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09/03/2023 | FRANCE | N°20/00145

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 09 mars 2023, 20/00145


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°84/2023



N° RG 20/00145 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMF4













Mme [G] [P]



C/



SAS MANROS THERAPEUTICS





















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 MARS 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU D

ÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère, faisant fonction de Président

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des ...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°84/2023

N° RG 20/00145 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QMF4

Mme [G] [P]

C/

SAS MANROS THERAPEUTICS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère, faisant fonction de Président

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Décembre 2022 devant Madame Liliane LE MERLUS et Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrats, tenant seuls l'audience, en la formation double rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame DUBUIS, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, date à laquelle a été prorogé le délibéré initalement fixé au 02 Mars 2023

****

APPELANTE :

Madame [G] [P]

née le 21 Janvier 1970 à [Localité 4] (ALGERIE)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante en personne, assistée de Me Frédérick DANIEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

SAS MANROS THERAPEUTICS

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET,Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Catherine BARBAUD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Manros Thérapeutics est un laboratoire de recherche privé ayant pour activité l'identification, la caractérisation, l'optimisation et le développement pré-clinique et clinique d'inhibiteurs de kinases efficaces dans le traitement de la mucoviscidose, de la polykystose rénale et des maladies neuro-dégénératives telles que la maladie d'Alzheimer et la trisomie 21.

Elle a été créée par le Dr [T] [Y] et le Pr [K] [E] et a pour président et directeur scientifique depuis juillet 2011 le Dr [Y].

Mme [G] [P] a été engagée par la SAS Manros Thérapeutics selon un contrat à durée indéterminée en date du 19 janvier 2009. Elle exerçait les fonctions de chercheur en chimie organique.

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Au cours de l'année 2017, les relations entre les deux co-fondateurs de la société Manros Thérapeutics, M. [Y] et M. [E], se sont dégradées.

La relation de travail s'est dégradée entre Mme [P] et M. [Y]. Mme [P] ayant fait état en novembre 2017 d'un harcèlement moral, une médiation a été mise en place en interne, qui a abouti à un échec fin janvier 2018, comme la tentative de rupture amiable engagée ensuite.

Par courrier en date du 08 février 2018, la salariée a alors été convoquée à un entretien préalable au licenciement prévu le 20 février suivant.

Par courrier recommandé en date du 23 février 2018, Mme [P] s'est vue notifier un licenciement pour un positionnement depuis plusieurs mois constitutif d'une insuffisance professionnelle, aux motifs suivants :

- 'Une remise en cause de la direction de l'entreprise telle que l'exercice normal du pouvoir de direction vous semble relever d'une forme de harcèlement,

- Des relations dégradées avec nombre de salariés venant détériorer le climat général de l'entreprisecontrarier la fluidité de l'information et le travail en équipe

- Beaucoup de mauvaise grâce, sinon un refus pur et simple à vous plier aux règles notamment administratives applicables à tous les salariés, et ce malgré de nombreux rappels à l'ordre, ce qui est à l'origine de complications continuelles,

- Des difficultés à assumer les responsabilités qui vous incombent et à l'inverse des initiatives intempestives sans réel intérêt pour les projets en cours'.

***

Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Morlaix par requête en date du 23 novembre 2018 afin de voir :

'- Dire et juger que le licenciement de Mme [P] est nul en application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail.

- A titre subsidiaire, dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Dire et juger que Mme [P] a été victime de harcèlement moral de la part de M. [Y], président de la SAS Manros thérapeutics.

- Dire et juger que Mme [P] doit être classée au groupe IX, niveau B de la classification de la convention collective de l'industrie pharmaceutique.

En conséquence :

- Condamner la SAS Manros thérapeutics à payer à Mme [G] [P] les sommes suivantes :

- 23 228,04 euros (à parfaire) de rappel de salaire brut sur le fondement la classification conventionnelle ;

- 2 322,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel de salaire,

- 60 000,00 euros de dommages intérêts en réparation d'un licenciement nul ou sans cause réelle et

sérieuse ;

- 3 254,73 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement ;

A titre subsidiaire,

- 60 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-15 000 euros pour non-respect des dispositions légales et réglementaires concernant le suivi du salarié sous forfait annuel en jours.

-l 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, en toutes ses dispositions, et en particulier concernant les condamnations à caractère indemnitaire, sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

- Condamner la SAS Manros thérapeutics à payer à Mme [P] la somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner Manros thérapeutics à tous les dépens.'

La SAS Manros Thérapeutics a demandé au conseil de prud'homes de :

- Débouter Mme [G] [P] de l'ensemble de ses demandes,

- La condamner à verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 20 décembre 2019, le conseil de prud'homes de Morlaix a statué ainsi qu'il suit :

- Dit que l'insuffisance professionnelle n'est pas démontrée de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Condamne la SAS Manros thérapeutics à payer au docteur [G] [P] la somme de 21 983 euros de complément d'indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Condamne la SAS Manros thérapeutics à payer au docteur [G] [P] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rappelle l'exécution provisoire de droit (Article R 1454-28 du code du travail) à laquelle sera assorti le présent jugement.

- Déboute les parties du supplément de leurs demandes.

- Laisse les dépens à la charge de SAS Manros thérapeutics et y compris en cas d'exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d'huissier (Article 696 du code de procédure civile).

