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28/03/2023 | FRANCE | N°21/01639

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 28 mars 2023, 21/01639


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N° 160



N° RG 21/01639 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RN7M













M. [E] [U]

S.A.S. [U]



C/



S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES



































Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me PERRAUD

Me DEMIDOFF







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 MARS 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur





GREFFIER :



Mada...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 160

N° RG 21/01639 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RN7M

M. [E] [U]

S.A.S. [U]

C/

S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me PERRAUD

Me DEMIDOFF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur

GREFFIER :

Madame Lydie CHEVREL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Janvier 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, le délibéré annoncé au 11 Avril 2023 ayant été avancé pour être rendu ce jour.

****

APPELANTS :

Monsieur [E] [U]

né le 26 Avril 1972 à [Localité 6] (51)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Matthieu PERRAUD de la SELARL LA FIDUCIAIRE GENERALE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

S.A.S. [U], immatriculée au RCS de VANNES sous le n°835 034 570, représentée par son Président domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu PERRAUD de la SELARL LA FIDUCIAIRE GENERALE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉE :

S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n°552 046 955, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Vincent ASSELINEAU de la SELAS ASSELINEAU & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Xavier DUBOIS, avocat au barreau de PARIS

La SAS [U], dont le gérant est M. [E] [U], exerce une activité de 'audit et de conseil d'organisations techniques (maintenance, ingénierie, production) dans tous secteurs d'activités'.

Selon bon de commande daté du 19 décembre 2017, la Société ENGIE ENERGIE SERVICES lui a confié des prestations de sous-traitance en qualité de « Chef de Projet Réseau », dans le cadre du « Projet RCU » (Réseau de Chauffage Urbain pour « RCU ») mené sur la Ville d'[Localité 5] par la Société ENGIE COFELY.

Les prestations étaient convenues pour une durée d'une année, de décembre 2017 à décembre 2018 et d'un coût de 19.425 euros HT ou 23.310 euros TTC par mois.

La mission du prestataire consistait à :

- assurer l'interface avec les divers services de la Ville d'[Localité 5],

- coordonner l'équipe Projet,

- suivre les études de détail et les contrats de sous-traitance,

- suivre le planning et les réalisations,

- suivre le budget,

- participer aux revues de détails.

Par courrier RAR daté du 13 août 2018, la Société ENGIE ENERGIE SERVICES a résilié le contrat avec effet immédiat, pour le motif suivant 'comportement inapproprié à l'égard d'une intervenante'.

Par courrier RAR daté du 20 août 2018, la Société [U] a contesté cette décision et demandé des précisions sur le motif de cette rupture.

Monsieur [Y] [F], Directeur Éthique, Compliance et Privacy de la Société ENGIE ENERGIE SERVICES, a adressé à la Société [U] les précisions sollicitées, par courrier RAR du 20 septembre 2018.

Il a précisé que la Direction Éthique et Compliance de la Société BUREAU VERITAS, qui intervenait sur le chantier au titre de missions de prévention sécurité, l'avait alerté au début du mois d'août 2018, d'une plainte interne déposée par l'une de ses collaboratrices au sujet de Monsieur [U], au titre d'un comportement inapproprié à son encontre.

Il ajoutait que ce comportement était susceptible d'être qualité d'acte pénalement répréhensible, la Société BUREAU VERITAS ayant sollicité de la Société ENGIE ENERGIE SERVICES qu'elle prenne, en conséquence, toutes mesures nécessaires afin de faire cesser cette situation et de protéger sa salariée visée par les agissements.

Le Conseil de la Société [U] a adressé à la Société ENGIE ENERGIE SERVICES un courrier RAR de mise en demeure ,le 5 octobre 2018.

