9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 19/05513 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QBAH
Mme [ZM] [P]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère
GREFFIER :
Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 Février 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 26 Juillet 2019
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal de Grande Instance de RENNES
Références : 18/00069
****
APPELANTE :
Madame [ZM] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Kellig LE ROUX de la SELARL SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX PEIGNE MLEKUZ, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Chloé RUGRAFF, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Mme [I] [L], en vertu d'un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [ZM] [P], infirmière libérale, a fait l'objet d'un contrôle administratif de ses facturations (15 patients concernés), portant sur la période du 1er mars 2014 au 26 mars 2017, diligenté par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine (la caisse).
À l'issue de ce contrôle, par lettre datée du 7 juillet 2017, un indu d'un montant de 104 094,92 euros lui a été notifié pour des anomalies de facturations.
Mme [P] a saisi, par lettre du 26 août 2017, la commission de recours amiable de l'organisme qui, par décision du 18 janvier 2018, a rejeté ses demandes et confirmé la récupération des sommes indûment perçues pour le montant de 104 094,92 euros.
Mme [P] a ensuite porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine le 24 mars 2018.
Ce recours a été enregistré au répertoire général sous le numéro 18/00308.
Par ailleurs, le 7 août 2017, la directrice de la caisse lui a notifié la mise en oeuvre d'une éventuelle pénalité financière à hauteur de 50% des sommes indûment versées.
Par lettre datée du 26 août 2017, Mme [P] a fait valoir ses observations concernant la mise en oeuvre de cette pénalité financière.
Le 13 novembre 2017, suivant avis du 22 septembre 2017 de la commission des pénalités financières, la caisse lui a notifié une pénalité financière d'un montant de 52 000 euros.
Le 14 janvier 2018, Mme [P] a saisi le même tribunal à l'encontre de la décision concernant la pénalité financière.
Ce recours a été enregistré au répertoire général sous le numéro 18/00069.
Par jugement du 26 juillet 2019, le tribunal devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Rennes a :
- prononcé la jonction des recours n°21800308 et n°21800069 et dit que l'affaire ne sera plus appelée que sous ce seul numéro ;
- déclaré irrecevable la contestation de Mme [P] concernant les patients [T], [DF], [B], [C] [G], faute de saisine de la commission de recours amiable ;
- déclaré prescrite la demande de la caisse pour la période antérieure au 7 juillet 2014 ;
- déclaré en conséquence irrecevable la demande de remboursement d'indu concernant la patiente [K] [TE] pour la période du 1er mars 2017 au 7 juillet 2014 (sic) pour un montant de 2 323,20 euros ;
- validé l'indu notifié par la caisse à Mme [P] pour un montant ramené à 101 691,94 euros au titre des anomalies de facturations contestées sur la période du 7 juillet 2014 au 26 mars 2017 ;
- condamné en conséquence Mme [P] à verser à la caisse la somme de 101 691,94 euros au titre dudit indu ;
- condamné Mme [P] à verser à la caisse la somme de 25 000 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale et débouté la caisse du surplus de sa demande à ce titre ;
- rappelé qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du pôle social d'accorder des délais de paiement ;
- condamné Mme [P] aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration faite par communication électronique au greffe le 9 août 2019, Mme [P] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 30 juillet 2019.
Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 30 mars 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développé son conseil à l'audience, Mme [P] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de dire et juger recevable sa contestation concernant les patients [T], [DF], [B], [C] ;
- de dire et juger prescrites les demandes de la caisse portant sur la période antérieure au 7 juillet 2014 ;
- d'annuler la décision de la caisse du 7 juillet 2017 ;
- d'annuler la décision de la commission de recours amiable du 18 janvier 2018 ;
- d'annuler la décision de la directrice de la caisse du 13 novembre 2017 ;
- de débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- de condamner la caisse à payer à Mme [P] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la caisse à payer à Mme [P] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel de Rennes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la caisse aux entiers dépens ;
- à titre subsidiaire, d'ordonner l'échelonnement du paiement des sommes dont Mme [P] serait condamnée au paiement sur une durée de 24 mois en application de l'article 1343-5 du code civil.