***

Mme [P] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 09 janvier 2020.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 27 octobre 2022, Mme [P] demande à la cour de :

'- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Morlaix en ce qu'il a :

' débouté Madame [G] [P] de sa demande visant à faire condamner la SAS Manros Thérapeutics à lui payer 23 228,04 euros de rappel de salaire brut sur le fondement de la classification conventionnelle, ainsi que 2 322,80 euros au titre des congés payés afférents ;

' débouté Madame [G] [P] de sa demande visant à faire condamner la SAS Manros Thérapeutics à lui payer 3 254,73 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement ;

' débouté Madame [G] [P] de sa demande visant à faire condamner la SAS Manros Thérapeutics à lui payer 60 000,00 euros de dommages intérêts en réparation d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

' débouté Madame [G] [P] de sa demande visant à faire condamner la SAS Manros Thérapeutics à lui payer 15 000,00 pour non-respect des dispositions légales et réglementaires concernant le suivi du salarié sous forfait annuel en jours ;

' débouté Madame [G] [P] de sa demande visant à faire condamner la SAS Manros Thérapeutics à lui payer 15 000,00 euros de dommages-intérêts en raison d'une situation de harcèlement moral ;

' débouté Madame [G] [P] de sa demande visant à faire condamner la SAS Manros Thérapeutics à lui payer 3 500,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau;

Sur l'exécution du contrat de travail ;

- Sur le fondement des minima conventionnels de rémunération, condamner la Société Manros Thérapeutics à payer à Madame [G] [P]'15'198,66'euros de rappel de salaires, ainsi que'1'519,87'euros au titre des congés payés afférents ;

- Sur le fondement des heures supplémentaires, à titre principal, condamner la Société Manros Thérapeutics à payer à Madame [G] [P], 53'292,23'euros ainsi que 5'329,22'euros au titre des congés payés afférents ;

- Sur le fondement des heures supplémentaires, à titre subsidiaire, condamner la Société Manros Thérapeutics à payer à Madame [G] [P] 48'018,36'euros ainsi que 4'801,84'euros au titre des congés payés afférents ;

- En tout état de cause, en réparation du préjudice subi du fait d'une situation de harcèlement moral, condamner la Société Manros Thérapeutics à payer à Madame [G] [P] 15'000,00'euros à titre de dommages-intérêts ;

Sur'la'cessation'du'contrat de'travail';

- Condamner la Société Manros Thérapeutics à payer à Madame [G] [P] un complément d'indemnité de licenciement pour un montant de 1'966,26'euros ;

- Condamner la Société Manros Thérapeutics à payer à Madame [G] [P] l'indemnité de l'article L 8223-1 du code du travail pour un montant de 27'737,16'euros';

- A titre principal, condamner la Société Manros Thérapeutics à payer à Madame [G] [P] 55'000,00'euros'de dommages intérêts en raison d'un licenciement nul ;

- Subsidiairement, condamner la Société Manros Thérapeutics à payer à Madame [G] [P] 41'605,74'euros en raison d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- En tout état de cause, la condamner à payer la somme de 5'000,00'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l'instance d'appel ;

- Condamner l'intimée aux entiers dépens ;'

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 25 novembre 2022, la SAS Manros Thérapeutics demande à la cour de :

'- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 20 décembre 2019

- Débouter Madame [G] [P] de l'ensemble de ses demandes

- Dans l'hypothèse d'une condamnation au titre des heures supplémentaires, opérer une compensation avec les RTT devenues indues

- La condamner à verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.'

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 29 novembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 12 décembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail

Sur la classification conventionnelle

Mme [P] soutient que, suite à son embauche en tant que 'chercheur en chimie organique', sa classification à l'emploi de chimiste, groupe VI, niveau B, de son embauche jusqu'à la fin de la relation contractuelle, ne respecte pas les critères classants de la convention collective de l'industrie pharmaceutique. Elle fait valoir qu'elle était en effet chargée 'de la conception et de la synthèse des molécules', mais aussi 'de l'encadrement du travail de techniciens chimistes'; qu'elle assurait, depuis son embauche, la gestion et le bon fonctionnement du département 'chimie de synthèse'( dont l'activité principale est de concevoir des molécules nouvelles susceptibles d'être utilisées en pharmacie pour la mise au point de nouveaux médicaments), l'encadrement du service et la responsabilité de l'appareil IRM, en co-direction avec M. [E]; que l'organigramme du 31 décembre 2012 révèle qu'elle était alors déjà 'chef de projet'; que le 12 décembre 2013 elle a obtenu l'habilitation à diriger les recherches (HDR) c'est à dire à être directeur de thèse et qu'elle encadrait des étudiants de ce niveau ; qu'elle aurait donc dû être positionnée au groupe IX niveau B, qui commence à Bac +4 alors qu'elle avait un doctorat, plusieurs années avant la rupture de son contrat de travail. Elle précise qu'elle assumait des tâches d'une extrême complexité, en situation de grande autonomie, qu'elle devait en outre gérer des problèmes techniques (alarme sécurité et pannes de matériels divers) à répétition, et veillait encore scrupuleusement à faire des économies à l'entreprise en négociant avec les fournisseurs.

Elle réfute les calculs de la société Manros aboutissant à une absence de rappel de salaire dû, calculs effectués sur la base d'une période annuelle globale, alors que le respect des minima conventionnels doit être apprécié au mois le mois.

