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01/03/2023 | FRANCE | N°19/07954

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 01 mars 2023, 19/07954


5ème Chambre





ARRÊT N°-89



N° RG 19/07954 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QKB6













SCI LA TOUR DU CHESNE



C/



SAS WINDPARK

SELARL ALLIANCE MJ



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 MARS 2023





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,





G...

5ème Chambre

ARRÊT N°-89

N° RG 19/07954 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QKB6

SCI LA TOUR DU CHESNE

C/

SAS WINDPARK

SELARL ALLIANCE MJ

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Janvier 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SCI LA TOUR DU CHESNE prise en la personne de son gérant, agissant ès qualités et domicilié audit siège

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représentée par Me Cristina CORGAS de la SELARL CRISTINA CORGAS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

SAS WINDPARK SAS en liquidation judiciaire suite au jugement du tribunal de commerce de Lyon 18 juin 2018, représentée par son liquidateur la SELARL ALLIANCE MJ , représentée par Maître Marie DUBOIS

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jérôme HABOZIT de la SELARL ACO, Plaidant, avocat au barreau de LYON

SELARL ALLIANCE MJ liquidateur judiciaire de la SAS WINPARK, SELARL représentée par Maître Marie DUBOIS

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jérôme HABOZIT de la SELARL ACO, Plaidant, avocat au barreau de LYON

La SAS Windpark, créée le 9 avril 2014, avait pour objet la création et la gestion de parcs de loisirs, autour du concept d'Escape Game.

Le 23 juillet 2015, elle a signé un engagement de prendre à bail commercial un local sis [Adresse 1] à [Localité 12], appartenant à la SCI La Tour du Chesne, pour une entrée en jouissance au 1er octobre 2015 et comportant une convention de travaux à charge du bailleur pour la création d'un sanitaire aux normes PMR au rez-de-chaussée, la création d'une rampe extérieure d'accès aux PMR dans la cour intérieure et la mise en place d'un garde-corps dans l'escalier intérieur.

Par acte sous seing privé du 20 octobre 2015, la SCI La Tour du Chesne a donné à bail à la SAS Windpark le local pour 9 ans à compter du 1er novembre 2015 moyennant un loyer annuel hors taxes et charge charges de 32 500 euros. Le bail comportait une clause relative à des travaux à la charge du bailleur devant être effectués au plus tard le 30 novembre 2015.

Considérant que ces travaux n'étaient pas réalisés le 13 décembre 2015, la SAS Windpark a mis en demeure la SCI La Tour du Chesne de les achever et de lui remettre les attestations administratives afférentes avant le 31 décembre 2015.

La SAS Windpark a cessé de régler les loyers commerciaux à compter du 1er janvier 2016. La SCI La Tour du Chesne lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire le 18 avril 2016.

Par acte du 15 juin 2016, la SCI La Tour du Chesne a assigné la SAS Windpark devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes, lequel, par ordonnance du 22 septembre suivant, a constaté la résiliation de plein droit du bail commercial à compter du 18 mai 2016.

Faute de parvenir à une résolution amiable du litige existant entre les parties, par acte délivré le 26 décembre 2017 la SAS Windpark a fait assigner la SCI La Tour du Chesne devant le tribunal de grande instance de Rennes.

Par acte du 30 mai 2018, la SCI La Tour du Chesne a fait assigner la SAS Windpark devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, laquelle a été ordonnée par jugement du 19 juin 2018.