Par ses écritures parvenues au greffe le 5 novembre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développé son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :
Sur la forme :
- la recevoir en ses écritures, fins et conclusions ;
Au fond :
- débouter Mme [P] de ses demandes ;
I - Sur l'indu
- constater que Mme [P] n'a contesté qu'une partie de l'indu (67 044,72 euros) devant la commission de recours amiable de la caisse ;
- en conséquence, déclarer irrecevable la contestation de Mme [P] portant sur l'indu relatif aux assurés [T], [DF], [B], [C] [G], pour un montant total de 27 050,20 euros ;
- constater que la caisse s'en rapporte à justice sur la question de l'acquisition de la prescription triennale à la partie de l'indu relative à la période antérieure au 7 juillet 2014 ;
- dire et juger que la caisse a parfaitement respecté le principe du contradictoire dans la remise en main propre, le 7 juillet 2017, de la notification de payer à Mme [P] ;
- dire et juger que l'indu, dans son fondement, est parfaitement justifié au regard des anomalies de 'cotation' constatées sur la facturation de Mme [P] sur la période du 7 juillet 2014 au 26 mars 2017 ;
- en conséquence, confirmer l'indu de 101 691,94 euros tel qu'il a été retenu par le pôle social du TGI de Rennes dans son jugement entrepris ;
II - Sur la pénalité financière
A titre principal :
- confirmer la pénalité financière d'un montant de 52 000 euros appliquée à Mme [P] au titre des anomalies de facturation constatées sur la période du 1er mars 2014 au 26 mars 2017 ;
- condamner Mme [P] à verser à la caisse la somme de 52 000 euros au titre de cette pénalité financière ;
A titre subsidiaire :
- confirmer la pénalité financière d'un montant de 25 000 euros appliquée à Mme [P], par le pôle social du TGI de Rennes dans son jugement, au titre des anomalies de facturation constatées sur la période du 1er mars 2014 au 26 mars 2017 ;
- condamner Mme [P] à verser à la caisse la somme de 25 000 euros au titre de cette pénalité financière ;
En tout état de cause :
- rejeter la demande d'octroi d'un délai de paiement, la cour n'étant pas compétente pour statuer sur ce point ;
- confirmer le jugement entrepris ;
- rejeter la demande de condamnation de la caisse au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [P] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [P] aux dépens de l'instance.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1 - Sur l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable par Mme [P] :
Mme [P] fait valoir que la caisse lui a notifié une seule et unique décision le 7 juillet 2017 portant sur un seul indu d'un montant total de 104'094,92 euros ; qu'elle a contesté cette unique décision devant la commission de recours amiable sans limiter l'étendue de son recours ; que si elle n'a pas évoqué dans la motivation de son recours M. [T], M. [DF], Mme [G] [C] et Mme [B], cela ne signifie pas pour autant qu'elle entendait exclure de sa contestation le montant de l'indu les concernant ; que l'absence de motivation du recours soumis à la commission de recours amiable ne fait pas obstacle à la saisine, par la suite, du tribunal des affaires de sécurité sociale ; que c'est à tort que le tribunal a considéré que sa contestation n'était que partielle.
La caisse réplique que, dans son courrier de saisine de la commission de recours amiable, c'est sans ambiguïté que Mme [P] n'a pas entendu contester les indus relatifs aux quatre assurés susmentionnés ; qu'elle a pris soin de détailler pour chacun des assurés sociaux les motifs justifiant sa contestation ; qu'à aucun moment au cours de la phase amiable, elle ne cite ni n'évoque le moindre désaccord concernant l'indu afférent auxdits assurés sociaux ; qu'elle ne sollicite pas l'annulation de l'indu mais une diminution, au regard des éléments avancés par elle ; qu'elle n'entendait pas contester l'intégralité de l'indu ; qu'en l'absence de contestation de cette partie de l'indu devant la commission de recours amiable, celle-ci est devenue définitive, comme l'a justement retenu le tribunal.
Sur ce :
L'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale dispose :
'Les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai'.
En l'espèce, dans son courrier de saisine de la commission de recours amiable du 26 août 2017 (pièce n°2 de la caisse), Mme [P] mentionne :
' Madame, Monsieur,
Suite au contrôle effectué sur mon activité, je me suis rendue au siège de la CPAM d'Ille-et-Vilaine pour rencontrer Mme [Y] et M. [N] pour échanger longuement sur ma pratique infirmière auprès de mes patients et justifier la facturation qui en découle.
Je me permets de venir vers vous car il reste quand même quelque point sur lesquels je souhaiterais revenir et approfondir ma démarche de prise en charge'.
Suivent ses observations détaillées pour chacun des assurés sociaux à l'exception de M. [T], M. [DF], Mme [G] [C] et Mme [B].
Elle conclut sa lettre ainsi :
"Par ces explications sur ma pratique infirmière et de la facturation qui en découle, j'espère une révision à la baisse de l'indu qui ressort des anomalies que vous avez notées lors du contrôle'.
Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'elle a clairement entendu limiter son recours aux onze patients listés sur les quinze concernés par la notification d'indu.
À aucun moment elle n'indique vouloir contester de manière générale l'indu qui lui a été notifié de sorte que les développements sur la motivation de la saisine de la commission de recours amiable et les jurisprudences y afférentes sont inopérants.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la contestation de Mme [P] portant sur les indus notifiés au titre des quatre patients sus mentionnés faute d'avoir saisi la commission de recours amiable dans le délai prévu à l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale d'un recours les concernant.
2 - Sur le moyen tiré de la prescription d'une partie des sommes réclamées au titre de l'indu :
Mme [P] expose que la caisse ne peut notifier un indu portant sur des prestations payées depuis plus de trois ans en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ; que l'indu notifié par lettre du 7 juillet 2017 porte sur la période du 1er mars 2014 au 26 mars 2017 ; que les sommes indues antérieures au 7 juillet 2014 sont prescrites.
La caisse s'en rapporte à la décision de la cour sur la prescription soulevée par Mme [P] et retenue par les premiers juges mais ne sollicite pas l'infirmation du jugement sur ce point.
Il sera simplement indiqué que l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l'espèce, énonce :
'L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations'.
L'indu a été notifié à Mme [P] par remise en main propre le 7 juillet 2017.
La fraude n'a pas été retenue par la caisse de sorte que le délai de trois ans trouve à s'appliquer en l'espèce.
Il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la demande au titre de l'indu portant sur les facturations antérieures au 7 juillet 2014 est irrecevable comme prescrite (2 323,20 euros).