Par exploit introductif d'instance daté du 25 janvier 2019, la Société [U] et M. [E] [U] ont assigné la Société ENGIE ENERGIE SERVICES par devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE afin que celui-ci:

- dise que la Société ENGIE ENERGIE SERVICES a rompu de manière abusive, brutale et vexatoire le contrat de prestations de services confié en sous-traitance à la Société [U] en tant que « Chef de Projet Réseau » dans le cadre du « Projet RCU d'[Localité 5] », au titre de la période initiale courant de décembre 2017 à décembre 2018, matérialisé par un bon de commande accepté n°0990387681 du 19 décembre 2017,

- condamne la Société ENGIE ENERGIE SERVICES à verser à la Société [U] :

- une somme de 19.425 € H.T. (soit 23.310 € TTC) correspondant à la facture émise au mois d'août 2018 au titre de ses prestations antérieures à la rupture du contrat, demeurant impayée,

- une somme de 77.770 € H.T. (soit 93.324 € TTC) en réparation du préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat,

- une somme de 233.100 € H.T. (soit 279.720 € TTC) en réparation des préjudices liés à l'atteinte à l'image et à la désorganisation de l'entreprise,

- condamner la Société ENGIE ENERGIE SERVICES à verser à Monsieur [U]

une somme de 100.000 €, en réparation de son préjudice moral lié aux conditions brutales et vexatoires de la rupture du contrat portant atteinte à son honneur et à sa réputation,

- condamne la société ENGIE au paiement de frais irrépétibles et de dépens.

Par jugement du 24 septembre 2019, le tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent au bénéfice du tribunal de commerce de Vannes.

Par jugement du 12 février 2021, le tribunal de commerce de Vannes a:

- rejeté la demande de sursis à statuer formulée par la Société [U] et Monsieur [U],

- dit et jugé bien fondée la résiliation unilatérale avec effet immédiat notifiée par la Société ENGIE ENERGIE SERVICES à la Société [U],

- condamné la Société ENGIE ENERGIE SERVICES à payer à la Société [U] la somme de 9.775,16 € TTC, au titre de la facture n° F1-2018831 du 31 août 2018, calculée au prorata temporis,

- condamné la Société ENGIE ENERGIE SERVICES à payer à la Société [U] la somme de 161,71 € TTC, au titre de la facture n° F1-20180903 du 3 septembre 2018,

- débouté la Société [U] et Monsieur [U] de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,

- débouté la Société ENGIE ENERGIE SERVICES de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

- condamné solidairement la Société [U] et Monsieur [U] à payer à la Société ENGIE ENERGIE SERVICES la somme de 3.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné les mêmes solidairement aux entiers dépens de l'instance.

Appelants de cette ordonnance, M. [U] et la société [U], par conclusions du 16 décembre 2022, ont demandé que la Cour:

- les déclare recevables et bien fondés en leur appel,

- infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société ENGIE de sa demande de dommages et intérêts,

A titre principal:

- dise que la société ENGIE ENERGIE SERVICES a rompu de manière abusive, brutale et vexatoire le contrat de prestations de service confiées en sous-traitance

- condamne la société ENGIE ENERGIE SERVICES à verser à la société [U]:

- une somme de 19 425 euros HT (soit 23 310 euros TTC) correspondant à la facture F1-2018831 émise le 31 août2018 au titre de ses prestations antérieures à la rupture du contrat, demeurant impayée;

- une somme de 161.71 euros au titre de la facture de frais n°F1-20180903;

- une somme de 77 770 euros HT (soit 93 324 euros TTC) en réparation du préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat;

- une somme de 233 100 euros HT (soit 279 720 euros TTC) en réparation des préjudices liés à l'atteinte à l'image et de la désorganisation de l'entreprise.

