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14/03/2023 | FRANCE | N°20/05118

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 14 mars 2023, 20/05118


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N° 105



N° RG 20/05118 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RAMS













S.A.S. DAVID-[R] ET ASSOCIES

S.E.L.A.R.L. ATHENA



C/



Société FERGUSON HOLDINGS (SWITZERLAND) AG



































Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me RINEAU

Me DEMIDOFF







RÉP

UBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 MARS 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE ...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 105

N° RG 20/05118 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RAMS

S.A.S. DAVID-[R] ET ASSOCIES

S.E.L.A.R.L. ATHENA

C/

Société FERGUSON HOLDINGS (SWITZERLAND) AG

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me RINEAU

Me DEMIDOFF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats, et Madame Lydie CHEVREL, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Novembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES :

S.A.S. DAVID-[R] ET ASSOCIES, prise en la personne de Maître [X] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société CHARPENTES FRANÇAISES, dont le siège social est situé [Adresse 1], immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 392 046 983, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de RENNES du 7 novembre 2018

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES, substitué par Me Nathalie NOEL, avocat au barreau de RENNES

S.E.L.A.R.L. ATHENA, prise en la personne de Maître [M] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société CHARPENTES FRANCAISES, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de RENNES du 7 novembre 2018

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES, substitué par Me Nathalie NOEL, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

FERGUSON HOLDINGS (SWITZERLAND) AG, société anonyme de droit Suisse immatriculée au registre du commerce du Canton de ZUG sous le numéro CH- 170.3.037.055-7, prise en la personne de son représentant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 5]

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCEDURE :

La société Ferguson Holdings (Switzerland) AG (la société Ferguson),est une société de droit suisse faisant partie du groupe Ferguson, anciennement groupe Wolseley.

La société par actions simplifiée Charpentes françaises était une filiale de la société Pinault Bois et Matériaux (la société Pinault), elle même filiale de la société Wolseley France.

A l'été 2014, la société Pinault a cherché un repreneur pour la société Charpentes françaises. Le groupe Champeau s'est porté candidat. Le fonds d'investissement britannique Endless s'est également porté candidat. C'est la candidature de ce dernier qui a été retenue.

M. [S], président de la société Charpentes françaises, a démissionné de ses fonctions le 10 avril 2015.

Par délibération de l'assemblée générale du 27 avril 2015, la société Ferguson, alors société Wolseley, a été désignée présidente de la société Charpentes françaises avec effet au 10 avril 2015.

Par délibérations du 30 avril 2015, l'assemblée générale de la société Charpentes françaises a notamment décidé de la distribution exceptionnelle d'un dividende de 4.000.000 euros et a donné son agrément au projet de cession des parts de la société détenues par la société Pinault au profit de la société Charpentes UK Holding, société constituée à cette fin par le fonds Endless, pour 4.750.000 euros.

Le même jour, la société Ferguson a démissionné de ses fonctions de présidente de la société Charpentes françaises.

Egalement le même jour, la société Elaghmore Limited, société de droit anglais, a été désignée présidente de la société Charpentes françaises.

Début 2018, rencontrant des difficultés, la société Charpentes françaises a demandé la désignation d'un mandataire ad hoc.

Le 12 avril 2018, estimant que la société Ferguson avait commis une faute de gestion en proposant à l'assemblée générale de voter la distribution d'un dividende de 4.000.000 euros, la société Charpentes françaises l'a assignée en paiement de dommages-intérêts.

Le 27 juillet 2018, la société Charpentes françaises a été placée en redressement judiciaire, la société 2M et Associés, prise en la personne de Mme [I], et Mme [N] étant désignées administrateurs judiciaires, avec mission d'assistance, la société Athéna, prise en la personne de Mme [P], et Mme [R] étant désignées mandataires judiciaires.

Le 7 novembre 2018, un plan de cessions a été arrêté et la société Charpentes françaises placée en liquidation judiciaire, les sociétés Athéna et David-[R] & associés étant désignées liquidateurs.