La Selarl Alliance MJ, représentée par maître [K] [U], désignée en qualité de liquidateur judiciaire, est intervenue volontairement à la présente procédure. Elle a notamment sollicité du tribunal de Rennes qu'il prononce la résolution du bail commercial, en raison du manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

Par jugement en date du 12 novembre 2019, le tribunal de Rennes a :

- reçu en son intervention volontaire la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Windpark,

- déclaré recevable l'action de la Selarl Alliance MJ, représentée par maître [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Windpark, en résolution du bail commercial,

- dit que la SCI La Tour du Chesne a manqué à son obligation de délivrance du bien sis [Adresse 1] à [Localité 12], objet du bail commercial du 20 octobre 2015 contracté avec la SAS Windpark,

- prononcé la résolution du bail commercial du 20 octobre 2015, aux torts exclusifs du bailleur, à compter du 20 octobre 2015,

- condamné la SCI La Tour du Chesne à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Windpark la somme de 21 579,49 euros en remboursement des sommes indûment versées par elle,

- condamné la SCI La Tour du Chesne à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Windpark la somme de 35 002,03 euros, à titre de dommages et intérêts pour les pertes subies,

- condamné la SCI La Tour du Chesne à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Windpark la somme de 110 989,90 euros, à titre de dommages et intérêts à titre de la perte de chance de percevoir des gains,

- débouté la SCI La Tour du Chesne de sa demande en compensation,

- condamné la SCI La Tour du Chesne à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Windpark la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI La Tour du Chesne Calvez, lesquels seront recouvrés par Me Gaëlle Calvez conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 10 décembre 2019, la SCI La Tour du Chesne a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 3 mars 2020, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre principal,

- dire et juger qu'elle a mis en 'uvre la clause résolutoire de bonne foi,

- dire et juger que l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail litigieux ont été opérées à la date du 18 mai 2016,

- dire et juger que l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Rennes du 22 septembre 2016 n'a fait que constater la résiliation de plein droit du bail,

- dire et juger que la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ, ne peut en conséquence solliciter la résolution d'un contrat déjà résilié,

- rejeter en conséquence l'ensemble de ses demandes, au surplus infondées,

A titre subsidiaire,

- si la cour jugeait toutefois opportun de statuer sur la demande de résolution du contrat, dire et juger que la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ, ne rapporte pas la preuve d'un manquement à son obligation de délivrance,

- dire et juger qu'elle a entrepris tous les travaux et diligences pour rendre accessibles les locaux aux personnes à mobilité réduite,

- dire et juger que la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ, ne rapporte pas la preuve de l'impossible ouverture de son commerce au public,

- rejeter en conséquence l'ensemble de ses demandes,

- dire et juger que les préjudices invoqués par la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ, ne sont absolument pas étayées par des pièces probantes et qu'ils reposent sur de simples allégations,

- dire et juger notamment que la demande de remboursement des loyers, charges et frais d'agence est infondée car reposant sur la rétroactivité de la

résolution d'un contrat qui a déjà été résilié,

- dire et juger que les sommes invoquées au titre des pertes subies ne sont

corroborées par aucune pièce qui justifierait de la réalité des dépenses et de leur lien avec le prétendu manquement de sa part,

- dire et juger que les sommes invoquées au titre du gain manqué reposent sur un simple prévisionnel dont le caractère réaliste n'est absolument pas démontré,

- rejeter en conséquence l'ensemble des demandes indemnitaires de la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ,

A titre reconventionnel,

- prononcer la résolution du bail aux torts de la société Windpark,

- dire et juger que la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ, est débitrice à son égard de la somme de 38 613,44 euros, correspondant à l'arriéré de loyers à la date d'acquisition de la clause résolutoire, les impôts, taxes, redevances et charges,

- si la cour venait à la condamner à une dette indemnitaire, ordonner la compensation entre cette dette et la créance qu'elle détient à l'égard de la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ,

En tout état de cause,

- rejeter toute prétention, fin et conclusion de la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ,

- condamner la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ, à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ, aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 12 juin 2020, la société Windpark, représentée par la Selarl Alliance MJ, demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes,

- débouter la SCI La Tour du Chesne de l'intégralité de ses prétentions et demandes,

- condamner la SCI La Tour du Chesne à lui payer ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Windpark, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI La Tour du Chesne aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître Gaelle Calvez, avocat sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la recevabilité de la demande de résolution du bail

La SCI La Tour du Chesne entend se prévaloir du principe selon lequel un bail dont la résiliation est acquise ne peut être à nouveau résilié et soutient qu'au regard de la clause résolutoire, la cour jugera que la résiliation de plein droit du bail a été opérée à la date du 18 mai 2016, de sorte que la locataire est irrecevable à solliciter la résolution d'un bail commercial déjà anéanti.