- condamne la société ENGIE ENERGIE SERVICES à verser à Monsieur [E] [U] une somme de 100 000 euros, en réparation de son préjudice moral lié aux conditions brutales et vexatoire de la rupture du contrat portant atteinte à son honneur et à sa réputation;

En tout état de cause:

- condamne société ENGIE ENERGIE SERVICES à verser à la société [U] une somme de 19 425 euros HT (soit 23 310 euros TIC) correspondant à Ia facture F1-2018831 émise le 31 août 2018 au titre de ses prestations antérieures à Ia rupture du contrat, demeurant impayée;

- déboute la société ENGIE ENERGIE SERVICES de son appel incident;

- déboute Ia société ENGIE ENERGIE SERVICES de I'ensemble de ses demandes

- condamne Ia société ENGIE ENERGIE SERVICES à verser à la société [U] et à Monsieur [U] une somme de 15 000 euros par application des dispositions de l'articIe 700 du code de procédure civile;

- condamne Ia société ENGIE ENERGIE SERVICES aux entiers dépens.

Par conclusions du 26 décembre 2022, la société ENGIE ENERGIE SERVICES a demandé que la Cour:

- reçoive la Société ENGIE ENERGIE SERVICES en son appel incident,

- confirme le jugement rendu le 12 février 2021 par le Tribunal de Commerce de VANNES en ce qu'il a :

- rejeté la demande de sursis à statuer formulée par la Société [U] et Monsieur [E] [U],

- dit et jugé bien fondée la résiliation unilatérale avec effet immédiat notifiée par la Société ENGIE ENERGIE SERVICES à la Société [E] [U],

- débouté la Société [U] et Monsieur [E] [U] de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,

- condamné solidairement la Société [U] et Monsieur [E] [U] à payer à la Société ENGIE ENERGIE SERVICES la somme de 3.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné solidairement la Société [U] et Monsieur [E] [U] aux entiers dépens de l'instance,

- donne acte à la Société [U] et Monsieur [E] [U] de leur désistement sur la demande de sursis à statuer,

- constate le comportement gravement fautif de Monsieur [E] [U],

- juge en conséquence bien fondée la résiliation unilatérale avec effet immédiat notifiée par la Société ENGIE ENERGIE SERVICES à la Société [U] par courrier recommandée avec accusé de réception du 13 août 2018,

- déboute la Société [U] de sa demande à hauteur de 77.770 € H.T. (soit 93.324 € TTC) en réparation du préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat,

- déboute la Société [U] de sa demande à hauteur de 233.100 € H.T. (soit 279.720 € TTC) en réparation des préjudices liés à l'atteinte à l'image et de la désorganisation de l'entreprise,

- déboute Monsieur [E] [U] de sa demande à hauteur de 100.000 € en réparation de son préjudice moral lié aux conditions brutales et vexatoires de la rupture du contrat portant atteinte à son honneur et à sa réputation,

- infirme le jugement rendu le 12 février 2021 par le Tribunal de Commerce de VANNES en ce qu'il a :

- condamné la Société ENGIE ENERGIE SERVICES à payer à la Société [U] la somme de 9.775,16 € TTC, au titre de la facture n° F1-2018831 du 31 août 2018, calculée au prorata temporis,

- condamné la Société ENGIE ENERGIE SERVICES à payer à la Société [U] la somme de 161,71 € TTC, au titre de la facture n° F1-20180903 du 3 septembre 2018,

- débouté la Société ENGIE ENERGIE SERVICES de sa demande reconventionnelle formulée à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, à hauteur de 20.000 €,

Statuant à nouveau :

- constate que la facture n°F1-20180731 de la Société [U] datée du 30 août 2018 a été réglée par la Société ENGIE ENERGIE SERVICES,

- déboute la Société [U] de sa demande de règlement de la facture n°F1-20180731 datée du 30 août 2018, comme infondée,

- déboute la Société [U] de sa demande de règlement de la facture n°F1-20180831 datée du 31 août 2018, comme infondée,

- déboute la Société [U] de sa demande de règlement de la facture n°F1-20180903 datée du 3 septembre 2018, comme infondée,

- condamne solidairement la Société [U] et Monsieur [E] [U], à titre reconventionnel, à une amende civile de 10.000 € pour procédure et appel abusifs,

- condamne solidairement la Société [U] et Monsieur [E] [U] à verser à la Société ENGIE ENERGIE SERVICES, à titre reconventionnel, la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs,

- déboute la Société [U] et Monsieur [E] [U] de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamne solidairement la Société [U] et Monsieur [E] [U] à verser à la Société ENGIE ENERGIE SERVICES la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne la Société [U] et Monsieur [E] [U] aux entiers dépens de la présente instance.