3 - Sur le respect du principe du contradictoire :
Mme [P] reproche à la caisse de ne pas l'avoir informée de la tenue d'un contrôle de sa facturation avant la notification d'indu qui est intervenue lors d'un entretien qui s'est déroulé le 7 juillet 2017, auquel elle s'est rendue sans aucun document, sans être assistée et sans se douter du motif réel de sa convocation ; que la caisse ne lui a pas transmis les prescriptions sur lesquelles la décision d'indu a été prise, ni au moment de l'entretien, ni au cours de la procédure ; qu'elle n'a pu préparer une quelconque argumentation en défense ; que ce procédé déloyal est contraire au principe du contradictoire ainsi qu'aux droits de la défense et justifie l'annulation de la décision.
La caisse réplique que compte tenu du montant de l'indu, elle a estimé plus "délicat"de convier Mme [P] à un entretien en vue de la notification de l'indu ; qu'aucun texte n'exige qu'avant la remise de cette notification, le professionnel de santé puisse émettre des observations ; que cette possibilité est offerte après la remise ; que Mme [P] a bien produit une lettre d'observations en date du 26 août 2017 ; qu'aucun manquement au principe du contradictoire ne saurait lui être reproché.
Sur ce :
L'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à l'espèce dispose :
'En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :
1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7, L. 162-22-7-3 et L. 162-23-6 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1, L. 162-22-6 et L. 162-23-1 ;
2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 160-8,
l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
[...]
L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.
[...]
En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.
Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux sommes réclamées qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées dans la mise en demeure. Cette majoration peut faire l'objet d'une remise'.
Il résulte de ce texte que la caisse n'avait pas à informer Mme [P] de la tenue d'un contrôle de sa facturation avant la notification de l'indu.
Il ressort en outre du courrier de notification d'indu qu'était joint en annexe 1 le détail des anomalies et griefs par patient ainsi que les tableaux récapitulatifs reprenant pour chaque prestation concernée, la nature et la date de la prestation, le motif et la date de paiement de l'indu, le montant des sommes versées à tort et la somme due au total.
Mme [P] a utilisé la possibilité offerte par les textes de présenter des observations écrites, ce qu'elle a fait par lettre du 26 août 2017.
Il ne saurait être reproché à la caisse de ne pas avoir transmis à cette dernière les prescriptions concernées par la décision d'indu au moment de l'entretien ni au cours de la procédure dès lors qu'il appartient au professionnel de santé d'apporter, en complément de ses observations, des éléments pour contester le non-respect des règles de facturation et de tarification retenu par la caisse au terme du contrôle.
La procédure qui a été menée contradictoirement dans le respect des textes est par conséquent régulière. Ce moyen sera rejeté.
4 - Sur le bien-fondé de l'indu contesté :
En vertu des articles R. 4311-7 et 9 du code de la santé publique dans sa version applicable, l'infirmier est habilité à pratiquer un certain nombre d'actes soit en application d'une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin.
Pour trancher le présent litige, il convient de se reporter, dans la nomenclature des actes professionnels (NGAP) dans sa version applicable :
- d'une part, dans la première partie, aux dispositions générales qui concernent toutes les professions de santé ;
- d'autre part, dans la deuxième partie, s'agissant des actes infirmiers, au titre XVI.
L'article 5 de la NGAP dispose que 'seuls peuvent être pris en charge ou remboursés par les caisses d'Assurance Maladie, sous réserve que les personnes qui les exécutent soient en règle vis-à-vis des dispositions législatives, réglementaires et disciplinaires concernant l'exercice de leur profession :
(...)
c) les actes effectués personnellement par un auxiliaire médical, sous réserve qu'ils aient fait l'objet d'une prescription médicale écrite qualitative et quantitative et qu'ils soient de sa compétence'.
L'article 11 de la NGAP énonce que lorsqu'au cours d'une même séance plusieurs actes inscrits à la nomenclature sont effectués sur un même malade par le même praticien, l'acte du coefficient le plus important est seul inscrit avec son coefficient propre. Le deuxième acte est ensuite noté à 50 % de son coefficient. Les actes suivant le second ne donnent pas lieu à honoraires.
L'article 23.2 des dispositions générales énonce :
'Lorsque l'infirmier(ère) réalise à domicile :
- un pansement lourd et complexe inscrit au titre XVI, chapitre I, article 3 ou chapitre II, article 5bis ;
ou
- des soins inscrits au titre XVI à un patient en soins palliatifs.
Ces prises en charge donnent lieu à la majoration de coordination infirmier(ère) (MCI) du fait du rôle spécifique de l'infirmier(ère) en matière de coordination, de continuité des soins et de gestion des risques liés à l'environnement.
Cette majoration ne peut être facturée qu'une seule fois par intervention.
La prise en charge en soins palliatifs est définie comme la prise en charge d'un patient ayant une pathologie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital. Elle vise à soulager la douleur et l'ensemble des symptômes digestifs, respiratoires, neurologiques et autres, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.'
L'article 11 du titre XVI définit la séance de soins infirmiers comme suit :
'Séance de soins infirmiers, par séance d'une demi-heure, à raison de 4 au maximum par 24 heures.
La séance de soins infirmiers comprend l'ensemble des actions de soins liées aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne.
La cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle.
Par dérogation à cette disposition et à l'article 11B des dispositions générales, la séance de soins infirmiers peut se cumuler avec la cotation d'une perfusion, telle que définie au chapitre 1er ou au chapitre II du présent titre, ou d'un pansement lourd et complexe nécessitant des conditions d'asepsie rigoureuse'.
La cotation de séances de soins infirmiers est subordonnée à l'élaboration préalable de la démarche de soins infirmiers (DSI). Ces séances ne peuvent être prescrites pour une durée supérieure à trois mois. Leur renouvellement nécessite la prescription et l'élaboration d'une nouvelle démarche de soins infirmiers'.