La société Manros Thérapeutics réplique que l'appelante sollicite à tort son repositionnement au niveau B groupe IX de la convention collective applicable en expliquant que celui-ci serait justifié, dès son embauche, par son niveau d'étude et l'évolution de ses responsabilités, et par le fait qu'elle aurait occupé les fonctions de responsable du service de chimie, alors que, embauchée en qualité de chercheur en chimie organique et à ce titre chargée de la conception, de la synthèse de molécules et de l'encadrement du travail des techniciens chimistes, elle intervenait dans un domaine complexe sur la base d'objectifs transmis au Professeur [E] et à elle-même par son directeur scientifique, le Docteur [Y], et encadrait à cette fin 2 à 3 techniciens dont la qualification lui était inférieure. Elle souligne que la question d'un éventuel repositionnement ne se pose même pas pour la période allant de son embauche à fin 2012 puisqu'elle ne produit aucune pièce couvrant cette période ; que pour ce qui est du repositionnement au groupe IX à compter de cette date, qu'il s'agisse du niveau B ou même A, elle ne satisfait pas aux exigences conventionnelles qui y sont attachées ; qu'elle travaillait en effet sous l'étroite supervision du Professeur [E] puis a continué de rapporter au Docteur [Y], non pas sur un simple plan formel parce qu'il était le président de la société, mais en sa qualité de directeur scientifique.

Subsidiairement, elle soutient que le repositionnement au groupe IX niveau B n'emporterait aucun rappel de salaire car la rémunération fixe mensuelle de la salariée était supérieure à ce niveau depuis au moins 2015 et les calculs de cette dernière manifestement entâchés d'erreurs.

***

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle supérieure dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il assure dans le cadre de ses fonctions, des tâches et des responsabilités relevant de la classification revendiquée.

En application de la convention collective applicable, le classement d'un salarié dans un groupe de classification dépend du type d'activité exercée (compétences requises) alors que le positionnement d'un salarié dans les niveaux de classification d'un groupe correspond principalement à différents stades d'évolution professionnelle du salarié dans l'exercice d'un même type de compétences (compétences acquises et mises en oeuvre dans la fonction).

Le positionnement du salarié dans le dernier niveau d'un groupe de classification ne constitue par une étape obligatoire préalable à son classement dans un groupe de classification supérieur.

Les groupes de classification I à VI correspondent à des groupes d'entrée dans la vie professionnelle.

La notion de salarié débutant dans la vie professionnelle correspond à la période d'adaptation à l'emploi, de mise en pratique des connaissances acquises et d'intégration à l'entreprise, nécessaire à des jeunes sortant de l'école pour leur permettre de tenir complètement l'emploi qui leur a été confié. Cette période de travail peut être effectuée au titre d'un ou plusieurs contrats de travail dans une ou plusieurs entreprises. Pour l'appréciation de celle-ci, les périodes de stages et les emplois salariés tenus pendant les périodes de vacances scolaires ne sont pas prises en compte.

Les salariés débutant dans la vie professionnelle, tels que définis ci-dessus, sont classés, dès leur embauche, dans le 1er niveau du groupe de classification correspondant au type de compétences pour lequel ils ont été recrutés.

Ils sont classés, à l'issue d'une période de pratique professionnelle effective maximale de 6 mois, pour les salariés classés dans les groupes de classification I et II, ou de 1 an pour les salariés classés dans le groupe III de classification, ou de 2 années pour les salariés classés dans les groupes de classification IV et VI, au niveau suivant du groupe de classification considéré.

En l'espèce, Mme [P] bénéficiait de la classification au groupe VI niveau B de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, correspondant aux critères classants suivants :

Groupe VI : Sont classés dans ce groupe les salariés dont les activités requièrent une qualification correspondant à un niveau d'expertise dans une technique et/ou impliquent la maîtrise de plusieurs techniques, ainsi que ceux qui exercent une responsabilité d'encadrement (direct et/ou indirect) sur des salariés des groupes I à V ou éventuellement VI.

Niveau A

Sont classés dans ce niveau les salariés engagés pour remplir des fonctions relevant du présent groupe et ayant acquis les connaissances requises pour exercer ces fonctions, mais ne possédant par l'expérience professionnelle et n'assumant pas encore des responsabilités leur permettant d'être classés dans le niveau B ci-après.

A l'issue d'une période de pratique professionnelle effective maximale de 2 années, ces salariés sont classés au niveau B ci-après.

Niveau B

Sont classés dans ce niveau les salariés dont les activités requièrent une qualification correspondant à un niveau d'expertise dans une technique et/ou impliquent la maîtrise de plusieurs techniques ainsi que ceux qui exercent une responsabilité d'encadrement (direct et/ou indirect) sur des salariés des groupes I à V :

- la vérification de la cohérence et de la compatibilité des informations sont nécessaires à la réalisation des travaux qui sont complexes et proviennent de sources différentes et variées. Mêmes nouveaux, les problèmes à traiter restent au niveau d'une ou plusieurs techniques mais requièrent un niveau d'expertise ;

- les travaux ont un impact significatif qui touche d'autres entités et/ou d'autres " fonctions " ;

- les directives sont générales et données dans le cadre de travaux ou de projets à court terme identifiant des objectifs et des résultats à atteindre ;

- le contrôle porte sur les étapes intermédiaires et sur la réalisation des objectifs ;

- les connaissances requises et mises en oeuvre dans l'exercice de ces activités se situent au minimum au niveau bac + 3. Elles peuvent être remplacées par une expérience professionnelle de niveau équivalent ou acquises par d'autres voies que celle des diplômes.