MOTIFS DE LA DECISION:

L'issue de la plainte pénale de Mme [B] étant connue, la disposition relative au sursis à statuer n'est pas critiquée.

Selon les dispositions de l'article 1194 du code civil, les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.

La loi comme les usages obligent, sur un lieu de travail, à ne pas tenir de façon répétée des propos outrageants, inconvenants, à caractère raciste ou sexiste, susceptible de gêner ou de provoquer les personnes devant lesquelles ils sont proférés.

Le 13 août 2018, soit après plusieurs mois d'exécution du contrat, la société [U] a reçu de la société ENGIE le courrier suivant:

'par la présente, nous sommes au regret de vous signifier mettre un terme anticipé à votre prestation sur le projet du chauffage urbain de la ville d'[Localité 5], avec effet immédiat.

Un des motifs de cette décision: un comportement inapproprié à l'encontre d'une intervenante.

Votre présence dans les bureaux d'[Localité 5] Energies et sur ses chantiers en cours ne peut plus être envisagée. Nous vous enverrons l'ensemble de vos effets personnels'.

Après demande d'explication de la société [U] adressée par recommandé le 20 août 2018, la société ENGIE a répondu que les faits étaient relatifs aux griefs évoqués par une collaboratrice de la société BUREAU VERITAS auprès de sa direction au sujet du comportement de M. [U].

La société ENGIE justifie par les pièces qu'elle verse aux débats que:

- le 07 août 2018, Mme [M] [B], une collaboratrice de la société BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, s'est plainte à son supérieur du comportement de M. [U] à son égard, rappelant qu'elle s'était déjà plainte de son comportement au mois d'avril, au motif qu'il lui faisait ouvertement des propositions sexuelles et l'avait suivie.

Elle exposait être harcelée, y compris en public, M. [U] multipliant les propos relatifs au sexe et ayant le 23 juillet tenu devant les conducteurs de travaux, des propos humiliants, relatifs à des fellations,

- le 09 août, la société BUREAU VERITAS a répercuté cette plainte à la société ENGIE.

La société ENGIE expose que M. [W], directeur du projet d'[Localité 5], aurait rencontré Mme [B], qui lui aurait confirmé les faits (aucun compte rendu écrit n'est versé aux débats).

La société ENGIE dispose de deux témoignages qui corroborrent les propos de Mme [B]:

- M. [J] atteste de la tenue régulière par M. [U] de propos gênants pour les femmes présentes; il témoigne aussi de propos tenus par M.[U] à propos de Mme [B], le premier indiquant à plusieurs personnes avoir interdit à la seconde de 'faire la bise', et lui avoir demandé de 'prendre ses distances avec tout le monde' car elle était 'provocante' et créait une mauvaise ambiance sur le chantier,

- Mme [K] a écrit que les paroles de M. [U] envers les femmes étaient souvent déplacées, qu'il était peu correct avec les serveuses dans les restaurants et qu'elle l'avait vu faire pleurer Mme [B] en l'accablant de reproches professionnels, infondés selon le témoin.

Mme [B] a elle-même porté plainte quelques mois plus tard. Il doit être relevé que dans sa plainte, elle indique que M. [U] faisait attention à ne jamais tenir ses propos de nature sexuelle en public alors que dans sa plainte interne, elle évoquait au contraire des propos tenus devant des conducteurs de travaux.

Sa plainte a été classée sans suite 'infraction insuffisamment caractérisée'.

La Cour ne dispose pas de l'entière procédure.

M. [U] a lui-même rédigé une note, figurant dans son dossier, dans lequel il relate les nombreuses provocations sexuelles de Mme [B] en termes choisis évoquant sa nymphomanie et évoque son attitude de 'bimbo': jeans trop moulants, tenues inadaptées: décolleté et bras nus, qui 'incitent forcément les personnels du chantier à spéculer sur les dessous de Mme [B]', laquelle 'passe régulièrement son temps à jouer avec sa coiffure'.

