La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2023 | FRANCE | N°19/04316

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 09 mars 2023, 19/04316


4ème Chambre





ARRÊT N° 66





N° RG 19/04316



N° Portalis DBVL-V-B7D-P4OF





BD / JPC

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 MARS 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame

Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Madame Juliette SAUVEZ, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Rennes du 10 janvier 2023,



GREFFIER :



Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des...

4ème Chambre

ARRÊT N° 66

N° RG 19/04316

N° Portalis DBVL-V-B7D-P4OF

BD / JPC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Madame Juliette SAUVEZ, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Rennes du 10 janvier 2023,

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Janvier 2023, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre, entendue en son rapport et Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère, magistrats tenant seules l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [E] [Y]

né le 03 Janvier 1952 à [Localité 8] (44)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Yves ROULLEAUX, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Madame [W] [X] épouse [Y]

née le 12 Avril 1952 à [Localité 8] (44)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉES :

SA AXA FRANCE IARD

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]/FRANCE

Représentée par Me Céline GRAS de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

SMABTP

SAMCV, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ès qualités d'assureur responsabilité civile de la société CERTBAT

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Matthieu CAOUS-POCREAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

SARL CERTBAT EURO ETANCHE

prise en la personne de ses repésentants légaux domiciliés audit siège

placée en liquidation judiciaire par un jugement du 20 mai 2020

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu CAOUS-POCREAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Par ordonnance du 06/10/2020, le Conseiller de la Mise en Etat a constaté l'extinction partielle de l'instance entre les appelants et la société Certbat

Exposé du litige :

M. et Mme [Y] sont propriétaires d'une maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 3]. Suivant devis du 22 novembre 2007, ils ont confié à la société Certbat des travaux de réfection de l'étanchéité et de l'isolation des terrasses de leur maison, pour un montant de 27 403,86 euros TTC.

Cette société était assurée auprès de la SMABTP au titre de sa responsabilité civile professionnelle et de la société Axa France IARD au titre de sa responsabilité civile décennale.

Les travaux ont été entièrement réglés par M. et Mme [Y] le 5 juin 2008.

Courant 2010, ils ont constaté l'apparition d'infiltrations affectant les plafonds du séjour et de la buanderie de la maison.

Malgré les interventions de la société Certbat de nouvelles infiltrations sont apparues dans l'une des chambres à l'étage en 2012.

Après une expertise amiable réalisée en juillet 2013, la société Certbat est de nouveau intervenue afin de mettre fin aux désordres. Ses dernières interventions sont survenues en septembre 2014.

L'humidité persistant, M. et Mme [Y] ont fait assigner la société Certbat et son assureur la SMABTP par actes des 10 et 15 juin 2016 en référé expertise.

La SMABTP a fait assigner le 12 juillet suivant la société Axa France IARD, en qualité d'assureur décennal de la société aux fins de lui voir déclarer les opérations d'expertise communes et opposables. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 28 juillet 2016.

L'expert, M. [F], a déposé son rapport le 16 janvier 2017.

Par actes d'huissier en date des 29 septembre, 6 et 10 octobre 2017, les époux [Y] ont fait assigner la société Certbat, la SMABTP et la société Axa France IARD devant le tribunal de grande instance de Nantes en indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement en date du 2 avril 2019, le tribunal de grande instance de Nantes a :

- dit et jugé que M. et Mme [Y] n'apportent pas la preuve que les infiltrations qui affectent leur habitation proviennent des travaux réalisés en février 2008 par la société Certbat ;

- débouté les époux [Y] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société Certbat, la SMABTP et la société Axa France IARD ;

- condamné M. et Mme [Y] à payer à la société Certbat, à la SMABTP et à la société Axa France IARD, chacune, la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. et Mme [Y] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 juin 2019 en intimant la société Certbat et les sociétés SMABTP et AXA.