En réponse, la Selarl Alliance MJ rappelle que la constatation par le juge des référés de la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire, n'interdit pas au locataire de demander au fond la résolution du bail. Elle demande de dire parfaitement recevable sa demande en ce sens et de confirmer le jugement sur ce point.

De jurisprudence constante, l'ordonnance de référé constatant l'acquisition de la clause résolutoire n'a pas au principal, autorité de la chose jugée. Le premier juge, sur ce point, relève à raison que la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire par le juge des référés, n'interdit pas d'agir en résolution du bail.

Le juge ne peut constater l'acquisition de la clause résolutoire sans rechercher si la clause n'a pas été mise en 'uvre de mauvaise foi.

En l'espèce, la société Windpark s'était déjà opposée à la demande formée en ce sens devant le juge des référés en invoquant la mauvaise foi du bailleur et le manquement de ce dernier à son obligation de délivrance (cf pièce 21 de la SCI La Tour du Chesne).

La demande tendant à juger que la clause résolutoire est acquise au 18 mai 2016 n'est formée par la SCI La Tour du Chesne dans la présente procédure qu'à titre reconventionnel en réponse à la demande en résolution du bail formée par le preneur.

Au vu de ces éléments, la cour confirme le jugement qui déclare recevable l'action en résolution.

- sur la résolution du bail

La société appelante conteste tout manquement à son obligation de délivrance.

Elle rappelle avoir accepté de prendre à sa charge trois types de travaux : création d'un sanitaire personne à mobilité réduite, mise en place d'un garde-corps dans l'escalier intérieur, et mise en place d'une rampe PMR si une solution était trouvée avec l'architecte des bâtiments de France.

Elle note que les travaux relatifs au garde-corps ne font l'objet d'aucune discussion.

Elle soutient avoir réalisé le sanitaire qui a été réceptionné sans réserve le 30 novembre 2015, puis validé par les autorités de la mairie de [Localité 12].

S'agissant de la rampe d'accès, elle considère avoir respecté toutes ses obligations concernant les démarches administratives, qu'un refus motivé par l'impossibilité technique et le caractère protégé du secteur a été opposé, que ce refus a été consigné dans le bail, et qu'elle justifie d'une exonération du local aux règles d'accessibilité au public à mobilité réduite.

Elle affirme que la locataire savait être dans un secteur protégé, ne démontre pas avoir sollicité l'autorisation d'ouvrir son établissement au public et que l'exploitation et l'ouverture étaient tout à fait possibles si la société Windpark avait fait les démarches idoines.

Elle entend relever que contractuellement les parties ont stipulé l'absence de garantie par le bailleur quant à l'obtention des autorisations administratives éventuellement nécessaires à l'utilisation des locaux pour l'exercice de l'activité définie, et que 'le preneur fera son affaire personnelle de l'obtention, s'il a lieu, des autorisations administratives requises par la réglementation en vigueur en fonction de l'utilisation projetée des locaux'.

Elle conteste donc toute résolution du bail à ses torts.

Si cette résolution était prononcée, elle demande de la prononcer aux torts de la société Windpark qui a manqué à son obligation de payer les loyers et à l'interdiction de sous-louer les locaux.

La Selarl Allianz MJ fait valoir qu'au jour de la signature du bail le 20 octobre 2015, le local donné à bail n'était pas conforme aux normes administratives, de sorte que, de ce seul fait, l'obligation de délivrance de la bailleresse n'a pas été respectée.