Par jugement du 1er octobre 2020, le tribunal de commerce de Rennes a :

-Jugé recevable l'assignation et les demandes formulées par la société Charpentes françaises et reconnu la capacité à agir de son directeur par délégation de pouvoir du président,

- Pris acte de l'intervention volontaire à la procédure des mandataires liquidateurs de la société Charpentes françaises,

- Jugé que la distribution de dividendes votée le 30 avril 2015 ne constitue pas une faute de gestion imputable à la société Ferguson,

- Débouté la société Charpentes françaises de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Ferguson,

- Débouté la société Ferguson de ses demandes au titre de la procédure abusive,

- Dit que les dispositions de l'article L621-9 du code de commerce ne sont pas opposables aux mandataires liquidateurs,

- Débouté la société Ferguson de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 150.000 euros,

- Condamné la société Charpentes Françaises à 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Fixé la créance à inscrire au passif de la liquidation à ladite somme de 20.000 euros et débouté la société Ferguson du surplus de sa demande à ce titre,

- Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire du jugement,

- Débouté la société Charpentes Françaises du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

- Débouté la société Ferguson du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société Charpentes françaises aux entiers dépens de l'instance et fixé la créance à inscrire au passif de la liquidation de la société Charpentes françaises,

- Débouté la société Ferguson du surplus de sa demande à ce titre.

Les sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, ont interjeté appel le 22 octobre 2010.

Les dernières conclusions des sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, sont en date du 29 octobre 2021. Les dernières conclusions de la société Ferguson sont en date du 28 janvier 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Les sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement, mais seulement en ce qu'il a estimé que la société Ferguson n'avait pas commis une faute de gestion dans l'exercice de ses fonctions de présidente de la société Charpentes françaises, et débouté les sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes à ce titre,

Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

- Condamner la société Ferguson au paiement d'une somme de 4.000.000 euros aux sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, somme correspondant au préjudice subi par la société Charpentes françaises à raison de la distribution exceptionnelle de dividendes fautivement proposée aux actionnaires,

En tout état de cause :

- Débouter la société Ferguson de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société Ferguson au paiement d'une somme de 25.000 euros aux sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Ferguson aux entiers dépens de l'instance.

La société Ferguson demande à la cour de :

In limine litis :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les exceptions et les fins de non recevoir soulevés in limine litis par la concluante,

Et statuant à nouveau :

- Dire et juger que l'assignation délivrée est entachée d'une irrégularité de fond et encourt à ce titre la nullité,

En tout état de cause :

- Dire et juger irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société Ferguson en raison du défaut de qualité à agir,

- Dire et juger irrecevables les liquidateurs judiciaires en leur intervention volontaire,

- Dire et juger prescrites les demandes formées à l'encontre de la société Ferguson, pour faute de gestion à l'occasion de la distribution de dividendes votée le 30 avril 2015,

A titre subsidiaire et sur le fond :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les liquidateurs judiciaires de la société Charpentes Françaises de l'intégralité de leurs demandes indemnitaires,

- Dire et juger que la distribution de dividendes votée le 30 avril 2015 ne constitue pas une faute de gestion imputable à la société Ferguson,

- Dire et juger que la société Ferguson n'a commis aucune faute de gestion pendant la durée de son mandat social de président de Charpentes Françaises, du 10 avril au 30 avril 2015,

- Dire et juger que la distribution de dividendes votée le 30 avril 2015 s'est faite sur des réserves légalement distribuables,

- Débouter en conséquence les sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, de l'intégralité des demandes formées à l'encontre de la société Ferguson,

A titre infiniment subsidiaire :

- Dire et juger qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la faute de gestion reprochée et le préjudice allégué et non justifié,

A titre reconventionnel :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la concluante de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Et statuant à nouveau :

- Dire et juger que l'action engagée au nom de la société Charpentes Françaises s'appuie sur des affirmations délibérément erronées et qu'elle est constitutive d'une procédure abusive,

- Dire et juger que l'intervention volontaire des liquidateurs judiciaires procède en l'espèce d'une légèreté blâmable,

- Constater que les liquidateurs judiciaires se sont affranchis des règles d'ordre public conférant au juge-commissaire de la liquidation judiciaire le monopole pour la désignation d'un technicien à la requête de la liquidation, en vertu de l'article L621-9 du code de commerce,

- Condamner en conséquence in solidum les sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, à verser à la société Ferguson, la somme de 150.000 euros sauf à parfaire à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

En tout état de cause :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé au passif la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

- Condamner in solidum les sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, à verser à la société Ferguson la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- Ordonner le paiement de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à titre de créance privilégiée née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, en application des articles L.622-17 et L.641-13 du code de commerce.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Les demandes de constat ne sont pas des demandes en justice.