La société Certbat a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 20 mai 2020, désignant Me [Z] en qualité de liquidateur. Par ordonnance du 6 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a constaté l'extinction partielle de l'instance entre les appelants et la société Certbat.

Par un arrêt en date du 9 septembre 2021, la cour d'appel de Rennes a ordonné un complément d'expertise confié à M. [F] et sursis à statuer sur les autres demandes.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 28 juin 2022.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 30 novembre 2022, M. et Mme [Y], au visa des articles 1792 du code civil et L241-1 du code des assurances, demandent à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société Axa France IARD et la SMABTP, en leur qualité d'assureurs responsabilité décennale de la société Certbat, à leur payer la somme de 7 643,49 euros TTC, au titre de la reprise des désordres;

- dire que les sommes allouées seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis la date de l'assignation jusqu'à la date de l'arrêt ;

- condamner in solidum la société Axa France IARD et la SMABTP, en leur qualité d'assureurs responsabilité décennale de la société Certbat, à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnisation de leur préjudice de jouissance ;

- condamner in solidum la société Axa France IARD et la SMABTP, en leur qualité d'assureurs responsabilité décennale de la société Certbat, à leur payer la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner in solidum les sociétés Axa France IARD et SMABTP aux entiers dépens.

M et Mme [Y] font valoir que l'expert judiciaire lors de sa première expertise en 2017 avait constaté des traces d'infiltrations se manifestant en sous face de la toiture lesquelles étaient sèches, ce qui l'a conduit à considérer que les interventions en reprise de la société Certbat avaient permis de mettre fin aux désordres ; que cependant six mois après le dépôt du rapport en juillet 2017 le plafond du séjour a été le siège de nouvelles infiltrations dont la matérialité a été constatée par la société Arthex.

Ils soutiennent que ces constatations contredisent les conclusions de l'expert de même que celles de M. [B] en 2019  ; que s'il est exact que l'expert dans le cadre du complément d'expertise ordonné par la cour en 2021 n'a pu constater la matérialité des désordres du fait des travaux d'étanchéité réalisés en 2020, il a cependant été en mesure de constater que les traces au plafond étaient plus importantes que lors de sa première expertise et que ses conclusions de 2017 étaient erronées.

Ils font observer que les fissures en façade ne peuvent être à l'origine des infiltrations, puisqu'elles ont été reprises comme l'avait constaté l'expert lors de son premier rapport, de même que le puisard de captation des eaux pluviales et que M. [B] en 2019 avait procédé à l'arrosage des façades, sans conséquence sur le plafond. Ils relèvent que contrairement à ce que les intimées prétendent l'étanchéité des naissances d'eaux pluviales était incluse dans le marché de la société Certbat.

Les appelants considèrent que le rapport Arthex est corroboré par celui de M. [B], quant au défaut d'étanchéité des ouvrages réalisés par la société Certbat, que tous les professionnels ayant constaté les infiltrations concordent sur ce point, ce qui suffit à retenir sa responsabilité décennale, l'impropriété à destination de l'ouvrage étant caractérisée.

Ils font observer qu'il ne peut être considéré que les constatations de M. [B] se rapportent à un désordre survenu au delà du délai d'épreuve puisqu'il s'agit du même désordre que celui dénoncé dans ce délai, comme l'a relevé la cour dans son arrêt avant dire droit.

M et Mme [Y] demandent l'indemnisation du coût des travaux d'étanchéité réalisés en 2020 qui ont mis fin aux infiltrations soit 7643,49€TTC indexé sur l'indice BT01 et une somme de 5000€ en réparation de leur préjudice de jouissance indiquant s'être abstenus de recevoir famille et amis chez eux compte tenu de la dégradation du plafond et qu'en tout état de cause, ils subiront une gêne durant les travaux de reprise des embellissements.

Dans ses dernières conclusions déposées le 1er décembre 2022, la SMABTP au visa des articles 1240, 1792 et suivants du code civil, demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- débouter purement et simplement les époux [Y] de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société SMABTP, assureur responsabilité civile de la société Certbat ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que l'intervention de la SMABTP se ferait dans les limites de ses franchises contractuelles ;

- condamner, en cas de condamnation solidum, la société Axa à la garantir de toutes condamnations prononcées au titre des préjudices matériels et immatériels consécutifs ainsi qu'au titre des frais irrépétibles et des dépens;

En tout état de cause,

-condamner les époux [Y] à verser à la société SMABTP la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'assureur relève que l'expert lors de ses opérations initiales n'a jamais pu établir la matérialité du désordre en plafond du séjour, même après la mise en eau de la terrasse avec un colorant qui est le moyen le plus efficace d'objectiver des infiltrations ; qu'après inspection contradictoire de la toiture terrasse, il a constaté l'étanchéité du dispositif et la conformité aux règles de l'art des travaux exécutés et conclu que si de nouvelles infiltrations se produisaient elles ne seraient pas imputables à la société Certbat.

Il critique le rapport de la société Arthex qui n'a procédé à aucune investigation aboutie puisqu' ont été réalisés uniquement des mesures d'humidité et des constats visuels, de même que le rapport de M. [B] dont l'objectif affiché était de contredire l'expert.

La SMABTP fait observer que le complément d'expertise en 2022 a permis de savoir, ce que les appelants avaient tu pendant la procédure devant la cour, que des travaux avaient été faits, que notamment avait été reprise la naissance de la descente d'eaux pluviales dont l'expert avait noté le rôle prépondérant voire exclusif dans l'apparition des infiltrations en plafond et réalisée une boite à eau, de sorte que rien ne permet désormais de dire que ce ne sont pas ces seuls travaux qui ont permis de mettre fin au désordre. Elle conteste que le traitement de cette sortie d'eaux pluviales et de la descente ait été à la charge de la société Certbat et relève que les époux [Y] n'avaient jamais développé cette argumentation, que l'imputabilité du désordre aux travaux de la société Certbat n'est pas établie. Elle ajoute que les photographies annexées au rapport d'expertise initial montrent une absence totale de traitement de cette descente, ce que les maîtres d'ouvrage auraient nécessairement relevé à la fin des travaux alors qu'ils ont réglé la facture sans la moindre réserve ce qui entraîne une purge des défauts apparents.

A titre subsidiaire, la SMABTP estime qu'en l'absence de constatation par l'expert de la matérialité des désordres, l'expert n'a pu se prononcer sur le coût des reprises de sorte que la demande à hauteur de l'ensemble des travaux repris en 2020 n'est pas justifiée, que le préjudice de jouissance est manifestement surévalué.

S'il était considéré que les désordres sont avérés et de nature décennale, elle estime que l'indemnisation du préjudice matériel relève de la société AXA, assureur de la société Certbat à la date des travaux et qu'en cas de condamnation in solidum celle-ci devrait la garantir. Elle oppose ses franchises contractuelles concernant l'indemnisation du préjudice immatériel.

Dans ses dernières conclusions transmises le 2 décembre 2022, la société Axa France IARD au visa de l'article 1792 du code civil, demande à la cour de :

- débouter M. et Mme [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement dont appel ;

- la mettre hors de cause ;

- dire et juger qu'en tout état de cause, sa garantie ne pourra pas excéder les limites et conditions de la police ;

- rejeter toute autre demande qui serait dirigée à son encontre ;

-condamner M. et Mme [Y] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société AXA rejoint l'argumentation de la SMABTP quant à l'absence de preuve de la matérialité des désordres et en tout état de cause de leur imputabilité aux travaux de la société Certbat. Elle estime que si des désordres ont pu exister par le passé, ils ont été solutionnés par les interventions de la société Certbat comme l'avait conclu l'expert en 2017, après avoir réalisé la mise en eau de la terrasse à la demande du juge en charge du contrôle des expertises.

Elle relève notamment que les constatations de M. [B] sont intervenues en 2019 après l'expiration du délai d'épreuve, qu'à supposer que des désordres liés à une humidité, au demeurant très faible, aient été constatés en lien avec les travaux de la société Certbat, ils ne peuvent donner lieu à réparation. Elle remet également en cause sa méthodologie puisqu'il a procédé à une mise en eau de la terrasse sans utiliser de colorant et dès le lendemain a aspergé la façade sud, rendant ainsi la détermination de tout lien de causalité impossible. Elle fait observer que suite aux travaux réalisés par les maîtres d'ouvrage en 2020, il est toujours impossible de relier les désordres aux travaux de son assurée. Elle relève que le devis de la société Certbat est peu précis sur poste « naissance EP » et que les époux [Y] n'ont jamais discuté que la descente d'eaux pluviales n'était pas incluse dans le marché de l'entreprise.

L'assureur conteste la nature décennale du désordre faute d'impropriété à destination démontrée, laquelle avait été écartée par M. [F] dès 2017. Il conteste également qu'elle soit intervenue dans le délai de dix ans de la réception tacite. Il estime l'indemnisation demandée pour les travaux de reprise tout aussi discutable comme celle relative au préjudice de jouissance qui n'est pas établi.

Il relève de plus que s'il a été assureur de la société, le contrat a été résilié à effet du 1er janvier 2012, qu'aucune réception n'est établie et que le caractère décennal du désordre n'est pas démontré, ce qui empêche la mobilisation de sa garantie et qu'en tout état de cause, elle ne pourra l'être que dans les limites et conditions de la police.

L'instruction a été clôturée le 6 décembre 2022.

Motifs :

Sur la réalité des désordres :

Comme rappelé dans l'arrêt avant dire droit du 9 septembre 2021, les travaux de réfection de l'étanchéité et d'isolation des terrasses ont été achevés et facturés par la société Certbat le 30 avril 2008. S'ils n'ont pas donné lieu à une réception expresse, il ne fait pas débat que M et Mme [Y] en ont pris possession et les ont intégralement réglés le 5 juin 2008, sans avoir émis de critiques sur la qualité de leur réalisation, de sorte qu'ils sont réputés les avoir réceptionnés tacitement à cette date. Le délai d'épreuve a donc expiré le 5 juin 2018.

M et Mme [Y] recherchent la responsabilité de la société Certbat au titre de désordres récurrents depuis 2010 d'infiltrations sur le fondement de l'article 1792 du code civil lequel instaure à l'égard des constructeurs une responsabilité de plein droit des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou d'équipements le rendent impropre à sa destination, sauf à ce que le constructeur ne rapporte la preuve d'une cause étrangère exonératoire.

Ce texte implique de caractériser un lien d'imputabilité entre les travaux et le dommage.

En l'espèce, les pièces produites mettent en évidence que M et Mme [Y] ont dénoncé à compter de 2010 diverses infiltrations au plafond du séjour et de la buanderie, puis dans les chambres à l'étage. Ces désordres ont donné lieu à plusieurs expertises du cabinet Bailly-Dessagne désigné par l'assureur des appelants et, après investigations, à plusieurs interventions en reprise de la société Certbat jusqu'en septembre 2014.

Suite à la réapparition d'humidité dans le séjour et dans le placard de la chambre, constatée par le cabinet Bailly-Dessagne en janvier 2016, l'expert judiciaire désigné en juillet suivant, M. [F] dans son rapport du 16 janvier 2017 a précisé avoir constaté les traces d'anciennes infiltrations, mais qu'à la date de ses déplacements sur les lieux, les plafonds étaient totalement secs, notamment dans l'angle Nord-Ouest du séjour. Il a plus particulièrement constaté l'absence d'infiltrations dans cette partie de la pièce le 11 janvier 2017 suite à la mise en eau de la terrasse sur une hauteur de 5 à 6 cms pendant 48 heures, aucune trace de fluorescéine adjointe à l'eau n'étant apparue dans l'immeuble, ce qui l'a conduit à considérer que les travaux de reprise de la société Certbat étaient satisfaisants et que si des infiltrations réapparaissaient elles ne seraient pas imputables à cette société.

Le complément d'expertise ordonné au motif de la réapparition d'infiltrations et de ce que la mise en eau de la terrasse en janvier 2017 avait exclu la naissance d'eaux pluviales protégée à cette occasion par un batardeau a conduit à la découverte que l'étanchéité avait été refaite dès 2020 de sorte que les ouvrages réalisés par la société Certbat ont totalement disparu, ce qui a empêché tout constat de l'expert, à l'exception de traces d'humidité dans l'angle du plafond, importantes mais sèches, puisque M et Mme [Y] ont précisé que les travaux de 2020 ont solutionné le désordre.

Les maîtres d'ouvrage estiment que les deux rapports concordants de la société Arthex et de M. [B] suffisent néanmoins à caractériser l'imputabilité des infiltrations aux travaux effectués par la société Certbat .

A cet égard, la société Arthex, le 21 juin 2017, soit toujours dans le délai décennal, a opéré le constat, photographies à l'appui, d'un taux d'humidité important au plafond du séjour, ainsi qu'à l'étage dans le bas du placard et en partie basse du mur périphérique de la chambre 1. Elle a également précisé que les fissures et l'embouchure de la descente d'eaux pluviales avaient été reprises et étanchées, l'expert judiciaire ayant en janvier 2017 également fait cette remarque.

Elle n'a toutefois pas relevé la présence sur le plafond ou les murs de traces de fluorescéine (page 5) alors qu'elle a précisé (page 9) qu'une simple pression du pied sur les poches sous les lames bitumineuses de la terrasse faisait ressortir de l'eau de couleur verte utilisée par l'expert six mois plus tôt. Elle en a conclu que la mise en eau de la toiture lors de l'expertise judiciaire n'avait pas permis de mettre à jour l'origine des infiltrations et que l'absence de trace de marqueur au niveau de l'auréole du plafond indiquait que l'infiltration se situait hors de la partie mise en eau. Cette précision renvoie nécessairement à la partie de l'étanchéité protégée par l'expert judiciaire pour assurer la retenue d'eau, près de la naissance de l'évacuation des eaux pluviales.

M.[B] s'est déplacé sur les lieux les 5, 6 et 7 septembre 2019 et a confirmé dans l'angle du plafond du séjour une humidité moyenne entre 5 et 15%, l'absence de précipitations importantes ayant été signalée dans les mois précédents. Il a procédé à la mise en eau de la toiture terrasse en obturant l'évacuation d'eaux pluviales jusqu'à l'activation du trop plein sur la façade opposée à l'Est, obtenant une nappe d'eau de 3cm. Il a indiqué que deux heures après une infiltration s'est manifestée dans l'angle Nord-Ouest au droit de l'évacuation d'eaux pluviales générant de l'humidité dans le plafond du séjour et les doublages. Par ailleurs, l'aspersion par jet diffus en pied de façade Ouest de l'étage a mis en évidence un renforcement des traces en plafond du séjour, ce qui l'a conduit à mettre en cause la bande solin en pied de façade de l'étage.

Ces rapports n'ont pas été établis contradictoirement, situation qui ne justifie pas à elle-seule qu'ils ne soient pas examinés. Ils concordent en effet sur la persistance du désordre après l'expertise initiale de M. [F] comme sur l'existence d'un lien entre l'humidité récurrente plus particulièrement dans le séjour et les dispositifs d'étanchéité et notamment l'évacuation des eaux pluviales située dans l'angle de la terrasse au dessus. La rapidité de l'apparition de l'humidité sur le plafond et les murs du séjour ne laisse pas de doute sur ce dernier point même si la mise en eau n'a pas été accompagnée de l'adjonction d'un colorant.

Or, le devis de la société Certbat de 2008 incluait dans les travaux de réfection de l'étanchéité de quatre naissances d'eaux pluviales sans qu'il soit établi que celle située sur la terrasse litigieuse n'était pas concernée. La facture est par ailleurs conforme au devis sur ce point.

Les intimées ne peuvent donc prétendre que ces naissances étaient hors du marché de l'entreprise. Celui-ci ne faisait en revanche état d'aucune intervention sur la pénétration de la descente d'eaux pluviales dans la maçonnerie en façade (photos 9 et 17 du rapport d'expertise judiciaire du 16 janvier 2017) dont M. [F] avait relevé qu'elle devait être colmatée par un maçon et avait précisé à l'occasion de la mise en eau que le colmatage avait été effectué, sans critiquer la prestation accomplie. Seule la SMABTP dans un dire à l'expert du 15 mars 2022 a affirmé avoir appris que l'intervention sur cette descente avait été bricolée par un ami des maîtres d'ouvrage, indication qui n'a pas été confirmée par l'expert, ni autrement corroborée. Il n'est donc pas établi que cette descente après sa reprise participe de l'humidité constatée dans cette pièce dès juin 2017, ce que ne peut non plus démontrer la seule circonstance que cette pénétration a été modifiée lors des travaux en 2020 par la création d'une boite à eau, mise en évidence par les photographies jointes au complément d'expertise.

La rapport de M. [B] corrobore celui de la société Arthex. Ils suffisent à établir un lien d'imputabilité entre le dommage affectant le séjour et la chambre dénoncé dans le délai décennal et les travaux confiés à la société Certbat, dommage que cette dernière n'a pas solutionné durablement lors de ses différentes interventions en reprise. Sur ce point, il doit être relevé que le rapport du cabinet Bailly-Dessagne du 10 février 2016 avait précisé ( page 3) que l'étanchéité des bandes solines avait été reprise par le constructeur en 2014.

Aucune pièce ne démontre que les travaux présentaient à leur achèvement des défauts visibles pour un maître d'ouvrage profane, qui auraient dû être dénoncés sauf à être purgés par une réception tacite sans réserve.

La présence récurrente d'humidité dans un immeuble destiné à l'habitation, ce qui en affecte le clos, caractérise une impropriété à destination. Il s'en déduit que la responsabilité décennale de la société Certbat est engagée. Le jugement est infirmé sur ce point.

-Sur la garantie des assureurs :

Il n'est pas discuté que la société AXA France IARD était assureur de la société Certbat à la date de l'exécution des travaux en 2008. Les conditions particulières de la police qu'elle verse aux débats, souscrite à effet du 1er janvier 1995 au nom de M. [A] [D] ERO'ETANCH dont elle ne discute pas qu'elles concernent la société Certbat couvrent la garantie décennale de la société au titre des travaux d'étanchéité des toitures terrasses. Elle est donc tenue dans le cadre de la garantie obligatoire de l'indemnisation des travaux de reprise des désordres, sans pouvoir opposer aux tiers lésés les limites et franchises contractuelles.

M et Mme [Y] ne peuvent demander la condamnation de la SMABTP à les indemniser des dommages matériels in solidum avec la société AXA. En effet, aux termes du contrat produit, cette société n'a assuré la société Certbat en responsabilité décennale qu'à compter du 1er janvier 2012, postérieurement à la date d'exécution des travaux.

Elle ne peut être tenue, comme elle le rappelle dans ses écritures, qu'au titre des dommages immatériels assurés dans le cadre de la responsabilité civile et s'agissant d'une garantie facultative, elle est fondée à opposer ses limites et franchises contractuelles à M et Mme [Y].

La société AXA France IARD ne peut indemniser les préjudices immatériels subis par les maîtres d'ouvrage, son contrat ayant été résilié à effet du 31 décembre 2011 et cette garantie déclenchée par la réclamation datant de 2017 étant alors souscrite auprès de la SMABTP.

-Sur l'indemnisation de M et Mme [Y] :

M et Mme [Y] demandent une somme de 7643,49€ TTC.

Ils justifient de l'exécution des travaux de reprise de l'étanchéité de la toiture terrasse pour un montant de 5961,88€ TTC. Au regard de la dégradation superficielle de l'étanchéité relevée à certains endroits par l'expert, phénomène qui s'est poursuivi selon les photographies annexées aux rapports de la société Arthex et de M. [B], il n'est pas démontré que le traitement de l'origine des infiltrations pouvait être solutionné techniquement sans procéder à cette reprise intégrale. En revanche, il n'est pas démontré que les postes de travaux tels que la modification de l'évacuation d'eaux pluviales de la toiture-terrasse, la création d'une boite à eau et le changement de la couvertine présentent un lien direct avec le désordre. Ils doivent donc être déduits du montant des travaux de reprise. Ceux-ci représentent un montant de 5240,87€ TTC. Cette somme n'a pas à être indexée sur l'indice BT01 puisque les travaux ont été effectués.

Concernant les travaux de peinture ils représentent une somme de 1681,61€ TTC. Ils sont cohérents avec les dégradations occasionnés par les infiltrations. Cette somme sera indexée sur l'indice BT01 entre la date du devis du 5 septembre 2017 et la date de l'arrêt.

La somme de 6922,48€ sera mise à la charge de la société AXA France Iard.

S'agissant du trouble de jouissance, M et Mme [Y] prétendent que l'état du plafond dans le séjour les a empêchés de recevoir famille et amis depuis 2010, affirmation qui n'est corroborée par aucune pièce. Il demeure que pendant de nombreuses années, ils ont subi l'aspect dégradé de ce plafond et l'humidité dans le placard d'une chambre en affectant ne serait ce que ponctuellement l'utilisation. Les travaux de peinture entraîneront également une gêne, cependant limitée.

L'indemnisation de ce préjudice sera fixée à 1500€ qui sera supportée par la SMABTP.

-Sur les demandes annexes:

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont infirmées.

Les sociétés SMABTP et AXA France IARD seront condamnées in solidum à verser à M et Mme [Y] une indemnité de 6000€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, supportée à hauteur de 20% par la SMABTP et de 80% par la société AXA.

Elles seront également condamnées in solidum au paiement des dépens de première instance incluant l'expertise du 16 janvier 2017 et d'appel supportés entre elles comme les frais irrépétibles. En revanche, M et Mme [Y] conserveront la charge du complément d'expertise de 2022 qui s'est révélé inutile faute pour eux d'avoir précisé que les travaux de reprise avaient été réalisés. Les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Condamne la société AXA France IARD à verser à M et Mme [Y] la somme de 6922,48€ au titre de la reprise des désordres liées aux infiltrations dans le séjour et la chambre de l'étage,

Dit que cette somme dans la limite de 1681,61€ TTC sera indexée sur l'évolution de l'indice BT01 entre la date du devis du 5 septembre 2017 et la date de l'arrêt

Condamne la SMABTP à verser à M et Mme [Y] une indemnité de 1500€ au titre de leur préjudice de jouissance,

Déclare les franchises et limites contractuelles opposables par la SMABTP à M et Mme [Y],

Condamne in solidum la SMABTP et la société AXA France IARD à verser à M et Mme [Y] une indemnité de 6000€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, supportée entre elle à hauteur de 20% par la SMABTP et de 80% par la société AXA.

Condamne in solidum la SMABTP et la société AXA France IARD selon la même répartition entres elles que pour les frais irrépétibles, aux dépens de première instance comprenant les frais de l'expertise du 16 janvier 2017 et d'appel, à l'exclusion des frais du complément d'expertise demeurant à la charge des époux [Y], et recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/04316
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;19.04316 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award