Enfin, l'article 5 bis du chapitre 2 du titre XVI de la NGAP relatif à la prise en charge à domicile d'un patient insulino-traité indique :
'' Surveillance et observation d'un patient diabétique insulino-traité dont l'état nécessite une adaptation régulière des doses d'insuline en fonction des indications de la prescription médicale et du résultat du contrôle extemporané, y compris la tenue d'une fiche de surveillance, par séance (cotation AMI 1)
' Injection sous-cutanée d'insuline (cotation AMI 1)
' Séance hebdomadaire de surveillance clinique et de prévention, d'une durée d'une demi-heure, pour un patient insulino-traité de plus de 75 ans
Cette cotation inclut :
- l'éducation du patient et/ou de son entourage ;
- la vérification de l'observance des traitements et du régime alimentaire, le dépistage du risque d'hypoglycémie ;
- le contrôle de la pression artérielle ;
- la participation au dépistage et le suivi des éventuelles complications, en particulier neurologiques, infectieuses, cutanées ;
- la prévention de l'apparition de ces complications, en particulier par le maintien d'une hygiène correcte des pieds ;
- la tenue d'une fiche de surveillance et la transmission des informations au médecin traitant, qui doit être immédiatement alerté en cas de risque de complications ;
- la tenue, si nécessaire, de la fiche de liaison et la transmission des informations utiles à l'entourage ou à la tierce personne qui s'y substitue.
La cotation de cet acte ne se cumule pas avec une prise en charge dans le cadre de la démarche de soins infirmiers prévue au titre XVI, chapitre Ier, article 11. (cotation AMI 4)
' Pansement lourd et complexe pour un patient diabétique insulino-traité, nécessitant des conditions d'asepsie rigoureuses et une détersion avec défibrination (cotation AMI 4).
Ces actes peuvent se cumuler entre eux sans application de l'article 11B des dispositions générales de la nomenclature générale des actes professionnels'.
Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, d'établir l'existence du paiement d'une part, son caractère indu d'autre part. Conformément à l'article 1358 du code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen (2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-20.930).
La Cour de cassation considère que les tableaux établis par la caisse, annexés à la notification de payer, qui reprennent notamment les numéros des bénéficiaires, les noms et date de naissance des assurés, les dates des prescriptions, les dates de début des soins, les dates de mandatement, les actes, les bases de remboursement, les montants remboursés sont suffisants à établir la nature et le montant de l'indu, sans qu'il y ait lieu pour la caisse de produire les prescriptions médicales litigieuses correspondant aux indus notifiés, les factures émises, les preuves de paiement opérés en règlement des actes dispensés par le professionnels de santé. Il appartient ensuite au professionnel de santé d'apporter des éléments pour contester l'inobservation des règles de facturation et de tarification retenue par l'organisme de prise en charge au terme du contrôle (2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n° 19-11.698).
Il sera indiqué également que Mme [P] travaillait en partenariat avec Mme [LS], infirmière libérale, sur le même secteur, auprès des mêmes patients et sur le fondement des mêmes prescriptions médicales et DSI. La caisse a effectué une comparaison des cotations effectuées par les deux infirmières ainsi que des ordonnances transmises par chacune d'elles. Les tableaux joints à la notification d'indu contiennent les facturations réalisées par Mme [LS] pour les patients concernés.
Sous le bénéfice de ces rappels et observations, il convient de reprendre les contestations développées par Mme [P] patient par patient, pour ceux qui ont fait l'objet d'une contestation devant la commission de recours amiable.
4.1 - assuré [YK] [A] (indu de 21 737,08 euros) :
M. [A] s'est vu prescrire durant la période du 31 juillet 2014 au 26 mars 2017 des soins infirmiers quotidiens liés à l'amputation de son pied ainsi que des prises de sang selon des fréquences variables.
Mme [P] a facturé par jour 4AIS3 + 2AMI4 + 2AMI2 + 2MCI + 4IFA alors que Mme [LS] a facturé avec les mêmes prescriptions 2AIS3 + 1AMI4 + 1MCI + 2IFA.
Si les prescriptions médicales fondant ces actes ne sont pas précises sur le nombre de pansements à effectuer par jour, le mot pansement y est généralement écrit au singulier, ou lorsqu'il l'est au pluriel, a été ajoutée par le médecin la mention 'une fois par jour' (ordonnance du 22 décembre 2015).
Il est suffisamment établi par les pièces du dossier que seul un pansement lourd et complexe par jour devait être facturé au regard des prescriptions médicales.
Si Mme [P] renvoie la cour à la lecture de l'ordonnance du 30 mai 2013 qui fait état de "pansements 2/jours" (sa pièce n°12), il sera noté que cette ordonnance concerne une période bien antérieure à celle objet de l'indu.
Contrairement à ce qu'elle affirme, il ne lui appartenait pas d'apprécier le nombre de pansements à effectuer.
S'agissant de la majoration de coordination infirmier, elle ne peut être facturée qu'une seule fois par intervention destinée à effectuer un pansement lourd et complexe.
Enfin, la prise de sang doit être réalisée en même temps que la séance de soins infirmiers lorsqu'une telle séance est prescrite, l'article 11 B de la NGAP cité supra précisant que 'La séance de soins infirmiers comprend l'ensemble des actions de soins liées aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne. La cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle'.
Si le cumul entre deux actes est possible à titre dérogatoire, il ne concerne pas le cas des prises de sang.