Niveau C

Ce niveau regroupe les salariés dont les activités correspondent à celles du niveau B du groupe VI et qui disposent, de par leur qualité d'expert, d'un niveau d'autonomie et d'initiative plus important et/ou ont des responsabilités plus grandes.

Exemple : travaux requérant du salarié des apports personnels significatifs sur le plan des méthodes, des moyens, des objectifs, notamment par une recherche spontanée d'informations complémentaires plus importante.

Exemple : responsabilité hiérarchique assumée par des agents d'encadrement sur des salariés du même groupe et supervision à ce titre du travail accompli par ces salariés.

Elle revendique la classification au groupe IX niveau B de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, qui correspond aux critères classants suivants :

Groupe IX Sont classés dans ce groupe les salariés dont les activités requièrent une qualification permettant l'étude et la résolution de problèmes complexes pouvant impliquer plusieurs domaines de compétences et requérant un niveau d'expertise reconnu dans l'entreprise ainsi que ceux qui sont chargés de proposer et de mettre en oeuvre des politiques, couvrant plusieurs disciplines, pour les entités qu'ils dirigent.

Niveau A

Sont classés dans ce groupe les salariés dont les activités requièrent une qualification permettant l'étude et la résolution de problèmes complexes pouvant impliquer plusieurs domaines de compétences et requérant un niveau d'expertise reconnu dans l'entreprise ainsi que ceux qui sont chargés de proposer et de mettre en oeuvre des politiques, couvrant plusieurs disciplines, pour les entités qu'ils dirigent :

- les activités sont caractérisées par un développement de solutions originales nécessitant une créativité du fait de leur complexité. Elles s'exercent sur un environnement incertain, la seule référence à des solutions antérieurement expérimentées ne suffisant plus ;

- les activités s'inscrivent dans le cadre de programmes à moyen et long terme; elles ont un impact déterminant sur plusieurs entités et/ou peuvent toucher l'ensemble de l'entreprise ;

- les salariés ont une responsabilité d'optimisation des moyens mis à leur disposition soit dans le cadre du programme qu'ils mettent en oeuvre, soit dans le cadre de l'organisation des entités qu'ils dirigent pour l'atteinte des objectifs;

- le contrôle se fait par rapport à des objectifs qui peuvent impliquer des actions dans plusieurs domaines, et par conséquent, nécessiter une coordination de celles-ci, dans le respect d'un budget couvrant plusieurs entités. A ce titre, les salariés participent à la définition d'objectifs, dans le cadre d'une politique sectorielle pour les entités qu'ils dirigent, et déterminent les objectifs intermédiaires aux responsables de ces entités et/ou à leurs collaborateurs ;

- les reconnaissances requises et mises en oeuvre dans l'exercice de ces activités se situent au minimum au niveau bac + 4. Elles peuvent être remplacées par une expérience professionnelle de niveau équivalent ou être acquises par d'autres voies que celle des diplômes.

Niveau B

Ce niveau regroupe les salariés dont les activités correspondent à celle du niveau A du groupe IX et qui disposent d'un niveau d'autonomie et d'initiative plus important et/ou ont des responsabilités plus grandes.

Exemple : l'impact de ces postes sur la marché de l'entreprise en termes de responsabilités socio-économiques (budget, chiffre d'affaires, effectif, gestion d'informations, gestion de projets...) est plus important qu'au niveau A.

Exemple : l'expertise du salarié est reconnue à l'extérieur de l'entreprise. Celui-ci peut être consulté, à ce titre, par d'autres experts de la communauté professionnelle.

N.B. : Sont exclues des concepts de moyen terme les opérations de recherche qui sont en effet effectuées, par nature, sur du long terme.

Mme [P] avait pour tâche essentielle de concevoir et synthétiser des molécules et d'encadrer le travail de techniciens chimistes. S'il ressort de l'organigramme qu'elle produit aux débats que la section chimie avait pour chef de projet M. [E], sous la direction scientifique duquel elle se trouvait et qu'elle-même était qualifiée de 'chercheur-chef de projet' de cette même section, elle n'établit pas que ses fonctions à ce titre aient excédé l'encadrement de techniciens, thésards et post-doctorants, que ce soit avant ou après le départ de M. [E]. Elle n'établit pas notamment qu'elle participait à la définition d'objectifs, dans le cadre d'une politique sectorielle. Les quelques pièces qu'elle produit relatives à un problème de fonctionnement de hotte, pour lequel elle est intervenue ponctuellement et qui ne relevait pas de sa compétence, ne démontrent pas qu'elle était chargée de ' la gestion et du bon fonctionnement du département chimie de synthèse'; elle ne démontre pas non plus qu'elle était chargée de la commande de matériel d'une importance significative (au-delà de petites fournitures nécessaires à l'accomplissement de ses tâches qui peuvent correspondre à l'attestation, sans aucune précision sur la nature des commandes, de la comptable qui atteste qu'elle négociait des commandes) ; quant aux problèmes techniques qu'elle a pu constater et que relate également la comptable, il ne ressort pas de l'attestation produite qu'il se soit agi d'autre chose que d'une remontée d'information, qui a fait, avec l'arrivée de M. [I] en qualité de DAF, l'objet d'une procédure plus formalisée.

Elle n'établit pas qu'elle avait, comme elle le soutient, la responsabilité de l'appareil IRM.

Mme [P] n'établit pas, ni même ne soutient, qu'elle aurait été chargée de proposer et de mettre en oeuvre des politiques, couvrant plusieurs disciplines, pour une entité qu'elle dirigerait.

Si les activités qui étaient les siennes requéraient une qualification permettant l'étude et la résolution de problèmes complexes, elle n'établit pas qu'elle pouvait impliquer plusieurs domaines de compétences. Le fait d'encadrer des étudiants en cours d'élaboration de leur thèse n'est pas un critère justifiant de ce seul fait la classification revendiquée par la salariée, qui ne justifie pas d'une expertise reconnue, en dehors des compétences attendues à son poste. Sur ce point, la prise de parti du Professeur [E], lui-même en vif conflit avec M. [Y], en faveur de Mme [P] dans une attestation, n'est pas utilement soutenue par des pièces objectives.

En conséquence, Mme [P] n'établit pas avoir exercé effectivement des fonctions justifiant la classification au niveau IX groupe B de la CCN de l'industrie pharmaceutique revendiquée. Elle doit être déboutée de cette demande et de sa demande de rappel de salaire sur ce fondement, par voie de confirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes relatives au temps de travail

Mme [P] fait valoir que la convention de forfait annuel en jours (218) prévue par l'avenant qu'elle a signé le 31 août 2019 est nulle, faute d'accord collectif ou d'entreprise prévoyant lors de sa conclusion une telle disposition en matière de décompte du temps de travail, et sans effet, l'employeur n'ayant pas respecté le contrôle annuel du temps et de la charge de travail, imposé par l'article L3121-65 du code du travail tel que résultant de la loi du 8 août 2016.

Elle conclut qu'elle peut en conséquence solliciter un rappel de salaires en application du droit commun de la durée du travail et prétendre, au vu des éléments qu'elle produit, à un rappel de salaire calculé sur la base d'une durée de travail de 45 heures hebdomadaires, qu'elle multiplie, à raison de 43,6 semaines par an, par 3 ans, correspondant à la période non prescrite.

Elle soutient que l'exécution d'un temps de travail très important était une situation connue de l'employeur, qui la provoquait et avait demandé à ce qu'il ne soit pas déclaré plus de 9 heures de travail par jour ; qu'il a sciemment fraudé le droit positif en lui demandant de souscrire à un forfait jours, manifestement inapplicable, ce qui révèle clairement son intention de dissimuler une partie de l'activité de sa salariée.

La société Manros ne conteste pas que la convention de forfait en jours appliquée à Mme [P] est effectivement nulle, pour les raisons invoquées par celle-ci, et ainsi qu'en a jugé le conseil de prud'hommes qui ne peut qu'être confirmé sur ce point.

Elle conteste par contre les prétentions de Mme [P] au titre du rappel de salaire, en faisant valoir qu'elle procède par voie d'extrapolation sur la base de feuilles de temps couvrant une période d'un an, soit de mars 2017 à février 2018 et en se fondant exclusivement sur deux attestations ne permettant en aucun cas d'établir la réalité des heures réclamées ; que, si elle convient bien volontiers que Mme [P], ayant libre accès aux locaux de l'entreprise, y était présente à sa guise, notamment parfois le week end, elle n'a jamais exigé d'efforts particuliers de sa part en matière d'heures de travail, étant précisé que l'envoi par le Docteur [Y], chercheur passionné, de mails en soirée ou le week end, ne signifait assurément pas qu'il attendait une réponse immédiate, et que si elle se rendait quelquefois le week end au laboratoire avec le Professeur [E] il s'agissait d'initiatives qui leur étaient personnelles et sans que leur vie privée n'eut à en souffrir. Elle conteste comme mensongère l'allégation selon laquelle la salariée aurait reçu l'instruction de ne pas faire figurer ses heures supplémentaires sur ses fiches de temps.

A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'une éventuelle condamnation ne pourrait porter que sur la période pour laquelle l'appelante apporte un décompte précis, et que l'employeur est fondé dans ce cas à déduire du quantum les jours de RTT dont elle a bénéficé en contrepartie du forfait en jours nul ; que ce montant est supérieur au rappel de salaire auquel elle pourrait prétendre.

Elle conteste l'intentionnalité d'une dissimulation d'heures qui auraient pu être effectuées par Mme [P].

***

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [P] produit à l'appui de ses demandes : des feuilles de temps pour la période de mars 2017 à février 2018, des attestations : de la comptable affirmant avoir constaté qu'elle terminait très tard ses journées et ne prenait que peu de temps à la pause déjeuner ; d'une ingénieure d'études en biologie indiquant que régulièrement, lorsqu'elle quittait son travail (vers 18h-18h30) Mme [P] était toujours dans son laboratoire ; de M. [E], qui affirme que Mme [P] travaillait environ 10 heures par jour et souvent plus, qu'il n'était pas rare qu'elle quitte l'entreprise après 21 heures et vienne le samedi et le dimanche après-midi.

Elle produit ainsi des éléments suffisamment précis qui peuvent être discutés par l'employeur.

