lieu à indemniser les préjudices d'affection subis par
M. [GV] [XR], Mme [R] [O] épouse [XE], Mme [JH] [HV] épouse [XE] et par M. [BP] [GI],
- condamner in solidum Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France à verser aux proches de M. [D] [XE], au titre de leur préjudice d'affection, les sommes suivantes :
* Mme [LU] [ZR] épouse [XE] : 40 000 euros,
* M. [YR] [XE] : 20 000 euros,
* Mme [MU] [XE] épouse [XR] : 20 000 euros,
* M. [PT] [XE] : 20 000 euros,
* M. [CW] [O] [XE] : 8 000 euros,
* Mme [MU] [O] [XE] : 8 000 euros,
* M. [Y] [O] [XE] : 8 000 euros,
* M. [S] [O] [XE] : 8 000 euros,
* Mme [L] [XE] [XR] : 8 000 euros,
* M. [WS] [XE] [XR] : 8 000 euros,
* Mme [B] [HV] [XE] : 8 000 euros,
* Mme [U] [HV] [XE] : 8 000 euros,
* Mme [E] [HV] [XE] : 8 000 euros,
* M. [G] [HV] [XE] : 8 000 euros,
* Mme [R] [O] épouse [XE] : 4 000 euros,
* M. [GV] [XR] époux [XE] : 4 000 euros,
* Mme [JH] [HV] épouse [XE] : 4 000 euros,
* M. [BP] [GI] : 2 000 euros,
En tout état de cause,
- appliquer le taux de 95 % de perte de chance à l'ensemble des condamnations qui précèdent,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes sur le surplus.
- condamner in solidum Mme [J] [F] et La Médicale de France à verser à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2020, Mme [J] [F] et la SA La Médicale de France demandent à la cour de :
A titre principal,
Les recevant en leur appel incident quant à l'engagement de la responsabilité civile professionnelle,
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 3 septembre 2019,
Constatant les divergences d'avis des hommes de l'art, notamment sur l'analyse de l'électrocardiogramme du 21 mai 2015,
- ordonner une nouvelle mesure d'expertise confiée à un cardiologue avec la mission telle que définie par l'ordonnance de référé du 24 mars 2016,
- en conséquence dire que l'expert aura pour mission de :
* convoquer les parties dans les formes prescrites par le code de procédure civile,
* se faire communiquer tous documents médicaux jugés par lui utiles,
- dire si les soins donnés par Mme [J] [F] ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science médicale et dans la négative préciser les manquements commis,
* dans l'hypothèse d'une faute commise, la décrire, dire si elle est en relation de cause à effet directe et certaine avec les préjudices allégués et dans l'affirmative en évaluer les différentes composantes suivant la nomenclature Dintilhac,
* d'établir un pré-rapport sur la base duquel les parties pourront formuler toutes observations dans un délai suffisant,
Subsidiairement sur l'indemnisation,
- déclarer irrecevable l'appel de M. [YR] [XE], de Mme [I] [XE] épouse [XR] et de M. [PT] [XE] comme étant sans objet,
Recevant Mme [LU] [ZR] veuve [XE] en son appel ainsi que Mme [J] [F] et La Médicale de France en leur appel incident
Statuant à nouveau sur les préjudices,
Concernant le préjudice successoral,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il retient l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire du 21 mai au [Date décès 23] 2015,
- fixer la base d'indemnisation des souffrances endurées de M. [D] [XE] à 4 000 euros, faisant application du taux de perte de chance de 95 %, allouer la somme de 3 800 euros,
- en tout état de cause ramener l'indemnisation des souffrances endurées à de plus justes proportions,
- confirmer le jugement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à indemnisation d'un préjudice esthétique,
Concernant les préjudices patrimoniaux de Mme [LU] [ZR] veuve [XE],
- fixer l'indemnisation des frais d'obsèques à 6 372,92 euros après application du taux de perte de chance de 95%,
- confirmer le jugement en ce qu'il fixe l'indemnisation des frais divers à 950 euros et rejette la demande de remboursement d'une facture de consultation d'avocat et d'indemnisation pour frais d'entretien de l'habitation et du jardin,
- sur la perte de revenus de Mme [LU] [ZR] veuve [XE], réformer le jugement quant au montant du revenu du foyer avant décès, dire que celui-ci s'élève à 49 070 euros,
- confirmer le jugement en ce qu'il retient un taux d'autoconsommation du défunt à hauteur de 35% et un euro de rente de 15,899 ,
- en conséquence fixer la perte de revenus de Mme [LU] [ZR] veuve [XE] à 52 472,42 euros et lui allouer la somme de 49 848,80 euros après application du taux de perte de chance,
- confirmer le jugement quant au remboursement des frais de santé restés à charge y compris pour ceux de l'enfant mineur [L] [XR] - [XE].