Eu égard à ces éléments, l'indu relevé par la caisse est parfaitement justifié.
4.2 - assurée [K] [TE] (indu de 17 376,40 euros compte tenu de la prescription retenue supra) :
Pour la période du 7 juillet 2014 au 26 mars 2017, les prescriptions médicales prévoient le passage d'une infirmière trois fois par jour pour mesure de la glycémie et injection d'insuline ainsi que la réalisation de pansement sur certaines périodes.
La caisse estime que Mme [P] a facturé à tort des pansements lourds et complexes au lieu de pansements simples en ce qu'elle aurait dû les coter AMI2 et non AMI4 et qu'elle ne pouvait en facturer qu'un seul par jour.
De la lecture des prescriptions, il ressort que la mention '3 fois par jour' ne concerne sans ambiguïté que la mesure de la glycémie et l'injection d'insuline.
Dès lors, Mme [P] ne pouvait facturer qu'un seul pansement par jour.
S'agissant de la cotation en pansement lourd et complexe, Mme [P] allègue que les prescriptions de pansements au profit de M. [A] ne précisaient pas davantage qu'il s'agissait de pansements lourds et complexes alors que la caisse a accepté la cotation en AMI4. Cependant, cette dernière relève à juste titre que les premières prescriptions médicales concernant M. [A] sont intervenues dans le cadre d'une amputation.
Dans le cas de Mme [TE], Mme [P] ne produit aucun élément qui viendrait confirmer la cotation en pansement lourd et complexe. Le seul fait que Mme [TE] soit diabétique est à ce titre insuffisant.
Si Mme [P] estimait que les prescriptions n'étaient pas assez précises, il lui appartenait de solliciter le médecin rédacteur à cette fin.
L'indu est justifié à hauteur de la somme retenue par la caisse.
4.3 - Assurée [UG] [C] (indu de 6 625,95 euros) :
L'indu porte sur la période du 1er décembre 2014 au 26 mars 2017.
La caisse reproche à Mme [P] d'avoir facturé deux AIS3 par jour sur certaines périodes ou un AIS3 par jour sur d'autres, un 2ème pansement et un déplacement supplémentaire alors que Mme [LS], avec les mêmes prescriptions médicales, a facturé 1 AMI4 et des injections périodiques.
S'agissant des pansements, Mme [P] ne justifie pas, sur la période de l'indu, d'une prescription médicale prévoyant deux pansements par jour à réaliser par une infirmière.
Elle ne produit pas l'ordonnance du 1er décembre 2014 sur la base de laquelle elle a facturé des soins alors qu'il lui appartenait de le faire. Les ordonnances postérieures produites aux débats font clairement référence à un seul pansement par jour 'faire pratiquer un pansement de jambe tous les jours par une infirmière DE.... Espacer les pansements à un jour sur deux si épidermisation bien relancée' (ordonnance des 17 février et 14 avril 2015 notamment).
Est indifférent le fait que le médecin traitant de Mme [C] a prescrit la fourniture de 2 kits de pansements par jour sur certaines périodes dès lors que les prescriptions concernant l'intervention de l'infirmière ne font pas état de plusieurs passages par jour.
S'agissant des séances de soins infirmiers (AIS3) pour la période du 8 juin 2016 au 30 septembre 2016, Mme [P] a facturé les actes par elle réalisés en se fondant une prescription du 7 décembre 2015.
La DSI du 31 décembre 2015 établie en application de l'ordonnance du docteur [H] du 7 décembre 2015 que Mme [P] produit aux débats, qui prévoit une démarche de soins infirmiers pendant 6 mois, ne pouvait en tout état de cause produire effet à compter du 8 juin 2016, étant relevé que l'article 11 du titre XVI de la NGAP énonce que les séances de soins infirmiers ne peuvent être prescrites pour une durée supérieure à trois mois.
Ainsi, sur la période du 8 juin 2016 au 30 septembre 2016, il est établi que les prescriptions médicales sur la base desquelles Mme [P] a facturé des séances de soins infirmiers étaient périmées.
Il importe peu que Mme [P] ait effectué les actes et qu'elle les considèrent comme nécessaires pour le patient.
Sur la période du 6 octobre 2016 au 26 mars 2017, la caisse a retenu comme indue la séance de soins infirmiers (AIS3) facturée par jour par Mme [P].
Les facturations se fondent sur des prescriptions médicales en date des 18 août 2016 et 17 novembre 2016 du docteur [H] fournies par la caisse, lesquelles indiquent respectivement 'pansements tous les jours y compris le dimanche et jour férié jusqu'à cicatrisation pendant 6 mois' et '[CD] : une injection par IDE à domicile tous les jours, y compris dimanche et jour férié pendant 6 jours', ces actes ne relevant effectivement pas d'une séance de soins infirmiers.
Mme [P] produit quant à elle aux débats une autre ordonnance du 18 août 2016 établie par le docteur [H] prescrivant une démarche de soins infirmiers pendant six mois.
La DSI établie en application de cette ordonnance n'est cependant pas produite par Mme [P] de sorte qu'il n'est pas établi qu'une séance de soins infirmiers par jour était envisagée. Il sera noté à cet égard que Mme [LS], sur la même période et en visant la prescription du 18 août 2016, n'a facturé aucune séance de soins infirmiers.
L'indu est par conséquent établi à hauteur de la somme retenue par la caisse pour cette patiente.
4.4 - assurée [J] [W] (indu de 5 476 euros) :
L'indu concerne la période du 11 septembre 2014 au 30 septembre 2016.
