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20/03/2023 | FRANCE | N°23/00148

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 20 mars 2023, 23/00148


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 59/2023 - N° RG 23/00148 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TSZ2





JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E





article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Patricia IBARA, greffière,



Statuant sur l'appel formé par lettre si:mple postée

le 11 mars 2023 reçue le 13 Mars 2023 par :



M. [U] [A]

né le 22 Décembre 1942 à [Localité 5]

[Adresse 1],



hospitalisé au centre hospitalier...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 59/2023 - N° RG 23/00148 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TSZ2

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l'appel formé par lettre si:mple postée le 11 mars 2023 reçue le 13 Mars 2023 par :

M. [U] [A]

né le 22 Décembre 1942 à [Localité 5]

[Adresse 1],

hospitalisé au centre hospitalier [3] de [Localité 4]

ayant pour avocat Me Emmanuelle DELEURME-TANNOURY, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 03 Mars 2023 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a ordonné le maintien de son hospitalisation complète ;

En présence de M. [U] [A], régulièrement avisé de la date de l'audience, assisté de Me Emmanuelle DELEURME-TANNOURY, avocat

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait valoir ses observations par avis écrit déposé le 13 mars 2023 régulièrement communiqué,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 20 Mars 2023 à 14 H 00 l'appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Sur la base d'un certificat médical du Dr. [V] du 20 février 2023 décrivant un patient présentant un état d'agitation important sur son lieu de vie sous-tendu par des idées de persécution envahissantes de mécanisme intuitif et interprétatif ayant motivé une tentative de fugue avec mise en danger et agitation sur la voie publique qui ont nécessité l'intervention des secours et des forces de l'ordre, inaccessible à la critique, avec une rationalisation des troubles du comportement, et sur le fondement d'une décision du directeur du centre hospitalier [3] de [Localité 4] du même jour, M. [U] [A] a été admis en hospitalisation complète sans son consentement, suivant la procédure de péril imminent.

Le certificat médical des 24 heures établi le 21 février 2023 par le Dr. [P] mentionne une accélération psychomotrice nette, une logorrhée peu canalisable, des coqs à l'âne, un ludisme et une certaine familiarité, une pensée diffluente, avec un discours parfois peu compréhensible, la présence d'idées délirantes de persécution avec des mécanismes principalement intuitifs et interprétatifs, une humeur exaltée, avec une altération du sommeil et une certaine instabilité psychomotrice, M. [U] [A] n'ayant pas conscience du caractère pathologique de ses troubles et de la nécessité des soins, présentant un risque de danger pour lui-même en cas de sortie prématurée de l'hôpital et un discernement altéré ne permettant pas de recueillir un consentement libre et éclairé aux soins, situation nécessitant le maintien des soins sous la forme d'une hospitalisation complète et continue.

Le certificat médical des 72 heures établi le 22 février 2023 par le Dr. [B] mentionne une accélération importante du cours de la pensée, avec de nombreux coqs à l'âne et associations d'idées, la persistance d'éléments délirants, multi-thématiques et de mécanisme notamment interprétatif et intuitif, une insomnie sans fatigue, une anosognosie totale ne permettant pas un consentement libre et éclairé aux soins, ainsi qu'un risque de mise en danger danger de lui-même en cas de sortie prématurée de l'hôpital, situation nécessitant le maintien des soins sous la forme d'une hospitalisation complète et continue.

Le même jour, le directeur du centre hospitalier a décidé du maintien de M. [U] [A] en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète pour une durée d'un mois.

Sur la base d'un certificat médical établi le 27 février 2023 par le Dr. [X] mentionnant la persistance d'une accélération psychique, d'une déshinibition verbale et d'un discours délirant interprétatif, M. [U] [A] n'ayant pas conscience de ses troubles et son adhésion au traitement étant très incomplète, le directeur du centre hospitalier a, par requête du même jour, saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de poursuite de l'hospitalisation complète.

Par ordonnance du 3 mars 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de M. [U] [A].

Le 13 mars 2023, M. [U] [A] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

À l'audience du 20 mars 2023 à 14 heures, M. [U] [A] indique qu'il s'agit de sa première hospitalisation. Il a été stoppé alors qu'il voulait partir de Vézin où il a sa chambre pour aller voir sa soeur à [Localité 2]. Il s'agit de sa seule famille et elle pourrait l'héberger.

Son avocate sollicite l'infirmation de l'ordonnance et la mainlevée de l'hospitalisation complète de M. [U] [A] au motif qu'il n'y a pas de certificat médical de situation établi en vue de l'audience, que son client n'a pas reçu communication de la requête du juge des libertés et de la détention, ce qui lui cause un grief, que cette requête a été établie sans pouvoir spécial du directeur du centre hospitalier (la délégation de signature, d'ailleurs non publiée, n'équivalant pas à la délégation de pouvoir) et que, sur le fond, il n'est pas justifié de la nécessité de poursuivre l'hospitalisation.