Parlant de lui-même à la troisième personne, il précise 'M. [U] est contraint à de maints recadrages sur le chantier'.

En vertu des dispositions de l'article 1126 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La société ENGIE disposait, en dehors des griefs exposés par Mme [B] à son employeur, la société BUREAU VERITAS, des témoignages concordants de M. [J] et de Mme [K], pour être certaine que M. [U] tenait devant le personnel féminin, de façon répétée, des propos outrageants et de nature à le rendre mal à l'aise.

M. [J] et Mme [K] ont d'autre part rapporté chacun un incident mettant en cause son attitude envers Mme [B], sur laquelle il n'était pas censé avoir la moindre autorité hiérarchique, s'agissant d'une salariée de la société BUREAU VERITAS, entreprise devant en outre garder sur chaque chantier son indépendance de méthode et de pensée afin de mener à bien sa mission de contrôle.

M. [U] ne détenait donc aucun pouvoir lui permettant de dicter à Mme [B] comment dire bonjour, ni comment travailler et encore moins s'habiller, sa note de synthèse démontrant à cet égard une vision profondément erronée tant des rapports humains pouvant être en vigueur sur un lieu de travail que des pouvoirs qu'il tirait de sa mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage.

La société ENGIE n'était pas non plus l'employeur de Mme [B] mais les faits révélés étaient de nature à porter préjudice à l'ensemble du personnel féminin présent sur le chantier, les attestations ayant révélé le caractère habituel des propos sexistes de l'intéressé tout autant que le ciblage de Mme [B].

Dès lors, la résolution immédiate et sans mise en demeure préalable du contrat par la société ENGIE est justifiée, la nature des propos tenus ainsi que le caractère répété des outrages au personnel féminin ne permettant pas la poursuite des relations contractuelles.

Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a débouté la société [U] et M. [E] [U] de leurs prétentions relatives à la rupture du contrat et à ses conséquences.

S'agissant des factures dont le paiement est demandé:

- la facture en remboursement de frais n'a pas été émise par la SAS [U], seule prestataire de la société ENGIE, et par conséquent la demande est rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef.

- les parties s'accordent sur le fait que la facture F1-2018731 a été payée.

La convention des parties, d'une durée de douze mois, prévoyait un montant d'honoraires global payable en douze mensualités égales, le contrat commençant en décembre 2017 pour se terminer en décembre 2018.

L'expert-comptable de la SAS [U] atteste que la société ENGIE a payé huit acomptes. Cette dernière ne justifie pas avoir payé plus.

La rupture est intervenue courant août 2018, soit durant le neuvième mois de travail.

Le travail effectué durant les journées du mois d'août doit être rémunéré et tel est l'objet de la facture F1-2018831 que la société ENGIE conteste devoir.

Le premier juge a accordé à la SAS [U] une somme calculée prorata temporis au regard de l'acompte mensuel.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Enfin, il n'est pas démontré que la SAS [U] et M. [U] aient engagé une procédure pour d'autres motif que la simple préservation de leurs droits.

Il n'y a lieu ni à amende civile ni à dommages et intérêts pour procédure abusive.

Les appelants, qui succombent, supporteront la charge des dépens d'appel.

Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel sont rejetées.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société ENGIE ENERGIE SERVICES à payer la facture F1-20180903 du 03 septembre 2018 à la SAS [U].

Statuant à nouveau:

Déboute la SAS [U] de sa demande en paiement de la facture précitée.

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Y ajoutant:

Déboute la société ENGIE ENERGIE SERVICES de sa demande d'amende civile et de dommages et intérêts pour appel abusif.

Condamne la SAS [U] et M. [U] aux dépens d'appel.

Dit que chaque partie gardera à sa charge ses frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/01639
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;21.01639 ?
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