Mme [W] s'est vue prescrire des soins infirmiers une à deux fois par jour
et une réfection du pansement une à deux fois par jour en fonction des périodes, ainsi que des prélèvements et vérifications.
Mme [P] a facturé jusqu'à quatre passages par jour et plusieurs pansements alors que les prescriptions imposaient au maximum deux passages par jour, en regroupant les différents soins à réaliser en ce compris les prélèvements et vérifications.
Les contraintes d'organisation dont Mme [P] fait état ne peuvent peser sur les facturations.
Si Mme [P] considérait que l'état de santé de Mme [W] justifiait une modification de sa prise en charge, il lui appartenait de le signaler au médecin traitant de l'assurée sans pouvoir seule s'affranchir du cadre de la prescription initiale.
L'indu est dès lors établi pour cette patiente.
4.5 - assurée [X] [EH] (indu de 4 145,55 euros) :
L'indu porte sur la période du 23 juillet 2015 au 26 mars 2017.
La caisse reproche à Mme [P] d'avoir facturé jusqu'à 4 AIS3 et 2 MCI par jour alors que les prescriptions médicales n'indiquaient que deux passages par jour et que Mme [EH] ne pouvait être considérée en soins palliatifs justifiant la majoration de coordination infirmière.
Il ressort des pièces versées aux débats par Mme [P] (sa pièce n°22) que la prescription initiale du 23 juillet 2015 mentionne 'passage d'IDE à domicile y compris week-end et jour férié 2 fois par jour QSP 15 j à renouveler une fois si nécessaire)' ; qu'ensuite, elle produit uniquement des ordonnances prescrivant une DSI, sans justifier des DSI correspondantes, ce qu'il lui appartenait de faire.
Mme [P] indique que la DSI qui prévoyait deux séances de soins infirmiers par jour a été établie par Mme [LS], sans consultation de sa part. Cet élément est indifférent, cette DSI étant conforme à la prescription initiale.
Il sera relevé à toute fin que l'ordonnance du 28 juin 2017, certes couvrant une période postérieure à l'indu, mentionne 'préparation et surveillance de la prise des médicaments, surveillance du poids 1/mois. Passage de l'IDE 2 fois par jour matin et soir. Durée de la prescription : un mois'.
Il importe peu à ce titre que le 7 septembre 2017, Mme [P] ait établi une DSI prévoyant quatre séances de soins infirmiers par jour, cette DSI ne concernant pas la période d'indu.
Il s'ensuit que ne sont pas justifiés les actes facturés au-delà de deux séances de soins infirmiers par jour.
S'agissant de la majoration de coordination infirmière, aucun élément ne permet de caractériser le fait que Mme [EH] était atteinte, sur la période concernée par l'indu, soit près de deux ans, d'une 'pathologie grave, évolutive, mettant en jeu son pronostic vital' nécessitant de voir soulager sa douleur et l'ensemble des symptômes digestifs, respiratoires, neurologiques et autres, à apaiser sa souffrance psychique, à sauvegarder sa dignité et à soutenir son entourage, tel que décrit dans la NGAP.
La facturation des [7] sur la période est dès lors non fondée et l'indu est justifié à hauteur de la somme retenue par la caisse.
4.6 - assurée [Z] [U] (indu de 3 991,76 euros) :
L'indu concerne la période du 11 juin 2015 au 16 septembre 2016.
La caisse reproche en premier lieu à Mme [P] d'avoir facturé des pansements sur la base de prescriptions qui n'en faisaient pas mention, en cela les ordonnances des 11 juin 2015, 5 août 2015 et 29 décembre 2015.
A la lecture du tableau des anomalies relevées par la caisse, seule l'ordonnance du 29 décembre 2015 a fondé la facturation de plusieurs pansements par jour (1 AMI4 et 1 AMI2) à compter du mois de janvier 2016. Cette ordonnance est produite par la caisse (sa pièce n°14 D) et ne contient en effet aucune mention de pansement : 'DSI surveillance de TA, pouls, traitement, préparer le pilulier, douche'.
Il sera relevé que sur la base de cette ordonnance, Mme [LS] n'a quant à elle facturé aucun pansement.
Si Mme [P] fait état de prescriptions médicales des 8 janvier 2016 et 25 avril 2016 qui font expressément référence à des pansements, les actes considérés comme indus par la caisse n'ont pas été facturés par Mme [P] sur la base de celles-ci.
Faute pour Mme [P] de justifier d'une prescription conforme à sa facturation, l'indu est établi sur ce point.
S'agissant des prises de sang (AMI1,5), Mme [P] a facturé cet acte séparément d'une séance de soins infirmiers, avec un déplacement et application de la majoration de l'acte unique (MAU).
La caisse fait valoir à juste titre que la prise de sang doit être réalisée en même temps que la séance de soins infirmiers lorsqu'une telle séance est prescrite, en application de l'article 11 B de la NGAP cité supra.
Enfin, s'agissant de la majoration de coordination infirmière, elle n'est applicable que lorsque l'infirmière réalise des pansements lourds ou complexes ou lorsqu'il s'agit de soins palliatifs.
Aucun pansement n'ayant été prescrit par l'ordonnance ayant fondé leur facturation et Mme [P] ne démontrant pas que les soins apportés à Mme [U] s'inscrivaient dans le cadre de soins palliatifs, la cotation d'une MCI par jour n'est pas fondée.
L'indu est justifié à hauteur de la somme retenue par la caisse.