Concernant le préjudice d'affection,
- fixer la base d'indemnisation du préjudice d'affection de Mme [LU] [ZR] veuve [XE] à 20 000 euros, en conséquence lui allouer la somme de 19 000 euros après application du taux de perte de chance de 95 %,
- fixer la base d'indemnisation du préjudice d'affection de chacun des enfants soit M. [YR] [XE], de Mme [I] [XE] épouse [XR] et de M. [PT] [XE] à 10 000 euros, en conséquence allouer à chacun la somme de 9 500 euros après application du taux de perte de chance de 95 %,
- fixer la base d'indemnisation du préjudice d'affection de chacun des petits-enfants à 4 000 euros, en conséquence allouer à chacun d'eux la somme de 3 800 euros après application du taux de perte de chance de 95%,
- dire qu'il n'y a pas lieu à indemnisation d'un préjudice d'affection pour M. [GV] [XR], Mme [R] [O] épouse [XE], Mme [JH] [HV] épouse [XE] en l'absence de justification d'un lien spécifique avec le défunt, subsidiairement de ce chef confirmer le jugement,
- dire qu'il n'y a pas lieu à indemnisation d'un préjudice d'affection pour M. [BP] [GI] en l'absence de justificatif d'un lien de parenté avec le défunt ni d'un lien spécifique, subsidiairement confirmer le jugement de ce chef,
- limiter dans de justes proportions l'indemnité au titre des frais irrépétibles,
La CPAM du [Localité 31] n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à l'étude le 2 avril 2022.
La Mutuelle Malakoff Médéric n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à une personne habilitée le 21 avril 2022.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la recevabilité.
Mme [LU] [ZR] épouse [XE], M. [YR] [XE], Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [PT] [XE] indiquent que l'appel principal ne porte que sur l'évaluation de certains des préjudices patrimoniaux soit les frais d'obsèques, les frais divers de Mme [LU] [ZR] veuve [XE], et la perte de revenus de cette dernière.
Ces préjudices ne concernant que Mme [LU] [ZR] épouse [XE], l'appel de M. [YR] [XE], Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [PT] [XE] est irrecevable concernant lesdits préjudices pour défaut d'intérêt à agir.
- Sur la responsabilité.
Mme [LU] [XE], M. [YR] [XE], Mme [I] [XE] et M. [PT] [XE] entendent se référer à l'expertise judiciaire qui met en relation la sous-estimation du risque coronarien par Mme [F] et le décès du patient, ainsi que la non prise en compte du diagnostic annonciateur et l'absence de mise en oeuvre des mesures thérapeutiques adéquates. Ils estiment, tout comme l'expert ou d'autres spécialistes, que l'hospitalisation de M. [D] [XE] était indispensable. Ils contestent les propos de Mme [F] et de son assureur selon lesquels ils auraient tardé à appeler le SAMU. Ils s'opposent à la demande de contre-expertise.
Mme [F] et son assureur contestent l'analyse de l'expert et font référence à l'avis du SAMU qui a pris en charge M. [XE], de l'avis du docteur [Z], cardiologue, et du professeur [C], cardiologue.
Ils expliquent que :
- M. [XE] était dans une démarche de diagnostic en présence d'une symptomatologie inexpliquée, atypique,
- Mme [F] a pratiqué deux examens les 21 et 22 mai,
- le diagnostic n'était pas évident, contrairement aux propos de l'expert,
- l'ECG de M. [XE] n'était pas probant.
Ils signalent que Mme [F] a donné des consignes de prudence et d'appeler le 15 en cas d'aggravation des symptômes. Ils évoquent un retard dans l'appel du SAMU de 22 à 23 heures.
Selon l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
La charge de la preuve de cette faute pèse sur les consorts [XE].