Le centre hospitalier ne comparaît pas et n'a pas transmis d'éléments complémentaires malgré rappel du greffe en ce sens, à l'exception d'un certificat médical de situation produit après l'audience.

Le ministère public requiert la confirmation de l'ordonnance.

DISCUSSION

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, M. [U] [A] a formé le 13 mars 2023 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du 3 mars 2023.

Son appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure

1 - le défaut de pouvoir accompagnant la saisine du juge des libertés et de la détention :

Aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, 'constitue (une) irrégularité de fond affectant la validité de l'acte (...) le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice'.

L'article 761 prévoit que 'les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement (...). L'Etat, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration'.

L'article 762 dispose que, 'lorsque la représentation par avocat n'est pas obligatoire, les parties se défendent elles-mêmes (...). Le représentant, s'il n'est avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial'.

L'article L. 6143-7 du code de la santé publique donne compétence au directeur du centre hospitalier pour 'représenter l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agir en justice au nom de l'établissement'.

L'article D. 6143-33 permet au 'directeur d'un établissement public de santé (de) déléguer sa signature'.

L'article D. 6143-34 précise que 'toute délégation doit mentionner :

1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ;

2° La nature des actes délégués ;

3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation'.

Enfin, s'il ressort de l'article L. 3216-1 que 'la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire', le juge judiciaire n'a pas, en revanche, à entrer dans le débat sur la légalité d'une délégation de signature par le directeur du centre hospitalier aux fins de saisine du juge des libertés et de la détention, notamment en raison d'un défaut de publication.

En l'espèce, M. [U] [A] ne disconvient pas de l'existence d'une décision n° 2022-218 du 1er juin 2022 par laquelle le directeur du centre hospitalier [3] de [Localité 4], M. [G] [D], délègue à Mme [R] [J], attachée d'administration, en son absence ou empêchement, notamment 'toute signature des saisines du juge des libertés et de la détention liées aux décisions de soins sans consentement du directeur ainsi que celles liées aux mesures d'isolement et de contention'.

La saisine du juge des libertés et de la détention formalisée le 27 février 2023 est le fait de Mme [R] [J], qui était bien investie du pouvoir pour le faire.

Dans ces conditions, le moyen soulevé doit être jugé inopérant.

2 - le défaut de communication de la requête adressée au juge des libertés et de la détention :

L'article R. 3211-11 du code de la santé publique dispose que, 'dès réception de la requête, le greffe l'enregistre et la communique (...) à la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques, à moins qu'elle soit l'auteur de la requête, et, s'il y a lieu, à la personne chargée à son égard d'une mesure de protection juridique relative à la personne ou, si elle est mineure, à ses représentants légaux'.

En l'espèce, M. [U] [A] a signé le 1er mars 2023 un accusé de réception de l'avis d'audience accompagné de la requête du directeur du centre hospitalier, remis au greffe le même jour. La formalité a donc bien été faite.

Dans ces conditions, le moyen soulevé doit être jugé inopérant.

3 - le défaut de certificat médical de situation à l'audience :

Aux termes de l'article L. 3211-12-4 du code de la santé publique, 'l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L. 3211-12 , L. 3211-12-1 ou L. 3222-5-1 est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué. Le débat est tenu selon les modalités prévues à l'article L. 3211-12-2, à l'exception du dernier alinéa du I'.

(...) Lorsque l'ordonnance mentionnée au même premier alinéa a été prise en application de l'article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d'appel au plus tard quarante-huit heures avant l'audience'.

En l'espèce, le certificat médical de situation établi le 20 mars 2023 par le Dr. [X] n'a été transmis à la cour qu'après l'audience. Il n'a donc pas pu être débattu contradictoirement, ce qui cause nécessairement grief à M. [U] [A].

En conséquence, il conviendra d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer la procédure irrégulière et d'ordonner la mainlevée de l'hospitalisation complète de M. [U] [A].

Toutefois, cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi. La mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité.

Sur les dépens

Les dépens d'appel seront laissés à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Recevons M. [U] [A] en son appel,

Infirmons l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Déclarons la procédure irrégulière,

Ordonnons la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète de M. [U] [A],

Disons toutefois que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi et que la mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité,

Laissons les dépens d'appel à la charge du trésor public.

Fait à Rennes, le 21 mars 2023 à 16 heures.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,

Philippe BRICOGNE, Président

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à M.[U] [A], à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur,

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD,

Le greffier,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 23/00148
Date de la décision : 20/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-20;23.00148 ?
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