L'employeur produit : un mail du 1 er septembre 2017 du Docteur [Y] intitulé 'note sur les heures supplémentaires et la fermeture du laboratoire le week-end', adressé à toute l'équipe, demandant au personnel de ne pas effectuer d'heures supplémentaires sans autorisation écrite de sa part, pour des raisons budgétaires inhérentes à la structure de l'entreprise (petite entreprise de biotechnologie) et rappelant que, pour des raisons de sécurité, l'accès au bâtiment n'est pas autorisé le week-end.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [P] a effectué, entre mars 2017 et février 2018, des heures supplémentaires non payées à hauteur de 12 153,44 euros bruts, desquels il convient de déduire les 14 jours de RTT effectivement pris par la salariée pendant cette période, soit 2902,76 euros. Il convient en conséquence de condamner l'employeur à payer à Mme [P] la somme de 9250,68 euros bruts, outre 925,06 euros bruts de congés payés afférents, par voie d'infirmation du jugement, et de débouter l'appelante du surplus de sa demande en paiement d'heures supplémentaires.

Sur le travail dissimulé

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait inopposable ou nulle, ni, en l'espèce, de la réalisation d'heures supplémentaires au regard de leur volume. Mme [P], qui ne caractérise aucune intention de l'employeur de dissimuler frauduleusement du temps de travail, doit être déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, par voie de confirmation du jugement.

Sur le harcèlement moral

Mme [P] critique le conseil de prud'hommes en ce qu'il a rejeté ses demandes fondées sur la reconnaissance d'une situation de harcèlement moral en jugeant qu'elle ne produisait aucun document de nature à laisser supposer l'existence de faits constitutifs d'un quelconque harcèlement, alors qu'il avait constaté que la salariée avait été confrontée à un management oppressant et extrêmement présent ; qu'il était dès lors évident que les éléments qui laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral étaient réunis.

La société Manros réplique que, si elle convient volontiers que le Dr [P] s'est effectivement plainte de harcèlement de la part de M. [Y] à l'occasion de l'entretien annuel de fin 2017, mais jamais auparavant, elle s'est, en tant qu'employeur, immédiatement saisie du sujet, et elle conteste l'interprétation ou l'instrumentalisation de propos ou situations auxquelles se livre la salariée. ***

En application de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L 1154-1 du code du travail il appartient au salarié de présenter les éléments de fait laissant présumer des agissements de harcèlement moral, au juge d'appréhender les faits dans leur ensemble et de rechercher s'ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge ensuite pour l'employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs.

Au titre du harcèlement moral, Mme [P] expose que :

-M.[Y] lui adressait des demandes pressantes, souvent inutilement réitérées; mais en dehors de pièces qui établissent que M. [Y] avait mis en place une procédure interne concernant la circulation des informations et des produits entre services, ce qui ressort de son pouvoir de direction, Mme [P] ne justifie que de trois demandes urgentes qu'il lui a adressées au cours de la relation de travail qui a duré plus de 8 ans : au travers d'un mail du 24 avril 2013 dans lequel elle se plaint d'avoir dû préparer de nombreux produits en urgence, et au travers d'un mail du 13 janvier 2017 de M. [Y] demandant une réponse 'aujourd'hui'. Il ressort cependant d'échanges ultérieurs du 14 janvier 2017 que, si Mme [P] indiquait avoir déjà répondu, la réponse ne correspondait pas à ce qui lui avait été demandé ; il en est de même d'échanges des 13 et 23 octobre 2017 qui font apparaître que M. [Y], qui avait formulé une demande urgente n'avait pas obtenu de prompte réponse, puis, sur rappel, pas de réponse correspondant entièrement à ce qu'il avait demandé et qui concernait un tableau de codage. La troisième demande, du 8 février 2017, concerne une simple impression de fiches ne demandant que quelques minutes. Ces quelques éléments, qui s'insèrent dans le quotidien des échanges au sein d'un laboratoire et correspondent à des urgences ponctuelles, ne permettent pas d'établir la matérialité des pressions inutiles et incessantes de la part de son supérieur hiérarchique dénoncées par la salariée ;

-M. [Y], président de la société, avait une tendance constante à la dévaloriser, plus particulièrement :

.l'a critiquée pour avoir produit une molécule de plus que prévu devant le Professeur [L] [O], cependant il résulte de l'échange de mails entre M. [Y] et M. [O] (lequel confie avoir noté une dynamique relationnelle particulière existant entre M. [E] et Mme [P], et précise qu' 'il faut que [K] et [G] suivent vraiment nos recommandations'') que l'intervention de M. [Y] était tout à fait à propos et que, si ce dernier n'a pas envoyé tout de suite à M. [O] le compte rendu fait par M. [E] et Mme [P], ce que lui reproche Mme [P], M. [E] et Mme [P] avaient également de leur côté été sollicités et relancés par M. [Y] postérieurement à la réunion (mails du 28 juin et 7 septembre 2016), les retards des uns et de l'autre ne révélant dans ces circonstances pas autre chose qu'un emploi du temps chargé;

.l'a désignée comme 'chercheuse en chimie' dans un document destiné au CIFRE, mais cela correspond effectivement à sa fonction, de la même manière qu'est indiqué sur son diplôme de doctorat, s'agissant de M. [Y], membre du jury, simplement 'directeur de recherche', sans autre titre, ce qui correspond également à la profession de celui-ci ;

.la tenait à l'écart des réunions scientifiques cependant elle ne fait état que d'une seule réunion, en date du 24 septembre 2017, correspondant à une erreur d'adresse mail puisqu'elle n'était pas concernée par le projet selon ce que lui indiquait M. [Y], ce qu'elle n'a pas contesté à réception, le même mail démontrant qu'elle était par contre invitée à une autre réunion ;

. a dit au cours d'un diner le 9 décembre 2016 qu'elle avait débuté sa thèse à un âge avancé et qu'ils avaient dû demander une dérogation pour l'inscrire en thèse, cependant il n'est pas contesté qu'il s'agit d'une donnée matériellement exacte et aucun élément objectif de contextualisation de la discussion ne permet de retenir que la mention ait pris place dans un échange désobligeant pour elle alors que la dispense n'a pu être obtenue que grâce à une démarche en ce sens de M. [Y] lui-même, qui l'a embauchée, témoignant d'une volonté de reconnaissance des mérites d'un scientifique quel que soit son âge et en dépit des obstacles administratifs liés à ce critère, comme il l'explique lui-même.

La dévalorisation invoquée n'est pas un élément de fait établi et doit être écartée;

-durant la relation de travail, l'employeur n'a pas hésité à instrumentaliser une procédure de médiation dans l'espoir d'en tirer parti contre elle, car il a pu écrire (Mme [P] se référant à la pièce 30 de la société Manros : commentaires de M. [Y] sur l'attestation de M. [E]) que la médiation 'aurait été mise en place pour tenter de faire comprendre à Mme [P] qu'elle devait accepter certaines contraintes techniques', alors qu'une médiation n'a pas pour objet de donner raison à une partie contre une autre mais de tenter un rapprochement de façon objective et impartiale, et que la situation a été gravement biaisée par le fait que l'un des deux co médiateurs avait été le conseil de l'intimée dans le cadre d'une instance prudhomale ce qu'elle ignorait; cependant, il ne peut qu'être constaté que ce qu'indique M. [Y] correspond simplement à son point de vue et à ce qu'il attendait de la médiation, mise en place à son initiative suite à l'accusation de harcèlement moral formulée par Mme [P] lors de son entretien annuel de 2017, Mme [P] ayant également ses propres point de vue et attentes par rapport à cette mesure, et que c'est à partir de deux points de vue opposés qu'une mesure de médiation par un tiers a pour objet, par nature, de tenter un rapprochement de façon objective et impartiale ; l'intimée précise que l'avocat intervenant comme médiateur n'était pas connu personnellement de M. [Y] et avait simplement substitué ponctuellement à la dernière minute l'avocat habituel de la société, ce qui n'est pas spécifiquement contesté et est confirmé par la pièce 42 de l'intimée de laquelle il ressort que Me [S], médiatrice inscrite au sein des médiateurs grand ouest et avocate, n'appartient pas du tout au cabinet ni au même barreau que Me Barbaud ; en tout état de cause, cette même pièce démontre que Mme [P] était libre du choix du médiateur qu'elle souhaitait. Aucun élément sérieux ne vient corroborer les accusations de la salariée liées à une prétendue instrumentalisation de la médiation mise en oeuvre par l'employeur durant la relation de travail ;

-en ce qui concerne les moyens mis à sa disposition, beaucoup lui étaient refusés, sans raison valable ; elle ne se réfère cependant concrètement qu'au refus de fourniture d'un logiciel chemdraw, et il ressort du reste des échanges entre M. [E] et M. [Y], et entre M. [Y] et Mme [P] (pièce 22 de la société) que les commandes de matériel pour les besoins de l'ensemble du laboratoire ne posaient pas de difficulté autre que les limites budgétaires, celles-ci pouvant justifier que la réparation à moindre coût puisse être le cas échéant privilégiée ;

s'agissant du logiciel Chemdraw, il résulte de l'attestation de M. [X] que produit Mme [P] que le principe d'acheter un nouveau logiciel avait été accepté mais que c'est le coût (25 000 euros) qui avait justifié le refus d'achat; elle ne justifie pas avoir personnellement présenté d'autre demande concernant cet outil et n'a jamais, avant le 7 mars 2018, fait état dans aucun mail ou courrier, de réelle difficulté à travailler avec le logiciel dont elle disposait, ce que M. [E], au vu de la pièce 22 précitée, n'aurait pas manqué de relayer durant la relation contractuelle, étant lui-même chimiste, ou dont il aurait pris l'initiative de solliciter l'obtention par le directeur dont il était l'associé ;

Le fait invoqué par la salariée n'est donc pas établi et doit être écarté ;

-elle conclut que l'ensemble de ce qui précède, y compris les demandes concernant la durée du travail et son positionnement dans une classification conventionnelle discutable, a participé à une dégradation de la relation de travail évidemment constitutive de harcèlement moral ; cependant la classification conventionnelle de Mme [P] était correcte au regard des critères classants de la convention collective applicable et, s'agissant du temps de travail, au regard de son autonomie et des particularités du profil professionnel du chercheur scientifique, l'organisation de son travail par la salariée n'est pas indicative d'une situation de harcèlement moral ;

-le certificat médical du Dr [A], médecin traitant de Mme [P] qui fait état d'un urticaire géant apparu le 23 juin 2016 donnant lieu à un prurit persistant qui a justifié une consultation spécialisée en dermatologie le 16 mars 2017, et en conclut qu' 'aucune cause médicale n' ayant été retrouvée, il est probable que le stress en soit la cause, la patiente ayant déclaré qu'elle était victime d'un harcèlement au travail', ne peut en conséquence, outre qu'il ne formule qu'une simple hypothèse, être mis en lien avec des éléments pouvant laisser supposer une situation de harcèlement moral dont la matérialité n'est pas établie.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur le licenciement

Mme [P] soutient que le licenciement qui lui a été notifié est nul en raison du harcèlement subi, nul car dans la lettre de licenciement il lui est reproché d'avoir dénoncé le harcèlement moral subi, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, comme l'ont dit les premiers juges, car l'employeur ne pouvait sanctionner sous couvert d'un motif d'insuffisance professionnelle des griefs ressortant de l'insubordination, non datés et imprécis, prescrits, non prouvés.

La société Manros rétorque que le licenciement n'est ni une nouvelle manifestation de harcèlement, qui n'existe pas, ni une mesure de rétorsion à la suite d'une plainte pour harcèlement, pas plus qu'une 'conséquence logique' de la prise de distance du Professeur [E] à l'égard de Manros à partir de septembre 2017, puisque le département chimie n'a pas cessé de fonctionner à compter de cette date, l'expertise du Docteur [P] étant au contraire plus que jamais nécessaire ; mais qu'il est bien fondé sur l'écart entre le positionnement adopté par le Docteur [P] au cours des derniers mois de sa collaboration(résitance passive incompatible avec les exigences de sa fonction, tout échange devenant prétexte à complications, contestations et interprétations) et les attentes légitimes, à l'égard de l'un de ses salariés, de la société qui, après avoir vainement tenté de restaurer un climat de travail efficace et serein en son sein, s'est résolue à tirer les conséquences du comportement adopté par le Docteur [P] au cours des derniers mois, considérant que celui-ci ne lui permettait plus de remplir de manière satisfaisante sa mission et entravait le bon fonctionnement de l'entreprise.

Elle indique cependant qu'elle n'entend pas remettre en cause le jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

***

L'article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

L'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié et qu'elle se rapporte à l'exécution de tâches relevant de sa qualification.

En application des articles L1152-2 et L1252-3 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral et toute rupture intervenue en méconnaissance des articles L1152-1 et L1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

L'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme [P] n'étant pas établie, le moyen tiré de la nullité du licenciement sur ce fondement doit être écarté, il en est de même de celui tiré de l'interprétation que fait l'appelante de la lettre de licenciement, de laquelle il ressort, nonobstant la maladresse dans la formulation, que le premier grief est une remise en cause de la direction et une difficulté à accepter le pouvoir de direction de l'employeur, et non la dénonciation d'un harcèlement moral.

S'agissant de l'insuffisance professionnelle alléguée, correspondant, selon les pièces qu'il produit aux débats, à une tenue matérielle du laboratoire laissant à désirer et à une incapacité à installer et gérer une base de données claire et complète des composés synthétisés et à organiser ces derniers en chimiothèque structurée, malgré les tentatives dans l'urgence de Mme [P] de faire un listing (incomplet et mal organisé) des composés dans les dernières semaines (pièces 39 et 16, mails du 3 et 28 janvier 2018 notamment), le nouveau chimiste recruté ayant dû passer en revue tous les composés en revue et réorganiser complètement chimiothèque et base de données, l'employeur, qui ne remet pas en cause l'appréciation des premiers juges sur ce point, n'entend pas s'en prévaloir en cause d'appel ;

S'agissant des autres griefs (réticence à répondre aux demandes de l'employeur, réponses incomplètes), les pièces produites aux débats révèlent que les faits sont en grande partie prescrits et la société ne soutient pas davantage en cause d'appel ce motif, ne s'attachant pas à la datation de faits non prescrits, il en est de même s'agissant de difficultés relationnelles (avec une thésarde et un technicien), très antérieures au licenciement, ainsi qu' avec la responsable administrative et financière, au sujet desquelles aucune pièce postérieure à juillet 2017 n'est produite.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [P].

En application de l'article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, Mme [P] peut prétendre à une indemnité correspondant au maximum à 9 mois de salaires.

En considération de son ancienneté de 9 ans, de sa perte d'un salaire mensuel moyen brut de 4622,86 euros et des éléments qu'elle produit pour justifier de son préjudice, ayant retouvé un poste d'enseignante(CDD) au salaire brut mensuel de 2820,79 euros) il convient de condamner la société Manros à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en infirmation du jugement sur le quantum retenu. Il doit par contre être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base de la reclassification conventionnelle dont elle a été déboutée.

Il est inéquitable de laisser à Mme [P] ses frais irrépétibles d'appel qui seront mis à la charge de la société intimée à hauteur de 2000 euros en sus de la somme allouée à ce titre pour la procédure de première instance. La société Mantros, qui succombe partiellement, sera également condamnée aux dépens d'appel, et le jugement entrepris confirmé en ses dispositions sur ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [G] [P] de toute demande de paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents et en ce qu'il a condamné la société Manros Therapeutics SAS à lui payer la somme de 21 983 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Le confirme en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la société Manros Therapeutics SAS à payer à Mme [G] [P] les sommes de :

-40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9250,68 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 925,06 euros bruts de congés payés afférents,

-2000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Déboute MmeNassima [P] du surplus de ses demandes,

Déboute la Société Manros Thérapeutics SAS de sa demande au titre de l'article 700 en procédure d'appel

Condamne la Société Manros Thérapeutics SAS aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00145
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;20.00145 ?
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