Sur l 'irrégularité de l'assignation et la qualité à agir :

La société Ferguson fait valoir que l'assignation du 18 avril 2018 aurait été délivrée par une personne n'ayant ni le pouvoir ni la qualité pour le faire.

La société Charpentes Françaises a pour présidente la société Elaghmore. M. [J] est le représentant légal de cette dernière.

L'assignation du 17 avril 2018 mentionne qu'elle est délivrée par le directeur général de la société Charpentes Françaises.

Il n'est pas justifié que les statuts de la société Charpentes Françaises aient prévu la désignation d'un directeur général ayant pouvoir statutaire d'agir en justice pour le compte de la société.

Par courriel du 22 mars 2018 à 19h49, M. [F], directeur général de la société Charpentes Françaises, a indiqué à son avocat que concernant le délai et l'urgence de l'assignation, compte tenu des délais de prescription explicités par cet avocat, il pensait qu'il fallait se mettre en position d'assigner rapidement et précisait qu'il envoyait copie de ce message à M. [J] pour solliciter dès ce moment son accord de principe.

Par courriel du 22 mars 2018 à 19h50, M. [J] a répondu « Vous avez mon accord ».

Cette réponse de M. [J], intervenue dans le cadre d'un échange de courriels détaillés, est suffisamment explicite pour valoir délégation de pouvoir à M. [J] aux fins de faire délivrer une assignation pour engager la responsabilité du dirigeant de la société pour avoir proposé la distribution du dividende litigieux.

Il apparaît ainsi que l'assignation a été délivrée par une personne ayant reçu pour ce faire délégation de pouvoir du dirigeant de la société Charpentes Françaises.

En tout état de cause, l'éventuelle irrégularité pour défaut de pouvoir aurait été régularisée par l'intervention à l'instance des liquidateurs de la société Charpentes Françaises, investis du pouvoir de la représenter en justice pour poursuivre une instance déjà engagée. S'agissant de la poursuite d'une instance déjà engagée, les dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce ne seraient pas applicables et la date de l'interruption du délai de prescription serait celui de la date de l'assignation.

Sur la responsabilité du dirigeant de la société Charpentes Françaises :

La responsabilité des dirigeants sociaux peut être engagée. Le régime de cette responsabilité ne diffère pas de celui du droit commun, il est nécessaire que soient établis une faute, un préjudice et un lien de causalité.

Il résulte des dispositions de l'article L.225-251 du code de commerce que cette responsabilité des dirigeants de société anonyme est engagée en cas d'infractions aux dispositions législatives, de violation des statuts ou de faute de gestion :

Article L225-251 du code de commerce :

Les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Si plusieurs administrateurs ou plusieurs administrateurs et le directeur général ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.

Ces dispositions sont applicables aux dirigeants des sociétés par actions simplifiées par renvoi de l'article L.227-8 du code de commerce.

Constitue une faute de gestion tout comportement contraire à l'intérêt social. Le fait qu'un agissement soit conforme à l'objet social de la société n'implique pas nécessairement qu'il soit conforme à son intérêt social. Objet social et intérêt social sont en effet des notions distinctes. La faute de gestion suppose que le dirigeant social ait eu un comportement qui ne correspond pas à l'attitude d'une dirigeant normalement avisé, c'est à dire d'un dirigeant qui gère la société conformément à l'intérêt social.

En l'espèce, les liquidateurs de la société Charpentes Françaises reprochent à la société Ferguson d'avoir proposé au vote des actionnaires lors de l'assemblée générale du 30 avril 2015 une délibération prévoyant la distribution d'un dividende de 4.000.000 euros.

La décision de verser les dividendes doit être prise au regard de la situation de l'entreprise et de sa trésorerie, quand bien même ces dividendes devraient être affectés dans le cadre d'une opération de cession.

La société Ferguson était la dirigeante de la société Charpentes Françaises et a proposé l'adoption de la délibération décidant de la distribution de dividendes litigieuse. Elle est donc tenue de garantir les conséquences de l'éventuel caractère fautif de cette proposition qu'elle a émise.

La distribution d'un dividende de 4.000.000 euros ne s'est pas traduite par une baisse de trésorerie mais par le renoncement de la société Charpentes Françaises à une créance de ce montant sur ses actionnaires.

A la suite de cette distribution, la trésorerie de la société Charpentes Françaises était de 6.900.000 euros.

Cette somme était en augmentation sensible, ainsi, au 31 juillet 2013 la trésorerie était de 711.000 euros et au 31 juillet 2014 de 598.000 euros.

Ces opérations se sont accompagnées de la mise en place par la société Endless d'une ligne de crédit d'un montant de 3.000.000 euros au profit de la société Charpentes Françaises, à échéance au 31 décembre 2016. Cette échéance a par la suite été reportée.

Même si le recours à cette ligne de crédit était soumise à certaines conditions, il n'est pas justifié que du fait de la non réalisation de ces conditions la société Charpentes françaises n'ait pas pu y avoir recours avant le 31 décembre 2016, date initialement fixée. Ce n'est que le 16 février 2018 que la société Endless a notifié une situation de défaut au terme des contrats organisant son soutien en qualité d'actionnaire.

Après un résultat net positif de 8.589.000 euros à l'exercice clos le 31 juillet 2012, il a été négatif de 10.771.000 euros au 31 juillet 2013, 1.792.000 euros au 31 juillet 2014 et 4.345.000 euros au 31 juillet 2015.

Le chiffre d'affaires est passé sur la période de 69.054.000 euros à 44.751.000 euros.

La situation de la société Charpentes françaises se dégradait et il était donc nécessaire de recourir à une nouvelle restructuration.

Au cours de la décennie 2010, la société Charpentes françaises avait déjà fait l'objet de plusieurs restructurations. Au cours de cette période, elle avait peu eu recours à l'emprunt mais avait largement financé ses actionnaires à travers des remontées de trésoreries se traduisant par des soldes débiteurs des comptes courants de ces derniers.

La distribution de dividende litigieuse a en fait eu pour effet de rendre définitive une remontée de trésorerie antérieurement opérée au profit des actionnaires.

Le prévisionnel financier établi en 2015 ne faisait pas état d'un besoin de trésorerie pour les trois années à venir supérieur à la somme de 6.900.000 euros. Le point bas de trésorerie pour l'avenir était estimé à 1,2 millions d'euros en janvier 2017. Il n'est pas justifié qu'à la date de la proposition de distribution du dividende litigieux un passif était exigible et non pris en compte.

L'opération de cession d'avril 2015 s'est accompagnée d'un plan de restructuration qui prévoyait une amélioration de la situation à moyen terme et un retour à l'équilibre en 2018.

L'exercice clos au 31 décembre 2015 s'est achevé par une perte de près de 5,8 millions d'euros, celui de 2016 par une perte de près de 1,6 millions d'euros.

Il apparaît ainsi que la situation de la société s'est améliorée après la date de la distribution de dividendes litigieuse, même si elle restait particulièrement fragile. Les liquidateurs ne détaillent pas plus l'évolution de la situation de la société Charpentes françaises entre la date de la distribution de dividendes litigieuse et la date de son placement en redressement judiciaire.

Si la distribution du dividende a privé la société Charpentes françaises d'une réserve pour l'avenir, ou plus précisément d'une créance sur ses actionnaires, cette privation n'a pas dépassé ce qui est inhérent à toute distribution de dividende.

La société Charpentes françaises n'a été placée en redressement judiciaire que le 27 juillet 2018, la date de cessation des paiements étant fixée au 26 juillet 2018. C'est le fait que le groupe Endless retire ses garanties bancaires en début 2018 qui a précipité cette cessation des paiements.

Il apparaît ainsi que la décision de proposer à l'assemblée générale la distribution d'un dividende de 4.000.000 d'euros n'était pas, à la date à laquelle elle a été présentée, contraire à l'intérêt social de la société Charpentes françaises.

La demande de paiement de dommages-intérêts formée contre la société Ferguson sera rejetée.

Sur le caractère abusif de la procédure :

Il n'est pas justifié que les sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, aient agi en justice dans un but autre que celui de faire valoir leurs droits en justice. Le fait qu'elles aient désigné un technicien pour examiner la situation sans recourir à l'intervention du juge commissaire est sans incidence sur l'éventuel caractère abusif de la procédure engagée au nom de la société Charpentes françaises. La demande de paiement de dommages-intérêts formée par la société Ferguson à ce titre sera rejetée.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner les sociétés Davis-[R] et Athéna, ès qualités, aux dépens d'appel et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Confirme le jugement,

Y ajoutant :

- Rejette les autres demandes des parties,

- Condamne les sociétés Athéna, prise en la personne de Mme [P], et David-[R] & Associés, prise en la personne de Mme [R], en leur qualité de liquidateurs de la société Charpentes françaises, aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/05118
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;20.05118 ?
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