4.7 - assuré [FJ] [S] (indu de 3 972,76 euros) :
L'indu concerne la période du 24 décembre 2014 au 26 mars 2017.
Les prescriptions médicales sur la période prévoyaient le passage d'une infirmière à domicile trois fois par jour pour la réalisation d'un contrôle de glycémie, injection d'insuline et éducation thérapeutique.
La caisse reproche à Mme [P] d'avoir facturé 7 AMI1 pour la surveillance et l'injection d'insuline, au lieu de 6 possibles (1 AMI1 pour la surveillance et l'adaptation des doses d'insuline + 1 AMI1 pour l'injection d'insuline, par passage).
Mme [P] indique que le matin, elle procédait à une injection d'une dose d'insuline lente puis à une injection d'une dose d'insuline rapide ; qu'elle cotait donc 3 AMI1 le matin, puis 2 AMI1 le midi et le soir, soit 7 AMI1.
Cependant, Mme [P] ne justifie pas de ce qu'elle pratiquait deux injections d'insuline le matin, les prescriptions médicales ne le précisant pas; le terme 'injection' figure du reste au singulier sur l'ensemble des ordonnances.
La cotation à appliquer par jour pour la surveillance et l'injection d'insuline est donc 6 AMI1.
S'agissant de la pose et dépose de bas de contention, Mme [P] a facturé par jour 2 AMI1.
Outre le fait que ces actes n'ont fait l'objet d'aucune prescription médicale, la pose et la dépose de bas de contention ne figurent pas dans les actes que la caisse a vocation à prendre en charge, la nomenclature ne le prévoyant pas.
L'indu est donc justifié à hauteur de la somme retenue par la caisse.
4.8 - assurés M. et Mme [D] (indu de 727,70 euros) :
L'indu porte sur la période du 5 août 2015 au 13 mars 2017.
La caisse reproche en premier lieu à Mme [P] d'avoir facturé des déplacements pour les deux membres du couple alors que les soins étaient réalisés le même jour.
Mme [P] explique les deux déplacements par le fait qu'une prise de sang devait être faite à M. [D] à jeun, heure à laquelle Mme [D] n'était pas réveillée, celle-ci étant une insomniaque chronique ; qu'elle était contrainte de revenir plus tard dans la journée.
Il n'est pas justifié de ces allégations de sorte qu'il sera considéré, à l'instar des premiers juges, que les soins sur les deux membres du couple pouvaient être réalisés lors d'un même passage à domicile.
La caisse reproche en outre à Mme [P] d'avoir facturé la réalisation de deux pansements par jour, contrairement aux mentions des prescriptions médicales.
Mme [P] indique qu'elle a poursuivi le protocole mis en place par le [4], Mme [D] souffrant de plusieurs ulcères.
Si les prescriptions des 1er juillet 2015, 22 janvier 2016 et 22 juillet 2016 ne font mention que de termes au singulier (lésion ulcéreuse, ulcère, pansement), la prescription suivante du 3 janvier 2017 indique 'faire faire les pansements des ulcères des deux jambes par IDE à domicile jusqu'à guérison'.
En conséquence, c'est à juste titre que Mme [P] a facturé 1 AMI4 + 1 AMI2 (soit 1/2 AMI4) sur la base de l'ordonnance du 3 janvier 2017 comme l'ont relevé les premiers juges.
Le calcul opéré par ces derniers doit être approuvé, l'indu étant ramené à 648,32 euros.
4.9 - assurée [V] [O] (indu de 365,70 euros) :
L'indu porte sur la période du 12 août 2016 au 27 février 2017.
La caisse reproche à Mme [P] d'avoir facturé à tort des [7] pour des soins palliatifs et des pansements lourds et complexes qui n'étaient pas prévus par les prescriptions médicales.
Mme [P] allègue que Mme [O] était atteinte d'un cancer de la thyroïde pour lequel elle était en affection longue durée depuis le 29 juin 2015, avec des métastases osseuses ; que les soins prodigués répondent à la définition de soins palliatifs.
Cependant, la notion de prise en charge en soins palliatifs vise les patients en fin de vie et en phase terminale. La prise en charge à domicile de patients atteints d'un cancer n'implique pas nécessairement un soin palliatif.
S'il est exact que l'infirmière est responsable de la facturation de la [7], celle-ci n'ayant pas à être prescrite par le médecin, l'état de santé de l'assuré doit correspondre à cette définition.
En l'espèce, Mme [P] ne peut être suivie dans son raisonnement dès lors que les ordonnances sur la base desquelles elle a facturé les soins donnés font seulement état d'une aide à la toilette deux fois par jour, d'une injection sous-cutanée quotidienne de [6] et de la 'réfection d'un pansement une fois par jour pendant 8 à 10 jours puis tous les 2 jours jusqu'à guérison' ; ces éléments sont insuffisants à démontrer que Mme [O] était en fin de vie.
L'indu s'agissant des MCI est justifié.
Concernant les pansements, Mme [P] a côté un pansement lourd et complexe par jour (AMI4).
Là encore, aucun élément ne vient corroborer l'assertion de l'intéressée selon laquelle il s'agirait d'un pansement d'ulcère justifiant une telle cotation. Chaque pansement doit donc être coté AMI2.
L'indu est par conséquent justifié pour la somme retenue par la caisse.
4.10 - assuré [E] [M] (indu de 239,40 euros) :
L'indu porte sur la période du 16 février au 26 mars 2017.