Elle soutient que la SCI La Tour du Chesne ne rapporte pas la preuve des travaux d'accessibilité qui lui incombaient, qu'elle n'a déposé aucune demande de permis de construire, a commencé la réalisation des travaux d'aménagement des sanitaires PMR dans le local sans autorisation, n'a pas réalisé les travaux relatifs à la rampe d'accès dans la cour intérieure, ni même suivi les préconisations transmises par l'architecte des bâtiments de France, qu'elle ne devait pas obtenir une autorisation de dérogation à l'accessibilité des lieux, mais proposer une solution pour la réalisation de cette rampe d'accès différente de celle refusée par la ville de [Localité 12].

Elle affirme que c'est précisément en raison des manquements de la bailleresse à ses obligations légales et contractuelles d'effectuer les travaux conformément au bail, que la locataire ne pouvait ouvrir au public son établissement, rappelant que seul le propriétaire du local destiné à recevoir du public peut déposer une demande de permis de construire et obtenir une attestation de conformité.

Elle indique qu'elle ne pouvait prendre le risque d'une interdiction d'exploiter, qu'il ne peut donc lui être reproché de n'avoir pas exercer son activité compte tenu de l'absence de conformité du local aux normes administratives.

Elle sollicite la confirmation du jugement qui prononce la résolution du bail aux torts de la SCI La Tour du Chesne, pour manquement à son obligation de délivrance, et ce, dès l'origine.

S'agissant de la demande tendant à prononcer la résolution du bail aux torts de la société Windpark, présentée pour la première fois en cause d'appel, elle estime celle-ci irrecevable mais conclut au terme de son dispositif au débouté de l'ensemble des demandes formées par la SCI la Tour du Chesne.

L'article 1719 du code civil met à la charge du bailleur une obligation de délivrer la chose louée et de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

En l'espèce, les locaux appartenant à la SCI La Tour du Chesne ont été donnés à bail commercial à la société Windpark en vue d'y exercer une activité de Escape Game telle que définie dans son le cadre de son objet social. Cet objet aux termes de ses statuts est : la création et la gestion de parcs de loisirs ainsi que toutes activités et formations y relatives.

Une telle activité suppose, comme très justement relevé par le premier juge, que les lieux soient ouverts au public.

Aux termes d'un engagement à prendre à bail signé entre les parties le 23 juillet 2015, énumérant diverses conditions du bail et les parties ont prévu une convention de travaux en ces termes :

Le bailleur s'est engagé à prendre à sa charge exclusive les travaux suivants:

- création d'un sanitaire PMR au rez-de-chaussée,

- création d'une rampe extérieure d'accès PMR dans la cour intérieure privative,

- mise en place d'un garde-corps dans l'escalier intérieur.

Les parties ajoutaient que si cet engagement était accepté par le bailleur, les parties s'obligeaient à signer le bail commercial au plus tard le 25 septembre 2015.

Le bail a été signé le 20 octobre 2015. Il comporte la convention de travaux suivante :

Le bailleur s'engage à prendre à sa charge exclusive les travaux suivants qui devront être effectués pour le 30 novembre 2015 :

- création d'un sanitaire PMR au rez-de-chaussée,

- mise en place d'un garde-corps dans l'escalier intérieur.

Il est précisé qu'une déclaration préalable a été déposée en date du 5/08/15 par le bailleur concernant l'aménagement d'une rampe PMR dans la cour privative, à ce jour, un refus a été signifié au bailleur par l'architecte des bâtiments de France. Le preneur déclare avoir pris connaissance de ce refus annexé aux présentes.

Si toutefois une solution était trouvée par le bailleur avec les architectes des bâtiments de France, la mise en place de cette rampe resterait à sa charge exclusive.

Le bailleur ne peut, sans justifier avoir satisfait à sa propre obligation de délivrance, arguer de l'absence de garantie de sa part de l'obtention des autorisations administratives en raison de l'activité du preneur, la réalisation des travaux mis à sa charge étant un préalable aux autorisations administratives devant être requises.

Les parties ne discutent pas l'exécution par le bailleur de son engagement s'agissant des travaux relatifs au garde-corps.

En ce qui concerne la création du sanitaire PMR, la SCI La Tour du Chesne ne démontre pas avoir satisfait à son obligation pour le 30 novembre 2015 conformément à ses engagements contractuels.

En effet, elle produit un procès-verbal de réception de travaux du 30 novembre 2015 visant des travaux de plomberie-électricité par une entreprise BJ 35. Ce seul document ne permet pas de déterminer la nature des travaux de plomberie réalisés.

Si elle verse aux débats une facture du même jour portant sur la création d'un WC handicapé émanant d'une société de plomberie (mentionnant un site internet www. beji.fr), sise [Adresse 6] à [Localité 11], il est justement relevé par l'intimée que la société BJ 35 avait son siège social [Adresse 2] à [Localité 10], avant de le fixer en 2017 au [Adresse 6] à [Localité 11] (cf publication au Bodacc d'une modification de son siège le 22 septembre 2017), de sorte que la facture produite, datée de 2015 n'a pu être établie à cette date et n'est donc nullement opérante.

Il en est de même d'une attestation d'un témoin indiquant le 20 décembre 2019 qu'un sanitaire PMR existe dans les locaux.

Par ailleurs, la SCI La Tour du Chesne ne conteste pas que de tels travaux nécessitaient une demande de permis de construire pour une modification du cloisonnement intérieur ; elle indique avoir présenté cette demande le 5 janvier 2016 et que ce permis lui a été accordé le 15 mars 2016. Outre

qu'aucun descriptif des travaux objet de cette demande n'est joint, il est constaté, en tout état de cause, que ces démarches, si elles concernent la création du sanitaire, sont tardives.

De toute évidence, le bailleur a donc, sur ce point, manqué à son obligation à ce titre.

S'agissant de la création de la rampe d'accès, les parties avaient convenu le 23 juillet 2015 d'un engagement du bailleur à ce titre, mais ne l'ont pas repris dans le bail, compte tenu des premières démarches engagées par le bailleur ayant donné lieu à un arrêté d'opposition de la mairie du 21 septembre 2015 ; elles ont prévu uniquement que si une solution était trouvée par le bailleur avec l'architecte des Bâtiments de France, ces travaux seraient à la charge exclusive de la SCI La Tour du Chesne.

L'architecte des Bâtiments de France relevait dans un courrier du 18 décembre 2015, en réponse à une demande du bailleur en date du 22 octobre 2015 de dérogation aux règles d'accessibilité, qu'il convenait d'étudier tout autre dispositif ou mesure compensatoire pour solutionner l'adaptabilité aux lieux concernés, sous réserve des autorisations administratives requises pour un projet correspondant. Il expliquait ainsi que la pose d'une main courante, d'une rampe amovible, un travail sur les contrastes de couleurs ou encore la mise en place de repères sensoriels sont des exemples de mesures à interroger.

La SCI la Tour du Chesne verse aux débats une demande déposée le 5 avril 2016 de dérogation au titre de l'accessibilité en application de l'article

R 111-19-10 du code de la construction et de l'habitation.

À juste titre, la Selarl Allianz MJ observe que cette demande n'est accompagnée d'aucune fiche détaillée permettant de déterminer sur quel élément porte la demande de dérogation.

Cette demande a fait l'objet d'une décharge délivrée par la mairie le 12 avril 2016, laquelle mentionne qu'elle ne préjuge en aucune façon la recevabilité de la demande.

La SCI la Tour du Chesne ne peut donc se prévaloir de cette décharge, pour affirmer avoir obtenu une exonération du local aux règles d'accessibilité au public à mobilité réduite, ce qu'au demeurant elle ne démontre pas.

Cette seule démarche ne lui permet pas de démontrer qu'elle a utilement cherché une solution pour régler les problèmes d'accessibilité des locaux aux personnes à mobilité réduite, dont elle n'ignorait pas qu'ils étaient essentiels pour permettre une exploitation du local loué par le preneur.

La SCI La Tour du Chesne a donc failli à son obligation de délivrance ; ce manquement n'a pas permis l'exploitation des locaux conformément à leur destination ; il présente donc un caractère de gravité justifiant à lui seul la résolution du bail aux seuls torts du bailleur dès l'origine, de sorte que tout manquement de preneur à des obligations prévues au bail sont inopérants.

La cour confirme le jugement sur ces points.

- sur les préjudices

La SCI La Tour du Chesne s'oppose aux demandes en paiement.

Elle considère que les loyers sont dûs, et précise que les honoraires payés à la société Kermarrec Entreprise en contrepartie de ses services ne peuvent être recherchés qu'auprès de celle-ci.

Elle fait valoir qu'à défaut de produire sa comptabilité et ses factures, la société Windpark ne justifie pas des pertes alléguées, soutient que sa demande relative à un gain manqué n'est pas étayée et est purement hypothétique. Pas davantage, selon elle, le preneur ne peut invoquer une perte de chance, qui n'existe que si elle est réelle et sérieuse, ce qui, selon elle, n'est nullement caractérisé. Sur ce point, elle relève l'absence d'investissements et soutient que toute chance de réaliser un quelconque chiffre d'affaires est inexistante.

À titre subsidiaire, si de quelconques sommes étaient allouées à la société Windpark, elle demande la compensation avec la créance de loyers de

38 613,44 euros.

La société Windpark conclut à la confirmation du jugement qui lui alloue les sommes de :

- 21 579,49 euros au titre des sommes indûment versées par elle,

- 35 002,03 euros à titre de dommages et intérêts pour les pertes subies,

- 110 989,90 euros à titre de perte de chance de percevoir des gains.

* sur l'indu

Le bail étant résolu avec effet rétroactif, toute somme payée à la SCI La Tour du Chesne au titre de cette convention, doit être restituée à la société Windpark.

Il en est ainsi :

- des loyers, charges et taxes foncières versés pour la période du 1er novembre 2015 au 31 décembre 2015 soit 6 563,49 euros,

- du montant du dépôt de garantie de 5 416 euros.

S'agissant des sommes versées à titre d'honoraires à la société Kermarrec Entreprise, les éléments du dossier établissent que cette société a été chargée par la société Windpark d'un mandat de recherche de locaux appropriés à son activité. C'est à ce titre, et selon facture du mandataire au nom du mandant que ses honoraires ont été payés.

La société Windpark n'est pas fondée, au titre d'une répétition d'indu à réclamer paiement d'une telle somme à la SCI la Tour du Chesne.

La cour infirme le jugement sur ce point et condamne la SCI La Tour du Chesne au paiement d'une somme de 11 979,49 euros.

* sur les pertes

L'expert comptable de la société Windpark atteste que cette société a engagé des dépenses d'un montant total de 54 734,69 euros dans le cadre de son projet d'ouverture d'un établissement à [Localité 12].

Le détail de cette somme comprend :

- des frais de personnel pour 3 253,50 euros correspondant à une paie de novembre 2015 avec charges patronales et indemnité de licenciement,

- des frais d'électricité pour 108,38 euros,

- des honoraires pour 6 000 euros (expert-comptable), 1 577,50 euros et 300 euros (avocats),

- des frais de développement pour 32 283,19 euros,

- une facture Fotolia 2015 pour 147 euros, et une facture Le Mike 2016 de 358,65 euros,

- des services bancaires pour 669,31 euros,

- des frais liés au prêt bancaire pour 2 061,21 euros,

- le dépôt de garantie de 5 416 euros.

Au regard de la condamnation précédente, le premier juge a justement considéré que cette demande ne pouvait inclure le montant du dépôt de garantie et les loyers et charges (ces derniers étant inclus dans les frais de développement). Il en est de même en tout état de cause des honoraires versés à l'entreprise Kermarrec mentionnés dans ces frais. La société Winkpark admet d'ailleurs ces retranchements.

La société Windpark produit devant la cour le compte 604100 'frais de développement escape game [Localité 12]'extrait des comptes de la société Windpark, mais aussi le contrat de travail et le bulletin de salaire de son employée, le procès-verbal de conciliation signé avec celle-ci devant le conseil des prud'hommes, ainsi que de nombreuses factures afférentes aux frais de développements énumérés.

Au vu de ces éléments qui attestent de la réalité des éléments comptables mentionnés par l'expert-comptable, la cour confirme le jugement condamnant le bailleur au paiement d'une somme de 35 002,03 euros à ce titre.

- sur la perte de gains

Si l'expert comptable de la société Windpark a procédé à une estimation de la perte de marge prévisionnelle sur 12 mois d'exploitation d'octobre 2015 au 30 septembre 2016 (arrêtée à 158 557 euros), les parties conviennent en tout état de cause que seule une perte de chance peut être alléguée à ce titre.

L'évaluation des gains opérée par l'expert comptable, se base sur un chiffre d'affaires prévisionnel de 44 715 euros pour la période d'octobre 2015 à décembre 2015 et de 153 741 euros pour la période de janvier 2016 à septembre 2016 ; ces éléments sont corroborés par une attestation de la caisse du crédit mutuel selon laquelle un accord de financement de 40 000 euros a été accordé pour la création d'une activité escape game [Adresse 1] à [Localité 12] par la société Windpark, en fonction d'un prévisionnel transmis faisant apparaître pour l'année 2015-2016 un chiffre d'affaire de 204 289 euros.

L'estimation de perte de marge prévisionnelle sur la première année calculée par l'expert-comptable est retenue par la cour.

S'agissant de la perte de chance de réaliser ces gains, la société Windpark établit certes un engouement pour ce type d'activité dans l'agglomération rennaise (cf un article de presse de novembre 2019 révélant l'existence de plus d'une dizaine d'établissement offrant cette activité), quand en 2014, n'existait sur la ville de [Localité 12] qu'une seule salle.

Ce seul élément ne peut toutefois suffire à caractériser une importante perte de chance de réaliser ces gains, dont l'effectivité dépend de nombreux autres facteurs (investissements de l'entreprise en matériels, compétence professionnelle de l'exploitant..).

La cour estime excessive, au regard des seuls éléments produits par la société Windpark, l'évaluation de la perte de chance de réaliser de tels gains, telle que retenue par le tribunal et fixe celle-ci à 35%.

En conséquence, la cour infirme le jugement et condamne le bailleur à payer à la Selarl Alliance MJ, ès-qualités, la somme de 55 494,95 euros de ce chef.

- sur la compensation

Compte tenu des développements précédents, aucun loyer ne peut être revendiqué par le bailleur. La demande de compensation n'est pas fondée et la cour confirme le jugement qui la rejette.

- sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement sur ce point sont confirmées. Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la SCI La Tour du Chesne supportera les dépens, distraits au profit de Me Gaëlle Calvez, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui a :

- condamné la SCI La Tour du Chesne à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Windpark la somme de 21 579,49 euros en remboursement des sommes indûment versées par elle,

- condamné la SCI La Tour du Chesne à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Windpark la somme de 110 989,90 euros, à titre de dommages et intérêts à titre de la perte de chance de percevoir des gains ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Condamne la SCI La Tour du Chesne à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Windpark la somme de 11 979,49 euros en remboursement des sommes indûment versées par elle, de euros, à titre de dommages et intérêts pour les pertes subies ;

Condamne la SCI La Tour du Chesne à payer à la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Windpark la somme de 55 494,95 euros, à titre de dommages et intérêts à titre de la perte de chance de percevoir des gains ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI La Tour du Chesne aux dépens d'appel, distraits au profit de Me Gaëlle Calvez, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/07954
Date de la décision : 01/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-01;19.07954 ?
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