La chronologie des faits est la suivante :
- lundi 18 mai 2015 : M. [XE] consulte le docteur [P] pour des fourmillements dans les mains et une douleur thoracique droite à l'effort.
- mardi 19 mai 2015 : les douleurs thoraciques sont toujours présentes. Mme [XE] demande à Mme [F] d'avancer le rendez-vous prévu depuis plusieurs mois.
- mercredi 20 mai 2015 : consultation par le médecin traitant.
- jeudi 21 mai 2015 : consultation chez Mme [F] qui explique qu'il s'agit d'une consultation dédiée aux urgences.
L'électrocardiogramme met en évidence un rythme sinusal à 73 bpm, l'intervalle PR est normal à 160 ms, il persiste un rS en inférieur sans trouble significatif de la repolarisation.
Mme [F] indique que les douleurs cervicales et thoraciques sont atypiques et qu''on en peut exclure une insuffisance coronaire'.
Le médecin a prescrit du Natispray à prendre en cas de douleur, et prévoit une échographie cardiaque et une scintigraphie myocardique avec une épreuve d'efforts.
- 21 mai 2015 : radiographie pulmonaire à la demande de M. [P] (qui n'apporte rien de probant).
- vendredi 22 mai 2015 : examen échocardiographique pratiqué par Mme [F].
- samedi 23 mai 2015 : M. [XE] retourne chez son médecin traitant devant la persistance des douleurs thoraciques.
- dans la nuit du 24 au [Date décès 23] 2015 : M. [XE] souffre beaucoup et en permanence.
- le [Date décès 23] 2015, le SAMU est intervenu à 16 h20.
La feuille du SMUR indique : ' douleur poitrine infarctus, ......douleur thoracique évocatrice et/ou ECG pathologique...syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST'.
Il n'est pas contesté que le diagnostic d'un syndrome de menace d'infarctus du myocarde est difficile et doit s'appuyer sur un faisceau de présomptions concordantes telles que les facteurs de risque, l'apparition d'une symptomatologie d'effort, les petites modifications électrocardiographiques et en relativisant la valeur du test Natispray et du dosage de la Troponine,
L'expert, en prenant appui sur la littérature médicale, explique que l'angor instable est le plus fréquent des syndromes coronaires aigus en raison du vieillissement de la population et que le tableau clinique est celui d'une douleur thoracique survenant au repos ou pour des efforts de moins en moins importants, associés ou non à des modifications de l'électrocardiogramme (variation du segment ST).
M. [D] [XE] présentait plusieurs facteurs de risques : son âge (67 ans), une hypertension artérielle et une tendance diabétique.
Mme [F] le connaissait bien puisqu'elle le suivait depuis plusieurs années.
L'expert judiciaire a considéré que l'examen clinique du 21 mai 2015 avait été rigoureusement effectué.
Selon l'expert, les douleurs nocturnes sont caractéristiques d'un syndrome de menace d'infarctus du myocarde.
Il explique que, devant les premières manifestations douloureuses thoraciques d'effort, Mme [F] aurait dû alourdir le traitement et prévoir une hospitalisation pour une surveillance monitorée du myocarde.
L'expert a procédé à une comparaison des ECH du 21 mai 2015, du 22 octobre 2023, 23 juillet 2012 et du 26 juillet 2011 et signale :
- 'dérivations précordiales : apparition d'une modification de la repolarisation ventriculaire sous forme d'un enraidissement du segment ST en V2 et apparition d'importantes anomalies sous forme d'un pseudo onde U en V3-V4, associée à un sus-décalage du segment ST en V3,
- dérivations standards : apparition d'un enraidissement avec tendance au sous-décalage en D1 et Avl ; ces anomalies sont très ténues au niveau de ces deux dérivations'.
Il résulte que le tableau clinique, depuis le 18 mai 2015, était celui d'une douleur signalée à plusieurs reprises par M. [XE] tant à son épouse qu'aux médecins, et non pas d'une angoisse et ce d'autant plus que l'intéressé était essoufflé. Ainsi, le 18 mai 2015, le médecin a évoqué la possibilité d'une angine de poitrine (soit un syndrome de menace d'infarctus du myocarde).
L'électrocardiogramme était, selon l'expert, modifié et ne pouvait pas être expliqué par un éventuel trouble du rythme préalable. Les anomalies de la repolarisation ventriculaire présentes sur l'électrocardiogramme du 21 mai 2015 étaient d'autant plus significatives en présence de douleurs thoraciques telles qu'invoquées par M. [XE].
D'ailleurs Mme [F] n'a pas exclu l'existence d'une insuffisance coronarienne puisqu'elle a programmé une exploration échocardiographique et un test d'effort couplé à une épreuve d'effort mais elle a accordé peu d'importance aux douleurs ou brûlures ressenties par M. [XE] tant à droite dans la poitrine que sous le menton. Elle n'a pas pris en compte les douleurs nocturnes de l'intéressé, les associant à des angoisses alors que les douleurs d'angine de poitrine sont angoissantes.
Mme [F] ne peut pas justifier son diagnostic en indiquant que le médecin du SAMU a évoqué un examen 'nickel' en analysant l'électrocardiogramme du 21 mai 2015 sans comparer avec les électrocardiogrammes des années précédentes.
L'analyse du docteur [Z], qui estime qu'il n'existait pas de modifications significatives entre les électrocardiogrammes des 31 janvier 2013 et 21 mai 2015, confirme néanmoins l'existence de modifications sans explication supplémentaire sur leurs conséquences, l'analyse du docteur [Z] se résumant en une seule critique des conclusions expertales.
Mme [F] entend également légitimer son diagnostic en se prévalant d'une analyse du professeur [C] qui indique que la prise en charge du patient par Mme [F] était en accord avec les recommandations actuelles en soulignant le risque cardio-vasculaire chez un patient âgé et hypertendu, son analyse des électrocardiogrammes, la prescription d'examen complémentaire, les conseils à adopter en cas d'aggravation notamment. Il est regrettable que cet avis n'ait pas été soumis à l'expert judiciaire. S'agissant d'un avis établi de manière non contradictoire reposant sur les recommandations de la société européenne de cardiologie de 2013 et des recommandations de la société française de cardiologie de 2018 qui n'ont pas été communiquées, cet avis est à prendre avec précaution.
Les consorts [XE] versent au dossier un avis du docteur [N] qui précise que : 'si les signes à l'ECG sont discrets, il y a un aspect rS inférieur préexistant et un discret sous-décalage du segment ST en D1 VL et des modifications de repolarisation antéro-septo-apicale. Il fallait hospitaliser d'urgence pour coronographie.
Les consorts [XE] communiquent également un avis du docteur [V] qui explique : 'on assiste cependant bien ici sur le tracé enregistré le 21 mai 2015 à l'apparition d'anomalies de la repolarisation ventriculaire dans les territoires explorés par les dérivations V1-2-3-4 mais aussi en D1n avL et D III (miroir) c'est à dire le territoire ventriculaire antérieur qui va se nécroser 4 jours plus tard. Ces anomalies qui apparaissent sont de la plus grande importance en face d'un tableau clinique un peu atypique mais pouvant correspondre à un syndrome de menace d'infarctus du myocarde lequel surviendra dans la nuit du 24 au [Date décès 23] (....) Le 21 mai 2015, une hospitalisation était indispensable pour mise en observation.
Ces avis confortent l'avis de l'expert, et ne peuvent de ce seul point de vue être critiquables.
Alors que Mme [F] et son assureur ne sollicitent pas l'annulation de l'expertise judiciaire, l'avis du docteur [Z] et du professeur [C] ne peuvent autoriser une deuxième expertise.
Mme [F] ne peut reprocher à M. et Mme [XE] un appel tardif au service des urgences. Il convient de rappeler que M. [XE] a consulté un médecin le lundi 18 mai 2015, son médecin traitant le mardi 19 mai 2015 pour des douleurs thoraciques, qu'il a été demandé à Mme [F] d'avancer le rendez-vous, que M. [XE] a revu son médecin traitant le 20 mai 2015 pour les mêmes douleurs et que Mme [F] l'a examiné le jeudi 21 mai 2015 à l'issue duquel elle a rassuré M. [XE].
Alors que ce dernier a alerté plusieurs médecins dont son cardiologue, l'hésitation à appeler le SAMU peut être comprise.
Alors que Mme [F] n'a pas exclu une insuffisance coronarienne, qu'elle est en présence de douleurs thoraciques chez une personne âgée de 67 ans avec une hypertension, un électrocardiogramme présentant des anomalies, elle a sous-estimé la gravité des symptômes.
À défaut d'avoir mis en oeuvre les moyens d'investigations nécessaires, à défaut d'avoir fait hospitaliser M. [XE] pour observation, la responsabilité de Mme [F] doit être retenue pour un retard dans le diagnostic.
L'expert a indiqué que 'les causes du décès sont imputables à la survenue d'un infarctus du myocarde massif transmural antérieur, secondairement à la constitution d'une thrombose de l'artère interventriculaire antérieure sur des lésions préexistantes concernant non seulement le tronc commun coronaire gauche mais encore l'interventriculaire antérieure ainsi que l'artère circonflexe. Ces lésions étaient anciennes pais étaient compensées par une collatéralité suffisante. Le surajout d'un thrombus au niveau de l'artère interventriculaire antérieure ou de la coronaire droite ' A fait basculer dans le drame'.
Dans l'hypothèse d'une hospitalisation dès le 22 mai 2015, le risque opératoire se serait situé à environ 5%, compter tenu des facteurs de mortalité selon l'expert.
La perte de chance de survie de M. [D] [XE] à hauteur de 95 % (qui n'est pas contestée) est confirmée.
- Sur les préjudices.
* Sur les préjudices de M. [D] [XE].
- Le déficit fonctionnel temporaire.
Mme [LU] [XE] et ses enfants sollicitent un déficit de classe III du 21 au 23 mai 2015 et de classe IV les 24 et [Date décès 23] 2015.
Mme [F] et son assureur contestent ce poste de préjudice en écrivant que le tribunal ne peut faire droit à ce poste car le déficit fonctionnel est lié à la maladie et aurait été total si M. [XE] avait été hospitalisé le 21 mai 2015.
Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, qui correspond au préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante rencontrée par la victime pendant la maladie traumatique.
L'expert a retenu un déficit à compter du 18 mai 2015, jour de la première consultation en raison de l'apparition des douleurs, jusqu'au [Date décès 23] 2015, date du décès.
À compter du 21 mai 2015, date de la consultation chez Mme [F], l'indemnisation du déficit est due puisque le médecin n'a pas identifié le syndrome de menace de l'infarctus du myocarde.
Les douleurs ont persisté jusqu'au décès de M. [XE].
Ainsi le déficit fonctionnel temporaire est de :
- 34,50 euros pour les 21, 22 et 23 mai 2015
- 34,50 euros pour les 24 et [Date décès 23] 2015
Soit 69 euros tel que calculé par les premiers juges.
Soit après application du taux de perte de chance, la cour retient une somme 65,55 euros.
Le jugement est confirmé.
- Les souffrances endurées.
Les consorts [XE] sollicitent une somme de 50 000 euros soit 30 euros après application du taux de perte de chance.
Mme [F] et son assureur discutent la cotation de 9/10 retenue par l'expert. Ils précisent que des douleurs peu fréquentes et fugaces ont été subies jusqu'au 24 mai 2015. Ils proposent une base d'indemnisation à hauteur de 4 000 euros.
L'expert a évalué ces souffrances à 9/10, comme l'a fait M. [D] [XE] lors de son transfert à l'hôpital. Il a précisé que 'le préjudice d'anxiété est flagrant'.
Les douleurs thoraciques ont été, de manière intermittente, ressenties entre et 21 et 24 mai 2015 pour être qualifiées, par M. [D] [XE], de 'à se jeter par la fenêtre' à compter du 24 mai 2015.
C'est par une juste appréciation que le premier juge a fixé ce poste de préjudice à la somme de 30 000 euros, soit après application du taux de perte de chance, à la somme de 28 500 euros.
* Sur les préjudices de Mme [LU] [ZR] épouse [XE].
- Les frais d'obsèques, de cérémonie et de sépulture.
Mme [LU] [ZR] explique que le tribunal n'a pris en compte que la somme de 8 273,68 euros alors qu'il a constaté l'accord des parties sur la somme de 8 709,14 euros.
Elle signale que lesdits frais s'élèvent à la somme de 9 823,14 euros, que les frais de concession concernent une personne et non deux. Elle n'est pas opposée au partage par deux des frais de la société Saint [DW]-Pompes funèbres-marbrerie, s'agissant d'un caveau pour deux.
Elle explique que le monument acquis auprès de la Marbrerie Brasseur est un monument standard et non un monument à deux places.
Mme [F] et la société La Médicale de France considèrent que les frais relatifs à la concession, la réalisation de caveau et du monument en granit concernent deux personnes et non exclusivement M. [D] [XE]. Ils proposent une somme de 6 372,92 euros après application du taux de perte de chance.
Le premier juge a constaté l'accord des parties sur l'évaluation des frais d'obsèques à hauteur de 8 709,14 euros (avant application du taux de perte de chance).
Mme [F] et la société La Médicale de France ne s'expliquent pas sur l'absence d'accord devant la cour. Il en est de même pour Mme [LU] [ZR] épouse [XE].
Des pièces versées au dossier, il résulte que sont dues les sommes suivantes:
- au titre du monument granit et personnalisation
Mme [XE] ne justifie pas que ce monument n'est prévu que pour une seule personne.
Il convient de diviser le prix de ce monument par deux (sauf pour la gravure).
Soit : 1 526,10 euros [(2 817,60 - 234,60) : 2] + 234,60
- la concession 1 576 euros (tarif pour une personne)
- les livrets de messe 78,54 euros
- le service des pompes funèbres 4 427 euros (après prise en compte d'un caveau pour une personne)
- les cartes de remerciement 60 euros
- les cartes de remerciement 54,60 euros
Soit un total de 7 722,24 euros
Après application du taux de perte de chance, il revient à Mme [XE] la somme de 7 336,12 euros.
Le jugement est infirmé sur le montant.
- Les frais divers.
'Mme [LU] [ZR] épouse [XE] sollicite le paiement d'une somme de :
- 960 euros au titre de frais d'avocat qui les a conseillés avant la procédure d'expertise,
- 1 000 euros au titre des frais du médecin conseil (docteur [N]).
Mme [F] et la société La Médicale de France estiment que les frais d'avocat sont indemnisés au titre des frais irrépétibles.
Les frais irrépétibles se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l'occasion d'une instance non compris dans les dépens prévus par l'article 695 du nouveau code de procédure civile. Les frais réclamés par Mme [ZR] sont relatifs au présent litige et sont compris dans les frais non répétibles.
Le premier juge a, à juste raison, rejeté la somme de 960 euros.
En tenant compte du taux de perte de chance, il revient à Mme [ZR] épouse [XE] la somme de 950 euros (qui n'est pas contestée).
Le jugement est confirmé à ce titre.
'Mme [LU] [ZR] réclame le paiement d'une somme de 15 104,05 euros au titre des frais d'entretien de l'habitation, de ses dépendances et du jardin.
Elle explique que M. [D] [XE] se chargeait de l'entretien de la maison et du jardin et qu'elle doit faire appel à un prestataire de service.
Mme [F] et la société La Médicale de France contestent cette demande en faisant remarquer que les factures produites ne concernent pas des travaux d'entretien courant.
Les qualités de bricoleur sont attestées par plusieurs personnes. Néanmoins Mme [LU] [ZR] verse au dossier une facture concernant le dessouchage d'un cerisier pour la mise en place d'une terrasse, la fabrication d'un cabanon en bois qui ne peuvent être considérées comme de l'entretien de jardin.
Les deux factures en date du 25 octobre 2015 et 22 juin 2017 sur des 'travaux de jardins' sont trop sibyllines pour être probantes.
En outre, Mme [LU] [ZR] ne tient pas compte dans son évaluation de l'âge de son époux et de sa cécité partielle.
Le premier juge a débouté à juste titre Mme [LU] [ZR] épouse [XE].
- La perte de revenus de Mme [LU] [ZR].
Mme [LU] [ZR] épouse [XE] explique que la part d'auto-consommation de son époux est de 20 % et non pas de 35 % comme retenu par le tribunal. Elle précise que le premier juge a commis une erreur en incluant sa retraite dans le montant versé par la Carsat.
Mme [F] et la société La Médicale de France signalent l'erreur commise par le tribunal. Ils retiennent une part d'auto-consommation de 35 % et discutent l'évaluation de Mme [LU] [ZR].
En cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par son conjoint doit être évalué en prenant en compte le revenu annuel du foyer et la part de consommation personnelle de celle-ci avant la survenue de l'accident médical, ainsi que les revenus que continue à percevoir le conjoint survivant.
En 2014, les revenus des époux [XE] s'établissent comme suit :
- 36 156 euros pour M. [D] [XE]
- 14 640 euros pour Mme [LU] [ZR]
soit un revenu net imposable de 50 796 euros.
En 2015, Mme [LU] [ZR] était âgée de 66 ans et son époux 68. Leurs enfants étaient âgés de 45 ans, 40 ans et 36 ans de sorte qu'ils ne peuvent plus être considérés comme étant à charge.
La part d'auto-consommation de M. [D] [XE] est évaluée à 35 %, soit 17 778,60 euros.
La pension de réversion de Mme [LU] [ZR] est de 1 206,18 euros (228,41 pour Carsat + 333,33 pour Arrco + 644,44 Agirc), soit 14 474,16 euros par an.
Ses ressources sont donc de 29 114,16 euros avec sa retraite.
La perte annuelle est donc de 3 903,24 euros (50 796 - 17 778,60 - 29 114,16 euros).
Du mois de juin 2015 au 4 septembre 2019, les arrérages échus sont évalués à 16 588 euros ([3 903,24 : 12 mois] x 51 mois).
Âgé de 67 ans au moment de son décès, la capitalisation s'effectue sur la base du prix de l'euro de rente de 15,899 soit 3 903,24 x 15,899 = 62 057,61 euros.
Le préjudice est donc de 62 057,61 + 16 588 soit 78 645,61 euros.
Après application du taux de perte de chance, il est alloué à Mme [LU] [ZR] épouse [XE] la somme de 74 713,33 euros.
* Sur les préjudices d'affection.
L'épouse, les enfants, les petits-enfants, les gendres et belles-filles, le beau-frère de M. [D] [XE] sollicitent la réparation de leur préjudice d'affection.
Mme [F] et la société La Médicale de France ne contestent pas le préjudice d'affection pour l'épouse, les enfants et petits-enfants et discutent le préjudice allégué par les autres membres de la famille.
Le préjudice d'affection est le préjudice moral subi par les proches à la suite du décès de la victime directe. Ce préjudice relève de l'évidence, dans le cas présent, pour l'épouse, les enfants et les petits-enfants.
C'est par une juste appréciation que le premier juge a retenu, après application du taux de perte de change, la somme de 28 500 euros pour Mme [LU] [ZR] épouse [XE], la somme de 14 250 euros pour chaque enfant de M. [D] [XE], la somme de 4 750 euros pour chaque petit-enfant.
Concernant les autres membres de la famille du défunt, les pièces communiquées, à savoir des photographies, sont insuffisantes pour démontrer l'existence d'un lien affectif proche et constant.
En conséquence, M. [BP] [GI], Mme [JH] [HV] épouse [XE], M. [GV] [XR], Mme [R] [O] épouse [XE] sont déboutés de leur demande.
Le jugement est infirmé à ce titre.
- Sur les autres demandes.
Succombant principalement en cause d'appel, Mme [F] et la société La Médicale de France sont condamnés à payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [LU] [XE], ainsi qu'aux dépens, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe :
Juge irrecevable l'appel de M. [YR] [XE], Mme [I] [XE] épouse [XR] et M. [PT] [XE] en ce qui concerne les préjudices de Mme [LU] [ZR] épouse [XE] ;
Confirme le jugement dans les limites de l'appel sauf en ses dispositions concernant :
- les frais d'obsèques, de cérémonie et de sépulture,
- le préjudice économique de Mme [LU] [ZR] épouse [XE],
- le préjudice d'affection de M. [BP] [GI], Mme [JH] [HV] épouse [XE], M. [GV] [XR], Mme [R] [O] épouse [XE],
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [F] et la société La Médicale de France à payer à Mme [LU] [ZR] épouse [XE] la somme de 7 336,12 euros au titre des frais d'obsèques, de cérémonie et de sépulture ;
Condamne Mme [F] et la société La Médicale de France à payer à Mme [LU] [ZR] épouse [XE] la somme de 74 713,33 euros au titre de son préjudice économique ;
Déboute M. [BP] [GI], Mme [JH] [HV] épouse [XE], M. [GV] [XR], Mme [R] [O] épouse [XE] de leur demande au titre du préjudice d'affection ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [F] et la société La Médicale de France à payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [LU] [ZR] veuve [XE], ;
Condamne Mme [F] et la société La Médicale de France aux dépens.
La greffière, La présidente,