La caisse reproche à Mme [P] d'avoir facturé pour un même passage 2 AMI4 + 1 AMI2 à taux plein.
Mme [P] soutient que M. [M] est un patient diabétique insulino-traité ce qui lui permettait de facturer plusieurs pansements lourds et complexes à taux plein.
La caisse précise que les soins prescrits n'étaient pas en lien avec la pathologie diabétique ; qu'au regard de l'article 11 B de la NGAP, l'acte présentant le coefficient le plus important doit être facturé entièrement, puis le second à 50 % et les suivants ne sont pas facturés. Elle admet cependant que M. [M] bénéficie de la prise en charge de deux affections de longue durée, dont le diabète.
Il résulte en effet de l'article 5 bis du chapitre 1 du titre XVI de la NGAP mentionné supra que seuls les actes listés, destinés à la prise en charge de la pathologie diabétique, sont susceptibles de se cumuler entre eux en dehors de l'article 11 B de la NGAP.
Le seul fait que M. [M] soit un patient diabétique insulino-traité est insuffisant pour voir appliquer la cotation maximale pour chacun des actes dès lors qu'en l'espèce la prescription médicale délivrée par un chirurgien digestif n'est pas en lien avec la pathologie diabétique mais avec la seconde affection de longue durée :
'- soins d'ileostomie avec changement de support tous les 2 à 3 jours jusqu'à suppression de la stomie
- soins du périnée : avec une seringue de 50cc de Guyon à embout, enfoncer prudemment l'embout à travers l'anus et irriguer doucement le canal anal avec 50cc de serum physiologique, une fois par jour, pendant un mois, puis recouvrir l'anus avec compresses + pansement Mepilex
- méchage de la cicatrice abdominale à l'Algostéril une fois par jour ou tous les deux jours si bien toléré, jusqu'à cicatrisation complète'.
Les dispositions de l'article 11 B de la NGAP sont donc applicables et Mme [P] devait facturer 1 AMI4 et 1 AMI2, le troisième acte ne pouvant être pris en charge.
L'indu est justifié à hauteur de la somme retenue par la caisse.
4.11 - assurée [F] [R] (indu de 63,72 euros) :
L'indu porte sur la période du 26 janvier au 17 février 2017.
La caisse reproche à Mme [P] d'avoir facturé des pansements lourds et complexes, parfois plusieurs jours de suite, sur la base d'une ordonnance du 26 janvier 2017 prescrivant un pansement simple tous les deux jours.
Mme [P] indique avoir adapté la fréquence du pansement en considération de l'état de cicatrisation de la plaie.
La prescription mentionne clairement : 'à faire par IDE à domicile pansement jambe gauche tulle gras jusqu'à cicatrisation, tous les 2 jours' de sorte que Mme [P] devait s'y conformer strictement.
Seul un pansement simple tous les deux jours pouvait être facturé.
L'indu est justifié à hauteur de la somme retenue par la caisse.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu un indu total ramené à la somme de 101 691,94 euros.
5 - Sur la pénalité financière :
L'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable énonce que :
'I.-Peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, de la caisse mentionnée à l'article L. 215-1 ou L. 215-3 ou de l'organisme local chargé de verser les prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles :
[...]
3° Les professionnels et établissements de santé, ou toute autre personne physique ou morale autorisée à dispenser des soins, à réaliser une prestation de service ou des analyses de biologie médicale ou à délivrer des produits ou dispositifs médicaux aux bénéficiaires mentionnés au 1°.
II.-La pénalité mentionnée au I est due pour :
1° Toute inobservation des règles du présent code, du code de la santé publique, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie. Il en va de même lorsque l'inobservation de ces règles a pour effet de faire obstacle aux contrôles ou à la bonne gestion de l'organisme ;
[...]
III.-Le montant de la pénalité mentionnée au I est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés, soit proportionnellement aux sommes concernées dans la limite de 50 % de celles-ci, soit, à défaut de sommes déterminées ou clairement déterminables, réserve faite de l'application de l'article L. 162-1-14-2, forfaitairement dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Il est tenu compte des prestations servies au titre de la protection complémentaire en matière de santé et de l'aide médicale de l'Etat pour la fixation de la pénalité'.
Il appartient au juge du contentieux de la sécurité sociale saisi d'un recours formé contre la pénalité, de vérifier la matérialité, la qualification et la gravité des faits reprochés à la personne concernée ainsi que l'adéquation du montant de la pénalité à l'importance de l'infraction commise par cette dernière (2e Civ., 15 février 2018, pourvoi n° 17-12.966).
La matérialité et la qualification des faits ont suffisamment été établies supra.
C'est par une motivation que la cour fait sienne que les premiers juges ont de manière proportionnée fixé la pénalité financière à 25 000 euros et condamné Mme [P] à verser cette somme à la caisse.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
6 - Sur la demande de délais de paiement :
La Cour de cassation exclut la possibilité pour les juridictions d'accorder des délais de paiement sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil en matière d'indu au titre de l'article L. 133 4 du code de la sécurité sociale (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 19-18.788).
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [P] de ce chef.
7 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de la caisse ses frais irrépétibles.
Mme [P] sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.
Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de Mme [P] qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
RECTIFIE l'erreur matérielle figurant sur le jugement et DÉCLARE irrecevable la demande de remboursement d'indu concernant la patiente [K] [TE] pour la période du 1er mars 2014 au 7 juillet 2017 pour un montant de 2 323,20 euros ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant :
CONDAMNE Mme [ZM] [P] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [ZM] [P] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT